Contre la négation du passé militant dans la construction de l’histoire

9« Ce livre est donc un récit rétrospectif du Freedom Summer en même temps qu’une tentative d’en évaluer l’impact à la fois chez ses participants et dans l’ensemble de la société américaine ».

Doug McAdam analyse la situation aux États-Unis dans les années 1960 et plus particulièrement celle d’une partie de cette génération « la première génération d’enfants dans l’histoire des États-Unis à constituer un marché », leur confiance en eux. Il replace l’action des participant-e-s volontaires au soutien à l’inscription des Noir-e-s sur les listes électorales dans le contexte socio-économique, et plus particulièrement celui du Mississippi. L’auteur revient sur les premières oppositions de masse au système racial ségrégationniste et sur le rôle du SNCC dans la campagne d’inscription.

Il souligne les aspects contradictoires (dont celles liées au genre et à la « race ») de la campagne, les problèmes politiques posés par la mobilisation de Blanc-he-s coupée de l’auto-organisation des populations concernées, d’autant que la couverture médiatique des actions sera importante, ce qui n’était jamais le cas pour les actions des Noir-e-s.

Il insiste particulièrement sur les « racines biographiques » des personnes engagées, « L’arrogance de la jeunesse et les privilèges de classe se combinent à l’air du temps pour donner à ces volontaires un sentiment démesuré du caractère unique de leur génération et de sa capacité d’action », la force du lien unissant les volontaires, et des conséquences sur leur futur.

Doug McAdam montre à la fois « l’impact immédiat du Freedom Summer » et ses répercutions sur les événements des années 60. A juste titre, il insiste sur l’éclatement de la « communauté bien-aimée » et des mythes soubassements d’une certaine unité imaginaire étasunienne, et les limites du « plaidoyer moral » dans les combats politiques. Il souligne aussi le rôle du FBI (surveillance, manipulation, etc.), les droits démocratiques d’expression et d’organisation sont toujours sous surveillance au pays du mythe de la liberté.

J’ai particulièrement été intéressé par le traitement des aggravations des tensions raciales, de la radicalisation politique et « de la libération personnelle ».

L’auteur indique aussi que « le Freedom Summer contribua à dissocier le militantisme des activités antipatriotiques ».

Contrairement aux idées répandues, les volontaires ne retournèrent pas leur veste, elles et ils se mobiliseront contre la guerre du Vietnam et plus généralement dans les combats sociaux, et en particulier, pour certaines, dans le mouvement de libération des femmes. L’analyse des trajectoires des volontaires, même si elle est trop centrée, me semble-t-il, sur les données personnelles, ouvre des champs de compréhension aux actions des un-e-s et des autres.

Une contribution intéressante à l’histoire des États-Unis et à la mémoire des combats contre le racisme institutionnel.

Voir aussi la chronique de Nicolas Béniès : Pour mémoire

Doug McAdam : Freedom Summer. Luttes pour les droits civiques Mississippi 1964

Traduit de l’anglais par Célia Izoard

Editions Agone, Marseille 2012, 478 pages, 26 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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