Rendons-nous maîtres d’un souvenir tel qu’il brille à l’instant du péril

arton844« Spinoza avait un trou à son manteau. On avait tenté de le poignarder, et son manteau en portait la trace. C’est devenu « le manteau de Spinoza ». »

Lecture voyage au pays du déconcertant. Une promenade sur des chemins escarpés, éclairés par le souffle de l’émancipation. Quelques indications, sans connaissances particulières en philosophie et en exégèse de textes religieux.

Ivan Segré propose une lecture critique de la lecture, d’un « théoricien bourgeois » du nom « juif », Jean-Claude Milner. Une lecture à la fois politique et une application d’un art méconnu, « l’art hébraïque de l’exégèse ».

Comme l’auteur l’indique dans son prologue : « Il y a donc au sujet du nom « juif » deux écoles non seulement antagoniques mais antinomiques : il y a d’une part les théoriciens bourgeois du nom « juif » qui prétende interdire, au nom de la « barrière » de la Loi, le devenir révolutionnaire du nom « ouvrier » ; il y a d’autres part les théoriciens ouvriers du nom « juif », qui prétendent que ce nom qualifie non pas le sujet d’une Loi, mais le sujet de la connaissance d’un dieu qui « fait sortir d’Egypte », et que vivre sous la conduite de sa connaissance est la loi du nom « juif », incompatible avec toute autre ».

Ivan Segré parle, entre autres, de l’ordre de la raison, « hétérogène à ce qui tient lieu de tradition et provoque une réaction de type policier », du sens implicite, intériorisant le sens explicite, du sens implicite qu’il faut entendre, de l’ignorance comme passion d’ignorer, de l’art de la lecture, de l’« élection », de circoncision, du consensus nationaliste issu de l’appareil d’Etat israélien, de l’Etat fondé sur une idée du bien commun, de contradiction, d’anachronisme et de contrevérité, « un animal trompeur se mord la queue. C’est son signe distinctif », de méfiance, « il y a lieu de se méfier de toute règle qui prétend transcender ce dont elle est la règle », du déductif et du littéral, de l’intelligence de la lettre…

L’auteur interroge « la différence de nature entre l’obéissance et la connaissance », parle d’amour et de joie, des affects augmentant « la puissance d’agir et de connaître », de puissance de la pensée, de « l’explicite audace du philosophe »…

J’ai notamment été intéressé par l’histoire du talmud, sa clôture autour du VIe siècle, « Il ne s’agit plus de penser dialectiquement la fidélité au mosaïsme mais de régir l’observance des fidèles ».

Ivan Segré analyse les rapports entre les trois religions monothéistes et une même forme d’adversité ou d’altérité, la philosophie. Il parle de dépossédés, de forces organisées, de liberté, « des hommes émancipés de la tutelle parentale », du « devenir des hommes libres », de l’arbre de la connaissance, de la connaissance en lieu et place de l’obéissance, de désastre réversible…

« Habiller la nudité est l’acte d’une reconquête subjective de sa liberté intérieure, l’acte d’une connaissance. Le manteau troué de Spinoza symbolise la haine dont l’acte de connaissance est l’objet. C’est la haine de la Loi pour la connaissance. Haine bourgeoise »

Erudition et ironie. Une lecture passionnante, même lorsque l’on a de faibles compétences en philosophie. « L’histoire des idées est une discipline d’une ironie insondable »

Du même auteur :

Qu’appelle-t-on penser Auschwitz ?, Editions Lignes 2009, le-scandale-derriere-les-mots/

La réaction philosémite, Editions Lignes 2009, contre-la-defense-de-loccident/

Ivan Segré : Le manteau de Spinoza.

Pour une éthique hors la Loi

La fabrique éditions, Paris 2014, 265 pages, 14 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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