Sur les rapports entre les Etats et les religions en Europe : un mouvement historique d’ensemble vers la laïcité et la sécularisation

Quelques remarques à partir de la situation scolaire alsacienne-mosellane1.

Commençons par un retour sur les débats et les avancées laïques de la fin du 19e et du début du 20e siècle qui ont conduit la France aux lois scolaires laïques (lois Ferry du 28 mars 1882 et loi Goblet du 30 octobre 1886) et, une vingtaine d’années plus tard, à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 19052.

La loi du 28 mars 1882 supprime l’instruction religieuse des programmes scolaires et laïcise les locaux (ce qui implique notamment l’interdiction des crucifix et celle d’y assurer le catéchisme). La loi Goblet porte sur l’organisation générale de l’enseignement primaire : elle prévoit la laïcité des personnels, en particulier l’incompatibilité de principe entre l’appartenance à un clergé et l’exercice d’une fonction dans l’enseignement public primaire. Les lois laïques françaises représentent à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle l’aboutissement spécifique dans une conjoncture politique particulière d’une exigence ancienne et de luttes qui n’ont cependant rien de spécifiquement français, puisque en Allemagne (avec le mouvement en faveur des weltlichen Schulen) ou en Grande-Bretagne (avec un mouvement similaire en faveur des secular schools) les enjeux philosophiques, politiques et scolaires sont fondamentalement les mêmes. Il s’agit en effet, comme le formulait déjà John Locke, dès 1689, de faire en sorte que l’Eglise fût « complètement séparée » du pouvoir politique.

En effet, au cours du 19e siècle, partout en Europe la soumission des esprits des maîtres et des élèves à l’autorité du pouvoir sacerdotal était perçue comme le principal obstacle à la mise sur pied des systèmes d’enseignement modernes. Mais, avant 1914, c’est en France, pays dans lequel l’Eglise catholique avait connu, lors de la Révolution française, sa plus grande défaite depuis la Réforme que le mouvement de laïcisation était allé le plus loin3.

Cependant il importe d’éviter des simplifications abusives. La laïcité n’implique pas rejet des religions, mais bien davantage recherche d’une morale commune adaptée aux sociétés modernes. Pour s’en convaincre il suffit de relire la leçon du sociologue Emile Durkheim sur la morale laïque. Parlant au début du 20e siècle de la morale telle qu’elle s’est développée dans des cultures et des religions diverses, Emile Durkheim remarque qu’il faut aller chercher au sein même des conceptions religieuses les réalités morales qui y sont dissimulées  : « Il faut découvrir ces forces morales que les hommes, jusqu’à présent, n’ont appris à se représenter que sous la forme d’allégories religieuses ; il faut les dégager de leurs symboles, les présenter dans leur nudité rationnelle, pour ainsi dire, et trouver le moyen de faire sentir à l’enfant leur réalité, sans recourir à aucun intermédiaire mythologique. C’est à quoi l’on doit tout d’abord s’attacher, si l’on veut que l’éducation morale, tout en devenant rationnelle, produise tous les effets qu’on en doit attendre »4. Pour Durkheim la laïcité implique la recherche d’une morale commune.

Au regard des trois principes de base des lois scolaires laïques de la fin du 19e siècle, laïcité des programmes, des locaux et des personnels, la situation qui prévaut aujourd’hui en Alsace et en Moselle est à l’exact opposé de ce qui fonde la laïcité historique. Malgré le profond recul des croyances et des pratiques religieuses enregistré au cours de la seconde moitié du 20e siècle, notamment au cours des dernières décennies, les cultes reconnus disposent toujours de privilèges publics considérables à travers un statut des cultes et un statut scolaire non laïques. Des cours de religion confessionnelle sont assurés au sein de l’enseignement public et les familles indifférentes au religieux, agnostiques ou athées, de même que celles qui se reconnaissent dans d’autres religions, sont obligées de solliciter une dérogation pour leurs enfants5. Ces statuts d’exception, et plus particulièrement le statut scolaire tiennent bien sûr à l’histoire spécifique des trois départements de l’Est. Ces départements furent allemands pendant un demi-siècle (de 1871 à 1918, puis à nouveau brièvement, mais avec de toutes autres caractéristiques de 1940 à 19446).

Après 1918, la politique de l’Etat français se caractérisera en Alsace et en Moselle par un mélange d’attentisme et de jacobinisme. Les maladresses, pour le moins, n’ont pas manqué : la pratique de la langue régionale sera brimée et l’ensemble du droit local parfois mis en cause indistinctement. Mais c’est aussi le contexte politique français qui change pendant et après la Première guerre mondiale. Pendant le conflit, la religion patriotique prend appui, en France comme ailleurs, sur les Eglises chrétiennes qui, partout, soutiennent leur Etat national. Après la guerre, en 1921, on assiste en France au rétablissement des relations diplomatiques avec le Vatican, puis, en 1924, à l’accommodement avec les associations cultuelles. Dans ce contexte de réconciliation la droite nationale comme le Cartel des Gauche vont renoncer à étendre les lois laïques françaises aux trois départements de l’Est7. Cette situation se prolongera au lendemain de la Seconde guerre mondiale, alors que l’exigence laïque était réaffirmée par différents secteurs de la société française, y compris par l’Eglise réformée.

Les turbulences de ces décennies (allers-retours entre la France et l’Allemagne, expulsions, expropriations, germanisation et francisation, nazification et destructions massives en 1944-45) et la profonde osmose entre Etat et Eglises expliquent le maintien d’un droit et le développement de pratiques spécifiques. Les principaux particularismes ont cependant fortement reculé au cours des dernières décennies, tant en ce qui concerne la pratique de la langue que la pratique et la croyance religieuse. La confusion des genres a longtemps été un obstacle supplémentaire qui a empêché la revendication laïque d’avoir un écho significatif en Alsace et en Moselle. Ainsi, le Syndicat National des Instituteurs (SNI) épousait le jacobinisme de l’Etat et s’opposait dans un même mouvement à la main-mise des Eglises sur les consciences et à la langue régionale. Il est vrai cependant qu’il relayait le refus massif des instituteurs alsaciens d’enseigner l’allemand alors que 85 % de la population y était au contraire tout à fait favorable8.

Le statut scolaire d’Alsace Moselle est une exception en France métropolitaine qui accorde des privilèges considérables aux quatre cultes reconnus : par ordre d’importance, l’Eglise catholique, l’Eglise luthérienne, l’Eglise réformée et le culte israélite. Les non-croyants et ceux qui se reconnaissent dans d’autres religions sont de facto discriminés. Ce statut scolaire déroge au principe d’égalité des citoyens. C’est un objet juridique dérogatoire au droit français dont les assises sont pour le moins fragiles et dont la mise en œuvre montre en outre que de nouveaux avantages sont régulièrement concédés aux cultes reconnus, malgré l’abandon de certaines dispositions, notamment celles concernant les écoles confessionnelles et interconfessionnelles, les écoles normales confessionnelles, les écoles congréganistes, la prière à l’école ou l’inauguration religieuse des écoles.

Les Églises et les partisans du statut scolaire local défendent très régulièrement l’idée erronée que la règle française de séparation de l’Église et de l’État relèverait de l’exception au sein de l’Europe. Cette thèse a également été défendue pour des raisons apologétiques opposées par certains défenseurs de la laïcité « à la française » qui ont tendance à en faire un mythe sans prendre en compte la réalité du mouvement historique profond en faveur de la séparation dans la plupart des pays européens et les transformations enregistrées dans ces pays depuis un siècle. Les partisans du statut alsacien-mosellan soutiennent l’opinion qu’il correspondrait à une supposée normalité européenne. Pourtant, une telle vision d’un modèle européen qui s’opposerait à l’exception française a été récusée depuis longtemps. Les ouvrages collectifs déjà anciens de Jean Baubérot et d’Alain Dierkens9, pour ne citer qu’eux, présentaient déjà suffisamment d’éléments empiriques et d’analyses convaincantes pour réfuter l’hypothèse d’une norme européenne unifiée qui s’opposerait à une exception française de séparation. La thèse de Benoît Mély (2004) démontre que l’exigence de séparation n’est en rien un phénomène spécifiquement français, elle est en réalité étroitement liée à l’histoire politique et scolaire de l’Europe. Cette exigence s’est développée tout au long du 18e et du 19e siècle dans la plupart des pays européen, notamment en Grande-Bretagne, en Italie, en France et en Allemagne. Elle s’est exprimée partout et s’est, partiellement au moins, réalisée. Certes le cas français est original, mais l’étude approfondie des rapports entre les religions et les États montre que dans la plupart des pays ces rapports ont évolué en direction de la séparation. Le modèle français est simplement l’illustration la plus aboutie de cette transformation avant 1914. Benoît Mély met également en cause, ou plus exactement il relativise, le modèle explicatif fondé sur l’opposition entre « pays catholiques » et « pays protestants ». Il met à jour deux logiques politiques en matière scolaire : l’une vise à reproduire la différenciation « école pour le peuple » / « école des notables », l’autre cherche à établir une école démocratique dépassant cette opposition. Selon les analyses de l’auteur, les lois de Jules Ferry sont à ranger dans la première logique, tandis que les mouvements partisans d’une école « weltlich », « purley secular » ou « laica » participeraient en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie, d’une seconde logique opposée à toute forme de croyance (religieuse ou étatique). L’opposition n’est donc pas entre la France et le reste de l’Europe. Partout, il a fallu vaincre la résistance des Églises qui n’ont pas consenti à céder d’elles-mêmes leurs prérogatives en matière d’éducation publique. Ces victoires ont été plus ou moins précoces et plus ou moins amples en fonction du contexte socio-politique du pays considéré et des rapports de force. D’ailleurs, l’enjeu laïque divise toujours fortement les membres des institutions européennes. L’exigence de séparation s’est encore concrétisée quand en l’an 2000, l’État suédois a cessé de financer l’Église luthérienne alors que jusqu’alors le luthérianisme était officiellement la religion d’État.

En Alsace-Moselle, l’arrivée massive au cours des dernières décennies de populations musulmanes a mis en évidence l’inégalité entre croyants. En effet les confessions reconnues bénéficient de privilèges considérables par rapport aux religions non reconnues. Par ailleurs depuis quelques décennies, certains responsables des Églises protestantes et catholique se préoccupent de la situation de l’Islam. Déjà en juin 1981, Mgr Elchinger, alors archevêque de Strasbourg, s’inquiétait de l’« initiation coranique » : « Depuis plusieurs années, je suis intervenu auprès du recteur d’Académie et de MM. Les Maires de Strasbourg et de Mulhouse pour que soit organisée une initiation coranique dans les classes élémentaires où il y aurait un nombre suffisant d’enfants musulmans ». Il apportait un peu plus loin cette précision : « Mes propositions ont trouvé bon accueil auprès des autorités rectorales et municipales, mais peu auprès des familles concernées »10.

À la fin des années 1990, à l’initiative d’un regroupement de théologiens catholiques et protestants, on a assisté à une tentative de création d’une faculté de théologie musulmane au sein de l’Université des sciences humaines de Strasbourg, sur le modèle des deux instituts de théologie catholique et protestante à statut dérogatoire. Cette tentative a échoué à la fois en raison d’une opposition au sein de l’université et de l’absence d’interlocuteurs musulmans intéressés. Mais de nouveaux projets sont en préparation11. Cette sollicitude des représentants des Églises catholique et protestantes vise essentiellement à consolider le statut scolaire local et le statut local des cultes.

Les responsables politiques ne sont pas en reste. En 1997, le président du Conseil régional, Adrien Zeller, s’était déclaré favorable à la reconnaissance de l’Islam, y compris son intégration dans les religions reconnues. Il espérait aussi qu’à cette occasion les Églises chrétiennes, sous l’aiguillon de la concurrence, connaîtraient un regain de ferveur. Gustave de Beaumont, un ami d’Alexis de Tocqueville, observait déjà en 1835, en commentant la situation religieuse nord-américaine que la conscience religieuse est exaltée par la profusion des antagonismes religieux et la diversité religieuse12.

Mais au cours des années récentes l’intégration de l’Islam ne fait pas (ou plus) l’unanimité, ni au sein des Églises, ni parmi les représentants de l’État, et encore moins après la reprise par la commission Stasi de cette suggestion. Ainsi le préfet de Metz a déclaré publiquement à la veille des élections régionales de 2004 qu’il n’était pas question d’intégrer l’Islam dans le statut local. Le fort vote en faveur de l’extrême droite (qui a réalisé plus de 28 % des voix en Alsace au premier tour des élections régionales, le 21 mars 2004) et la forte présence médiatique de l’Islam, via les polémiques récurrentes sur le foulard, ne sont probablement pas étrangères à cette prise de position du représentant de l’État. Le président de l’IDL propose prudemment en avril 2004 la création d’une « commission d’étude » destinée « à fournir aux autorités compétentes tous les éléments nécessaires à la poursuite d’un tel projet »13.

D’un point de vue laïque, le statut scolaire et le statut des cultes sont discriminatoires. Mais si la seule réponse cohérente consiste bien à demander l’égalité de traitement, celle-ci doit s’appliquer tant à l’égard des membres de toutes les autres religions qui sont en effet discriminées par rapport aux quatre cultes reconnus qu’à l’égard de ceux qui ne se reconnaissent dans aucune religion. Le cadre de cette égalité de traitement ne peut pas être un statut scolaire (et des cultes) local élargi (à quelles autres religions ? L’Islam ? Le Bouddhisme ? Les autres Églises évangéliques ? Et lesquelles ? Les témoins de Jehova ? etc.). Le seul cadre possible d’une telle égalité de traitement à l’égard aussi bien de ceux qui se reconnaissent dans une religion, quelle qu’elle soit, qu’à l’égard des indifférents, des agnostiques ou des athées, est précisément la laïcité.

Les lois scolaires laïques historiques des années 1880 et la loi de 1905 représentent de ce point de vue un cadre commun nettement plus solide et plus respectueux que la loi néo-laïque de mars 2004 sur les signes religieux qui conduit à l’exclusion de jeunes filles mineures des écoles publiques et/ou à leur scolarisation dans des institutions confessionnelles sous prétexte de port de foulard islamique. Les lois laïques historiques font obligation à l’Etat et ses institutions, en premier lieu l’école (laïcité des personnels, des programmes et des bâtiments), d’être laïques. L’école doit accueillir tous les élèves quelles que soient leurs croyances ou leur superstition, à charge pour elle de les former et de les transformer.

La loi néo-laïque de 2004, ses applications à géométrie variable et ses extensions mises en œuvre ou prévues (loi sur la burka, extension aux parents d’élèves accompagnant une sortie scolaire, extension à une crèche privée, extension envisagée de la loi sur les signes religieux à l’université14, etc.) visent les élèves, voire les parents d’élèves ou les étudiants, plus spécifiquement les Musulmans même s’ils ne sont pas nommément désignés par les textes. Cette loi, présentée comme étant une loi laïque, fait apparaître davantage encore l’absurdité de la situation dans les départements de l’Est. Partout en Europe c’est cette loi néo-laïque de 2004 qui soulève des incompréhensions, plus précisément elle est comprise comme étant une loi discriminatoire, ce qu’ont montré les débats auxquels j’ai pu participer en Allemagne (à Göttingen et à Karlsruhe) et en Espagne.

Les affaires de foulard antérieures à la nouvelle loi sur les insignes religieux étaient déjà à cet égard particulièrement choquantes. La presse nationale a fait un silence presque total sur l’« affaire » de Thann, qui se déroulait pourtant exactement au même moment que celle des deux sœurs d’Aubervilliers, laquelle a été médiatisée d’une manière pour le moins démesurée. Mais braquer le projecteur sur Thann risquait de révéler la dimension essentiellement discriminatoire de ces affaires. En effet, une élève de 11 ans d’une classe de 6e de Thann (Haut-Rhin) a été exclue définitivement en novembre 2003 de son collège au nom de la laïcité, parce qu’elle portait un voile islamique (avant d’être réintégrée provisoirement dans un autre collège public de la même ville le 10 février 2004 et d’être à nouveau exclue définitivement courant mars 2004). Pourtant, dans ces collèges haut-rhinois, les ministres des cultes reconnus ou leurs représentants venaient (et viennent toujours) donner des cours de religion et, en fin de trimestre, siéger en conseils de classe. La grande majorité des enseignants des collèges concernés se sont mobilisés au nom de la laïcité contre la présence en cours d’une jeune fille portant le foulard, jamais contre la présence d’enseignants des religions reconnues envoyés par les Églises et rémunérés par l’Etat.

À l’automne 2004, en application cette fois de la loi sur les insignes religieux, des dizaines d’élèves ont été exclues de différents établissements scolaires publics alsaciens. Pourtant, dans nombre d’établissements des trois départements de l’Est de la France, des crucifix, insignes religieux par excellence, sont toujours accrochés aux murs des salles de classe. Ces contradictions criantes ne semblent pas ébranler le président de l’Institut du droit local (IDL) qui affirme en avril 2004 dans la Revue du droit local qu’il « ne peut être interdit » au personnel religieux dispensant des cours de religion dans des établissements scolaires « de porter des signes ou tenues manifestant leur appartenance religieuse ». Il ajoute même : « Il est difficilement concevable que les cours d’enseignement religieux soient dépouillés de tous signes manifestant l’appartenance à la religion concernée »15.

En raison du non-respect des principes d’égalité et de liberté, et des évolutions sociologiques profondes (déprise religieuse, montée des dispenses), les forces laïques font depuis longtemps des propositions pragmatiques pour sortir d’un statu quo devenu intenable aujourd’hui. Au lieu d’obliger la majorité des parents à solliciter des dispenses, une solution simple consisterait, dans un premier temps du moins, à substituer à « l’obligation » de l’enseignement religieux, une option facultative. Une telle évolution serait en cohérence avec l’arrêt du Conseil d’État16 du 6 avril 2001. Celui-ci avait introduit une précision essentielle en estimant que l’obligation s’impose à l’État et non aux élèves et à leurs familles.

Les parents qui ne souhaitent pas d’enseignement religieux à l’école publique sont aujourd’hui de plus en plus nombreux dans le cycle élémentaire ; ils largement majoritaires dans le premier comme dans le second cycle de l’enseignement secondaire. Plus d’un siècle après l’adoption de la loi de séparation de l’Église et de l’État, il est temps de parachever enfin celle-ci. Cette question ne concerne pas seulement les Alsaciens et les Mosellans, elle concerne tous les Français qui par leurs impôts financent les cultes et le statut scolaire d’Alsace-Moselle.

La transformation effective et immédiate de l’enseignement religieux en option facultative permettrait aux familles qui le souhaitent d’inscrire leurs enfants aux cours de religion sur la base du volontariat. Elle lèverait dans le même temps la contrainte qui pèse sur les parents qui ne souhaitent pas un tel enseignement pour leurs enfants d’avoir à se prononcer. En effet une telle démarche n’est demandée pour aucun autre enseignement optionnel. Dans une perspective laïque l’enseignement religieux ne doit plus être intégré au planning des enseignements obligatoires, par contre il faut apporter des garanties aux élèves (et à leurs parents) pour leur liberté de suivre, par ailleurs, un tel enseignement. Et ceci concerne bien entendu tous les cultes, y compris l’Islam.

Roland Pfefferkorn, 21 février 2015

Voir aussi, un article plus développé de l’auteur :
http://www.laicitedaccord.com/Conf%20et%20debats/rss38-pfefferkorn.pdf

1 Ces remarques synthétiques s’appuient sur mes textes antérieurs : « A propos du statut scolaire non laïque d’Alsace-Moselle » in Frédéric Rognon (sld), Ecole et laïcité : modèles et controverses. La laïcité scolaire en débat, Association des Publications de la Faculté de Théologie Protestante, Col. Travaux de la Faculté de Théologie Protestante de Strasbourg n° 14, Strasbourg, 2009 : 151-183 ; « Das Schulstatut in Elsass-Moselle und der Islam. Eine Analyse aus laizistischer Perspektiver » in Christine Langenfeld, Irene Schneider (Hg.), Recht und Religion in Europa. Zeitgenössischer Konflikte und historische Perspektive, Universitätsverlag, Göttingen, 2008 : 195-208 ; « Le statut scolaire d’Alsace-Moselle : une atteinte à la laïcité », in Olivier-Utard, F. (éds.) Instits, profs et syndicats en Alsace. 1920-2000, Strasbourg, BF éditeur, Almémos (Alsace Mémoire du Mouvement Social – antenne alsacienne du Maîtron), 2008: 161-193 ; « El estatuto escolar en Alsacia y Mosela : un estatuto no laico », Praxis sociológica, Universidad de Castilla-La Mancha, Editorial Azacanes, n° 12, enero 2008 : 35-64 ; « Alsace-Moselle : un statut scolaire non laïque », Revue des sciences sociales, Université Marc Bloch, Strasbourg, n° 38, 2007 : 158-171 ; « Les particularités du statut scolaire d’Alsace-Moselle », Actes du colloque national de la Ligue de l’enseignement : « Laïcité : les exceptions d’hier et les enjeux d’aujourd’hui », Cahiers du cercle Jean Macé, n° 77, 3e trimestre 2006, pp. 139-149 ; « Le statut scolaire d’Alsace-Moselle : un archaïsme intenable », La Pensée, n° 344, octobre-décembre 2005 : 57-66 ; « Le statut scolaire d’exception d’Alsace-Moselle », Raison présente, n° 149-150, 1er trimestre 2004 : 123-148 ; Voir aussi « La fabrication de l’« Autre » par le pouvoir. Entretien avec Christine Delphy » Migrations-Sociétés, Vol. 23, n° 133, dossier « Migrations, racismes et résistances », janvier-février 2011 : 57-77 (entretien avec D. Bertaux, C. Delcroix et R. Pfefferkorn). Traduction en espagnol : “Entrevista a Christine Dephy. La fabricación del « otro » por parte del poder », Rebellion, 11 octobre 2012.

2 Nous nous limitons pour l’essentiel dans les remarques qui suivent aux rapports entre l’Etat et les religions à l’école.

3 Voir Benoît Mély, De la séparation des Eglises et de l’Ecole. Mise en perspective historique. Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Lausanne, Editions Page deux, Collection « Cahiers libres », 2004.

5 Cette situation porte atteinte à la liberté de conscience, à l’égalité de tous sans distinction d’option spirituelle et à l’universalité de la loi commune assurée par la puissance publique. Il suffit d’imaginer, comme le remarque Henri Pena-Ruiz, « un cours d’humanisme athée et une obligation similaire pour les familles de croyants pour réaliser l’incongruité d’une telle situation » (in Benoît Mély, op. cit. p. 482).

6 A noter que durant la brève période nazie les cours de religion ont été supprimés dans les écoles publiques en Alsace et en Moselle annexée par l’Allemagne hitlérienne alors qu’à l’opposé, au cours de la même période, l’Etat vichyste se rapprochait de l’Eglise catholique. Cf. l’article de Claude Singer : « 1940-1944 : la laïcité en question sous le régime de Vichy », Raison présente, n° 149-150, 1er trimestre 2004, pp. 41-54. Sur la nature raciste de l’enseignement au cours de la période nazie je me permets de renvoyer à mon article « Mein Kampf enseigné aux enfants d’Alsace et de Moselle (1940-1944) », Revue des sciences sociales, n° 31, 2003, Université Marc Bloch, Strasbourg, pp. 186-197.

7 Voir notamment Benoît Mély, op. cit., p. 472-477.

8 Le livre des syndicalistes Jules Senger et Paul Barret, Le problème scolaire en Alsace et en Lorraine ? Le régime confessionnel. Le bilinguisme, (Paris, Les éditions Temps futurs, sans date) est un bon exemple de cette confusion des genres. Sur la question linguistique je me permets de renvoyer à mes articles : « Parler, écrire, penser : le bilinguisme hors les dialectes », La Pensée, Paris, n° 323, juillet-septembre 2000, pp. 99-110 ; « Bilinguisme : question régionale ou question sociale », Passerelles, Thionville, n° 18-19, 1999, pp. 135-139 ; « Moselle germanophone. Contradictions linguistiques… », Revue des sciences sociales de la France de l’Est, n° 25, 1998, Université Marc Bloch, Strasbourg, pp. 149-153.

9 Jean Baubérot (dir.), Religions et laïcité dans l’Europe des douze, Paris, Syros, 1994 ; Dierkens Alain (ed.), Problèmes d’histoire des religions. Pluralisme religieux et laïcité dans l’Union européenne, Bruxelles, Editions de l’université de Bruxelles, 1994.

10 Cf. Cahiers du Centre Fédéral, Centre d’histoire sociale, de recherches, de formation et de documentation de la Fédération de l’Education Nationale, FEN-UNSA, Paris, n° 15, février 1996, p. 239.

11 Cf. la conférence de F. Messner donnée début 2005 à Strasbourg : « Sur la création d‘une faculté de théologie musulmane à Strasbourg. Cf. aussi le rapport de la commission Machelon publié en septembre 2006 qui reprend la proposition de création d‘une faculté de théologie musulmane à Strasbourg :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/064000727/0000.pdf (pour une analyse critique voir : http://www.laicitedaccord.com/analyse%20rapport%20machelon.html

Cf. plus récemment Dernières Nouvelles d’Alsace des 12 et 21 février 2015.

12 Gustave de.Beaumont, Marie ou l’esclavage aux Etats-Unis, Tableau de Moeurs Américaines, Paris, Charles Gosselin, 1835. 2 volumes. Il est cité par Karl Marx, Sur la question juive, Paris, La Fabrique éditions, 2006, p. 51.

13 Revue du droit local, n° 40, février 2004 (parue en avril 2004), p. 12.

14 Proposition de loi, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 février 2015, visant à étendre le principe de laïcité aux établissements publics d’enseignement supérieur, présentée par Eric Ciotti et quelques dizaines d’autres députés : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2595.asp

15 Revue du droit local, n° 40, février 2004 (parue en avril 2004), p. 11.

16 Cf. Francis Berguin, De la portée du droit local alsacien et mosellan sur le service public de l’éducation nationale, 19 pages. Texte inédit communiqué par l’auteur.

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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