Racisme et discriminations, début 2023, en France

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) publie chaque année un rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Celui concernant l’année 2022 vient d’être publié.

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Le « Lancement du rapport 2022 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie » vient d’avoir lieu. Il traduit des constances et aussi des signes de changement.

Son travail, loin des sondages et de leurs « mille personnes interrogées » sous la pression de l’actualité voulue par des directions politiques et/ou patronales, permet un champ d’observation moins soumis aux « commandes », que les chaînes « d’information ».

Des observations sont réalisées pendant une année, discutées et présentées avec rigueur. D’où l’utilité de pouvoir s’y référer [1].

Après les déchainements contre les immigrations durant l’année 2022, les résultats de ces observations étaient attendus.

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Que disent les observations précises ?
Sur une échelle de 0 à 100, « l’indice de tolérance » aux « différences » s’établissait en novembre 2022, à 64, soit 13 points de plus qu’en 2013 ; mais 2 points de moins qu’en mars-avril 2022. Cette légère baisse, traduit « une définition plus dure de ce qu’est la tolérance », mais n’inverse pas l’évolution de long terme [2]. Cette publication a eu lieu avant les jours de soulèvements des jeunes de banlieues populaires ; raison de plus pour en connaître les analyses.

Au titre des éléments inquiétants du rapport, il faut noter la montée des préjugés et stéréotypes discriminants à l’égard des rroms, alors qu’une progression de la tolérance des Français·es à leur égard était notée depuis une dizaine d’années [3]. La CNCDH y a consacré une étude particulière.

De même, « de très nombreuses victimes d’actes racistes ne portent pas plainte », alors que, comme rappelle le Président de la CNCDH, Jean-Marie Burguburu, « Ce sont des délits. Ce ne sont pas des comportements d’incivilité. Parfois, ce sont même des crimes » [4].

Toutefois, les continuités nous feraient courir le risque principal : ne pas voir les véritables inflexions. Ce rapport souligne un fait décisif pour toutes les campagnes antiracistes. « Si le racisme le plus cru, à fondement biologique, fonctionnant sur la conviction qu’il existe des races supérieures à d’autres, est loin de disparaître dans le débat public, il est en net recul dans l’opinion ». « Il est associé à un sentiment de culpabilité et s’entoure de justifications », commente Nona Mayer, politologue.

Pour lutter, savoir ce qui est porteur !
Comprendre cette apparente contradiction des observations sociales est indispensable ! Elle doit être connue et reconnue comme une mine pour les mobilisations : argumenter contre de mauvais raisonnements, c’est bien différent que de se heurter à un tsunami de volonté identitaire. Ce fait se redouble d’un autre : 90% des descendants des immigré·es du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne déclarent « se sentir français » [5].

Les campagnes politiques antiracistes se vivent souvent comme « le dos au mur », alors que les éléments pour être offensifs existent. Cessons donc de voir au travers des lunettes de la défaite quand la majorité de la population ressent les rapports humains comme nous.

Résumons. Nous sortons d’une année électorale (2022) marquée par des discours prompts à faire de l’étranger·ère, de l’immigré·e, ou de leurs descendant·es, la cause de tous les maux. Elle a été suivie de plusieurs mois où la gauche parlementaire s’est assez largement tenue en retrait des mobilisations devant les lois Darmanin contre l’immigration.

Malgré cette offensive de nos ennemis, et cette mollesse de celles et ceux qui sont supposé·es agir avec nous, le fait remarquable dans les données 2022, par rapport à 2021, c’est une baisse marquée pour chacune des trois catégories de faits de racisme (antisémites, antimusulmans, autres faits racistes et xénophobes). Globalement la baisse est de 23% : on passe de 2128 faits à 1636.

Elle se décline, par importance décroissante : de 25% pour les faits antisémites à 24% pour les « autres faits » et de 12% pour les faits antimusulmans. Rappelons que 2021, – avec un total de 2128 faits -, représentait un pic absolu depuis le début de ces enregistrements en 1992.

Il est intéressant alors, en sautant l’année 2020 exceptionnelle en raison des confinements, de se référer à l’année 2019. Entre 2019 et 2022, la baisse globale est de 17%.

Les expressions redoublées de l’islamophobie n’ont pas eu autant d’effets que redouté. Ce fait même montre pourquoi les pitres dangereux de l’extrême-droite – en train de digérer Ciotti et les autres tristes sires de ce remugle de pétainisme – multiplient les « coups médiatiques » et les « Déclarations solennelles » avec l’aide de leur Bolloré tutélaire.

Toutefois, pour nos ennemis du courant fasciste, l’espoir qu’ils veulent exploiter autant qu’ils le peuvent, le fait notable, est ici une singularité : face à des baisses de 35% pour les faits antisémites [6], et de 11% pour les « autres faits », on enregistre dans cette comparaison avec 2019, une hausse de 22% des faits antimusulmans.

Ce phénomène est à mettre en relation avec celui, déjà signalé dans le rapport 2020 de la CNCDH, de la hausse significative de 52% (comparée à 2019) des faits antimusulmans, dans un contexte général de diminution des faits de racisme.

Percevons bien les forces et les risques. Le rejet des discriminations racistes peut parfaitement s’accompagner d’une progression du racisme systémique à l’encontre « des musulmans ». On peut y voir l’impact de la propagande fascisante contre « le grand remplacement ». On peut aussi y délimiter une activité culturelle et politique indispensable : combattre les préjugés – de gauche comme de droite – au sujet des résident·es en France originaires des ex-colonies. Personne ne saurait ici nier une « islamophobie », même si « depuis 2019, malgré la polarisation des débats autour de l’islam et de la laïcité sur les réseaux sociaux, la tolérance à l’égard des pratiques de l’islam a augmenté » (page 191).

Il faut, sans doute expliquer d’où vient le préjugé qui les définit comme « les musulmans » : il ne s’agit pas d’une observation immédiate et réelle, mais de toute une tradition commune à la droite française (colonialiste et impérialiste) et à une certaine social-démocratie [7] aussi.

Comment combattre des préjugés sans argumentation sur leurs origines ?

La mise au ban de la « nationalité » française, pour les « natif·ves » des ex-colonies, au nom d’un universalisme très colonialiste, peut être cité. De même que le refus de les inclure dans le droit du sol en 1889 (cela était réservé aux populations d’origine européenne…). Puis « naturellement » leur exclusion du droit à la Loi de 1905. Cela laisse des traces, de lourdes habitudes de pensée, de misérables calculs de tactique électoraliste.

Qui a produit « l’islamophobie », historiquement, depuis la fin du 19e siècle ?

Souvenirs, souvenirs ! Il faudrait dénoncer leurs façons de vivre assez solidaires dans leur « communauté » : du « séparatisme » vraiment ?

Les grognements vieux colonialistes, ou la vie !
Une fausse opposition, à remettre en cause : il ne peut suffire de la dénoncer intellectuellement. Il faut en examiner les effets [8].

Quelqu’un se risquera-t-il à faire une enquête sur le gâchis humain – et sans doute économique – pour un seul fait : le refus de procéder par bilinguisme pour que les « immigré·es » apprennent le français, à tout le moins depuis les années 1960, alors que plusieurs millions de personnes d’origine arabe ou berbère sont venues en France ?

Ont-ils/elles été traité·es autrement que comme de la « main d’œuvre coloniale » à domicile dans l’hexagone ? Dans des « bidonvilles », encore en 1968…

Faut-il rappeler de quand date la découverte par les « pouvoirs publics » d’un ajustement culturel nécessaire ? Alors que tout le monde sait qu’il aurait fallu humaniser les relations et parier sur un « co-développement », mondialement.

Ces personnes qui « gouvernent », la classe dirigeante dans ses variantes politiques (sic !) auront mis combien d’années pour lire une évidence ?

Cela était inscrit, avec les précisions nécessaires, au terme du tour de France de AC le feu en 2005 ; et en termes voisins lors de la marche de 1984, partie des Minguettes pour protester contre les assassinats de jeunes maghrébins.

En fait, l’École a joué tant bien que mal une fonction de cohésion : elle a été et reste l’un des principaux dispositifs sociaux qui produisent un barrage contre le racisme.

Toutefois Nicolas Sarkozy a décidé en 2008 de s’en prendre à cette institution en mettant en cause le statut et le salaire des enseignants, « ne pas remplacer un enseignant fonctionnaire sur deux partant à la retraite », puis à vouloir traiter les cités « au karcher » [9].

Toute cette offensive politique, sur la durée, a commencé à séparer les types d’élèves. Combien de familles font le « choix » du privé « pour ne pas être pénalisées par la présence de gens culturellement trop fragiles » ?

Une forme du racisme systémique, en fait, avec les contrôles policiers au faciès et le cloisonnement des statuts qui remplacent le chômage en inventant d’autres noms.

Mais, quelle est la proportion de non originaires de la France (immigrés et descendants d’immigrés) parmi les 11 millions de travailleur·euses précarisée·es ?

Une offensive réactionnaire et élitiste, multiforme afin de remodeler les rapports sociaux, est à l’œuvre. Elle est donc d’autant plus difficile à démêler.

Une « mise en condition », à combattre
Dans les écoles tout particulièrement, tirant partie de violences de personnes se présentant comme fondamentalistes islamiques, une offensive idéologique a lieu, depuis la loi de 2004. L’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, a redoublé les émotions.

Des sondages récents (commandés par le Comité national d’action laïque et la Fondation Jean-Jaurès) et la publication du rapport du CNCDH, nous exposent deux versions sociologiques différentes, qui valent qu’on s’y arrête.

Nous disposons de deux séries de « données ».

Une série courante, celle de multiples sondages, dont récemment celui de l’IFOP pour le Comité national d’action laïque et celui pour la Fondation Jean-Jaurès.

Ceux-ci mettent en valeur, « une forme de contestation au nom de la religion » ou une « forme de contestation au nom de la religion dans sa classe ». Ces données oscillent entre des définitions différentes de la laïcité. Selon ces enquêtes, 43% définissent la laïcité comme « la neutralité de l’État par rapport aux religions et aux partis politiques », avec le souci de l’imposer en cours et dans la tenue comme une disciple « nationale ».

Rejeter réglementairement, débattre et convaincre… Cela s’opposerait ?

Si la laïcité est « la garantie par la République de la liberté de conscience de chacun », elle devrait ouvrir un champ de discussions, d’échanges et d’une compréhension ; elle appelle un engagement des enseignant·es dans cette activité, qui n’était pas la politique du ministre Jean-Michel Blanquer.

Cette confusion entre « laïcité » et rejet des signes d’attachements religieux amène à des inquiétudes politiquement instrumentalisées : « 48% des enseignants disent s’être déjà auto-censurés dans l’enseignement de la laïcité » dans le sondage pour la Fondation Jean-Jaurès cité par Jean-Louis Auduc pour qui les sondages « alarmistes » au sujet de la laïcité traduisent l’ignorance des règles de l’Education nationale [10].

Demandons-nous si cette technique de « sondage » par téléphone dans un échantillon, sans échanges en vis-à-vis avec les enquêté·es, traduit « l’air du temps » ou des avis réfléchis et précis. Des techniques peuvent avoir des résultats très négatifs, quand les questions sont de l’ordre de l’analyse plus que de l’opinion rapide.

Les enquêtes et le rapport du CNCDH réalisé durant l’année 2022, apportent des « données » différentes. Nous avons affaire à une série constituée par le CNCDH qui, tous les ans, montre des continuités et des évolutions. Certes, les questions ne sont pas formulées de la même façon, avec autour d’autres questions, avec un « échantillon » massif [11] : 77 514 enseignants du premier degré et 2 381 directeurs d’école ont reçu un questionnaire en ligne. 27,4% ont répondu. Soit environ 16 000 personnes. 10% d’entre eux ont fait état d’insultes dont 4,8% d’insultes à caractère raciste, antisémites ou xénophobes, soit 0,5%.

Parmi les collégien·nes, 21 600 ont été invité·es à remplir un questionnaire en ligne ou papier, pour un taux de réponse de 73,9%. Parmi les 42,7% qui ont fait état d’insultes, les motifs évoqués sont, pour 18,9% l’apparence physique, pour 4,4% l’origine ou la couleur de peau et pour 0,1% la religion.

Ce débat, alimenté par le rapport 2022 du CNCDH, met en évidence comment le combat politique pour une laïcité respectueuse des croyances et des spiritualités ne peut être séparé des questions du racisme.

On comprend bien comment les sondages « alarmistes » au sujet de la laïcité traduisent l’ignorance du rôle et des objectifs de la laïcité dans l’Éducation nationale, que la droite a manipulée depuis 2004. Une telle dérive amène de l’eau au moulin des pseudos « laïques » du parti Reconquête ou de CNews, qui jugent « la religion musulmane incompatible avec la République ».

Des objectifs et une proposition pour rassembler
Plusieurs domaines d’activité ont une grande dynamique et peuvent converger. Le rapport de la CNCDH fait une proposition à la hauteur de la situation. Parmi ses demandes est inscrit qu’il espère aussi la tenue d’une convention citoyenne sur les migrations ; une demande soutenue par plus de 80 associations, 70 personnalités et 400 chercheurs.

Chacun pourrait craindre de cautionner les ennemis racistes et souvent fascistes. On entend déjà la presse Zemmour-Bolloré, offensive et relayée par les députés RN et LR : « vous voyez bien que vous reconnaissez qu’il y a un problème avec les migrant·es et les migrations ! »

Il faut donc simplement, entendre ce que dit cette proposition : refonder une démocratie suppose de dépasser la fausse défense d’une institution en crise. Pour l’assumer, les forces sont immenses, qui veulent une révolution démocratique dans ce pays et chez beaucoup de voisins.

Oui, contre les ennemis des libertés qui prétendent gouverner, l’heure est à une « révolution démocratique ». Une convention citoyenne sur les migrations la ferait apparaître comme une évidence.

Énumérons.

Cette Convention citoyenne ne pourrait pas avoir un minimum de crédibilité si un examen des pratiques policières n’en faisait pas partie. Elle mobiliserait de nombreux apports.

Comprendre les différences, connaitre les passés. Combien d’historiens faudrait-il citer [12], qui auraient un rôle actif dans cette « convention » ?

Nous savons bien que les discussions au sujet de la domination coloniale ont un rôle à tenir dans cette bataille culturelle et politique. Pour citer un travail trop peu connu et pourtant décisif, Peo Hansen et Stefan Jonsson ont démontré dans leur livre (Eurafrique, La Découverte, 2022) comment F. Mitterrand et Guy Mollet ont agi comme stratèges pour une France dirigeant son Empire grâce au cadre de l’Europe (CEE) dans les années 1950. Voilà qui met en lumière une part sombre de la 4e République et des débuts de la 5e jusqu’à 1968.

Rappelons aussi l’ouvrage dirigé par Olivier Le Cour Grandmaison et Omar Slaouti (Racismes de France, La Découverte, 2020). Cela nous ramène à son article à la mémoire de Nahel, tué à Nanterre par la police le 27 juin 2023 [13]. Et combien d’auteurs s’y joindraient avec dynamisme, d’Annie Ernaux à Eric Vuillard… et Le Clézio.

Cela appelle aussi, évidemment une discussion au sujet des discriminations sociales construites dans ce pays. Elles sont connues, diffusées mais si peu discutées [14].

Il faut y percevoir une certaine résignation devant une situation où les forces politiques de la gauche se sont contentées d’attendre une mobilisation sociale, une sorte de Deus ex-machina, en se concentrant sur le rôle populiste – ou tribunicien – dans la sphère professionnelle de l’électoralisme. Toutefois, les six mois d’unité intersyndicale de rejet unitaire de la contre-réforme des retraites sont passées par là.

Cela fait un bon terreau pour que tous les courants de ces gauches et de ces syndicats remettent en cause les injustices insupportables.

Le RSA – qui remplace depuis 2009 le RMI – est conçu pour ne pas dépasser 62% du revenu minimal (smic), avec un bonus en fonction du nombre éventuel d’enfants [15]. Globalement, la part des étrangers non communautaires dans les bénéficiaires du RMI, puis du RSA, n’a pas varié, autour de 13% des allocataires (à la fin de décembre 2015, on comptait en métropole 232 000 étrangers non communautaires parmi les 1 709 000 bénéficiaires du RSA socle). Ce n’est pas leur présence qui provoque ce fait, inacceptable dans une démocratie : 4 à 5 millions de personnes survivant au-dessous du seuil de pauvreté.

Mettre en œuvre une politique de correction des situations sociales et politiques, préciser comment changer la police, tels seraient les buts immédiats de cette Convention sur les migrations.

Nous ferions apparaître ce qui fait une unité démocratique : les principes de la Déclaration de Philadelphie (1944), avec sa dimension de démocratie, voire d’autogestion dans le cadre des entreprises qui énonce que « le travail n’est pas une marchandise » [16]. Nous rappellerions le texte de la Constitution depuis 1946 (Préambule) : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».

Et Zemmour comme ses complices proclameraient leurs mensonges répétés. Par exemple, ils affirmeraient que « 90% de jeunes de banlieue sont originaires du Maghreb ou d’Afrique ». Zemmour l’a affirmé le 10 décembre 2021. Et il serait démontré que lui et ses semblables mentent. De même, au sujet des « coûts exorbitants » du droit aux soins médicaux pour les migrant·es. Des débats d’endiguement, insuffisants mais pas inutiles [17].

Nous aurions l’occasion de faire entendre deux réalités, différentes mais appelant réflexion, l’une comme l’autre. Faire la vérité sur les connaissances chiffrées des immigrations, comme François Héran [18] et Patrick Simon l’ont entrepris, depuis des années. Mettre en évidence, au vu de cette présence d’immigré·es si « raisonnable » [19], le réalisme des revendications du collectif « Contre l’immigration jetable » [20].

Une véritable convention citoyenne…
Pour consolider une telle refondation de la démocratie, une double démarche serait sans doute nécessaire, que des « réalistes » auront tendance à reporter à « plus tard », Deux démarches qui sont dans la même logique : faire disparaître ce qui a constitué les discriminations de « deux questions nationales ».

D’une part, reprendre tous les plans de « réhabilitation » des territoires, examiner leur état et en réaffirmer les projets utiles sous réserve que leur mise en œuvre soit sous le contrôle des associations et des élu·es directement concerné·es [21].

D’autre part, une réaffirmation du « droit du sol ». C’est à la République de définir qui doit avoir les droits de voter et de pouvoir être élu·e. Il s’agit de réaffirmer un principe politique et citoyen par le fait que les résident·es d’origine extérieure à l’UE, au bout de quelques années de vie sur place (à définir) font partie de la communauté, en partagent les droits et les devoirs.

Il s’agit d’une volonté politique, partagée par la population afin qu’elle puisse se traduire par un vote des députés à l’Assemblée [22]. Pour établir ces droits politiques pour les résident·es, il n’y a pas besoin d’une réforme constitutionnelle. L’article 3 de la Constitution le prévoit. Une majorité simple à l’Assemblée suffit. Refonder une démocratie et combattre le racisme ne se séparent pas.

Les questions à remettre dans le débat politique dans un pays où plus de 50% de la population n’a pas pris part aux élections législatives de 2022, mobilisent en réalité le plus grand nombre, pas seulement l’immense peuple militant mais aussi le plus grand nombre, celles et ceux qui se vivent comme « les gens de la moyenne ».

L’ampleur d’une proposition de Convention collective le montre [23].

Pour ne pas rester tronquée et productrice de faux espoirs, elle devrait s’entourer de garanties, ce qui incite à rappeler l’expérience de l’Association Sciences citoyennes : créer des espaces de discussion ouverts et en même temps chargés de véritables responsabilités. On imagine les 100 ou 150 volontaires, tiré·es au sort pour réfléchir, parents vivant dans des « banlieues pauvres » : « exprimez les décisions qui vous semblent ». On imagine aussi les 100 ou 150 personnes, tiré·es au sort pour dire ce qu’elles pensent du RSA et de leur rapport à de possibles emplois. De ces domaines apparemment simples, où il faudrait en priorité que soit exprimée la situation par les intéressé·es au lieu de « ressortir » et « toiletter » les rapports empilés depuis au moins vingt ans. À côté, n’allons pas craindre le mutisme pour un groupe d’une convention qui disposerait de quelques mois ; il ressortirait des réponses fortes sur le travail, la formation, la culture et la religion.

Même si la procédure, pas du tout habituelle, aurait des défauts, elle serait bénéfique. La démocratie, ce sont les femmes et es hommes, de tous âges, qui vivent dans un territoire commun et font ou acceptent des règles du vivre en commun.

Et, fort justement, le rapport de la CNCDH montre bien les risques et les potentialités. Une république est à refaire.

Pierre Cours-Salies – 10 juillet 2023

[1] – Le rapport s’accompagne de 12 recommandations prioritaires (p.19 à 21). Il y est d’ailleurs souligné le souci de « Renforcer la formation des magistrats ». De manière générale, la CNCDH continue à s’interroger sur le nombre de magistrats réellement formés à la thématique du contentieux raciste dans sa complexité, en incluant entre autres le droit de la presse, même si elle prend note du renforcement de la formation en la matière (p.89) Pendant deux ans, à cause de la pandémie, il n’a pas été possible d’enquêter en face-à-face au domicile des personnes interrogées. Aucune enquête n’a été réalisée en 2020 et les deux enquêtes ont été réalisées en ligne et avec retard, l’une en janvier 2021 pour le Rapport 2020, l’autre en mars-avril 2022 pour le Rapport 2022. Voir CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2020, Paris, La Documentation française, 2021 et CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2021, Paris, La Documentation française, 2022. Cette année-ci, le chapitre « Le regard des chercheurs » (p. 139- 200) s’appuie sur les données du sondage réalisé en face-à-face par l’institut Ipsos du 15 au 29 novembre 2022, auprès d’un échantillon national de 1214 personnes représentatif de la population adulte résidant en France métropolitaine
[2] – Vincent Tiberj : « Tout démontre qu’il y a du racisme dans la police », 
Mediapart, 4 juillet 2023.
[3] – Il est à noter que 55% des Français·es jugent que ce seraient les Roms eux-mêmes à ne pas vouloir s’intégrer dans la société, contre 50% l’an dernier.
 https://www.romeurope.org/rapport-cncdh-2023/
[4] – « 1,2 million de personnes seraient victimes chaque année d’au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe », note le rapport. Face à ce chiffre, la réponse judiciaire parait dérisoire. En 2021, il n’y a eu condamnation que dans 1 382 infractions à caractère raciste. « Toutefois, souligne-t-il, il demeure qu’une large majorité des victimes ignorent leurs droits ou sont réticentes à porter plainte, et que les magistrats ne sont pas assez formés au contentieux raciste, particulièrement technique (difficultés procédurales, emploi des qualifications juridiques adéquates, etc.) ».
[5] – Trajectoires et origines, enquête de l’Institut national d’études démographiques. 
https://www.histoire-immigration.fr/agenda/2016-03/trajectoires-et-origines-des-descendants-d-immigres-integration-sociale-et selon le dernier baromètre des discriminations du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), 91% des personnes noires en France déclarent être victimes de racisme, https://histoirecoloniale.net/En-20
[6] – Une précision ici s’impose : « les faits d’antisémitisme ne peuvent que partiellement justifier la qualification de fait antireligieux ; la vision qu’ont les auteurs de la qualité de « juif » renvoie souvent plus à une perception fantasmée de leur place dans la société qu’à la mise en cause d’une pratique religieuse. (…) On notera (…) des « croix gammées dépourvues de tout élément contextuel ciblant spécifiquement la communauté juive », que « dans ce cas de figure, ces symboles sont considérés par le service comme recouvrant une idéologie discriminatoire, raciste et xénophobe générale » (p.32).
[7] – Rappelons que Jaurès a toujours été en minorité dans ce courant social-démocrate qui se réclame de lui : pour le droit du sol appliqué aux habitants de l’Algérie et contre la mise à l’écart des « musulmans d’Algérie ». Colonialisme, racisme et droits politiques. Notes à l’occasion de la sortie du film, Tirailleurs (
https://ensemble-mouvement.com/colonialisme-racisme-droits-politiques)
[8] – Pierre Cours-Salies Une fabrique pour deux questions nationales… samedi 9 février 2019, • Les Possibles Numéro 19 – Hiver 2019.
[9] – 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2010/09/01/qu-a-fait-nicolas-sarkozy-pour-l-ecole_1405281_3224.html
[10] – Jean-Louis Auduc : Laïcité. Que de trahisons on commet en ton nom ! (p.118 – 122). éd. Rue de Seine, 148 p.
[11] – 1.1.1.3.2. Les remontées de l’application « Faits établissements » Rapport CNCDH 2023, pages 79 à 84
[12] – Des travaux jalonnent ce chantier : Gérard Noiriel, Le Creuset français. Histoire de l’immigration (XIXe – XXe siècle), Paris, Seuil, coll. « L’Univers Historique », 1988 ; réédité en coll. « Points-histoire », Paris, Seuil, 1992. Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Folio, 2005. La France et ses étrangers. L’aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à nos jours, 1991 ; nouvelle édition refondue, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2005, 579p.] Fanny Gallot, Michèle Zancarini-Fournel, Pascal Blanchard, Michelle Riot-Sarcey, Michèle Perrot, Madelaine Rebérioux, Patrick Boucheron… Parmi les forces par avance mobilisées pour cette opération de prises de conscience, citons les livres sur Bordeaux colonial, sur Marseille, Nantes, Soissons, Rouen, édités par Syllepse
[13] – Les gauches, les immigré·es, les réfugié·es et les racisé·es : mythologie et réalités  
https://blogs.mediapart.fr/o-le-cour-grandmaison/blog/220623/origines-et-mutations-de-la-xenophobie-d-etat-sur-le-cas-francais
[14] – Pierre Cours-Salies Une fabrique pour deux questions nationales. Dossier   Des migrations et discriminations aux Gilets jaunes Revue Les Possibles, ATTAC, Numéro 19 – Hiver 2019
[15] –
https://img.lemde.fr/2016/09/27/0/0/534/787/664/0/75/0/615a4da_14612-emispi.png
[16] – Dans cette option de socialisation au moins partielle de la richesse produite trouve sa source la Sécurité sociale et ses prolongements d’actualité comme Sécurité sociale professionnelle ou Nouveau Statut du Travail salarié (NSTS).
[17] – VISA | Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascites 
visa-isa.org
[18] – François Héran, Le Temps des immigrés. Essai sur le destin de la population française. Paris : Seuil, 112p. 2007. Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression, La Découverte, 2021. Edition la Découverte François Héran, Avec l’immigration Mesurer, débattre, agir, La Découverte, 2017. François Héran – Immigration, le grand déni, Seuil, 2023. Patrick Simon, L’arbre du racisme et la forêt des discriminations ; dans, Nacira Guénif-Souilamas (dir.) La république mise à nu par son immigration, La Fabrique Éditions, 2006. Patrick Simon Pour une République multiculturelle. Textuel, 2015.
[19] – Au premier janvier 2022, il y a selon l’INSEE près de 7 millions d’immigrés en France, sur 67,6 millions d’habitants, soit 10,3% de la population (4,5 millions d’étrangers et 2,5 millions de personnes ayant acquis la nationalité française après leur migration).
[20] – 8 juin 2023 – Communique du collectif « Uni.es contre l’immigration jetable. Pour une politique migratoire d’accueil » (UCIJ), dont la Ligue des Droits de l’Homm, le Gisti… sont partie prenantes … https://www.ldh-france.org/appel-contre-limmigration-jetable-et-pour-une-politique-migratoire-daccueil/
[21] – Le Fuiqp le 29 juin 2023 
https://fuiqp.org/les-meurtres-des-petits-freres-par-la-police-ca-suffit Animateur d’AC LE feu, Mohamed Mechmache, https://www.humanite.fr/societe/banlieue-et-quartiers-populaires/banlieues-nos-recommandations-sont-restees-lettre-morte-801629
[22] – L’article 3 de la Constitution dispose que « sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes ». L’article 3 de la Constitution, en effet, ne dit pas que seuls les nationaux français sont électeurs, il dit que tous les nationaux français sont électeurs. Ce qui signifie une obligation, celle que tous les Français aient le droit de vote, ce qui n’exclut pas une possibilité constitutionnelle simple et claire : que des non-nationaux aient, sous certaines conditions fixées par la loi (une résidence durant deux ans par exemple…), le droit de vote. Une loi ordinaire pourrait donc suffire pour accorder le droit de vote aux étrangers.
[23] – Pour une convention citoyenne sur la démocratie… Le Collectif Citoyen pour la Démocratie que Sciences Citoyennes soutient lance cette pétition sur le site du CESE avec l’objectif de réunir une convention citoyenne dont la feuille de route sera de construire des propositions visant la réforme de la Constitution et des institutions. Déposée au CESE par Sciences Citoyennes – Action collective mardi 13 juin 2023.

 

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Une réflexion sur « Racisme et discriminations, début 2023, en France »

  1. Une nouvelle plainte en justice de la LDH contre les propos racistes de l’élu Jocelyn Dessigny
    Communiqué LDH

    Lors d’une cérémonie de vœux présentés pour l’année 2024 dans la commune de Chierry, le 18 janvier 2024, Jocelyn Dessigny, député du Rassemblement national (RN), a récidivé dans la tenue de propos indignes.

    A cette occasion, cet amateur de paroles injurieuses, déjà qualifié de « champion du sexisme » dans la presse et sanctionné par l’Assemblée nationale pour ses déclarations, a usé du bouc émissaire préféré de l’extrême droite en faisant un lien direct entre des actes criminels et l’immigration. Alors qu’il évoquait l’insécurité de l’Aisne, il a déclaré : « Chaque fois, j’ai dénoncé et condamné ces crimes et ces agressions, je fais le lien entre ces crimes et l’augmentation de la population subsaharienne qui nous vient d’Île-de-France. (…). Allons-nous rester les bras croisés devant ce problème ? ».

    La LDH (Ligue des droits de l’Homme) annonce porter plainte à l’encontre de Monsieur Dessigny pour ces propos qui, pris dans la globalité du discours prononcé, sont non seulement choquants mais aussi susceptibles de poursuites au titre de l’infraction visée à l’article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881 qui incrimine la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

    Face à la généralisation des discours de haine et la normalisation des idées d’extrême droite, la LDH rappelle fermement que le racisme n’est pas une opinion mais un délit. Elle continuera son action contre tout acte ou propos condamnable.

    Paris, le 19 février 2024
    https://www.ldh-france.org/une-nouvelle-plainte-en-justice-de-la-ldh-contre-les-propos-racistes-de-lelu-jocelyn-dessigny/

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