Refaire l’histoire de la révolution industrielle… à l’aune de notre entrée dans l’ère de l’Anthropocène

3Les auteur-e-s emploient la notion de « affects fascistes » dans « une vie non fasciste nouvelle introduction ». Elles et ils parlent aussi de « décoloniser mon esprit ». Cela entraîne l’analyse de rapports sociaux sur une face psychologisante qui ne me semble pas adéquate. Autre chose aurait été de rechercher dans la construction psychique de chacun-e, dans la construction sociale des individu-e-s, les éléments qui « favorisent » des comportements déshumanisants.

Ceci étant dit, je souligne que ce texte pointe des éléments qu’il faudrait plus souvent discuter : les petites et grandes misogynies quotidiennes, le virilisme, l’amour des hiérarchies, les épouvantails humains, la création et la mise à distance de l’autre, « le désir de l’entre-soi est en embuscade à tous les coins de rue », l’invention de communautés perdues, les ritournelles des « bonnes questions, mauvaises réponses », etc.

Parmi les autres textes, je souligne notamment :

  • « bataille d’images au Caire » de Pierre Benetti,

  • l’entretien avec Alondra Nelson : « blouses banches et panthères noires » sur l’activisme Black Panther pour l’accès aux soins et l’ouverture de cliniques communautaires dans les quartiers noirs,

  • « servir le peuple » de Claire Richard sur les militantismes portoricains dans les années 70,

  • « looks like I’ll be stoned and drunk at your gay wedding » de Cécile Casanova sur la légalisation du cannabis et le mariage gay à Seattle et leurs conséquences au niveau fédéral,

  • « néolibéralisme, femmes migrantes et marchandisation du care » de Sara R. Farris. L’auteure y souligne, entre autres, « combien le néolibéralisme coïncide avec un processus spécifique de féminisation des migrations à l’échelle internationale et de « création » d’une force de travail femmes-migrantes ». Si Sara R. Farris indique « la marchandisation des services à la personne et du travail qu’il soit domestique ou lié à la reproduction, et leur structuration en marchés typiquement racialisés et genrés », elle ne dit rien sur les principaux bénéficiaires, à savoir les hommes. Ce point me semble important, d’autant que certain-e-s semblent prioriser le bénéfice qu’en tireraient les femmes blanches dans des rapports racialisés, oubliant leur « combinaison » avec les rapports genrés. L’auteure ajoute « la féminisation du marché du travail a été accompagnée, ces trente dernières années, par une généralisation des conditions les plus précaires, qui ont, historiquement, caractérisé le travail féminin ».

J’ai été aussi intéressé par l’entretien avec Anne-James Chaton et ses références à Georges Perec et Samuel Beckett, et le texte de Shirley Niclais sur « la guerre et son théâtre de la mort » et Kantor.

L’entretien avec Jean-Baptiste Fressoz « l’apocalypse et l’anthropocène » est remarquable. L’auteur propose une nécessaire « re-politisation de l’histoire à l’aune de l’écologie ». Il souligne l’intérêt de la notion anthropocène pour « penser une bifurcation majeure, en montrant qu’en un temps finalement assez bref, environ deux cens ans, on a perturbé le système Terre pour des dizaines de milliers d’années ». Deux cents ans et « une modernité typiquement capitaliste et industrielle », et l’extraction de charbon puis du pétrole…

Vacarme 65 http://www.vacarme.org/

De nombreux textes disponibles en ligne, mais cela ne devrait pas dispenser les lectrices et les lecteurs d’acheter la revue.

octobre-décembre 2013, 240 pages, 12 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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