Nous continuons d’arpenter comme des funambules, entre ombre et lumière…

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« Avant d’apprendre à lire, il faudrait apprendre à voir. L’écriture est visible et c’est le premier obstacle que Nicolas Taffin nous aide à franchir au long de ses essais sur la typographie. Il nous montre l’importance de la forme des lettres auxquelles doivent être « en direct » substitués les sons de la voix. La lecture est d’abord un aperçu global de la page, de ses formes, mais aussi de ses « contreformes » que le typographe doit aligner comme un jardinier organise ses parterres, avec des alignements, des hauteurs et des espacements équilibrés, pour offrir un ensemble harmonieux qui va permettre une lecture ».

Dans sa préface Michel Melot discute, entre autres, des erreurs, de Lure, du monde « du son et du texte », de surface d’impression, de « pleine forme », d’intervalle ni blanc ni vide, de typographie…

En saisissant un livre inconnu, j’ai plus souvent regardé l’organisation physique des mots et des paragraphes sur les pages feuilletées que la quatrième de couverture, qu’en général j’ignorais. Certains livres sont plus faciles que d’autres à lire, et ce n’est pas seulement à cause des sens des phrases, des idées, de la rhétorique employée. Papier et forme, hier fils et éventuellement pages à séparer avec un coupe-papier. Donc des livres.

Je n’ai pas les compétences pour suivre Nicolas Taffin dans tous ses développements philosophiques, historiques ou techniques. J’ai cependant savouré ce recueil de textes. Quelques éléments choisis subjectivement.

Le visible et la part d’invisible, l’écriture alphabétique entre abstraction et convention, « l’univers infini du savoir est renvoyé à une poignée de signe », le regard et la lecture, le caractère typographique, la lisibilité, « L’illisible est tout aussi présent que le lisible dans le caractère typographique », le système de représentation, la lecture et la relecture, la composition, « la typographie parfaite ne se voit plus », la relecture qui n’est pas tout à fait la lecture, l’erreur et non la faute, l’original et la reproduction, les machines…

Une page, un espace, l’espace blanc, les typologies, les règles, la philosophie, « Il n’est pas si facile d’appréhender la philosophie quant on est dans le dogme, la démocratie quand on vit la monarchie, ou les mythes quand on craint l’hérésie ». Le temps des corrections, des compléments, des annotations, des critiques. Transmettre, passer, comment ne pas penser à Walter Benjamin (cité par l’auteur)…

Je reviens sur ce blanc, la naissance de ce blanc l’espace non imprimé, la dissimulation « du travail invisible dans la page », la page annotée, la double page, le dos du livre, la marge, « Marge de manoeuvre, marge de liberté, la marge est toujours un interstice étroit qu’on a tendance à négliger », la trame, les libres associations, l’acte de lire et celui d’écrire, la liberté dans la lecture et dans l’interprétation du texte lu, le désir…

J’ai laissé de coté les espaces numériques, les effets de la numérisation ou de la digitalisation, les méandres de l’internet, l’e-lecture (« lire n’est pas manger du livre ») et les livres avec un cadenas pour empêcher de les ouvrir, le matériel nommé immatériel. Je souligne néanmoins le chapitre « Les illusions de la source unique ».  

Sans oublier que « nous ne serons jamais d’accord sur le sens de la dernière phrase de la Recherche du temps perdu ».

Nicolas Taffin : Typothérapie
C&F Editions – Questions de design, Caen 2013, 274 pages, 25 euros
https://cfeditions.com/typotherapie/

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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