« En 2016, l’Unicef estimait qu’au moins 200 millions de femmes et de filles étaient mutilées dans le monde »
Armelle Andro et Marie Lesclingand expliquent l’évolution des termes utilisés pour parler des pratiques aux conséquences délétères sur la santé (dont la santé sexuelle et reproductive) des femmes, « L’évolution des termes mobilisés pour nommer ces pratiques et les débats qui les ont souvent entourées sont significatifs des changements de paradigmes dans la perception de ces pratiques. Le changement de vocabulaire s’est fait parallèlement au développement, au niveau international, d’une mobilisation visant à les éradiquer. » Ces pratiques sont aujourd’hui appréhendées comme « une forme de violation des droits humains et une atteinte grave à la santé » et qualifiés de « mutilations ».
Sommaire
I – De la circoncision féminine aux mutilations génitales féminines
L’approche anthropologique : comprendre les fondements sociaux et culturels
La construction d’une doctrine internationale contre les MGF : entre droits humains et droit à la santé
Classifier les différentes formes de mutilations
II – Les sources de données
Les enquêtes sociodémographiques
Les enquêtes cliniques : mesure des conséquences médicales
Limites et biais des données collectées auprès des femmes
III – L’ampleur des mutilations génitales dans le monde
La mesure du phénomène
La situation actuelle dans les pays d’origine
IV – Les dynamiques sociales de l’abandon ou de la perpétuation de la pratique
La dynamique du changement social
L’effet des politiques de lutte contre les MGF
L’effet de la migration
V – Les conséquences des MGF sur la santé et la sexualité des femmes
Les complications immédiates
Les autres complications physiques et psychologiques
Les complications obstétricales
Les conséquences sur la vie sexuelle
VI – Les enjeux de la prise en charge médicale
La médicalisation de la pratique et la mobilisation contre sa diffusion
Le cas particulier des pratiques de ré-infibulation
Les chirurgies de réhabilitation et leur lente reconnaissance
VII – Conclusion : les enjeux de la recherche
Mieux analyser les données disponibles
Généraliser la collecte de données
Développer les études sur les conséquences sur la santé
Enjeux pour les droits de femmes
Il est important de souligner les évolutions d’approche de ces phénomènes, des descriptions en terme de « circoncision » féminine à la prise en compte du système inégalitaires des rapports sociaux de sexe, des justifications de ces pratiques comme rite à l’atteinte à l’intégrité corporelle et à la construction « d’une doctrine internationale contre les MGF »…
Armelle Andro et Marie Lesclingand abordent, entre autres, la classification des différentes formes de mutilation, les données et leurs limites – « les femmes ne savent pas toujours ce qu’elles ont subi et peuvent difficilement le catégoriser » – par pays ou régions d’origine (je trouve discutable l’emploi non critique de la notion d’« ethnie ») et pays d’immigration, les sous-déclarations dans les contextes juridiques d’interdiction, les niveaux de prévalence1, les facteurs associés (pauvreté, scolarisation, urbanisation, etc.), les dynamiques sociales d’abandon ou de perpétuation, les effets des migrations…
Les auteures détaillent les « complications sanitaires » : immédiates, physiques et psychiques, obstétricales, les conséquences sur la vie sexuelle, les effets de la médicalisation de la pratique, les pratiques de ré-infibulation, les chirurgies de réhabilitation dont la réhabilitation clitoridienne. Elles soulignent que « la « réparation » de l’excision ne relève pas de la seule chirurgie, mais que cette dernière améliore la qualité de la vie sexuelle »…
Elles invitent à poursuivre et généraliser les collectes de données, débattre des formes d’intervention « les revers de l’imposition de normes sociales hégémoniques » ou des conditions de sexualité épanouie…
« Il s’agit donc de continuer, à la lumière des recherches menées ces dernières années, à déconstruire la figure stéréotypée de « la femme excisée » conçue comme catégorie homogène et objectivée, pour appréhender la diversité des situations et des conséquences néfastes que cet acte peut avoir sur les trajectoires de vie de ces femmes, et avancer vers leur éradication. »
Je regrette l’absence d’exemples de pratiques collectives, comme celles de mobilisations de femmes, celles qui déposent les couteaux, de débats dans les espaces dits de rituels ou de tradition facilitant la lutte pour l’éradication des mutilations.
Une étude complémentaire pourrait être menée sur d’autres formes actuelles de mutilations effectuées par des chirurgiens, soit pour les réassignations sexuelles pour les personnes dites intersexuelles (évoquées par les auteures), soit pour des opérations dites esthétiques sous la pression des normes pornographiques et qui touchent aujourd’hui des milliers de femmes…
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En complément possible :
Axelle Jah Njiké : L’AFRIQUE INTIME Femme noire, femme blanche, ensemble contre l’excision, lafrique-intime-femme-noire-femme-blanche-ensemble-contre-lexcision/
APPEL INTERNATIONAL : Pour la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs comme des droits universels et inaliénables et le respect de l’intégrité physique des femmes, appel-international-pour-la-reconnaissance-des-droits-sexuels-et-reproductifs-comme-des-droits-universels-et-inalienables-et-le-respect-de-lintegrite-physique-des-femmes/
Développement et santé : Spécial Excision / Mutilations sexuelles féminines, il-ny-a-pas-de-bonne-excision-et-il-ny-a-pas-dexcision-a-minima/
Fran P. Hosken – Dessins de Marcia L. Williams : Le livre d’images universel de la Naissance. Histoire illustrée de la reproduction racontée du point de vue de la femme avec son additif sur les mutilations sexuelles féminines, contre-les-atteintes-intolerables-aux-droits-humains-et-a-lintegrite-des-femmes/
Rapport annuel 2014 du Programme commun FNUAP-UNICEF sur les Mutilations génitales féminines/Excision, rapport-annuel-2014-du-programme-commun-fnuap-unicef-sur-les-mutilations-genitales-femininesexcision/
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Armelle Andro, Marie Lesclingand : Les mutilations génitales féminines. État des lieux et des connaissances
Article publié dans Population 2/2016 (Vol. 71) , p. 224-311
URL : www.cairn.info/revue-population-2016-2-page-224.htm.
Didier Epsztajn
1 Wikipédia : En épidémiologie, la prévalence est une mesure de l’état de santé d’une population, dénombrant le nombre de cas de maladies à un instant donné ou sur une période donnée.
En contribution à votre article : plasticienne engagée, j’ai réalisé une oeuvre sur le sujet des mutilations sexuelles intitulée « Infibulation », que j’ai pu présenter à 400 lycéens français pour la Journée des Femmes 2018. Le dialogue fut incroyable avec des élèves qui découvraient cette pratique barbare.
Quand l’art permet de parler directement des MGF et d’ouvrir le débat.
A découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/blog-page.html
Mais aussi une oeuvre plus pudique intitulée « Noli me tangere » sur l’inviolabilité du corps de la femme : https://1011-art.blogspot.fr/p/noli-me-tangere.html