« Arrêtez la famine à Gaza » (et autres textes)

  • « Nous ne pouvons pas abandonner la population de Gaza », déclarent des agences de l’ONU et des ONG
  • Jewish Voice for Peace : La suppression du financement de l’UNRWA est un autre acte de génocide odieux
  • Rapport de synthèse actualisé : Campagne de l’UAWC « Arrêtez la famine à Gaza »
  • B’Tselem : Les épidémies se multiplient, les blessé·es et les malades sont nombreuses et nombreux, mais le système de santé de Gaza fonctionne à peine
  • Patrick Jack : Le monde universitaire à Gaza a été détruit par l’« éducide » israélien
  • Patrick Wintour : La décision de la CIJ sur Gaza consolide un ordre basé sur des règles et met l’Occident à l’épreuve
  • Amira Hass : Agée de 82 ans, frappée par la maladie d’Alzheimer… mais arrêtée comme « combattante illégale » par Israël. En fait un révélateur de la guerre menée à Gaza

« Nous ne pouvons pas abandonner la population de Gaza », déclarent des agences de l’ONU et des ONG

Les affrontements meurtriers et les bombardements se sont poursuivis à Khan Younis, dans le sud de Gaza, dans la nuit de mercredi à jeudi, alors que les principaux responsables humanitaires de l’ONU et d’ONG partenaires ont mis en garde contre les « conséquences catastrophiques » de la suspension du financement de l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, qui fait face à des allégations de collusion avec le Hamas visant des employés.

Malgré les allégations « horribles » selon lesquelles 12 membres du personnel de l’UNRWA auraient été impliqués dans les attaques sanglantes menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre, « nous ne devons pas empêcher une organisation entière de remplir son mandat de servir les personnes dans le besoin », a déclaré le groupe d’agences d’aide humanitaire dirigé par l’ONU, regroupé sous le nom de Comité permanent inter-organisations (IASC).

Effondrement régional
« Le retrait de fonds de l’UNRWA […] entraînerait l’effondrement du système humanitaire à Gaza, avec des conséquences humanitaires et en matière de droits de l’homme de grande portée dans le territoire palestinien occupé et dans toute la région », a averti le comité dirigé par le chef des secours d’urgence de l’ONU, Martin Griffiths.

Des centaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans abri et « au bord de la famine », depuis le début des bombardements israéliens et de l’invasion terrestre après que les militants palestiniens ont massacré quelque 1 200 Israéliens et pris plus de 250 personnes en otage.

L’UNRWA – la plus grande agence d’aide à Gaza dont le rôle clé notamment dans l’éducation et les soins de santé dans l’enclave remonte à 1949 – représente une planche de salut pour plus de deux millions de personnes dans la bande de Gaza.

Son avenir est menacé après que plusieurs grands donateurs ont suspendu leurs fonds dans l’attente d’enquêtes sur les allégations d’Israël selon lesquelles 12 des 30 000 employés de l’agence auraient joué un rôle dans les attaques du 7 octobre.

Conséquences catastrophiques pour la population
Une enquête complète et urgente est déjà en cours par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) – le plus haut organe d’enquête du système des Nations Unies – ont déclaré les chefs de l’IASC, notant en outre que l’UNRWA avait annoncé une enquête indépendante sur ses opérations.

« Les décisions de divers États membres de suspendre les fonds destinés à l’UNRWA auront des conséquences catastrophiques pour la population de Gaza », poursuit le communiqué de l’IASC. « Aucune autre entité n’a la capacité de fournir une aide d’une telle ampleur dont 2,2 millions de personnes à Gaza ont un besoin urgent ».

Dans sa dernière mise à jour, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, OCHA, a noté que le nombre de morts à Gaza depuis le début des bombardements israéliens « intenses » s’élevait désormais à au moins 26 751, selon les autorités sanitaires de l’enclave. Au 30 janvier, 218 soldats israéliens avaient été tués et 1 283 blessés, citant l’armée israélienne.

Les hostilités ont continué d’être « particulièrement intenses » dans la ville méridionale de Khan Younis, a rapporté mardi soir l’OCHA, « avec de violents combats signalés près des hôpitaux Nasser et Al Amal, et des informations faisant état de Palestiniens fuyant vers la ville méridionale de Rafah, qui est déjà surpeuplée, malgré l’absence d’un passage sûr ».

Des opérations terrestres et des affrontements entre les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens ont également été signalés dans une grande partie de Gaza, a noté l’OCHA, avec de nouveaux ordres d’évacuation émis lundi et mardi dans des quartiers de l’ouest de la ville de Gaza,  notamment le camp de réfugiés d’Ash Shati, Rimal Ash Shamali et Al Janubi, Sabra, Ash Sheikh ‘Ajlin et Tel Al Hawa.

« Ces ordres d’évacuation couvraient une superficie de 12,43 kilomètres carrés… Cette zone abritait près de 300 000 Palestiniens avant le 7 octobre et, par la suite, 59 abris avec environ 88 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays qui y ont trouvé refuge », a déclaré l’OCHA.

Réduction de l’espace à l’abri
Les ordres d’évacuation massive émis par l’armée israélienne à partir du 1er décembre couvrent un total de 158 kilomètres carrés, soit 41% de la bande de Gaza. « Cette zone abritait 1,38 million de Palestiniens avant le 7 octobre et, par la suite, elle comprenait 161 abris accueillant environ 700 750 personnes déplacées », selon OCHA.

La semaine écoulée a également vu « un grand nombre d’hommes palestiniens » arrêtés par l’armée israélienne à un poste de contrôle à Khan Younis « avec beaucoup d’entre eux déshabillés jusqu’à leurs sous-vêtements, les yeux bandés et emmenés », a également rapporté l’OCHA.

Les populations vulnérables du nord et du centre de la bande de Gaza sont de plus en plus difficiles à atteindre en raison d’une « tendance croissante à l’interdiction et à la restriction d’accès », selon le Bureau de coordination de l’aide des Nations Unies.

« Les raisons en sont les retards excessifs des convois d’aide humanitaire devant ou aux points de contrôle israéliens et l’intensification des hostilités dans le centre de la bande de Gaza. Les menaces contre la sécurité du personnel et des sites humanitaires sont également fréquentes, empêchant l’acheminement d’une aide urgente et vitale et posant des risques sérieux pour les personnes impliquées dans les efforts humanitaires », a précisé le bureau.

Les 14 signataires de l’appel sont :
Martin Griffiths, Coordonnateur des secours d’urgence et Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires (OCHA)
Jane Backhurst, Présidente, ICVA (Christian Aid) 
Jamie Munn, Directeur exécutif, Conseil international des organismes bénévoles (
ICVA) 
Amy E. Pope, Directrice générale, Organisation internationale pour les migrations (
OIM
Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (
HCDH) 
Paula Gaviria Betancur, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (RS sur les droits de l’
homme des personnes déplacées
Achim Steiner, Administrateur, Programme des Nations Unies pour le développement (
PNUD
Natalia Kanem, Directrice exécutive, Fonds des Nations Unies pour la population (
FNUAP)
Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (
HCR
Michal Mlynár, Directeur exécutif par intérim, Programme des Nations Unies pour les établissements humains (
ONU-Habitat)  
Catherine Russell, Directrice exécutive, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (
UNICEF)
Sima Bahous, Directrice exécutive, ONU Femmes 
Cindy McCain, Directrice exécutive, Programme alimentaire mondial (PAM)
Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général, Organisation mondiale de la Santé (
OMS)

https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142792

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La suppression du financement de l’UNRWA est
un autre acte de génocide odieux

La pression internationale, populaire et juridique, continue de s’intensifier pour qu’Israël mette fin au génocide des Palestinien·nes. Mais les gouvernements israélien et américain cherchent à détourner l’attention de l’exigence de responsabilité et continuent de massacrer les Palestinien·nes par tous les moyens nécessaires.

Vendredi, la Cour internationale de justice a estimé que l’Afrique du Sud avait présenté des arguments plausibles pour démontrer qu’Israël commettait un génocide contre les Palestiniens.·ne Elle a exigé du gouvernement israélien qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour éviter les actes de génocide et qu’il permette l’entrée immédiate de l’aide humanitaire à Gaza.

Quelques heures plus tard, l’administration Biden a annoncé qu’elle réduisait le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). L’Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni et plus d’une douzaine d’autres pays occidentaux ont rapidement emboîté le pas.

L’UNRWA détient l’intégralité du mandat des Nations unies en matière d’aide aux réfugiés palestiniens et est actuellement le principal fournisseur d’aide humanitaire à Gaza. La position de l’agence est d’autant plus cruciale que le siège actuel de Gaza par Israël empêche de nombreuses autres agences d’aide de franchir la frontière.

Plus de 700 000 personnes à Gaza sont actuellement confrontées à des maladies mortelles, qui peuvent être traitées grâce à l’aide médicale. Les 2,3 millions d’habitant·es de Gaza, dont plus de la moitié sont des enfants, risquent de mourir de faim. Ces menaces se répercutent en cascade : par exemple, l’absence d’eau potable et d’aide médicale entraînera des niveaux critiques de décès évitables dus à la diarrhée et aux maladies d’origine hydrique.

En conséquence, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que davantage de Palestinien·nes pourraient mourir de faim et de maladie que celles et ceux qui ont été tué·es par la guerre jusqu’à présent, marquant ainsi une nouvelle étape du génocide israélien, mené avec le soutien des États-Unis et des nations occidentales.

Les accusations douteuses contre l’UNRWA
En procédant à ces coupes soudaines, les États-Unis et plus d’une douzaine d’autres pays occidentaux ont cité les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles 13 employés de l’UNRWA auraient participé aux attaques du Hamas du   octobre. Ces allégations ont été rendues publiques vendredi, alors que les médias devaient couvrir deux affaires judiciaires distinctes accusant Israël de génocide et les États-Unis de complicité. Les accusations portées contre l’UNRWA posent plusieurs problèmes.

Le gouvernement israélien cherche à saper l’UNRWA depuis des décennies, l’accusant récemment de « perpétuer le problème des réfugiéƒes » – en d’autres termes, de maintenir les Palestinien·nes en vie.

L’État israélien a une longue tradition d’allégations mensongères pour détourner l’attention des médias des crimes qu’il commet à l’encontre des Palestinien·nes.

Aucune des preuves retenues contre les 13 employés de l’UNRWA n’a été rendue publique. L’armée israélienne a déjà modifié son récit sur la façon dont elle a obtenu ses preuves pour les allégations les plus récentes contre les 13 employés. Et CNN a rapporté que les allégations sont jusqu’à présent sans fondement.

Les accusations portées contre 13 employés de l’UNRWA, soit 0,0004% de l’effectif total de l’organisation, ne constituent pas une mise en accusation de l’ensemble de l’organisation au point d’entraîner une réduction immédiate de son financement. En revanche, au moins 153 employé·es de l’UNRWA ont été tué·es à Gaza par l’armée israélienne au cours des derniers mois – un crime de guerre auquel le gouvernement américain n’a pas encore réagi.

L’administration Biden refuse même de poser des conditions sur les milliards de dollars d’armes et d’aide à l’État et à l’armée israéliens, malgré des montagnes de preuves devant les tribunaux internationaux qu’Israël commet un génocide.

Le châtiment collectif des Palestinien·nes est un crime de guerre
L’UNRWA ne dispose pas de réserves financières. Il souffre d’un sous-financement chronique depuis des années et est soumis à d’énormes pressions depuis que les bombardements israéliens ont déplacé la quasi-totalité de la population de Gaza. Si les États-Unis et d’autres pays refusent de rétablir leur financement, le budget de l’UNRWA pourrait être épuisé dès le mois prochain, ce qui exposerait des millions de Palestinien·nes à un grave danger de mort dû à la maladie et à la famine.

La suppression de cette aide vitale équivaut à une punition collective à l’encontre des Palestiniens·ne, ce qui constitue un crime de guerre. Elle souligne également l’hypocrisie de l’administration Biden. Depuis le mois d’octobre, elle se dit préoccupée par la situation humanitaire à Gaza, tout en continuant à financer la campagne militaire israélienne qui est à l’origine de ces conditions de dévastation.

À l’heure actuelle, l’UNRWA est le principal obstacle à la famine et aux maladies mortelles pour plus d’un million de personnes. La suppression de son financement par les États-Unis est exactement ce à quoi ressemble la complicité dans un génocide.

http://www.jewishvoiceforpeace.org/2024/01/31/defunding-unrwa-is-genocide/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Le Secrétaire général de l’ONU exhorte les donateurs à revenir sur leur suspension du financement de l’UNRWA
Selon António Guterres, en raison de l’arrêt du financement par les États
Unis et d’autres États, il n’est pas possible dès la fin de ce mois de garantir l’arrivée de l’aide à Gaza
https://aurdip.org/le-secretaire-general-de-lonu-exhorte-les-donateurs-a-revenir-sur-leur-suspension-du-financement-de-lunrwa/
Une Commission indépendante pour la défense des droits humains et des institutions de la société civile palestinienne dénoncent fermement la suspension de l’aide à l’UNRWA par divers pays
Les institutions palestiniennes soussignées dénoncent avec force l’annonce faite par plusieurs pays de suspendre leur aide à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient [United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees, UNRWA], sur la base de rapports des renseignements israéliens accusant quelques employés de l’UNRWA d’implication dans les attaques du 7 octobre 2023.
https://aurdip.org/une-commission-independante-pour-la-defense-des-droits-humains-et-des-institutions-de-la-societe-civile-palestinienne-denoncent-fermement-la-suspension-de-laide-a-lunrwa-par-divers-p/

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Rapport de synthèse actualisé :
Campagne de l’UAWC « Arrêtez la famine à Gaza »

Alors que la guerre génocidaire israélienne atteint le Jour113, la crise humanitaire dans la bande de Gaza a atteint des niveaux sans précédent en raison des actions d’occupation israéliennes, qualifiées de guerre génocidaire. Le bilan sur la vie et le bien-être humains est dévastateur et continue de s’aggraver chaque jour. Les chiffres des victimes s’élèvent maintenant à un nombre ahurissant de 27 000 vies perdues, un chiffre profondément préoccupant par son ampleur. Parmi celles-ci, les plus touché·e·s sont les plus vulnérables : les enfants et les femmes, qui représentent la majorité de plus de 70 000 blessé·e·s

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https://aurdip.org/rapport-de-synthese-actualise-campagne-de-luawc-arretez-la-famine-a-gaza/

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Les épidémies se multiplient, les blessé·es et les malades
sont nombreuses et nombreux, mais le système de santé de Gaza fonctionne à peine

Le système de santé de Gaza avait déjà du mal à fonctionner avant la guerre ; après plus de 100 jours de combats, il a atteint un niveau catastrophique. Avec plus de 60 000 blessé·es et des dizaines de milliers de malades, leurs chances de recevoir des soins appropriés – y compris des interventions vitales – s’amenuisent rapidement.

Dans les circonstances actuelles à Gaza, le manque d’accès aux soins médicaux a des conséquences critiques. Les médecin·es font état de personnes gravement blessées qu’elles et ils n’ont pas pu sauver, et d’autres qui restent handicapées à vie faute d’un traitement approprié qui aurait pu leur épargner une vie de souffrance et de douleur. Des épidémies facilement évitables grâce à des soins appropriés se propagent rapidement, mettant en danger des dizaines de milliers de vies.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, sur les 36 hôpitaux qui fonctionnaient dans la bande de Gaza avant la guerre, seuls 14 fonctionnent aujourd’hui – sept dans le nord et sept dans le sud. Même ces hôpitaux ne sont que partiellement opérationnels : seuls certains services fonctionnent, les équipes médicales sont sollicitées au-delà de leurs capacités et doivent faire face à de graves pénuries de personnel, d’équipement, de médicaments, de carburant pour faire fonctionner les installations, de nourriture et d’eau pour les patients et les équipes. Les hôpitaux fonctionnant à plus du double de leur capacité, les patient·es sont traités à même le sol. Deux autres hôpitaux, à Khan Yunis, ne fournissent que des services de base, et uniquement aux personnes qui s’y abritent. Depuis le début de la guerre, plus de 90 établissements de santé et 80 ambulances ont été endommagés.

Les organisations humanitaires signalent qu’Israël met des obstacles insurmontables au transfert de fournitures médicales vers les hôpitaux, principalement dans le nord de Gaza, et qu’elles ont du mal à évacuer les blessés en raison, entre autres, des bombardements incessants, de la destruction des routes, de la pénurie de carburant et des difficultés à coordonner le transfert des fournitures ou des personnes blessées.

L’absence de services médicaux de base est particulièrement inquiétante compte tenu de la propagation constante des maladies infectieuses, due aux conditions difficiles qui règnent dans les camps de déplacés surpeuplés : plus d’un million de personnes sont entassées sans eau potable, sans nourriture suffisante ou sans conditions permettant de maintenir une hygiène de base. Des dizaines de milliers de cas d’infections respiratoires, de diarrhées (en particulier chez les enfants de moins de 5 ans) et d’hépatite A ont déjà été signalés et n’ont pas été traités. Cette situation exacerbe naturellement les maladies chroniques telles que le diabète, les maladies cardiaques, l’hypertension artérielle, le cancer et les troubles mentaux.

Israël affirme que la responsabilité de cette terrible réalité incombe uniquement au Hamas, qui utilise les hôpitaux pour établir des centres de commandement, creuser des tunnels, cacher des armes et organiser des attaques, entre autres. Toutefois, ces affirmations n’annulent pas la protection spéciale accordée par le droit humanitaire international aux hôpitaux, aux équipes médicales, aux patient·es et aux personnes déplacées. Elles n’exonèrent certainement pas Israël de ses obligations, car le principe de réciprocité ne s’applique pas dans ce corpus juridique : une partie qui viole les règles n’autorise pas l’autre partie à faire de même. Les actions du Hamas ne déchargent en rien Israël de sa responsabilité pour les dommages causés aux civil·es.

Néanmoins, Israël a violé ces règles à plusieurs reprises depuis le début de la guerre. Alors qu’il sait pertinemment que les hôpitaux abritent des centaines de patient·es et des dizaines de milliers de personnes déplacées, il les traite comme des cibles militaires légitimes. Il exige leur évacuation immédiate, bien que la population qui s’y trouve n’ait aucun endroit sûr où aller. Il bloque également l’entrée d’une aide humanitaire suffisante, notamment de fournitures médicales, pour répondre aux besoins croissants.

Étant donné qu’Israël affirme aujourd’hui avoir réussi à exercer un contrôle effectif sur au moins une partie de la bande de Gaza, il en deviendrait la puissance occupante, en l’absence d’une autre entité contrôlant le territoire. Cela conférerait à Israël des devoirs positifs à l’égard de la population, notamment celui de fournir lui-même les soins médicaux nécessaires. Le contrôle militaire ne va pas de soi, et ce contrôle s’accompagne d’une responsabilité à l’égard des civil·es vivant dans le territoire occupé.

Le droit international humanitaire prévoit une protection spéciale pour les populations les plus vulnérables qui ne peuvent se protéger elles-mêmes, afin de garantir que toute personne ayant besoin de soins médicaux les reçoive. En refusant ces soins, on condamne des milliers de personnes à Gaza à la mort, à la douleur et à des souffrances indescriptibles. Cette approche est à la fois immorale et illégale, et vide de son sens un principe moral essentiel du droit international humanitaire.

1 février 2024
https://www.btselem.org/gaza_strip/20240201_epidemics_on_the_rise_and_masses_injured_and_ill_yet_gazas_healthcare_system_is_barely_functioning
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Le monde universitaire à Gaza a été détruit
par l’« éducide » israélien

Les universitaires palestiniens déplorent le « ciblage délibéré » de l’enseignement supérieur mais se jurent de le reconstruire une fois la guerre terminée.

Israël a été accusé de cibler délibérément les universités et les universitaires de Gaza dans le cadre d’une stratégie baptisée « éducide ».

Après la démolition contrôlée de l’université Al-Israa, dont l’enregistrement par l’armée israélienne a été largement partagé sur les réseaux sociaux, on pense que chacune des institutions d’enseignement supérieur à Gaza a été soit détruite soit sévèrement endommagée depuis le début de l’invasion.

Samia Al-Botmeh, assistante en économie à l’université Bir-Zeit en Cisjordanie, a dit à Times Higher Education que l’effort élaboré pour détruire de grands bâtiments publics tels qu’Al-Israa montrait qu’il ne pouvait que faire partie d’un plan délibéré pour rendre Gaza « inhabitable ».

« La destruction du secteur de l’éducation fait partie de cette stratégie globale de destruction de tous les aspects des services à Gaza qui y rendent la vie possible », a-t-elle dit.

Des chiffres récents de Euro-Med Human Rights Monitor [Veille Euro-Med sur les droits humains] montrent que l’action militaire israélienne a tué au moins 94 professeurs d’université à Gaza depuis que le pays a entamé ses représailles face aux attaques du 7 octobre par le Hamas, ainsi que des centaines de maîtres de conférences et des milliers d’étudiants.

L’organisation a affirmé qu’Israël avait « ciblé des personnalités universitaires, scientifiques et intellectuelles dans la Bande de Gaza au cours de raids aériens spécifiques et délibérés sur leurs maisons, sans avertissement préalable ». 

Neve Gordon, professeur israélien de droit relatif aux droits humains à l’université Queen Mary de Londres, a dit que « le monde universitaire a été détruit » à Gaza dans le cadre d’un « éducide ». 

« Il faudra de 10 à 20 ans pour se remettre des dommages causés pendant trois mois », a dit le professeur Gordon, vice-président de la British Society for Middle East Studies [Société britannique pour les Études sur le Moyen-Orient].

Israël a défendu le bombardement de certaines universités en affirmant qu’elles étaient utilisées comme camps d’entrainement par le Hamas, mais Dr Al-Botmeh a dit que l’éducation était ciblée parce qu’elle était « un mécanisme de survie » pour les Palestiniens. 

« Nous le voyons comme un mécanisme de résistance et, bien sûr, Israël comprend cela, donc essaie de saper notre capacité à survivre, à résister et notre capacité à continuer comme peuple », a-t-elle dit.

Dr Al-Botmeh a dit que les attaques dépassaient Gaza, le personnel et les étudiants d’institutions de Cisjordanie étant aussi emprisonnés et les étudiants palestiniens dans des universités israéliennes étant radiés.

« Cela rendra difficile le processus en termes de reconstruction, mais cela ne nous arrêtera pas », a-t-elle dit. « Les peuples du monde entier ne sont pas brisés par les colonisateurs ». 

Elham Kateeb, doyenne de la recherche scientifique à l’université Al-Quds, a dit que toutes les universités palestiniennes de Cisjordanie donnaient des enseignements à distance et avaient ajusté l’enseignement en présentiel pour prendre en compte les inquiétudes à propos de la sécurité sur les routes et les problèmes aux checkpoints. 

« Malgré les obstacles, les universités peuvent jouer un rôle crucial en guidant les Palestiniens vers leurs objectifs et la construction d’un État », a-t-elle dit. « Cet engagement est intégré au coeur de leurs missions d’enseignement, de recherche et de service à la communauté. »

« Les universités palestiniennes ont été pionnières historiquement pour façonner l’identité nationale, encourager la résilience et contribuer au développement de la communauté. Cependant, sans un fondement de justice et de liberté, ce rôle devient plus compliqué. » 

Wesam Amer, doyen de la Faculté de Communication et des Langues à l’université de Gaza, a dit que les universitaires palestiniens qui survivaient devraient affronter des traumatismes graves et des problèmes psychologiques. 

Mais Dr Amer, qui a été évacué vers l’Allemagne avec sa famille, a admis qu’il était difficile de penser à l’enseignement supérieur à un moment où de nombreux universitaires sont focalisés sur la recherche de nourriture, d’abri et de sécurité pour leurs proches. 

« Il ne s’agit pas de la vie universitaire – bien sûr, elle est très importante et a été terriblement affectée par la guerre – mais je pense que nous avons besoin de beaucoup de soutien pour reconstruire », a-t-il déclaré. « Le premier objectif est de mettre fin à cette guerre – aujourd’hui, pas demain. »

Patrick Jack, 29 janvier 2024 – patrick.jack@timeshighereducation.com
https://www.timeshighereducation.com/news/academia-gaza-has-been-destroyed-israeli-educide
Traduction CG pour l’Aurdip
https://aurdip.org/le-monde-universitaire-a-gaza-a-ete-detruit-par-l-educide-israelien/

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La décision de la CIJ sur Gaza consolide
un ordre basé sur des règles et met l’Occident à l’épreuve

La décision de la Cour des Nations Unies est dévastatrice pour Israël et embarrassante pour des alliés comme le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont minimisé le dossier de l’Afrique du Sud.

En sollicitant une ordonnance conservatoire de la part de la Cour internationale de justice afin d’empêcher Israël de commettre des actes potentiellement génocidaires à Gaza, l’Afrique du Sud n’a pas seulement mis sur le banc des accusés le traitement par Israël des Palestiniens mais également l’ordre entier, basé sur des règles, de l’après Deuxième Guerre mondiale, y compris l’autorité de la CIJ elle-même. Il n’y a jamais eu d’affaire aussi médiatisée portée à la CIJ au milieu d’un tel conflit sanglant et rarement autant de personnes misant à ce point sur le résultat.

Comme l’a dit l’avocat irlandais Blinne Ní Ghrálaigh, qui a exposé une partie des arguments de l’Afrique du Sud à la Cour, « le risque imminent de mort, de dommages et de destructions auquel les Palestiniens de Gaza sont confrontés aujourd’hui, et qu’ils risquent chaque jour tout au long cette procédure, justifie en tout état de cause l’indication de mesures conservatoires – de fait oblige à cela –. Certains pourraient dire que la réputation même du droit international ¿– sa capacité et sa volonté à lier et à protéger également tous les peuples – est dans la balance. »

Remarquablement, la Cour ne s’est pas dérobée à ce qu’elle considérait comme ses responsabilités. Elle n’a pas ordonné un cessez-le-feu complet mais a accordé des ordonnances protectrices, y compris la fin des assassinats de Palestiniens à Gaza, ce qui allait plus loin que ne le prédisaient beaucoup d’experts juridiques internationaux.

La décision est dévastatrice pour Israël et embarrassante pour des politiciens comme le Secrétaire d’État Anthony Blinken, qui a dit que l’affaire était sans fondement ou le Secrétaire des Affaires étrangères du Royaume-Uni, David Cameron, qui a exhorté l’Afrique du Sud à ne pas brandir en tout sens des mots comme « génocide ».

La plus haute Cour du monde, le sommet des Nations Unies, a trouvé qu’il y avait un risque plausible que le droit des Palestiniens à être protégés d’un génocide soit menacé par les actions d’Israël. L’ironie de cela est évidente. Les concepts de « crimes contre l’humanité » et de « génocide » ont été créés par un professeur de droit juif, Raphael Lemkin.

Pour Israël, une nation née en 1948 en partie des horreurs de l’Holocauste et de siècles de persécution, ce pourrait être un moment de réflexion. Son identité nationale est complètement enchevêtrée avec l’Holocauste, tout comme l’Afrique du Sud est indivisible de l’apartheid.

Beaucoup en Israël rejetteront la décision comme un signe supplémentaire de la nature antisémite des Nations Unies, une organisation qu’Israël déteste depuis des décennies.

Mais le pays reconnait les dommages diplomatiques. Un câble confidentiel du ministre des Affaires étrangères d’Israël, obtenu par Axios il y a un mois, affirmait que l’affaire « pourrait avoir des implications potentielles importantes qui ne sont pas situées seulement dans le monde juridique mais ont des ramifications pratiques bilatérales, multilatérales, économiques et sécuritaires ».

Elle est aussi un test pour les alliés d’Israël, particulièrement les États-Unis et le Royaume-Uni. Les décisions de la Cour sont contraignantes mais il n’y a pas de mécanisme pour garantir leur application, sauf la pression des pairs, et il n’y a pas de pair plus important que les États-Unis.

À l’occasion, les États-Unis n’ont pas hésité à dénigrer la CIJ. Déjà en 1984, Jeane Kirkpatrick, une ancienne déléguée des États-Unis aux Nations Unies, a décrit la Cour comme « un organisme semi-légal, semi-juridique, semi-politique, que les nations acceptent parfois et parfois non ».

Mais, dans un passé plus récent, il y a eu aussi de nombreuses fois où les États-Unis et le Royaume-Uni ont exhorté des pays comme la Russie et Myanmar à mettre totalement à exécution ce qu’ils ont décrit comme les jugements contraignants de la CIJ. Les États-Unis viennent de dépenser des millions dans une campagne réussie pour garantir que leur dernière candidate hautement qualifiée, Prof. Sarah Cleveland, obtienne un siège à la CIJ. En approuvant sa candidature, Joe Biden a dit que la Cour « demeure une des institutions les plus cruciales de l’humanité pour faire avancer la paix dans le monde ». Il sera difficile de remplir ce rôle crucial si Washington choisit de dédaigner les conclusions de la Cour.

Cela ne veut pas dire que les États-Unis sont obligés d’être d’accord avec les conclusions, mais qu’ils ont sans doute le devoir de les soutenir, en tant que signataires de la convention. Cela exigerait d’exhorter leur allié, Israël, à chercher des moyens de satisfaire aux ordonnances de la Cour. L’incitation à négocier un cessez-le-feu est aussi amplifiée pour Washington.

Si, comme cela semble probable, un pays comme l’Algérie cherche à faire appliquer l’ordonnance de la CIJ grâce à une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, les États-Unis seront confrontés à un dilemme. Ils pourraient déployer leur veto protecteur et remarquer que d’autres pays, en particulier la Russie, n’ont pas respecté la décision récente de la CIJ sur l’Ukraine – mais en faisant cela, ils offriraient à Moscou, un maitre de la guerre linguistique, un cadeau bien ficelé.

Dans une remarquable conférence cette semaine, Bronwen Maddox, directrice du thinktank Chatham House, a exhorté l’Occident à reconnaître à quel point il était vulnérable à l’accusation d’hypocrisie et pourquoi cela importait.

Elle a dit que l’argument sur les doubles standards « marche de cette façon : l’Occident est soucieux de la démocratie, mais pas quand il veut installer des dirigeants qu’il aime dans d’autres pays. Il respecte la souveraineté, excepté quand il ne le fait pas, comme en Iraq. Il défend l’auto-détermination de Taiwan, pas de la Catalogne. Il soutient les droits humains, mais pas dans les pays dont il veut le pétrole. Il défend les droits humains sauf quand cela devient trop difficile, comme en Afghanistan.

« Ces accusations, si elles restent sans réponse, donnent une arme aux pays qui veulent saper l’Occident, même si leur propre hypocrisie est lumineuse ». Dans ce contexte, un rejet de la CIJ amplifierait le problème.

À la défense d’Israël, des aspects de la décision contiennent des injustices et le Hamas, n’étant pas un acteur-État, ne relève pas de la juridiction de la Cour, qui a seulement à résoudre les différents entre États. Il a largement été laissé de côté.

On peut aussi estimer que l’Afrique du Sud a utilisé un dispositif détourné – la convention sur le génocide et le seuil bas de plausibilité requis à l’étape préliminaire – pour entrer dans la salle d’audience et y faire entendre des allégations qui seraient mieux décrites comme violations du droit humanitaire international.

Israël peut aussi à juste titre insister sur le fait que le fond de l’affaire – l’existence d’une intention israélienne à commettre un génocide – n’a pas été encore examiné et ne le sera pas avant de nombreuses années.

La Cour n’a pas non plus accordé l’objectif ultime de l’Afrique du Sud, un cessez-le-feu, comme elle l’a fait contre la Russie dans le cas de l’Ukraine en 2022. Au lieu de cela, elle a ordonné à l’armée israélienne de ne commettre aucun des actes proscrits selon la Convention, dont l’assassinat des Palestiniens, des dommages sérieux, tant corporels que mentaux, et la famine.

Dr Henry Lovat, un enseignant de droit à l’université de Glasgow, a trouvé critique l’absence d’une ordonnance de cessez-le-feu. « Israël a esquivé le spectre d’une ordonnance de cessez-le-feu. Dans l’ensemble, les ordonnances conservatoires se situeront dans la fourchette des résultats escomptés, hors cas les plus défavorables, par la délégation israélienne et probablement en grande partie de ce qui était attendu. L’ordonnance visant à « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher que ne soient commis les actes entrant dans le cadre de l’article II » est essentiellement une reformulation de la position juridique existante. De même, la demande de faciliter l’aide pouvait être anticipée et elle est dépourvue du mécanisme international permettant d’exiger la coopération que l’Afrique du Sud avait demandée. »

Israël trouvera sans aucun doute des manières d’interpréter les ordonnances pour dire qu’il les respecte déjà. Il n’appréciera pas non plus que la Cour limite la liberté d’expression des hommes politiques en disant à Israël de serrer la vis sur les incitations à la violence.

Pour le Sud global et pour l’Afrique du Sud en particulier, c’est une victoire glorieuse, un moment qui restera dans les mémoires pendants des décennies. La détresse du peuple palestinien à Gaza a été exposée dans un tribunal public et elle a été crue. Les pays africains ont longtemps critiqué les organismes transnationaux comme la Cour internationale de justice parce qu’ils semblaient ne juger que des Africains, au moins dans une large mesure, alors que des crimes haineux avaient lieu dans beaucoup d’endroits. Un peu de foi dans leur valeur a été restaurée.

Si la Cour avait simplement rejeté la requête, en vertu de n’importe quel principe juridique, même sincèrement, le cynisme à l’égard du droit international en tant que moyen possible pour régler les différends se serait aggravé, et ceux qui prônent la résistance violente auraient été stimulés.

Patrick Wintour
https://www.theguardian.com/law/2024/jan/26/icj-gaza-decision-shores-up-rules-based-order-and-puts-west-to-test
Traduction CG pour l’Aurdip
https://aurdip.org/la-decision-de-la-cij-sur-gaza-consolide-un-ordre-base-sur-des-regles-et-met-loccident-a-lepreuve/

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Agée de 82 ans, frappée par la maladie d’Alzheimer…
mais arrêtée comme « combattante illégale » par Israël.
En fait un révélateur de la guerre menée à Gaza

Les Forces de défense israéliennes (FDI) et l’Autorité pénitentiaire israélienne ont arrêté et emprisonné pendant près de deux mois une femme de Gaza âgée de 82 ans qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Elle a été emprisonnée en vertu de la loi sur l’incarcération des « combattants [ennemis] illégaux» . Parce qu’elle était considérée comme une combattante illégale, la prison de Damon, dans le nord d’Israël, a également refusé la demande d’un avocat de l’organisation israélienne Physicians for Human Rights Israel (PHRI) qui souhaitait la rencontrer. Elle a été libérée il y a deux semaines après avoir fait appel du refus de l’autoriser à rencontrer l’avocat.

Fahamiya Khalidi, née en 1942, a été arrêtée dans la bande de Gaza au début du mois de décembre par des soldats israéliens. A l’époque, elle s’était réfugiée dans une école du quartier Zeitoun [le nom signifie quartier des oliviers] de la ville de Gaza, après avoir quitté son domicile en raison des bombardements israéliens.

En raison de son état de santé et du fait que ses enfants vivent à l’étranger, elle était accompagnée d’une aide-soignante à temps plein. Cette dernière a également été arrêtée mais n’a pas été libérée en même temps que Fahamiya Khalidi et, pour autant que nous le sachions, elle est toujours en détention. De nombreux détails concernant l’incarcération de Fahamiya Khalidi restent inconnus car, depuis sa libération, elle n’a pas été en mesure de retracer ce qui lui est arrivé.

La fille et les fils de Fahamiya Khalidi ont appris l’arrestation de leur mère par des voisins, mais ils n’ont pas pu savoir où elle se trouvait. Depuis le début de la guerre à Gaza, le 7 octobre, Israël a refusé de fournir aux familles et aux organisations de défense des droits de l’homme la moindre information sur l’endroit où se trouvent les détenu·e·s de Gaza.

Physicians for Human Rights a appris par hasard que Fahamiya Khalidi était détenue à la prison de Damon. Un avocat d’une autre organisation de défense des droits de l’homme a rendu visite à des prisonnières de Cisjordanie et a entendu parler d’une prisonnière âgée de Gaza qui ne parlait pas et avait des difficultés à marcher. L’avocat a prévenu la famille et a transmis les coordonnées de Fahamiya Khalidi à PHRI.

Le 27 décembre, Muna Abu al-Younes Khatib, une avocate de PHRI, a déposé une demande pour rencontrer la femme âgée de Gaza. Le 31 décembre, une réponse de la prison de Damon est arrivée, indiquant ce qui suit : « Les [femmes] incarcérées sont privées de la possibilité de rencontrer un avocat jusqu’au 21 février 2024 sur la base d’une décision du fonctionnaire responsable en vertu de la section 6A de la loi de 2002 sur l’incarcération des combattants illégaux. »

Selon les données de l’administration pénitentiaire israélienne, à la fin du mois de décembre, 661 personnes qui avaient été déclarées combattants illégaux étaient emprisonnées dans ses installations. Il s’agit de 10 jeunes hommes âgés de 16 ou 17 ans, d’une jeune femme et de 42 femmes adultes. Cela signifie que l’une de ces femmes était Fahamiya Khalidi. Ces chiffres ne tiennent pas compte des habitants de Gaza qui sont toujours détenus dans les installations des FDI [1].

La loi de 2002 définit les combattants illégaux comme toute personne ayant participé directement ou indirectement à des actes hostiles contre l’Etat d’Israël et n’ayant pas droit au statut de prisonnier de guerre en vertu de la Convention de Genève [2]. Sur la base d’un amendement de 2023, la loi n’autorise ces prisonniers à rencontrer un avocat que 30 jours après leur incarcération. Le fonctionnaire de la prison responsable de l’application de la loi est autorisé à prolonger la période sans accès à un avocat jusqu’à 75 jours – comme cela a été fait dans le cas de Fahamiya Khalidi.

Le 10 janvier, un autre avocat, Tamir Blank, a fait appel du refus de la prison d’accorder un entretien à Fahamiya Khalidi. Il a également fourni un rapport médical datant de juin de l’année dernière, selon lequel Fahamiya Khalidi souffrait d’une série de problèmes médicaux et avait des difficultés à marcher, en plus d’être atteinte de la maladie d’Alzheimer. Tamir Blank a également souligné qu’il ne disposait pas d’une procuration signée car Fahamiya Khalidi s’était vu refuser un entretien avec l’avocat des PHRI. Le lendemain, le juge Ron Shapiro du tribunal de district de Haïfa a donné au bureau du procureur de Haïfa jusqu’au 14 janvier pour répondre.

Einat Shterman Cohen, du bureau du procureur de Haïfa, a répondu au dernier moment que la rencontre serait autorisée « en dépit de la lettre de la loi… [puisque les avocats qui font appel au nom de Khalidi] ne devraient pas être considérés comme représentant le requérant » en l’absence d’un formulaire de procuration signé. Les responsables de la prison ont programmé une rencontre entre Fahamiya Khalidi et l’avocat de PHRI pour le dimanche 21 janvier.

Mais le 19 janvier, Fahamiya Khalidi a été libérée de la prison de Damon en même temps que cinq autres femmes qui avaient été considérées comme des « combattantes illégales ». PHRI a appris la libération de Fahamiya Khalidi par hasard, encore une fois.

Cette fois encore, un avocat d’une autre organisation qui visitait la prison a appris que six femmes de Gaza, dont Fahamiya Khalidi, avaient été libérées. Les efforts de la PHRI pour obtenir plus d’informations de la part du bureau du procureur, au moins pour faire en sorte que quelqu’un l’attende à son retour à Gaza, ont été vains.

Différents rapports des médias ont fourni quelques informations sur sa situation en prison. D’après les déclarations de l’une des autres femmes de Gaza qui a été libérée, on peut conclure qu’elle s’est parfois rendue à l’infirmerie de la prison avec des menottes. Comme elle avait des difficultés à marcher, elle se déplaçait en fauteuil roulant. Fahamiya Khalidi n’était pas la seule prisonnière âgée et malade, a déclaré l’autre prisonnière. Les six prisonnières libérées ont été conduites à proximité du point de passage frontalier de Kerem Shalom, à Gaza, en compagnie de 18 hommes. Elles ne connaissaient pas la région et lorsqu’elles ont commencé à s’éloigner, les soldats ont tiré au-dessus de leurs têtes et leur ont crié de revenir pour qu’elles puissent être envoyées dans la bonne direction, a raconté une autre prisonnière. Selon elle, les soldats ont continué à tirer après qu’ils et elles ont été « réaiguillés ».

Du côté palestinien du poste frontière, une tente de l’UNRWA [3] accueille les prisonniers libérés. Fahamiya Khalidi a été envoyée de là dans un hôpital de la ville de Rafah, au sud de Gaza, où elle se trouve toujours. L’hôpital a contacté une personne portant le même nom de famille – qui avait été déplacée par la guerre du camp de réfugiés de Shati. Il est immédiatement venu lui rendre visite, mais il s’est avéré qu’ils n’avaient aucun lien de parenté.

Dans une vidéo de leur rencontre publiée sur les médias sociaux, on le voit essayer en vain de lui poser des questions sur son identité et sur ce qu’elle a vécu au cours des dernières semaines. On le voit également lire sa carte d’identité (qui indique qu’elle est née à Lod [avant son occupation lors de la guerre de 1948-49, elle portait le nom de Lydda], dans ce qui est aujourd’hui le District centre d’Israël).

Le journaliste de la chaîne de télévision Falastin, qui a interviewé les deux prisonnières libérés, a également tenté en vain d’avoir une conversation avec Fahamiya Khalidi. Les femmes ont raconté qu’avant d’être emmenées à Damon, elles se trouvaient dans un centre de détention qu’elles ont décrit comme étant situé dans « les montagnes » – faisant apparemment référence à l’installation militaire d’Anatot, à l’extérieur de Jérusalem – où elles ont dit avoir été interrogées pendant dix minutes par jour pendant plusieurs jours.

Naji Abbas, directeur du département des prisonniers de PHRI, qui était en contact régulier avec la famille de Fahamiya Khalidi et a assuré le suivi de son cas par son organisation, a déclaré que l’emprisonnement prolongé d’une femme de 82 ans qui souffrait également de la maladie d’Alzheimer soulevait des questions concernant les motifs de l’arrestation et l’identité d’un nombre considérable de Gazaouis détenus par les FDI ou l’administration pénitentiaire israélienne. Il a également déclaré à Haaretz que son organisation avait reçu des rapports concernant d’autres personnes âgées de 80 et 90 ans que les FDI avaient arrêtées et dont les familles n’avaient pas été contactées.

En réponse à cet article, l’administration pénitentiaire israélienne a déclaré : « La prisonnière a été reçue au service pénitentiaire le 10 décembre 2023. Elle a été détenue pendant 30 jours jusqu’à sa libération. Pendant cette période, elle a été détenue conformément à la loi. »

Mais selon des témoignages, et contrairement à la déclaration de l’administration pénitentiaire, elle a été libérée le 19 janvier, soit plus de 30 jours après son arrivée à Damon.

L’administration pénitentiaire n’a pas répondu à la question de Haaretz de savoir si Fahamiya Khalidi avait été examinée par un médecin et si, sur la base de cet examen, la prison de Damon avait décidé qu’elle était une «combattante illégale» qui ne devait pas être autorisée à rencontrer un avocat. L’administration pénitentiaire n’a pas non plus répondu à la question de savoir si les autorités pénitentiaires ne trouvaient pas étrange de considérer une femme dans son état comme une « combattante illégale ».

Il a été demandé au service de sécurité du Shin Bet et au ministère de la Justice si Fahamiya Khalidi avait été interrogée par le service de sécurité du Shin Bet et si les FDI, l’administration pénitentiaire et/ou le Shin Bet étaient habilités à libérer une personne arrêtée en vertu de la loi sur les « combattants illégaux » s’il s’avérait qu’elle n’était pas un « combattant » et qu’elle n’était pas en mesure de fournir des informations. Le ministère de la Justice a déclaré que les questions devaient être posées au Shin Bet, qui n’a pas répondu. La réponse du porte-parole des FDI n’est pas parvenue avant l’heure d’impression de cet article.

[1] En date du 31 janvier 2024, Al Jazeera publiait une vidéo effroyable montrant la découverte d’une fosse commune près de l’hôpital Indonésien, au nord de Gaza. Plus de 30 corps y étaient ensevelis. Les premiers constats indiquaient sans aucun doute possible que les «prisonniers», avant leur exécution, avaient les yeux bandés et les mains attachées, ainsi que des traces de torture. Les massacres opérés par les FDI prennent des figures multiples, toutes effrayantes.
Sur la rétention des « dépouilles de guerre » et l’empêchement des « rituels funéraires»  pratiqués par les forces de répression de l’Etat Israélien, il est possible de lire l’ouvrage remarquable de Stéphanie Latte Abdallah, 
Des morts en guerre. Rétention des corps et figures du martyr en Palestine, Khartala, 2022. Un compte rendu de cet ouvrage est proposé sur le site de La Vie des idées, le 26 janvier 2024, par Valérie Robin Azvedo. (Réd.)
[2] Depuis octobre 2007 – pour se limiter à la période la plus proche – l’occupant israélien qualifie tout combattant de la résistance palestinienne comme « terroriste » ou « combattant ennemi illégal », ce qui de façon contraire au droit humanitaire international aboutit à leur dénier tout droit et à anonymiser les défunts. (Réd.)
[3] Sur la confluence non hasardeuse entre la campagne de dénonciation de l’UNRWA et le premier jugement intermédiaire de la Cour internationale de justice, nous y reviendrons sous peu. (Réd.)

Amira Hass
Article publié dans le quotidien israélien Haaretz, le 1er février 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/agee-de-82-ans-frappee-par-la-maladie-dalzheimer-mais-arretee-comme-combattante-illegale-par-israel-en-fait-un-revelateur-de-la-guerre-menee-a-gaza.html

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Jour 117 de l’opération « déluge d’Al-Aqsa » : Israël assiège l’hôpital Nasser pour le dixième jour consécutif
https://www.france-palestine.org/Jour-117-de-l-operation-deluge-d-Al-Aqsa-Israel-assiege-l-hopital-Nasser-pour
Le CNRS doit se conformer à l’ordonnance de la CIJ et mettre fin à toute coopération scientifique avec Israël
Ivar Ekeland, président de l’AURDIP, a écrit à Antoine Petit, Président-directeur général du CNRS, pour s’étonner que le CNRS relance de nouveaux projets de coopération franco-israéliens après l’ordonnance de la Cour Internationale de Justice (CIJ) du 26 janvier 2024 qui souligne les forts risques que Israël commette actuellement un génocide à Gaza.
https://aurdip.org/le-cnrs-doit-se-conformer-a-lordonnance-de-la-cij-et-mettre-fin-a-toute-cooperation-scientifique-avec-israel/
Chagrin et colère: une lettre de rabbins américains au Président Biden
https://aurdip.org/chagrin-et-colere-une-lettre-de-rabbins-americains-au-president-biden/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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