Noir sur blanc, vous comprendrez peut-être alors !

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« la forme du livre à doubles couvertures inversées : une fois parvenu à la fin de la première partie, il faut retourner le livre pour poursuivre la lecture »
Dans sa préface,
Florica Couriol aborde, entre autres, la complaisance, la corporalité, la liberté, la mise en miroir des « deux expériences de la protagoniste », les mécanisme de broyage de l’individu « par les régimes totalitaires, la privation de liberté, y compris celle de disposer de son propre corps », les règles intériorisées, l’éblouissement d’une jeune fille, le mélange « de fiction, passé de légende et réalité », les absences et la présence au monde, l’Est et l’ouest, une « tentative pour échapper à l’absurdité de l’existence par la littérature »…

Ascension en orthopédie
« 
Elle l’a fait, finalement elle l’a fait ». Un hôpital sous la dictature Ceausescu, le travail d’une instrumentiste l’interdiction des avortements, le sexe et la mort, la découverte d’un petit corps, l’implication dans une enquête sur un avortement illégal.

Simona Sora souligne la place du sexe, le comportements des médecins hommes envers les infirmières, les séductions et les aspirations. L’autrice intègre des contes et des légendes, juxtapose le monde féérique et les mots crus des situations hospitalières.

Elle jongle avec les mots des rêves, des protocoles médicaux, des peurs, des réalités. Avec les moyens propres à l’écriture, Simona Sora construit un tableau alimenté par les codes sexistes, la dépréciations des femmes, le « sport » dans les nuits, les initiations, le sexe pour le plaisir, les procureurs en costumes gris et pèlerines blanches, les trois S « sexy-seuls-silence », l’écran mental et les scènes rejouées.

Maïa et le fil des événements, les authentiques souvenirs et les faits avérés, « ne vous étonnez pas qu’elle finisse par raconter toute cette histoire ou même l’écrire un jour ! », la rencontre en ascenseur, « cette rencontre brutale allait devenir une des rencontres de sa vie », la menthe frottée, l’île « prise entre sexe et mort », les effets de la bouffée amoureuse secrétée par le docteur, « il était totalement présent » et « on ne pouvait faire abstraction de sa présence sans repos », des œuvres musicales en contrepoint, les choses qui ne devaient pas être mélangées, le vide qui bloquait tout, les procureurs et le film érotique de la soirée précédente, les souvenirs plus lointain, l’enfant mort de la douche, les nains dans les jardins, les protocoles à rédiger, les mauvaises langues et les ragots de l’hôpital, le trou pratiqué dans la porte « découpait la réalité et la rendait intelligible », la Fontaine aux grenouilles, le silence plein de sens, la porte et la suite racontée…

« Tout aurait été plus simple si elle avait déjà su ce qui est l’essence de la complaisance : ne penser que ce que tu peux dire ».

Hôte à vie
Maïa exilée, « notre roumaine », une maison médicale en Suisse La Chance, des règles strictes et leur respect, monsieur Stoltz, ceux que l’on nomme les hôtes, les « derniers mois », les instructions préliminaires à l’embauche, les souvenirs de la Roumanie, La Dernière Chance et la longue expérience du déni de réalité.

Simona Sora nous entraine dans un univers très policé mais tout aussi absurde que celui de l’orthopédie. Son écriture se fait plus dense. Elle nous conte les instructions, les exercices de volonté, les interrogatoires, l’écart entre le dire et le faire, celui entre le soin et le laisser mourir, l’obsession de la stérilité, les soignant·es venu·es des quatre coins du monde. L’autrice construit son récit dans le paysage suisse, « le pays des cantons est le pays des protocoles et elle avait signé un contrat par lequel elle s’engageait à ne rien faire de sa propre initiative, aucun geste autonome, même pas pour sauver la vie d’un « invité » » ; Ici l’interrogatoire est « systématique et minutieux ».

Je souligne, entre autres, le mur poreux entre femmes, les fissures refermées hermétiquement, les écarts d’existence nommés syndromes, le sens d’un cahier vert, le temps de la lecture, « je lui ai fait la lecture », ce que ne signifie pas l’expression l’hôte à vie.

Hier là-bas, aujourd’hui ici, l’exigence – ouvertement affirmée ou plus que sous-entendue – de conformité, de respect jusqu’à l’absurde des protocoles. Une femme face aux contraintes sociales, aux regards et aux impositions des hommes en termes de sexe, de corps, de mort… Un roman fascinant sur le mensonge sociale autour de la vérité…

Le titre de cette note est empruntée à l’autrice

Simona Sora : Complaisance
Traduction du roumain et préface de Florica Couriol
Des femmes – Antoinette Fouque, Paris 2023 2018, 440 pages, 25 euros
https://www.desfemmes.fr/litterature/complaisance/

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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