Iran : Un an après l’assassinat de Jina Mahsa Amini, la lutte continue ! (+ autres textes)

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Il y a un an, la jeune Kurde iranienne Jina-Mahsa AMINI a été tuée par la police des mœurs pour « port de vêtements inappropriés ». Les deux journalistes ayant révélé son arrestation sont aujourd’hui accusées d’« espionnage en relation avec une puissance étrangère » et risquent la peine de mort.

Sur la pierre tombale de Jina est écrit : « Bien aimée Jina, tu ne mourras pas ; ton nom sera un symbole ». Et effectivement, ce féminicide d’Etat a suscité une colère qui s’est étendue au-delà de l’Iran. Une lame de fond a vu le jour dont « Femme, Vie, Liberté » est devenu le slogan.

Ce mouvement veut en finir avec toutes les oppressions, dont celle des femmes, des LGBTI, des minorités ethniques et religieuses, etc. 
Il inclut notamment l’exigence de libertés, des conditions de travail décentes, la fin des politiques écocides, de l’armement nucléaire, de la privatisation des espaces naturels, la chute de la dictature religieuse, le refus du retour de la monarchie.

Face à l’ampleur des mobilisations en Iran, plus de 22 000 personnes ont été arrêtées (dont deux syndicalistes français·es), au moins 537 manifestant.es ont été tué.es, dont 48 femmes et 68 enfants. Des centaines de travailleuses et travailleurs, sont détenu.es arbitrairement pour avoir fait grève. Au moins 309 personnes ont été exécutées. Il faut y ajouter l’usage de la torture, de nombreuses disparitions, ainsi que de suicides au sortir des détentions.

Le régime a récemment renforcé la répression contre les femmes refusant l’obligation du port du voile dans les lieux publics. Certaines sont condamnées à nettoyer des cadavres ou à suivre un traitement psychiatrique. Des commerces ont été fermés par le pouvoir pour ne pas avoir interdit l’entrée à des femmes non voilées.

Malgré cela, les mobilisations continuent, et la police des mœurs peine à mettre en œuvre les mesures supplémentaires venant d’être édictées contre les femmes.
Dans différentes villes d’Iran les milices basijis se mettent en retrait lors de certains rassemblements. Des vidéos circulent également sur les réseaux sociaux, où les basijis sont poursuivis par les manifestant·es et parfois agressés physiquement lors d’interpellations.

L’Union syndicale Solidaires réaffirme sa solidarité avec les iranien·nes en lutte. Elle soutient les mots d’ordre des manifestant·es et notamment :
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Le droit inconditionnel des femmes sur leur corps, dont celui de porter ou pas le voile ; 
* L’abolition de toute discrimination envers les femmes, les LGBTIQ+, les minorités nationales et religieuses ; 
* La libération immédiate et sans condition de tous/toutes les manifestant·es, militant·es syndicaux, associatifs et politiques ; 
* L’abolition de la peine de mort ainsi que des tortures physiques et psychologiques ; 
* La liberté d’expression, d’organisation, de manifestation et de grève, le démantèlement des organes de répression existants ; 
* La garantie de l’emploi, la hausse immédiate des salaires et pensions, l’amélioration de la sécurité au travail, le droit à la négociation collective, l’interdiction du travail des enfants ; 
* La confiscation des richesses injustement acquises et leur utilisation pour la satisfaction des besoins sociaux ; 
*L’accès de tous et toutes à la sécurité sociale, à l’assurance chômage, à l’éducation et au système de santé.

« Bien aimée Jina, tu ne mourras pas ; ton nom sera un symbole »
Jin Jîyan Azadî ! Femme, Vie, Liberté !

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https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/internationales/iran-un-an-apres-lassassinat-de-jina-mahsa-amini-la-lutte-continue/

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Le combat des Iranien·nes est celui des féministes
et des corps en lutte du monde entier

À l’initiative de l’Assemblée Féministe Transnationale, cette tribune de solidarité avec le soulèvement iranien « Femme*, Vie, Liberté », signée par une multitude de collectifs et personnalités du monde entier, affirme que malgré l’épuisement, il est possible d’organiser nos forces pour changer le cours des choses. « La révolution iranienne ne se contente pas de s’opposer à la politique mortifère de la République Islamique, elle trace un projet de société post-capitaliste, solidaire et émancipateur. »

Pour Sepideh Gholian, journaliste iranienne spécialiste du droit du travail, défenseuse du mouvement syndical, incarcérée depuis 2018. Depuis sa détention, elle couvre la situation des femmes en prison à travers des lettres et des témoignages. Militante du mouvement Femme* Vie Liberté, elle est réincarcérée le 21 mars 2023, quatre heures après avoir été libérée. Son courage et sa détermination inspirent les féministes du monde entier. Ils rappellent le niveau auquel se situe désormais la résistance.  

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Le 16 septembre 2022, Jina Mahsa Amini, une jeune femme kurde de 22 ans, est morte à Téhéran sous les coups de la police des mœurs. Ce meurtre a été le point de départ d’un soulèvement qui a secoué l’Iran et traversé le monde. Parti du Kurdistan, le cri « Femme*, Vie, Liberté » a entraîné la rue iranienne dans un élan insurrectionnel et vital, global, protéiforme, qui ne demandait rien et exigeait tout.

Au fil des mois et face à une répression sanguinaire, l’insurrection n’a cessé de se transformer. Elle a fait émerger un réseau inouï de solidarité : manifestations spontanées organisées par quartiers, voisins laissant leurs portes ouvertes pour permettre la fuite des manifestant·e·s, manifestations de nuit devant les prisons pour s’opposer aux exécutions, grèves des commerçant·es… Les organisations syndicales ont réclamé dans un communiqué unitaire historique [1] des conditions de travail décentes, la fin des politiques écocides, de l’armement nucléaire, de la privatisation des espaces naturels; mais aussi l’égalité politique pour les femmes, les minorités ethniques, nationales et les LGBTQIA+ – qui constituent par ailleurs un des « fers de lance de la révolution » [2]. C’est que la révolution féministe iranienne est une révolution totale.

La question n’est pas de porter ou non le voile. On ne le répètera jamais assez dans le contexte islamophobe français : c’est aux femmes de le décider pour elles-mêmes. Ce qui est en jeu dans le voile obligatoire en Iran, c’est le contrôle et l’assujettissement de tous les corps par l’État, dans l’objectif, pour une minorité, de s’accaparer les ressources.

La République Islamique gouverne à travers un apartheid de genre et un racisme d’État. Elle ne tient que par le déploiement effréné d’un maintien de l’ordre ciselé selon les coordonnées raciales des populations à mettre au pas. Toutes ces techniques infusent l’économie coloniale globale. Les vies ne se valent pas : cette réalité a été rappelée en France en juin 2023 par le meurtre de Nahel et la répression sanglante des mouvements de révolte qui ont suivis. Nous la retrouvons à toutes les échelles : des côtes méditerranéennes que les pratiques de push-back ont transformées en fosses communes, aux quartiers populaires d’Europe, de Mayotte, de Guyane, en passant par ceux du Brésil, de Palestine, du Soudan, du Liban, d’Afghanistan et d’Iran.

Le cœur du féminisme que nous défendons est le combat contre ce continuum de violences et de déshumanisations à l’œuvre dans le capitalisme. Tant que nous n’affirmons pas notre voix, le féminisme restera monopolisé au profit d’un discours qui légitime cet ordre. Cela a été le cas lors de l’année écoulée : les pouvoirs occidentaux n’ont eu alors à la bouche qu’admiration pour le « courage des femmes iraniennes », tout en déroulant le tapis rouge à un féminisme libéral, islamophobe, et transphobe[ [3], qui prenait bien soin de séparer la lutte pour les droits des femmes de celles contre l’ensemble des oppressions contestées par les soulèvements révolutionnaires en Iran. Dans leurs jeux de pouvoir internationaux, ces mêmes gouvernements occidentaux tirent aujourd’hui profit de la déstabilisation de la République Islamique par la rue iranienne, tout en abandonnant cette dernière à des vagues alarmantes d’exécutions, d’arrestations et de tortures. Il n’est jamais apparu aussi clairement que l’émancipation des peuples est un enjeu inexistant sur l’échiquier international. C’est pourquoi le silence féministe n’est pas une option, et l’ignorance n’est pas une excuse. 

Si les chemins des révolutions sont impossibles à décréter, il n’en reste pas moins essentiel de pratiquer l’échange des savoirs et des savoir-faire issus de résistances locales, d’entretenir des réseaux de solidarité concrète, de tisser la trame d’un peuple mobilisé à l’échelle mondiale. Il y a urgence à apprendre de l’endurance et des modalités du mouvement « Femme* Vie Liberté », et à soutenir les camarades iranien·nes face à la répression. Car ce à quoi nous avons à faire ici comme là-bas, ce sont, sous des modalités différentes, des appareils d’États aux mains de franges radicalisées de la bourgeoisie, dont les discours, religieux ou laïcs, recouvrent de plus en plus mal un projet similaire et concurrent de captation des richesses et d’exploitation de tout ce qui est vivant. Aujourd’hui, après avoir traversé en France comme en Iran une année de lutte sociale, nous, militant·es de différentes organisations, relié·es par des préoccupations féministes anticapitalistes, savons comme la lutte dans le rapport de forces actuel est épuisante. Cet épuisement fait partie intégrante des techniques de gouvernement contre les peuples. Nous sommes jeté·es collectivement dans un chaos climatique, nos avenirs hypothéqués par les catastrophes, notre présent étouffé par le stress, la répression, le profilage racial, les corps épuisés par le travail, la pauvreté, l’illégalité, le manque de soin et de considération. Il ne nous est jamais apparu aussi clairement que les discours sécuritaires, dont nous abreuvent quotidiennement les médias possédés par une oligarchie réactionnaire, désignent en réalité la sécurité des pelouses de golfs. Sécurité pour le capital jusqu’à ce que le monde crève.

Ce constat ne doit pas nous faire perdre de vue qu’il est non seulement nécessaire, mais possible d’organiser nos forces et de changer le cours des choses. Le virage est serré, pas facile, mais faisable. Et nous commençons par affirmer qu’il consiste depuis notre position à sortir d’urgence le féminisme européen du déni, à affronter et combattre vivement son histoire coloniale, et à orienter nos pratiques vers une solidarité et une réflexion transnationale.

La révolution iranienne ne se contente pas de s’opposer à la politique mortifère de la République Islamique, elle trace un projet de société post-capitaliste, solidaire et émancipateur. Elle est une leçon de mouvement, de réinvention politique et théorique, et c’est pourquoi le combat des Iranien·nes est celui des féministes et des corps en lutte du monde entier. Femme* Vie Liberté.

[ndlr : Femme* : toutes les femmes, au sens non biologique du terme]
[1]
 « Femme, Vie, Liberté : déclaration des revendications minimales des organisations indépendantes syndicales et civiles d’Iran », 15 février 2023
[2] Katayoun Jalilipour, 
« Les LGBTQI sont le fer de lance de la révolution, ils ne devraient pas être oubliés »Gal-Dem, 23 déc 2022 (en anglais). Traduction française sur @amessrs
[3] A Nantes en avril 2023 se tient un colloque concernant le droit des femmes et en soutien aux afghanes et iraniennes. Le 
« Comité Laïcité République » a fini par renoncer à inviter Marguerite Stern, ancienne Femen connue pour ses propos transphobes.

Vous pouvez signer cette tribune, en cliquant ici.

Premier·es signataires :
Roja Paris, collectif féministe, Paris
Feminist 4 Jina, Paris
Jina Collective – the Netherlands, feminist, queer, anti-capitalist, anti-racist collective, The Netherlands
Alternatiba Paris, Paris
Asso FièrEs, Paris, France
ACGLSF, association LGBTQIA+ des personnes sourdes, France
Association Collectif Transistor, association of transgender and sex workers, Angouleme, France 
BIG Bari International Gender Festival, cooperativa, Bari, Italia
Colectiva Feminista La Revuelta en Neuquén, Patagonia, Argentina
Collectif Cases Rebelles, collectif panafrorévolutionnaire et maison d’édition
Collectif Stéphanois contre l’islamophobie et pour l’égalité, Saint-Etienne, France
Commons : Journal of Social Criticism, revue ukrainienne de critique sociale
Feminist Workshop, organisation féministe ukrainienne, Lviv, Ukraine
Feminita KZ, queer-feminist human rights organisation, Kazakhstan
FLIRT – Front Transfem, collectif, Paris, France
Front de mères, France
Gras Politique, association, Paris, France
INVERTI-E-S, collectif marxiste Trans Pédés Gouines, Paris, France
LASTESIS, coliectivo interdisciplinario y feminista, Valparaíso, Chili
Lesbiennes contre le patriarcat, collectif, Lyon, France 
Les Grenades, média féministe, Belgique
Les Pétrolettes, Brest et Rennes, France 
Les Soulèvements de la Terre, France
Ni Una Menos, Argentine
ORAAJuive, organisation militante, France
Planning Familial, France
Pride des banlieues, Saint Denis
Punto Froce, collectif transféministe, Venise
Queer sex workers initiative for Refugees, Nairobi, Kenya
Sex Work Polska, Poland
Strass, France
TALAY’AN NGO, trans-led feminist group supporting sexworkers, Morocco
Union des femmes de Martinique, association de femmes, Martinique
Ukraine CombArt, association de solidarité avec la resistance ukrainienne, Paris, France
WANA Wayaki Collective –
وانا ویاكي
#NousToutes, France

Chirinne Ardakani, avocate et militante des droits de l’homme, Paris
Parvin Ardalan, militante féministe et écrivain, Uppsala, Suède
Hanane Ameqrane, militante lesbienne de l’immigration et des banlieues, Saint Denis, France
Armelle Andro, universitaire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, France
Jean-Michel Aubry Journet, éditeur musical, activiste cofondateur de @musictoofrance, Paris 
Etienne Balibar, professeur émérite de l’université Paris-Nanterre, France
Ludivine Bantigny, historienne, Paris, France
Nadège Beausson-Diagne, artiste féministe, Paris, France
Flore Benguigui, chanteuse, autrice, compositrice, France 
Manuela Bojadžijev, chercheuse, Germany
Judith Butler, University of California-Berkeley, Berkeley, California
Silvia Calderoni, militante, artista, attrice, Roma, Italia
Rebecca Chaillon, metteuse en scène et actrice, France
Isabelle Clair, chercheuse, Paris 
Alison Crosby, professor, Toronto, Canada
Leyla Dakhli, historienne au CNRS, Allemagne, Berlin
Arpita Das, éditrice, fondatrice de Yoda Press, Delhi, Inde
Alice Diop, réalisatrice, France
Behi Djanati Ataï, actrice, Paris, France 
Elsa Dorlin, philosophe, France
David Dufresne, Au Poste, France
Annie Ernaux, écrivaine, prix Nobel de littérature, France
Sepideh Farsi, cinéaste, militante, France
Firoozeh Farvadin, chercheuse activiste féministe, Allemagne
Éric Fassin, sociologue, France 
Nina Faure, réalisatrice, Montpellier, France
Malcom Ferdinand, chercheur au CNRS, France
Lucie Fournié, militante écoféministe et lesbienne, Paris, France 
Verónica Gago, militante féministe et professeur, Argentine
Zeynep Gambetti, chercheuse indépendante, Istanbul, Turquie
Nacira Guénif, universitaire, Paris, France
Emilie Hache, philosophe, Université Paris Nanterre, France 
Adèle Haenel, actrice 
Kaoutar Harchi, écrivaine et sociologue, France
Pazhareh Heidari, militante de Links*Kanax, Allemagne
Belinda Heisler-Bismuth, militante écoféministe, France 
Fatemeh Karimi, militante, Paris, France
Wolfgang Kaleck, secrétaire général ECCHR Berlin, Allemagne
Azadeh Kian, professor of sociology and gender studies, Université Paris Cité, Paris, France 
Chris Köver , Missy Magazine and netzpolitik.org, Allemagne 
Mélissa Laveaux, artiste compositrice engagée, Paris
Silyane Larcher, politiste, Saint-Denis
Mathilde Larrere, historienne, Paris, France
Elisabeth Lebovici, autrice, Paris
Lola Levy, travailleuse du sexe et médiatrice en santé sexuelle escortes, Lyon, France 
Valerie Massadian, cinéaste, Paris, France 
Chowra Makaremi, anthropologue, Paris, France
Shahrzad Mojab, professor, Women and Gender Studies Institute, University of Toronto
Karima Mokrani, militante syndicaliste et féministe, Paris, France  
Monira Moon, militante antiraciste et décoloniale, membre de Boycott Divest Sanction, Saint-Etienne, France
Dorothée Munyaneza, artiste, Marseille, France
Sandra Nkaké, artist, La Plaine Saint-Denis
Fatima Ouassak, essayiste, France
Chloé Pathé, citoyen·ne, éditrice, Paris, France
Paul bPreciado, philosophe, France
Mathieu Rigouste, chercheur en sciences sociales, France
Somayeh Rostampour, chercheuse et militante féministe, France
Daria Saburova, chercheuse, membre du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine, Paris, France 
Céline Sciamma, scénariste et réalisatrice, France
Joan Scott, historienne, institute for advanced studies, Princeton, USA 
Adam Shatz, écrivain, London Review of Books, Brooklyn, États-Unis
Jessica Suzes, militante féministe, Saint-Denis, France 
Drass Tecles, militante féministe et LGBTI – membre du NPA et de l’AFT, France
Assa Traoré, militante, fondatrice du comité Vérité et Justice pour Adama, France
Jasmine Trinca, actrice, Roma, Italy
Margarita Tsomou, dramaturge et professeure, Berlin, Allemagne
Valerie Urrea, réalisatrice, France
Gisele Vienne, chorégraphe, France 
Eva Vocz, chargée de plaidoyer d’Act Up-Paris, Paris
Eva von Redecker, philosophe, Pritzwalk, Germany 
Christiane Vollaire, philosophe, France
Sophie Wahnich, historienne, Grenoble
Rezvan Zandieh, artiste, chercheuse, activiste féministe, France

English version here
Liste complète des signataires :
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/160923/le-combat-des-iranien-nes-est-celui-des-feministes-et-des-corps-en-lutte-du-monde-enti

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Iran : le (long) silence des organisations étudiantes françaises (2)

En novembre 2022, dans ce même blog, je publiais un article, sous quasiment le même titre. 10 mois après mon constat, à l’occasion de cet anniversaire, il n’est pas inutile de connaître les suites et les réactions. Piqûre de rappel, car le silence est devenu bien long.

En novembre 2022, dans ce même blog, je publiais un article, sous quasiment le même titre, dans l’espoir qu’il susciterait quelques réactions. Nous étions alors deux mois après l’assassinat de Mahsa Amini et du soulèvement des femmes et de la jeunesse en Iran, quand les adolescentes iraniennes voulaient « que le monde regarde leur combat » comme le soulignait ici-même Jean-Pierre Perrin.

10 mois après mon constat, à l’occasion de cet anniversaire, il n’est pas inutile de connaître les suites. Autant dire qu’il n’y a quasiment rien de nouveau, d’où mon rajout de « long » au titre initial pour qualifier ce silence. A ma connaissance, après avoir revu les sites et twitter des différentes organisations, jusqu’à aujourd’hui, seule l’UNEF a publié sur son compte twitter un long communiqué le 10 décembre 2022. C’était il y a 9 mois. Depuis, de longs mois de répression, les empoisonnements, arrestations, morts se sont accumulés. Le mouvement syndical français n’est pourtant pas resté inactif, il y a eu des initiatives intersyndicales (un meeting en décembre à la Bourse du travail, une manifestation à Paris le 8 février 2023 ) mais les seules signatures étaient celles des confédérations et unions de salariés. Au même moment, les syndicats étudiants et lycéens siégeaient aux côtés de ces confédérations dans l’intersyndicale contre le projet de réforme des retraites, preuve que l’intersyndicalisme est possible sur des thèmes communs. La mobilisation en Iran est « un mouvement qui vient de loin », mais ne nous est finalement pas si étranger que cela. Étudiantes, étudiants, personnels des universités iraniennes ont besoin de solidarité internationale : prises de position communes, manifestations, rassemblements. Mahsa Amini était une jeune femme, étudiante, Kurde… Quoi de plus « intersectionnel   que ces mobilisations en Iran où s’entremêlent la parole des femmes, droits des minorités nationales, aspirations de la jeunesse, volonté d’émancipation, revendications universitaires, libertés syndicales, questions démocratiques, politiques ? Peut-on regarder ailleurs quand, le 29 août, le président iranien Ebrahim Raïssi déclare à la télévision nationale « Si quelques individus ont l’intention d’enfreindre la loi, c’est à l’université elle-même de ne pas le permettre (…) Aujourd’hui, il y a ceux qui cherchent à entrer à l’université avec l’intention de violer la loi, de troubler l’ordre. Eh bien, les universités fonctionnent dans un cadre (…) Sans aucun doute, en ce qui concerne les universités, il faut souligner constamment l’importance du respect de la loi et du respect de la discipline. » Ce discours éclaire ce qui se déroule depuis plusieurs mois à l’université : licenciements de professeurs, arrestations, expulsions d’étudiants; l’intimidation s’accompagne d’autres mesures répressives et sécuritaires au sein des universités depuis la rentrée et surtout de l’anniversaire du soulèvement de 2022. Visiblement, le régime est inquiet du potentiel de soulèvement existant dans les universités. Dans un document confidentiel en date du 10 janvier 2023, récemment dévoilé, apparaît l’objectif de placer au sein des universités, comme enseignants, des membres des pasdarans et de la milice.

Entre les murs de nos établissements universitaires et scolaires, la rentrée se fait sans que l’on ne s’y intéresse et surtout que personne ne pousse à s’y intéresser (que font les avant-gardes ?). Il y a pourtant des préoccupations internationales qui retiennent l’intérêt des organisations de jeunesse : le climat par exemple. Il y eut aussi la solidarité avec les femmes états-uniennes quand la Cour suprême des USA remit en cause le droit à l’avortement. On vit alors communiqués et rassemblements de solidarité en France. Les femmes iraniennes confrontées à la politique nataliste de leur État ne méritent-elles pas les mêmes égards et attentions ?

L’Université est une « Plaque sensible de la société », ce silence étudiant est-il le révélateur d’une indifférence plus globale de la société, et plus particulièrement de la gauche, à l’égard de ce qui est hors de nos frontières nationales ? Regardons du côté de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, ou même la répression qui frappe en Russie, particulièrement l’Université avec son cortège d’exclusions d’étudiants, d’amendes, de licenciements d’enseignants, de dissolutions d’organisations.

Dire que le prochain Festival mondial de la jeunesse et des étudiants se tiendra en Russie, à Sotchi, et qu’il sera ouvert par un « grand ami de l’Iran », Vladimir Poutine !

Robi Morder
https://blogs.mediapart.fr/robi-morder/blog/160923/iran-le-long-silence-des-organisations-etudiantes-francaises-2

De l’auteur
Iran : le silence des organisations étudiantes françaises
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/11/07/iran-le-silence-des-organisations-etudiantes-francaises/

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Ces Iraniennes qui bravent les interdits

ll y a un an, le 16 septembre 2022, Mahsa Jina Amini, mourait à Téhéran, violemment interpellée pour « port de vêtements inappropriés ». Après ce drame, les Iraniennes sont sorties dans la rue, tombant le voile et se coupant les cheveux, défendant par tous les moyens un espace de liberté qui passe beaucoup par leur apparence.

https://www.politis.fr/articles/2023/09/iran-mahsa-amini-femmes-braver-les-interdits/

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Iran : la question n’est pas le voile en soi

Il y a un an, l’assassinat de Jina Mahsa Amini par la police de la République islamique d’Iran déclenchait un vaste soulèvement populaire, brutalement réprimé. Anthropologue et chercheure au CNRS, Chowra Makaremi revient sur ces événements dans son livre paru aux éditions La Découverte : le titre, Femme ! Vie ! Liberté !, reprend le slogan scandé dans les rues dès le début du mouvement. Marquée par son histoire familiale de lutte contre le régime théocratique, elle livre ici un journal. S’appuyant sur les événements quotidiens, elle les replace dans leur contexte historique et social, et retrace les pratiques répressives du régime, qui, dès sa fondation en 1979, s’enracine dans le sang des véritables révolutionnaires, iraniens comme kurdes. Et kurde, Jina Mahsa Amini l’était. Son accent et sa démarche trahissaient ses origines, son voile n’était pas porté comme il se doit. En France, les mobilisations de soutien se sont propagées. Mais les récupérations racistes et sexistes n’ont pas manqué. Chowra Makaremi remet les choses au clair. Les Iraniennes ne se battent pas contre le port du voile mais contre son obligation, et, surtout, pour la chute de la dictature. Nous en publions un extrait.

https://www.revue-ballast.fr/iran-la-question-nest-pas-le-voile-en-soi/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

3 réflexions sur « Iran : Un an après l’assassinat de Jina Mahsa Amini, la lutte continue ! (+ autres textes) »

  1. IRAN. Les parents de Jina Amini empêchés de se rendre en France recevoir le Prix Sakharov
    La République islamique d’Iran a empêché la famille de Jina Amini, qui devait se rendre en France recevoir le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, décerné à Jina Mahsa Amini et au mouvement « Femmes, vie, liberté », en confisquant leurs passeports.

    Les parents et le frère de Jina Mahsa Amini qui devaient recevoir le prix Sakharov* qui lui était décerné à titre posthume, ont été interdits de quitter l’Iran selon l’avocate de la famille Me Chirinne Ardakani (cité par AFP) qui a ajouté qu’« ils ont été interdits de monter à bord du vol qui devait les conduire en France pour la remise du prix Sakharov et de quitter le territoire hier à minuit alors qu’ils étaient munis d’un visa. Leurs passeports ont été confisqués ».

    *Le Prix Sakharov 2023 « pour la liberté de l’esprit » du Parlement européen à été attribué à Jina Mahsa Amini, une jeune femme kurde dont le meurtre par la police des mœurs iranienne pour un voile « mal porté » a déclenché les protestations anti-régime dans tout l’Iran, et au mouvement « Femme, Vie, Liberté » en Iran.

    https://kurdistan-au-feminin.fr/2023/12/09/iran-les-parents-de-jina-amini-empeches-de-se-rendre-en-france-recevoir-le-prix-sakharov/

  2. Solidarité avec Mahsa Amini
    Marche à Montréal en commémoration du décès de Mahsa Amini
    https://www.pressegauche.org/Solidarite-avec-Mahsa-Amini

    La marche de la journée de Mahsa Amini
    avec photoreportage
    Le 16 septembre 2023 la communauté Iranienne de Québec a fait une marche et manifestation à l’occasion du premier anniversaire du meurtre de Mahsa Amini et le début de la révolution FEMME VIE LIBERTÉ.
    https://www.pressegauche.org/La-marche-de-la-journee-de-Mahsa-Amini

    Un an plus tard, qui prend le parti de la résistance populaire féministe en Iran ?
    https://www.ledevoir.com/opinion/idees/798020/moyen-orient-an-plus-tard-prend-parti-resistance-populaire-feministe-iran?

  3. Iran: Libérez les syndicalistes enseignants emprisonnés
    En partenariat avec l’Internationale de l’Education , qui est le porte parole des personnels de l’éducation dans le monde par ses 383 organisations membres, l’IE représente plus de 32 millions d’enseignant∙e∙s et de personnels de soutien à l’éducation dans 178 pays et territoires.
    Un an après le déclenchement du mouvement « Femmes, Vie, Liberté » l’appareil répressif de la République islamique d’Iran redouble d’intensité pour faire taire toute voix dissonante. Citoyens, enseignants et militants syndicaux sont visés par des attaques systémiques. Cette répression vise notamment les enseignants et les établissements scolaires du fait de l’engagement massif des jeunes dans les protestations après le meurtre de Mahsa Jina Amini.
    Les enseignantes et enseignants iraniens ont continué à réclamer de meilleures conditions de travail et la reconnaissance de leurs libertés et droits fondamentaux, en tant que travailleurs et citoyens. Depuis le Premier Mai 2022, plusieurs dirigeants des associations locales et provinciales d’enseignants membres de la Coordination nationale CCITTA affiliée à l’IE (Coordinating Council of Iranian Teachers’ Trade Associations) ont subi des arrestations illégales, détentions, et même torture, pour avoir mené des actions syndicales légales et pacifiques.

    https://www.labourstartcampaigns.net/show_campaign.cgi?c=5326

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