L’arrêt Roe v Wade a été annulé. Voici ce que cela veut dire (et autres textes)

  • Jia Tolentino : Nous ne retournons pas à l’époque d’avant le jugement Roe v. Wade de la Cour suprême des États-Unis. Nous allons dans un endroit encore pire
  • Moira Donegan : L’arrêt Roe v Wade a été annulé. Voici ce que cela veut dire.
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  • Déclaration de UIES Canada sur la décision de faire reculer les droits des femmes aux États-Unis
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  • Pétition

  • Manifestation à Paris le 2 juillet 2022

Nous ne retournons pas à l’époque d’avant le jugement Roe v. Wade de la Cour suprême des États-Unis. Nous allons dans un endroit encore pire

Nous entrons dans une ère non seulement d’avortements dangereux mais aussi de criminalisation généralisée de la grossesse.

Dans les semaines qui ont suivi la fuite d’une ébauche de décision de la Cour suprême étasunienne dans l’affaire Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization – une affaire concernant une loi du Mississippi qui interdit l’avortement après quinze semaines, avec quelques exceptions liées à la santé mais aucune pour le viol ou l’inceste -, un slogan a été relancé : « Nous ne reviendrons pas en arrière ». Il a été scandé lors de défilés, de manière provocante mais aussi quelque peu maladroite, étant donné que nous sommes clairement dans une ère de répression et de régression, dans laquelle les droits à l’avortement ne sont pas les seuls en train de disparaître. Maintenant que la Cour suprême a rendu sa décision finale, annulant l’arrêt Roe v. Wade et supprimant le droit constitutionnel à l’avortement, garantissant ainsi que l’avortement deviendra illégal ou fortement restreint dans vingt États américains, ce slogan semble presque divorcé de la réalité – une indication, peut-être, de la difficulté à comprendre le pouvoir et l’extrémisme de droite de l’actuelle Cour suprême américaine.

Pourtant, le soutien au droit à l’avortement n’a jamais été aussi élevé, avec plus de deux tiers des Américain.es en faveur du maintien de l’arrêt Roe v. Wade, et cinquante-sept pour cent des répondant.es affirmant le droit d’une femme à l’avortement pour n’importe quelle raison. Malgré cela, certains responsables républicains ont clairement fait savoir qu’ils tenteront de faire passer une interdiction fédérale de l’avortement si et quand ils contrôleront les deux chambres du Congrès et la présidence. Toute femme qui peut tomber enceinte doit maintenant faire face à la réalité : la moitié du pays est entre les mains de législateurs qui croient que votre personnalité et votre autonomie sont conditionnelles – qui croient que, si vous êtes fécondée par un homme, quelles que soient les circonstances, vous avez le devoir légal et moral de subir la grossesse, l’accouchement et, selon toute probabilité, deux décennies ou plus de soins à pourvoir, quelles que soient les conséquences permanentes et potentiellement dévastatrices pour votre corps, votre cœur, votre esprit, votre famille, votre capacité à mettre de la nourriture sur la table, vos projets, vos aspirations, votre vie.

L’accès à l’avortement après Roe
« Nous ne reviendrons pas en arrière » – c’est un cri de ralliement inadéquat, suscité uniquement par des événements qui démentent son message. Mais il est vrai dans au moins un sens. Le futur que nous habitons maintenant ne ressemblera pas au passé avant Roe v. Wade, lorsque les femmes cherchaient des avortements illégaux et trouvaient souvent la mort. Le principal danger se situe désormais ailleurs, et on peut même dire qu’il va plus loin. Nous sommes entré.es dans une ère non pas d’avortement dangereux mais de surveillance et de criminalisation généralisées par l’État – celles des femmes enceintes, certes, mais aussi des médecins, des pharmaciens, du personnel des cliniques, des bénévoles, des ami.es et des membres de la famille, de toute personne qui entre en contact avec une grossesse qui ne se termine pas par une naissance saine. Ceux qui affirment que cette décision ne changera pas grand-chose – un point de vue que l’on retrouve des deux côtés du clivage politique – ne voient pas comment les croisades anti-avortement menées au niveau des États ont déjà transformé la grossesse en punition, et comment la situation est sur le point d’empirer.
Dans les États où l’avortement a été ou sera bientôt interdit, toute perte de grossesse au-delà d’un seuil précoce peut désormais potentiellement faire l’objet d’une enquête criminelle. Les historiques de recherche, les historiques de navigation, les messages texte, les données de localisation, les données de paiement, les informations provenant des applications de suivi des menstruations – les procureurs peuvent désormais tout examiner s’ils pensent que la perte d’une grossesse peut avoir été délibérée. Même si les procureurs ne parviennent pas à prouver qu’un avortement a eu lieu, celles qui feront l’objet d’une enquête seront punies par le processus, responsables de tout ce qui pourrait être découvert.
Il y a cinq ans, 
Latice Fisher, une mère noire de trois enfants du Mississippi, qui gagnait onze dollars de l’heure en tant qu’opératrice radio de la police, a connu une fausse couche, à environ trente-six semaines, à son domicile. Interrogée, elle a reconnu qu’elle ne voulait pas d’autres enfants et qu’elle n’avait pas les moyens de s’occuper d’autres enfants. Elle a remis son téléphone aux enquêteurs, qui l’ont fouillé à la recherche de données et ont trouvé des termes de recherche concernant la mifepristone et le misoprostol, c’est-à-dire les pilules abortives.

Ces pilules sont l’une des raisons pour lesquelles nous ne retournerons pas à l’ère des cintres. Elles peuvent être prescrites par télémédecine et livrées par courrier ; permettant la prescription d’une dose supplémentaire, elles sont efficaces à quatre-vingt-quinze ou quatre-vingt-dix-huit pour cent dans les cas de grossesse jusqu’à onze semaines, qui représentent près de quatre-vingt-dix pour cent de tous les avortements aux États-Unis. Dans dix-neuf États, il est interdit aux médecins de fournir des avortements par télémédecine, mais les femmes peuvent demander l’aide de cliniciens dans d’autres États et à l’étranger, comme Rebecca Gomperts, qui dirige Aid Access, une organisation basée en Autriche qui fournit ouvertement des pilules abortives aux femmes dans les États où l’avortement est interdit, et qui envoie en toute sécurité des pilules abortives à des personnes enceintes dans le monde entier depuis 2005, avec l’organisation Women on Web. Avant les interdictions américaines, Gomperts a fait la promotion de la prescription anticipée : des médecins compréhensifs pourraient prescrire des pilules d’avortement à toute femme ayant ses règles, éliminant ainsi certaines des craintes – et, éventuellement, la traçabilité – que susciterait une tentative d’obtenir les pilules après le début de la grossesse. Le misoprostol peut être prescrit pour d’autres problèmes, comme les ulcères d’estomac, et Gomperts soutient qu’il n’y a pas d’argument médical raisonnable contre la prescription anticipée. « Si vous achetez de l’eau de Javel au supermarché, c’est plus dangereux », a-t-elle déclaré.

Il n’y avait aucune preuve que Latice Fisher avait pris une pilule abortive. Elle a maintenu qu’elle avait vécu une mortinaissance – un événement qui se produit dans une grossesse sur cent soixante aux États-Unis. Néanmoins, elle a été accusée de meurtre au second degré et détenue avec une caution de cent mille dollars. Le procureur de district, Scott Colom, avait fait campagne en tant que réformateur progressiste ; les défenseurs des droits de l’homme l’ont poussé à abandonner l’accusation de meurtre et à fournir au grand jury davantage d’informations sur un « test flottant » désuet et peu fiable que les procureurs avaient utilisé comme base de leur allégation selon laquelle le bébé de Fisher était né vivant. Madame Fisher a finalement été innocentée de toutes les accusations ; son épreuve a duré plus de trois ans.

Même s’il reste possible dans les États d’interdiction de commander des pilules d’avortement, le faire sera illégal (le Missouri a récemment proposé de classer la livraison ou l’expédition de ces pilules comme un trafic de drogue. La Louisiane vient d’adopter une loi qui fait de l’envoi de pilules abortives à un résident de l’État un délit pénal, passible de six mois d’emprisonnement). Dans de nombreux États, pour ne pas enfreindre la loi, une femme devrait se rendre en voiture dans un État où l’avortement est légal, y avoir une consultation par télémédecine, puis recevoir les pilules dans cet État. De nombreuses femmes du Texas ont opté pour un choix plus risqué mais plus facile : traverser la frontière en voiture pour se rendre au Mexique et se procurer les pilules abortives dans des pharmacies non réglementées, où les pharmaciens risquent de fournir des conseils d’utilisation incorrects. Certaines femmes qui n’ont pas la liberté et l’argent pour voyager hors de l’État, et qui pourraient craindre les conséquences d’une demande de confirmation clinique de leur stade gestationnel, commanderont des pilules abortives sans savoir clairement à quel stade de la grossesse elles se trouvent. Les pilules abortives sont sûres et efficaces, mais les patientes doivent avoir accès à des conseils cliniques et à des soins de suivi. Dans les États d’interdiction, les femmes qui souhaitent consulter un médecin après un avortement autogéré devront, en règle générale, choisir entre risquer leur liberté et risquer leur santé.

L’avortement et la fausse couche se produisent actuellement plus d’un million de fois par an en Amérique, et les deux événements sont souvent indiscernables d’un point de vue clinique. En tant que tels, les états prohibitionnistes auront un intérêt à les différencier, un processus des plus envahissants. Certains ont déjà préparé le terrain pour établir des bases de données gouvernementales de femmes enceintes susceptibles de se faire avorter. L’année dernière, l’Arkansas a adopté une loi appelée Every Mom Matters Act, qui oblige les femmes qui envisagent de se faire avorter à appeler une ligne d’assistance téléphonique de l’État et qui impose aux prestataires de services d’avortement d’enregistrer toutes leurs patientes dans une base de données avec un identifiant particulier. Les lignes d’assistance téléphonique sont fournies par des centres de crise pour femmes enceintes : il s’agit généralement d’organisations chrétiennes, dont beaucoup se font passer pour des cliniques d’avortement, ne fournissent aucun soin de santé et tentent énergiquement de dissuader les femmes d’avorter. Ces centres de crise de grossesse sont déjà trois fois plus nombreux que les cliniques d’avortement aux États-Unis et, contrairement aux hôpitaux, ils ne sont pas tenus de protéger la vie privée de celles qui s’y adressent. Depuis des années, les États conservateurs redirigent des fonds, souvent issus de fonds destinés aux femmes et aux enfants pauvres, vers ces organisations. Les données que les centres de crise pour femmes enceintes sont capables de collecter – noms, lieux, détails familiaux, antécédents sexuels et médicaux, images d’échographie non diagnostiques – peuvent désormais être déployées contre les femmes qui demandent leur aide.

Si vous tombez enceinte, votre téléphone le sait généralement avant nombre de vos amis. Toute l’économie d’Internet repose sur le suivi méticuleux des utilisateurs – achats, termes de recherche – et, à mesure que les lois inspirées de la loi S.B. 8 du Texas prolifèrent, encourageant les citoyens à intenter des procès à quiconque facilite un avortement, les justiciers autoproclamés ne manqueront pas d’outils pour suivre et identifier les suspectes. (Le National Right to Life Committee a récemment publié des recommandations politiques à l’intention des États anti-avortement qui prévoient des sanctions pénales pour quiconque fournit des informations sur l’avortement autogéré « par téléphone, par Internet ou par tout autre moyen de communication »). Un journaliste de Vice a récemment dépensé la bagatelle de cent soixante dollars pour acheter un ensemble de données sur les visites de plus de six cents cliniques de Planned Parenthood. Les courtiers vendent des données qui permettent de suivre les trajets vers et depuis n’importe quel endroit – par exemple, une clinique d’avortement dans un autre État. Dans le Missouri, cette année, un législateur a proposé une mesure qui permettrait aux citoyens privés de poursuivre en justice quiconque aide une résidente de l’État à se faire avorter ailleurs ; comme pour le S.B. 8, la loi récompenserait les plaignants qui obtiendraient gain de cause en leur versant la somme de dix mille dollars. La situation analogue la plus proche de ce type de législation est la Loi sur les esclaves en fuite de 1793.

Pour l’instant, les principales cibles des lois comme S.B. 8 sont les personnes qui fournissent des avortements, pas celles qui les demandent. Mais cela semble susceptible de changer. Le Connecticut, un État progressiste en matière d’avortement, a récemment adopté une loi qui empêche les agences locales de coopérer avec les poursuites pour avortement intentées hors de l’État et qui protège les dossiers médicaux des clientes vivant hors de l’État. D’autres États progressistes suivront l’exemple. Si les États d’interdiction ne peuvent pas poursuivre les médecins hors de l’État, et si les pilules d’avortement envoyées par la poste restent largement indétectables, les seules personnes restant à cibler seront les partisans du droit à l’avortement et celles qui essaient de se faire avorter. The Stream, une publication chrétienne conservatrice, a récemment préconisé la détention psychiatrique obligatoire pour les femmes qui se font avorter. En mai, la Louisiane a déposé un projet de loi qui permettrait d’accuser de meurtre les patientes ayant subi un avortement. La proposition a été retirée, mais la menace avait été faite.
Le concept théologique de la personnalité fœtale – l’idée que, dès le moment de la conception, un embryon ou un fœtus est un être humain à part entière, méritant des droits égaux (ou, plus exactement, supérieurs) – est une doctrine fondamentale du mouvement anti-avortement. Les ramifications juridiques de cette idée – y compris la classification possible de la FIV (fécondation in vitro), du stérilet et de la pilule du lendemain en tant qu’instruments de meurtre – sont démesurées et beaucoup plus rigoureuses que ce que même l’Américain anti-avortement moyen est actuellement prêt à accepter. Néanmoins, le mouvement anti-avortement fait maintenant ouvertement pression pour que la notion de personne fœtale devienne le fondement de la loi américaine sur l’avortement.

Si un fœtus devient une personne, il est possible d’inventer un cadre juridique exigeant qu’une personne qui en a un vivant en elle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour le protéger, y compris – comme cela est arrivé à Savita Halappanavar, en Irlande, un pays qui a fonctionné sur la base d’une doctrine de personnalité fœtale jusqu’en 2018, et à Izabela Sajbor, en Pologne, où tout avortement est effectivement illégal – soit mourir. Aucune autre obligation de ce type n’existe nulle part dans notre société, qui accorde néanmoins aux flics la liberté d’assister sans intervenir au meurtre d’enfants derrière une porte non verrouillée. En Pologne, les femmes enceintes atteintes d’un cancer se voient régulièrement refuser une chimiothérapie parce que les cliniciens craignent de nuire au fœtus.

Des lois sur la personnalité du fœtus ont été adoptées en Géorgie et en Alabama, et il est peu probable qu’elles soient jugées inconstitutionnelles. De telles lois justifient une criminalisation à grande échelle de la grossesse, par laquelle les femmes peuvent être arrêtées, détenues et autrement placées sous l’intervention de l’État pour avoir entrepris des actions perçues comme potentiellement dangereuses pour un fœtus. Cette approche a été régulièrement testée, sur les minorités à faible revenu en particulier, au cours des quatre dernières décennies. National Advocates for Pregnant Women – l’organisation qui a assuré la défense juridique des femmes dans la plupart des causes mentionnées dans le présent article – a documenté près de mille huit cents cas, de 1973 à 2020, de poursuites ou d’interventions es liées à la grossesse ; probablement une sous-évaluation importante de leur nombre réel. Même dans des États comme la Californie, où la loi interdit explicitement d’accuser les femmes de meurtre après une perte de grossesse, des procureurs conservateurs le font quand même.

La plupart des poursuites liées à la grossesse, jusqu’à présent, tournent autour de la consommation de drogues. Les femmes qui ont consommé de la drogue pendant leur grossesse ou qui ont suivi un traitement pour consommation de drogue pendant leur grossesse ont été accusées de maltraitance, de négligence envers les enfants, de distribution de drogue à un mineur, d’agression avec une arme mortelle, d’homicide involontaire et d’homicide. En 2020, les forces de l’ordre de l’Alabama ont enquêté sur une femme nommée Kim Blalock pour mise en danger chimique d’un enfant après qu’elle ait dit au personnel de la salle d’accouchement qu’elle avait pris de l’hydrocodone prescrit pour gérer la douleur. (Le procureur de district l’a accusée de fraude à la prescription – un crime – avant d’abandonner complètement les poursuites). Il y a eu une série de poursuites choquantes récentes en Oklahoma, dans lesquelles des femmes ayant consommé des drogues ont été accusées d’homicide involontaire pour avoir fait une fausse couche bien avant le stade de viabilité du foetus. Dans le Wisconsin, la loi de l’État permet déjà aux tribunaux pour mineurs de placer un fœtus – c’est-à-dire une femme enceinte – en détention pour la protection du fœtus, ce qui entraîne la détention et le traitement forcé de plus de quatre cents femmes enceintes chaque année en les soupçonnant de consommer des substances contrôlées. Une proposition de loi déposée au Wyoming créerait une catégorie spécifique de crime de mise en danger de l’enfant pour consommation de drogue pendant la grossesse, une loi qui ressemble à l’ancienne loi du Tennessee sur l’agression du fœtus. La loi du Tennessee a été abandonnée après deux ans, car traiter les femmes comme des adversaires des fœtus qu’elles portent a un effet paralysant sur la médecine prénatale et entraîne inévitablement une augmentation de la mortalité maternelle et infantile.

Le mouvement pro-choix dominant a largement ignoré la criminalisation croissante de la grossesse, tout comme il a généralement ignoré le caractère inadéquat de l’arrêt Roe. (Il a fallu plus d’un an à Joe Biden, qui a fait campagne pour faire de Roe la « loi du pays », pour prononcer officiellement le mot « avortement » après être devenu président ; les démocrates, qui ont eu la possibilité de passer outre l’obstruction parlementaire et de codifier Roe en mai, ne l’ont pas fait, comme on pouvait s’y attendre). Nombre de ceux qui soutiennent le droit à l’avortement ont tacitement accepté que les femmes pauvres et issues de minorités dans les États conservateurs aient perdu l’accès à l’avortement bien avant cette décision de la Cour suprême, et ont tranquillement espéré que les milliers de femmes confrontées à l’arrestation après une grossesse, une fausse couche, une mortinaissance ou même un accouchement sain étaient de malheureuses aberrations. Elles n’étaient pas des cas isolés et, comme l’a noté la chroniqueuse Rebecca Traister le mois dernier, le gouffre entre la classe privilégiée et toutes les autres se creuse chaque jour davantage.

La grossesse est plus de trente fois plus dangereuse que l’avortement. Une étude estime qu’une interdiction à l’échelle nationale entraînerait une augmentation de vingt et un pour cent des décès liés à la grossesse. Certaines des femmes qui mourront à cause de l’interdiction de l’avortement sont enceintes en ce moment même. Leur mort ne sera pas due à des procédures clandestines mais à un refus silencieux de soins : interventions retardées, volontés ignorées. Elles mourront d’infections, de pré-éclampsie, d’hémorragies, alors qu’elles seront forcées de soumettre leur corps à des grossesses qu’elles n’ont jamais voulu porter, et il ne sera pas difficile pour le mouvement anti-avortement d’accepter ces décès comme une conséquence tragique, voire noble, de la féminité elle-même.

En attendant, les interdictions de l’avortement vont blesser, handicaper et mettre en danger de nombreuses personnes qui voulaient mener leur grossesse à terme mais qui rencontrent des difficultés médicales. Les médecins des États d’interdiction ont déjà commencé à refuser de traiter les femmes qui font des fausses couches, de peur que leur traitement ne soit considéré comme un avortement. Une femme du Texas s’est vu dire qu’elle devait faire quinze heures de route jusqu’au Nouveau-Mexique pour se faire retirer une grossesse extra-utérine – qui est non viable, par définition, et toujours dangereuse pour la mère. Le misoprostol, l’une des pilules abortives, est couramment prescrit pour la gestion des fausses couches, car il provoque l’expulsion par l’utérus de tout tissu restant. Les pharmaciens du Texas, craignant une responsabilité légale, ont déjà refusé de le prescrire. Si une fausse couche n’est pas prise en charge de manière sûre, les femmes risquent – entre autres choses, et en tenant compte des dommages émotionnels – une perforation de l’utérus, une défaillance des organes, une infection, la stérilité et la mort.

La plupart des fausses couches sont causées par des facteurs indépendants de la volonté de la femme enceinte : maladies, irrégularités placentaires ou utérines, anomalies génétiques. Mais le traitement des femmes enceintes étasuniennes fait déjà que beaucoup d’entre elles se sentent directement et uniquement responsables de la survie de leur fœtus. On leur dit d’éviter absolument l’alcool, le café, le rétinol, la dinde de charcuterie, le fromage non pasteurisé, les bains chauds, l’exercice vigoureux, les médicaments qui ne leur sont pas prescrits, les médicaments qu’on leur a prescrits pendant des années – souvent sans aucune explication du raisonnement souvent bancal qui sous-tend ces interdits. Les facteurs structurels qui augmentent clairement la probabilité d’une fausse couche – pauvreté, exposition à des produits chimiques dans l’environnement, travail de nuit – sont moins susceptibles d’être évoqués. Au fur et à mesure que le statut de personne fœtale devient une loi dans un plus grand nombre de pays, les femmes enceintes, comme l’a souligné Lynn Paltrow, directrice de National Advocates for Pregnant Women, « pourraient être poursuivies en justice ou empêchées de voyager, de travailler ou d’exercer toute autre activité susceptible de créer un risque pour la vie du fœtus ».

Il y a un demi-siècle, le mouvement anti-avortement était dominé par des catholiques progressistes, anti-guerre et pro-protection sociale. Aujourd’hui, le mouvement est conservateur, évangélique et absolument hégémonique, peuplé en grande majorité de personnes qui, bien qu’elles puissent embrasser le placement familial, l’adoption et diverses formes de ministère privé, ne montrent aucun intérêt à faire pression pour un soutien public et structurel de la vie humaine une fois qu’elle a quitté l’utérus. L’universitaire Mary Ziegler a récemment noté que les défenseurs actuels de l’avortement considèrent les « stratégies des décennies précédentes comme apologétiques, lâches et contre-productives ». Au cours des quatre dernières années, onze États ont adopté des interdictions d’avortement qui ne prévoient aucune exception pour le viol ou l’inceste, un extrême auparavant impensable.

Au Texas, déjà, des enfants de neuf, dix et onze ans, qui ne comprennent pas encore ce que sont le sexe et l’agression sexuelle, sont confrontées à une grossesse et à un accouchement forcés après avoir été violées. Des femmes assises dans des salles d’urgence en pleine fausse couche se voient refuser un traitement contre la septicémie parce que le cœur de leur fœtus ne s’est pas encore arrêté. Des personnes dont vous n’entendrez jamais parler passeront le reste de leur vie à essayer et à échouer, de manière angoissante, dans ce pays punitif, pour assurer la stabilité d’un premier ou d’un cinquième enfant dont ils savaient qu’elles ne sont pas suffisamment pourvues pour s’occuper.

Face à tout cela, il y a eu tant de frilosité même dans le camp pro-choix – une approche qui présente l’avortement comme une nécessité malheureuse ; un type de message qui valorise le choix mais dévalorise les soins d’avortement eux-mêmes, qui met l’accent sur les droits reproductifs plutôt que sur la justice reproductive. Cette approche nous a conduites à la situation actuelle. Nous ne reviendrons pas à l’ère pré-Roe, et nous ne devrions pas vouloir revenir à l’ère qui lui a succédé, qui était moins amère que la présente mais qui n’a jamais été suffisante. Nous devrions exiger davantage, et nous devrons le faire. Nous devrons être à fond et sans condition favorables à l’avortement comme condition préalable nécessaire à la justice et à l’égalité des droits si nous voulons avoir ne serait-ce qu’une chance d’arriver un jour à un meilleur endroit. ♦

Jia Tolentino
Le 24 juin 2022. The New Yorker
Des journalistes du New Yorker répondent aux questions concernant l’accès à l’avortement après l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade :
https://www.newyorker.com/newsletter/the-daily/the-end-of-roe-v-wade-what-you-need-to-know-about-abortion-access

Version originale :
https://link.newyorker.com/view/5be9f9092ddf9c72dc881c36grptp.isqa/edd90482?fbclid=IwAR2p6PiwJDdIMy0dMJs1eyuaw1142JWg1VLaJ_1_Ggyai-J7jDy1mGAncuw
Traduction : TRADFEM
https://tradfem.wordpress.com/2022/06/24/10115/

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L’arrêt Roe v Wade a été annulé. Voici ce que cela veut dire.

Des millions de femmes sont désormais moins libres que les hommes, dans le fonctionnement de leur propre corps et dans le cheminement de leur propre vie.
Cette histoire n’est pas à propos de la Cour suprême des États-Unis. Aujourd’hui, l’épée de Damoclès qui pendait depuis longtemps au-dessus de la tête des femmes étasuniennes est finalement tombée : la Cour suprême a annulé son arrêt Roe v Wade, mettant fin au droit à l’avortement dans tout le pays. Cette décision était attendue depuis longtemps, et redoutée depuis longtemps, par les membres du mouvement des droits reproductifs, et son imminence a été longtemps niée par tous ceux qui souhaitaient minimiser l’embardée extrémiste du plus haut tribunal. Les heures à venir seront consacrées aux accusations et aux récriminations. Mais cette histoire ne consiste pas à savoir qui avait raison et qui avait tort.

Il ne s’agit pas non plus de l’effritement de la légitimité du système judiciaire américain, ni des querelles internes de la Cour suprême des USA. Dans les jours à venir, notre attention sera attirée vers les juges eux-mêmes – sur leurs sentiments, sur leurs carrières, sur leur sécurité. Nous serons distraits par la puanteur de partisanerie et de scandale qui émane des couloirs sombres de l’édifice de One First Street ; par les griefs des juges et leurs médisances mesquines en public ; ou par leur enquête paranoïaque et vengeresse sur la fuite d’une ébauche de l’opinion du juge Samuel Alito il y a quelques semaines. On nous grondera de ne pas manifester devant leurs maisons, et on nous empêchera, par de hautes clôtures et de lourdes portes et la présence de flics armés, de manifester devant le tribunal lui-même. Mais l’histoire n’est pas à propos de la Cour suprême.

L’histoire ne concerne pas les politiciens démocrates, dont le leadership en matière de droit à l’avortement a été tiède au mieux, et négligent au pire, depuis les années 1990. Dans les jours à venir, des personnes qui ont voté pour le maintien de l’amendement Hyde, une disposition qui interdit le financement fédéral de l’avortement depuis 1976 – limitant effectivement le droit constitutionnel à l’avortement aux seules Étasuniennes suffisamment riches pour se le permettre – nous diront à quel point la situation actuelle est terrible. Ces gens publieront des déclarations faisant état de leur indignation ; ils feront des discours pleins de platitude sur la valeur et la dignité des femmes étasuniennes. Ils ne mentionneront pas leur propre inaction, qui a persisté durant des décennies face aux menaces croissantes et bien financées de la droite contre l’arrêt Roe v. Wade. Ils ne mentionneront pas qu’ils n’ont rien fait alors que toute cette valeur et cette dignité des femmes américaines étaient en jeu   ils ne mentionneront pas que la plupart d’entre eux s’opposent encore, même aujourd’hui, à faire la seule chose qui pourrait éventuellement restaurer la liberté de procréation : augmenter le nombre de juges dans les tribunaux. Mais la lâcheté, l’hypocrisie et l’échec moral historique des Démocrates nationaux ne sont pas l’essentiel de cette histoire. Et l’histoire n’est certainement pas aussi vulgaire que ce que ce retrait des droits de la personne pourrait signifier pour les perspectives d’élections de mi-mandat de ce parti.

Cette histoire ne porte même pas sur le chaos juridique qui va maintenant suivre. Il ne s’agit pas du fait que dans 13 États, l’ordonnance décrétée aujourd’hui a rendu tout avortement immédiatement illégal, la consommation d’ambitions sexistes qui étaient depuis longtemps inscrites dans les lois dites « de la gâchette », des dispositions qui existent depuis des années et des décennies et qui interdisent tout avortement dès l’annulation de Roe v. Wade par la Cour – une misogynie qui attendait à l’affût de cette décision. L’histoire ne porte pas non plus sur les 1  autres États qui interdiront presque certainement l’avortement maintenant, ce qui signifie que cette procédure sera illégale dans 26 des 50 États du pays d’ici quelques semaines.

L’histoire ne porte pas sur la façon dont les législateurs, les avocats et les juges traiteront ces lois ; il ne s’agit pas de savoir s’ils autoriseront des exemptions miséricordieuses en cas de viol ou d’inceste (ils ne le feront pas) ou s’ils imposeront des mesures draconiennes visant à étendre la cruauté des interdictions d’État au-delà de leurs frontières pour cibler les médecins avorteurs, les bailleurs de fonds et les partisans situés dans les États à majorité démocrate (ils le feront).

L’histoire ne concerne pas le flic qui accusera le premier médecin ou la première patiente de meurtre – c’est déjà le cas, de toute façon. L’histoire ne concerne pas les militants anti-choix, ricanant dans leur triomphe, qui diront qu’ils ne veulent que le meilleur pour les femmes, et qu’on ne peut pas faire confiance aux femmes pour savoir ce qui est le mieux pour elles-mêmes. L’histoire ne concerne pas les femmes qui seront emprisonnées ou internées sur l’ordre de ces activistes, ni les femmes enceintes désespérées, n’ayant nulle part où aller, qui seront piégées par eux dans des « centres de crise de grossesse » à l’appellation trompeuse ou des « ranchs de maternité fondés sur l’exploitation des femmes.

La vraie histoire ne concerne pas les médias qui vont pondre des articles de réflexion, parler des deux côtés de la médaille, et de fausses équivalences insultantes et lancer des appels à l’unité. Il ne s’agit pas des experts qui grondent déjà les féministes en leur disant qu’en réalité, c’est le mouvement trop zélé pour le droit à l’avortement qui est à blâmer ; qu’en réalité, les femmes doivent apprendre à faire des compromis avec les forces qui voudraient les maintenir dans l’inégalité, liées à des vies plus petites, plus brutales et plus désespérées. L’histoire ne concerne même pas ces autres droits – les droits d’être parent, de se marier et d’avoir accès au contrôle des naissances – qu’une droite cruelle et enhardie attaquera ensuite.

La véritable histoire, ce sont les femmes. La vraie histoire est celle de l’étudiante dont le rendez-vous est prévu pour demain, qui recevra un appel de la clinique dans les prochaines heures lui disant que non, ils sont désolés, ils ne peuvent pas lui fournir un avortement après tout. La vraie histoire, c’est la femme qui sert aux tables, qui se sent tellement malade et épuisée ces dernières semaines qu’elle arrive à peine à faire son service, qui va bientôt appeler des cliniques dans d’autres États, entendre qu’elles sont toutes réservées pour des semaines, et qui va demander de l’argent à ses amis pour l’aider à payer l’essence, l’avion ou le congé qu’elle ne peut pas se permettre. La véritable histoire est celle de la prestataire de services d’avortement, déjà épuisée et au cœur brisé par des années de politiciens jouant à des jeux politiques avec les droits de ses patientes, qui se demandera si elle peut encore garder sa clinique ouverte pour ses autres services, et conclura qu’elle ne le peut pas. La véritable histoire est celle de la mère de deux enfants, plissant les yeux sur son téléphone alors qu’elle tente de réconforter un bambin qui hurle, essayant de déterminer ce qu’elle devra abandonner pour continuer à vivre la vie qu’elle veut, avec la famille qu’elle a déjà.

La véritable histoire concerne des milliers de ces femmes, non seulement aujourd’hui, mais aussi pour les décennies à venir – les femmes dont les vies seront réduites et rendues moins dignes par des grossesses non planifiées et non choisies, les femmes dont la santé sera mise en danger par le long et éreintant processus physique de la grossesse ; les femmes, et d’autres, qui devront renoncer à leurs rêves, mettre fin à leur éducation, réduire leur carrière, étirer leurs finances au-delà du point de rupture et soumettre leur propre volonté à celle de quelqu’un d’autre.

La véritable histoire se trouve dans les réalités qui seront sacrifiées – les livres qui ne seront pas écrits, les voyages qui ne seront pas faits, les espoirs qui ne seront pas poursuivis, les blagues qui ne seront pas racontées et les amis qui ne seront pas rencontrés, parce que les personnes qui auraient pu vivre les vies complètes, expansives et diverses que les avortements permettraient de mener seront forcées de vivre d’autres vies, des vies qui sont moindres précisément parce qu’elles ne sont pas choisies.

La véritable histoire, ce sont les millions de femmes, et autres, qui savent maintenant qu’elles sont moins libres que les hommes – moins libres dans le fonctionnement de leur propre corps, moins libres dans le cheminement de leur propre vie, moins libres dans la formation de leur propre famille.

La véritable histoire n’est pas cet ordre ; la véritable histoire est la non-liberté de ces personnes – la douleur qu’elle infligera et la joie qu’elle volera. La vraie histoire, ce sont les femmes, et la vraie histoire, c’est la question impossible : comment pourrons-nous jamais avoir assez de chagrin pour elles ?

Un éditorial de Moira Donegan

The Guardian, 24 juin 2022
https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/jun/24/overturning-roe-story-is-women-unfreedom?
Traduction : TRADFEM
https://tradfem.wordpress.com/2022/06/24/larret-roe-v-wade-a-ete-annule-voici-ce-que-cela-veut-dire/

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« La situation aux États-Unis est explosive »
Entretien fleuve avec Nancy Fraser

Voilà plus de quarante ans que Nancy Fraser, figure de la gauche radicale, pose un regard original sur les rapports de domination au sein des sociétés occidentales. Philosophe, féministe, celle qui a fait ses armes politiques sur les campus américains des années 1970 n’a cessé de penser les fondements de la justice sociale, les contours de l’espace public et les formes du militantisme à l’heure de la mondialisation. Nous l’avons rencontrée alors que la mobilisation bat son plein aux États-Unis pour défendre le droit à l’avortement, suite à la fuite révélant que la Cour suprême songe à revenir sur la jurisprudence historique Roe vs Wade. L’occasion d’évoquer avec elle l’état de la gauche américaine plus d’un an après l’élection de Joe Biden, les formes actuelles du féminisme, mais aussi la place qui revient aux philosophes en ces temps « clairs-obscurs » qu’elle s’efforce d’éclairer.

Philosophe féministe, militante, proche de la gauche radicale américaine : comment ces différentes identités se sont-elles agencées durant votre parcours ?
Ces différents fils se sont entremêlés tout au long de ma vie. Mais, revenons au commencement. Je suis née à Baltimore, une ville racialement ségréguée dans laquelle, très concrètement, les Afro-Américains n’avaient pas le droit d’aller dans le même restaurant que les Blancs, ou de s’asseoir là où ils le souhaitaient dans les transports en commun. Je me suis très tôt investie dans le mouvement pour les droits civiques, qui a été extrêmement formateur. Avec le recul, je me dis que mon engagement a sans doute été une réaction envers mes parents. Ils étaient de bons sociaux-démocrates, des soutiens de Roosevelt… et s’ils m’ont éduquée dans l’idée que ce régime ségrégationniste était injuste, ils n’ont jamais rien fait pour le changer. On peut dire que j’ai en quelque sorte canalisé ma colère adolescente dans ce premier engagement. Une deuxième étape a débuté lorsque j’ai commencé mes études et rejoint une université de très haut niveau, où les idées féministes étaient déjà bien implantées. Sans y être particulièrement active, je gravitais dans ce milieu. À cette époque, la guerre du Vietnam battait son plein et s’est imposée comme une cause militante majeure sur les campus. Il était naturel pour les militants de ma génération de lier les différentes luttes (anti-guerre, anti-racisme, féminisme), et j’ai consacré ma vie à la politique pendant plusieurs années. Pourtant, mon amour pour la philosophie ne m’a jamais quittée et quand j’ai décidé de faire une thèse, j’y ai emmené une grande partie de mon bagage militant, à commencer par les valeurs apprises au sein de la Nouvelle Gauche. Ça m’a aidée à trouver et à tracer ma route à l’université [1].

De quelle façon cet engagement initial a-t-il façonné votre boussole théorique ?
Je souhaitais résister à la philosophie américaine telle qu’elle est enseignée à l’université, c’est-à-dire de manière très rigide, très technique et, d’une certaine façon, standardisée. Mon expérience politique a été utile, car elle m’a permis de cerner ce qui m’importait : situer la philosophie dans un contexte social, faire en sorte qu’elle s’empare des enjeux sociaux contemporains. C’est ce qui m’a amenée à m’intéresser en particulier au capitalisme et aux liens cachés qui l’ont historiquement rattaché à la philosophie libérale.

Ce parcours vous permet de poser un regard sur l’évolution contemporaine des différentes mobilisations que vous mentionniez, et notamment du mouvement féministe. Pouvez-vous revenir sur ses transformations, ainsi que sur la nouvelle vague féministe que nous connaissons aujourd’hui ?
Au cours de la décennie écoulée, nous avons collectivement pris conscience que nous étions confrontés à une crise générale de la vie sociale : crise écologique, du travail, de la démocratie… Enfin, notre époque a été marquée par une crise du féminisme libéral, dominant jusqu’à la fin des années 2000 et qui a correspondu à la deuxième vague du mouvement. Aujourd’hui, on est arrivé au bout de l’idée qu’on peut parachever l’égalité entre les hommes et les femmes en s’attaquant avant tout aux discriminations que subissent les femmes qui se heurtent au plafond de verre. Dans les faits, il faut déjà pouvoir atteindre ce fameux plafond. In fine, on a vu que le féminisme promu par des figures comme Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook (Meta), ou Hillary Clinton s’adressait avant tout à une petite élite. Il me semble que cette tendance a contribué à la mauvaise réputation qui a entouré le féminisme pour de nombreuses personnes, peu politisées, et qui y ont vu un allié objectif du néolibéralisme.

Dans le même temps, nous avons tout de même vu éclore des mobilisations féministes novatrices comme les grèves féministes en Pologne ou en Argentine, auxquelles vous rendez d’ailleurs hommage dans votre manifeste Féminisme pour les 99% (La Découverte, 2019).
C’est juste. Il y a trois ans, plusieurs mouvements radicaux se sont développés en Europe et en Amérique latine – en Pologne en effet, mais aussi en Espagne, en Argentine, au Brésil… Ces grèves féministes ont été des moments marquants au cours desquels les femmes ont pris la tête de mouvements plus généraux, dans le sens où ceux-ci ne remettaient pas uniquement en cause la place des femmes dans la société, mais ont initié des réflexions beaucoup plus larges ayant trait à la répartition des richesses, au salariat, à l’éducation… Bref, ces grèves ont été des mouvements qui concernaient le monde social dans son ensemble. La troisième vague féministe – que j’appelais de mes voeux il y a une dizaine d’années alors qu’elle n’en était encore qu’à ses balbutiements – s’est concrétisée avec ces mobilisations. À l’image des grands mouvements d’occupation des places des années 2010 – Occupy, les Indignés, Nuit debout… –, elles ont été porteuses de beaucoup d’espoir.

Depuis la vague de mobilisations dont vous parlez, cet enthousiasme a néanmoins de quoi être sévèrement douché. La crise du néolibéralisme que vous évoquiez il y a plus de dix ans ne se résorbe pas. Elle semble avant tout bénéficier aujourd’hui à des mouvements populistes d’extrême droite qui parviennent à capitaliser sur les frustrations qui en résultent, de Donald Trump aux États-Unis à Jair Bolsonaro au Brésil, en passant par Marine Le Pen en France.
J’ai rédigé il y a quelque temps un petit livre qui n’a pas été traduit en français et qui s’intitule The Old Is Dying and the New Cannot Be Born (Verso, 2019). Il s’agit bien sûr d’une référence à la célèbre phrase du penseur communiste italien Antonio Gramsci (1891-1937), écrite alors qu’il était emprisonné par le régime fasciste : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Je crois que nous sommes en plein dans cette période liminaire, marquée par une série de symptômes morbides : mouvements populistes, essor des théories conspirationnistes en tout genre et dont nous avons malheureusement tout un catalogue aux États-Unis… Nous naviguons aujourd’hui dans ce « clair-obscur » dont parle Gramsci. Pour expliquer cette situation, je propose le diagnostic suivant – pour la société américaine, a minima. Longtemps, une alliance hégémonique s’est maintenue entre trois secteurs absolument primordiaux du système capitaliste américain : la finance, Hollywood et l’industrie du divertissement, et enfin le monde de la tech. Cette alliance a peu à peu noué des liens contre-nature avec des mouvements progressistes pour aboutir à l’éclosion de ce que je nomme le « néolibéralisme progressiste » : une mouvance hybride qui promeut le néolibéralisme, tout en faisant des enjeux de reconnaissance le coeur du progrès. Il me semble qu’il y a eu un rejet massif de cette vision du monde par les classes populaires qui ont parallèlement vu leurs conditions de vie se dégrader de façon très concrète, sans que la gauche ne leur propose une véritable alternative. Résultat des courses : il s’agit désormais de choisir entre néolibéralisme progressiste et populisme réactionnaire [2].

Parallèlement, on observe une recomposition de la gauche, qui peut prendre différentes formes selon les pays. Quelle troisième voie serait susceptible d’être tracée selon vous ?
Au cours des dernières années, plusieurs acteurs ont essayé d’incarner cette troisième voie. Je pense à la campagne de Bernie Sanders aux États-Unis, à Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce : autant d’initiatives qui ont montré la possibilité d’une alternative, au moins pendant un temps. À l’heure actuelle, cet élan semble s’être évaporé, et je ne peux qu’espérer qu’il reviendra. Le manifeste Féminisme pour les 99% que nous avons écrit avec Cinzia Arruzza et Tithi Bhattacharya était une proposition dans ce sens. Nous avons rédigé un texte politique qui s’inscrit en faux contre le néolibéralisme progressiste, et pensé un féminisme englobant qui ne s’attaque pas seulement aux enjeux de représentation touchant avant tout une élite, mais intègre des problèmes qui concernent la société tout entière.

Vous mentionnez la campagne de Bernie Sanders. Que retenez-vous de l’élection présidentielle américaine de 2020, et quel regard posez-vous sur le début de mandat de Joe Biden ?
L’élection de Joe Biden n’a rien arrangé et la situation aux États-Unis est aujourd’hui explosive. Une seule chose aurait pu contribuer réellement à apaiser la société américaine en aidant le plus grand nombre, et il ne l’a pas faite. Je fais ici référence à une mesure législative, initialement poussée par Bernie Sanders pendant sa campagne et reprise par le Président nouvellement élu : une grande loi d’investissement dans les infrastructures, particulièrement intéressante en ce qu’elle était le fruit d’une réflexion associant à la notion d’infrastructures le care au sens large, au premier rang desquels l’éducation et la santé [la notion de « care » telle qu’entendue ici recouvre l’ensemble des actions relatives à la prise en charge et au soin des individus, de l’enfance au grand âge, ndlr]. Une telle avancée aurait non seulement permis de générer de nouveaux emplois pour les femmes, mais la classe ouvrière et les catégories les plus démunies en auraient bénéficié. Cette proposition de loi a été taillée en pièces, en particulier son volet social. C’est une défaite. Il ne faut pas oublier que Biden a été élu en comptant sur le soutien de l’aile gauche du Parti démocrate. Avec cet échec, la gauche a perdu la foi qu’elle pouvait encore avoir en ce mandat, et l’élan du Président s’en trouve considérablement affaibli [3].

Vous ne croyez pas en un possible rebond social dans sa deuxième partie de mandat ?
J’estime pour l’heure qu’il s’agit d’une présidence ratée. J’irais plus loin : il me paraît fort probable que la veine trumpiste revienne au pouvoir à l’issue des élections de 2024. J’espère bien sûr me tromper, mais Donald Trump exerce actuellement un contrôle énorme sur le Parti républicain. Or, les républicains pèsent déjà majoritairement sur le pouvoir judiciaire. De plus, la perspective qu’ils sortent vainqueurs des prochaines élections de mi-mandat est plus que probable, ce qui ferait basculer le Congrès [branche législative du gouvernement, composée des deux assemblées : le Sénat et la Chambre des représentants, ndlr]. Quant à la gauche, je crains que la relève, dont la formidable Alexandria Ocasio-Cortez, ne soit encore trop jeune pour se lancer dans la course présidentielle [4].

D’ailleurs, on a pu à nouveau percevoir la mainmise de la frange conservatrice sur la Cour suprême américaine avec la fuite concernant une possible remise en cause de l’arrêt Roe vs Wade, qui coïnciderait avec un retour sur le droit à l’avortement aux États-Unis.
Aujourd’hui, 9 juges siègent à la Cour suprême, dont 6 ont été nommés par un Président républicain   Donald Trump en a désigné trois au cours de son mandat, un événement très rare dans l’histoire de nos institutions. D’après le document qui a fuité, 5 d’entre eux semblent se prononcer en faveur du retrait de cet arrêt de 1973, qui a constitué un moment historique pour le droit des femmes. Il y a beaucoup de rumeurs et de discussions au sujet de la personne qui a fait fuiter cette information, notamment concernant ses motivations. S’agit-il d’un proche du camp conservateur qui a souhaité propulser ce sujet dans l’espace public, le remettre sur la table, et ainsi bloquer ces 5 juges en leur rendant difficile tout changement de position éventuel ? S’agit-il au contraire d’une personne opposée à cette remise en question, qui a souhaité sonner l’alarme ? Quoi qu’il en soit, et quand bien même ce document ne déboucherait sur aucune loi, il s’agit d’une nouvelle désastreuse pour deux principales raisons. D’abord, parce que cela confirme que la Cour suprême [sommet du pouvoir judiciaire aux États-Unis, elle est composée de 9 juges nommés à vie par le Président, avec le consentement du Sénat, ndlr] n’est pas détachée des enjeux politiques du pays, bien au contraire. Le refus du Congrès de considérer la deuxième nomination d’un juge par Barack Obama, couplé aux trois nominations qu’a pu faire Donald Trump pendant sa présidence, a constitué un immense revers pour la démocratie américaine dont on voit aujourd’hui le résultat. Ensuite, c’est bien sûr une débâcle pour les droits des femmes, tant cela montre combien ils sont fragiles. On parle d’une décision qui a cinquante ans, vous vous rendez compte ? Cinquante ans ! Et elle pourrait être balayée demain. Si cela devait être le cas, ce serait la porte ouverte à une contre-révolution morale beaucoup plus importante que ce qu’on peut imaginer aujourd’hui [5].

Comment reliez-vous cette éventuelle contre-révolution morale et votre analyse du néolibéralisme contemporain ?
Les grandes entreprises ont tout intérêt à être « pro-choix » [entendu aux États-Unis comme pro-avortement, par opposition aux « pro-vie », ndlr], à garantir aux femmes le contrôle de leur corps et de leur fertilité, et à les inclure dans la population active. Les femmes sont aujourd’hui prises en étau entre deux forces : d’un côté, il y a les conservateurs réactionnaires qui militent en faveur de la famille patriarcale ; de l’autre, il y a les chantres du néolibéralisme qui souhaitent leur garantir l’accès au marché du travail, sans pour autant payer les impôts nécessaires à la mise en place d’infrastructures de care, qui sont la seule façon d’assurer aux femmes une participation à la vie de la cité équivalente à celle des hommes. Si l’on ne se préoccupe pas des conditions matérielles de la reproduction, de tout le travail que cela implique en termes de soin, d’éducation… et si l’on ne s’efforce pas de repenser sa répartition, le choix proposé aux femmes demeurera de toute façon biaisé.

Cette absence de choix serait donc directement corrélée au système économique dans lequel nous évoluons ?
Mon prochain livre, qui sortira aux États-Unis à l’automne, s’intitule Cannibal Capitalism (Verso, 2022) et revient précisément sur ces questions. J’adopte cependant une grille de lecture bien particulière en embrassant une définition étendue du capitalisme. En effet, il ne faut pas entendre le capitalisme uniquement comme un système économique, mais comme un ordre social beaucoup plus vaste dans lequel l’économie entretient des relations contradictoires – pour ne pas dire perverses – avec tous les éléments qui se situent en dehors de son giron officiel, tout en étant nécessaires à son bon fonctionnement. C’est le cas de la nature, qui offre quantité de ressources indispensables à l’économie capitaliste. C’est aussi le cas du care, qui correspond à l’ensemble du « travail reproductif », pour la raison simple qu’une force de travail fonctionnelle implique qu’on s’occupe d’elle et qu’il y ait pour ce faire des pourvoyeurs de care. Pour le dire simplement : pas de marché du travail sans travail du care.

Pouvez-vous préciser ce que recouvre ce « travail reproductif » et quelle place il occupe aujourd’hui ?
Il ne s’agit pas seulement d’assurer la reproduction au sens propre, de la gestation et de l’enfantement. Mais de prendre également en charge l’éducation des enfants, leur inculquer les règles de la société dans laquelle ils grandissent, de soigner les malades, de s’occuper des personnes âgées, d’entretenir les liens qui nous unissent à la communauté dans laquelle on s’inscrit (notre voisinage, par exemple)… Ce sont en réalité les conditions sine qua non à toute vie sociale, mais aussi à la reproduction d’une force de travail fonctionnelle. Or, tout l’enjeu au sein d’un système capitaliste est de dégager un maximum de profits et d’accumuler du capital. Cela est bien sûr facilité par l’existence de ressources gratuites ou presque : ainsi, les capitalistes puisent dans les réserves naturelles sans les remplacer et se nourrissent des fruits du travail du care. Non seulement ils ne rémunèrent pas ce dernier, mais ils s’opposent aux politiques publiques qui pourraient le faciliter. Pour faire mettre la main au pot aux principaux acteurs de ce système, il n’y a qu’un seul moyen, qui est de les y contraindre par une volonté politique forte. Ça a plus ou moins fonctionné dans le monde occidental à l’époque du New Deal et pendant les Trente Glorieuses. L’avènement de l’ère néolibérale a sonné le glas de cette logique. Depuis les années 1980, les règles du jeu ont changé. Les grandes entreprises ont beaucoup gagné en mobilité et leurs dirigeants n’hésitent plus à avoir recours à des mesures d’optimisation, voire d’évasion fiscale via des comptes offshore. De l’autre côté du spectre, les principaux syndicats ont été démantelés. Enfin, la fragmentation du travail et la baisse des revenus ont eu des conséquences dramatiques. Certains sont devenus tellement bas qu’ils ne permettent pas aux familles de subvenir à leurs besoins. D’un côté, on affaiblit la capacité des pouvoirs publics à assurer sa fonction de pourvoyeur de care, de l’autre on contraint les ménages à ne plus pouvoir assurer ce travail reproductif dans de bonnes conditions. Comment voulez-vous être présent pour vos proches quand vous êtes contraint d’accepter deux, voire trois petits emplois pour vivre ? Il en résulte aujourd’hui une crise profonde liée à la nature même du néolibéralisme, qui cannibalise l’ensemble des espaces et des ressources qui sont nécessaires à son existence.

Cette crise du care ne se déploie-t-elle pas avant tout à l’échelle internationale ?
Si, tout à fait. Le capital s’épanouit très bien à l’échelle globale, tandis que le pouvoir politique reste essentiellement circonscrit à un territoire national. Le décalage entre l’échelle d’action du capital et celle des États est donc à l’avantage du capital. Dans les pays occidentaux, de plus en plus de femmes ont eu accès à des postes de top management ces dernières décennies. Il y a plus de femmes aujourd’hui à des postes de haut niveau qu’il n’y en a jamais eu, et ces postes sont souvent très prenants. De ce fait, une partie croissante des femmes n’assurent plus le travail de care dont elles avaient traditionnellement la responsabilité. Ce sont en général des femmes immigrées et racisées qui le prennent en charge à leur place. Dès lors, et pour reprendre une expression de Sheryl Sandberg, ces femmes peuvent bien s’écrier « en avant toutes ! » parce qu’elles bénéficient de la chaîne « internationale » du care.

L’un des préalables au changement, qu’il s’agisse de l’émergence d’une troisième voie ou de l’avancée des droits sociaux, réside aussi dans la qualité du débat public. Vous avez beaucoup travaillé sur l’espace public et ses évolutions : peut-il encore être considéré comme un espace de débat raisonné ?
J’ai commencé à écrire au sujet de l’espace public au tout début des années 1990. Je me suis alors intéressée à ce que j’ai désigné comme des « contre-publics subalternes ». Il s’agissait d’expliquer la façon dont des groupes dominés, comme les femmes, pouvaient créer leurs propres espaces publics pour façonner et exprimer leurs opinions. J’étais à mille lieues d’imaginer que des années plus tard, un Rupert Murdoch mettrait sur pied des médias conçus comme des canaux de communication de l’« alt-right ». En réalité, plus que différents publics susceptibles de s’opposer, il serait plus juste de parler aujourd’hui d’univers parallèles. Chaque camp évolue dans sa propre bulle et chaque bulle, à gauche comme à droite, porte son lot de déformation des discours et des informations. C’est valable dans les médias traditionnels comme la télévision, mais on retrouve bien sûr ce phénomène en ligne, malgré les promesses d’émancipation et de démocratisation dont a pu être porteur internet à ses débuts. Entre Donald Trump, qui se lance dans la mise en ligne de son propre réseau social, et la promptitude avec laquelle des individus se font « annuler » sur Twitter d’abord, puis dans le reste de l’espace public… on peut dire que ce dernier est dans un état épouvantable.

Dans ces conditions, comment envisager une convergence des luttes, que vous appelez pourtant de vos voeux ?
Actuellement, je ne crois pas qu’il faille compter sur le dialogue pour aboutir à un changement de ce type. Les conditions ne sont pas réunies. Une telle convergence pourrait jaillir d’un mouvement créatif qui essaimerait non seulement en ligne mais aussi sur les espaces physiques des luttes, comme a pu le faire Occupy. Ces choses sont imprévisibles, mais je crois que de nombreuses personnes attendent cet élan. D’ici là, j’aide comme je peux.

Justement, quelle place pour les philosophes dans cette période de clair-obscur ?
Quand je dis que j’aide comme je peux, cela signifie que je continue mon travail de la façon qui me semble la plus juste possible. Je cherche à poser des diagnostics sur la société contemporaine et à en proposer une cartographie. Cet effort de représentation a vocation à aider les individus à mieux comprendre la façon dont ils sont liés à d’autres personnes, à d’autres groupes sociaux. Il me semble primordial de garder en tête la nature cannibale du capitalisme contemporain ; de prendre conscience que ce système particulièrement destructeur pèse sur les femmes, les travailleurs, les migrants,. Je m ‘efforce donc de tracer cette carte, qui permete de visualiser au mieux qui sont les alliés objectifs de chacun.C’est une première étape nécessaire pour penser des ponts et réellement commencer à construire un front commun

[1] Biographie de Nancy Fraser
Nancy Fraser est philosophe. Elle enseigne à la New School de New York. Proche de la gauche radicale, féministe, elle fait ses armes politiques dans les mouvements militants des années 1970 qui essaiment alors sur les campus américains, avant de se consacrer à la recherche. Elle développe une philosophie critique, matérialiste et propose une réflexion large sur des enjeux majeurs de nos sociétés contemporaines : l’espace public, les fondements de la justice sociale, le féminisme à l’heure de la mondialisation. Elle a signé de nombreux articles et ouvrages dont le dernier paru en France,
Féminisme pour les 99% (La Découverte, 2019), a été coécrit avec Cinzia Arruzza et Tithi Bhattacharya.
[2]
Antonio Gramsci (1891-1937) est une philosophe et théoricien marxiste, dirigeant du Parti communiste italien. Il est emprisonné pour conspiration par le régime mussolinien de 1926 jusqu’à sa mort- captivité au cours de laquelle il écrira les 2 248 pages de ses Cahiers de prison, qui scelleront sa postérité. Il y développe notamment le concept d’hégémonie qui met l’accent sur les dimensions cognitives et morales de l’exercice du pouvoir politique et sur la bataille culturelle qui doit être menée pour le conquérir.
[3] Le
care désigne les politiques, les métiers et les systèmes de santé, d’aides sociales ou culturelles qui permettent d’accompagner une personne ou un groupe de personnes en préservant leur autonomie. Cette notion a été notamment élaborée par la philosophie féministe américaine Carol Gilligan pour expliquer le cantonnement historique des femmes aux travaux domestiques et aux métiers du soin : par leur éducation, elles seraient incitées à développer des qualités spécifiques – empathie, douceur, attention – opposées à l’éthique masculine qui, elle, est fondée sur la justice.
[4] 
Bernie Sanders est un homme politique américain né en 1941 et se revendiquant – chose rare aux États-Unis – comme socialiste. Sénateur de l’État du Vermont depuis 2007 et candidat à la primaire du Parti démocrate en 2016 et 2020, il échoue lors de ses deux tentatives, la première face à Hillary Clinton et la seconde face à Joe Biden. Après avoir été quelques semaines auréolé du statut de favori, pole position qui fera renaître de vifs espoirs au sein de la gauche américaine, il voit sa campagne piétiner. Il décide d’apporter son soutien à son concurrent, qui sera élu président des États-Unis.
[5] 
L’alt-right (droite alternative) est une expression utilisée pour désigner la nouvelle extrême droite américaine. Sous cette appellation s’agglomèrent un certain nombre d’idées, de mouvements et de groupes réactionnaires, racistes, anti-féministes, conspirationnistes, pro-armes, libertariens ou climato-négationnistes, dont la montée en puissance a été particulièrement remarquée lors de la campagne de Donald Trump. En août 2017, lors d’une manifestation de cette nébuleuse à Charlottesville (Virginie), un militant suprémaciste commet un attentat à la voiture-bélier visant des contre-manifestants, faisant un mort et 19 blessés.

Tiré de Socialalter, numéro 52, juin-juillet 2022
propos recueillis par Floriane Zaslavsky
https://www.pressegauche.org/La-situation-aux-Etats-Unis-est-explosive

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Nous sommes trop nombreuses pour perdre.

Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les femmes américaines qui ont été abandonnées par leurs institutions – la décision de la Cour Suprême d’annuler Roe v Wade est dévastatrice pour les femmes, pour les personnes trans et les minorités de genre du monde entier.
Aux États-Unis, les femmes ont été privées de leur droit de contrôler leur propre corps, et cela nous concerne toutes et tous. Nous sommes solidaires avec elles, sachant que les années à venir seront difficiles. 
« La question aujourd’hui n’est pas de savoir si les femmes résistent à la revanche, mais si leur résistance est efficace », écrivait Susan Faludi (Backlash). Aujourd’hui, on pourrait croire qu’elle ne l’est pas.
Mais nous savons la résistance efficace – pensez aux femmes qui se sont battues pour la dépénalisation de l’avortement en Colombie et en Irlande, qui ont renversé Harvey Weinstein et lancé le mouvement #MeToo, qui ont obtenu le droit d’aimer et d’épouser qui elles veulent.
Le retour de bâton est brutal, douloureux mais il n’est pas mécanique. Il existe car une brèche a été entrouverte et que les activistes se relaient pour faire de cette brèche une révolution. Et ce sont les derniers mots de Backlash qui expriment le mieux ce qui nous attend : « [Les femmes] peuvent surtout agir. […] Parce qu’elles ont pour elles la force du nombre et de l’opinion. […] Et parce que, quels que soient les nouveaux obstacles qu’on dressera sur leurs parcours vers l’égalité, les nouveaux mythes qu’on inventera, les châtiments qu’on leur réservera, les chances qu’on leur ôtera, les humiliations qu’on leur infligera, rien ni personne ne pourra les empêcher d’être convaincues de la justesse de leur cause ».
À nos ami·e·s aux États-Unis, à Malte, en Pologne et au Salvador, à nos ami·e·s qui vivent dans des pays où on vous refuse la liberté d’utiliser votre corps comme vous l’entendez : vous n’êtes pas seul·e·s. Nous continuerons à nous battre à vos côtés. 
Et rappelons-nous : nous sommes trop nombreuses pour perdre.

Rebecca Amsellem (Les Glorieuses) et Megan Clement (Impact

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Avortement : Solidarité avec les femmes des Etats-Unis et d’ailleurs

Ce vendredi 24 juin la Cour suprême des États-Unis remet en cause le droit fondamental des femmes à avorter et dans le même temps consacre le droit des Américains à sortir armés de leur domicile. Ceux qui se surnomment les pro-vies ne sont que les pro-morts : morts des femmes qui souhaitent avorter, et autorisation des armes partout, tout le temps !
Cette décision balaie avec violence des années de luttes et de mobilisation pour les droits des femmes. L’Union syndicale Solidaires dénonce la collusion entre les conservateurs, les extrêmes droites et les pouvoirs religieux, qui perpétuent la domination patriarcale.
Si cette décision ne rend pas les interruptions de grossesse illégales, elle renvoie les Etats-Unis à la situation en vigueur avant l’arrêt emblématique « Roe v. Wade » de 1973, quand chaque Etat était libre de les autoriser ou non.
13 Etats américains conservateurs (Arkansas, Idaho, Kentucky, Louisiane, Mississippi, Missouri, Dakota du Nord et du Sud, Oklahoma, Tennessee, Texas, Utah et Wyoming) avaient adopté des « trigger laws », des lois « automatiques » leur permettant de rendre tout avortement illégal dès la décision annoncée ou dans les 30 jours suivants. Avec comme seules exceptions prévues, un risque pour la santé de la mère et, pour une poignée, en cas de viol ou d’inceste. Le Missouri devient ainsi le premier État à interdire l’avortement.
Les avortements se feront, avec ou sans autorisation par la loi, mais les femmes, et toutes personnes souhaitant avorter, seront dans l’obligation d’y avoir recours dans des conditions sanitaires infâmes comme dans l’ancien temps.

Cette décision est une honte absolue !

L’Union syndicale Solidaires rappelle qu’interdire l’avortement libre, gratuit et dans des conditions sécures :

  • c’est accentuer les inégalités de classes, entre les femmes qui peuvent payer pour se rendre dans un État autorisant l’avortement et celles qui ne le peuvent pas ;
  • c’est renvoyer ces dernières à la clandestinité, et à nouveau les acculer à des avortements non médicalisés, avec leurs complications, ou encore les condamner à mort !

L’union syndicale solidaires sera dans la rue, et partout en soutien pour défendre ce droit fondamental et ne pas voir le retour des aiguilles à tricoter que ce soit aux usa, en Pologne, en Italie, ou même en France !
https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/internationales/avortement-solidarite-avec-les-femmes-des-etats-unis-et-dailleurs/

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Déclaration de UIES Canada sur la décision de faire reculer les droits des femmes aux États-Unis

RICHMOND HILL, ON, le 24 juin 2022 – L’Union internationale des employés de services (IUES) représente 2 millions de membres aux États-Unis, à Porto Rico et au Canada, et lors de la réunion de notre conseil exécutif international qui s’est tenu aujourd’hui à Chicago, nous avons appris avec émotion la décision officielle de la Cour suprême des États-Unis de revenir sur les droits des femmes aux États-Unis. Soyons clairs : des femmes en mourront.

Nous savons que l’extrémisme d’extrême droite est en marche et que les mouvements politiques ont prouvé à maintes reprises qu’ils ne connaissent pas de frontières entre nos pays. Il nous incombe donc à tous, au Canada, de préserver activement l’accès des femmes aux services d’avortement.
L’UIES Canada demande au Premier ministre Trudeau d’offrir un refuge à nos sœurs au sud de la frontière. Nous encourageons le gouvernement fédéral à préparer ses agences à répondre avec compassion aux femmes qui fuient la persécution des États américains qui criminalisent les personnes qui cherchent ou fournissent des services de santé reproductive. Les actions que nous devons entreprendre consistent à défendre les droits humains.
Nous sommes solidaires de nos consœurs américaines qui poursuivent la lutte pour le droit de choisir.
Sharleen Stewart, Présidente, SEIU Healthcare
Vice-Présidente UIES International
Sylvie Nelson, Présidente, SQEES-298
Vice-Présidente UIES International
https://www.pressegauche.org/Declaration-de-UIES-Canada-sur-la-decision-de-faire-reculer-les-droits-des

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Etats-Unis : Le syndicat des infirmières NNU du pays condamne l’annulation par la Cour suprême du droit constitutionnel à l’avortement

Les infirmières syndiquées considèrent que l’avortement est un service de soins de santé de base et, en tant que syndicat de prestataires de soins de santé qui se consacre à la défense des meilleurs intérêts de ses patientes, National Nurses United s’oppose à toute tentative visant à restreindre le contrôle et les choix de ses patientes sur leurs propres soins de santé et leur propre corps. Les principes de base des soins médicaux éthiques stipulent que les patientes doivent jouir de l’autonomie, de l’autodétermination et de la dignité de leur corps, de leur vie et des soins de santé qu’elles reçoivent. Le fait d’isoler cette exception, le droit de mettre fin à une grossesse, qui ne vise que les personnes ayant une capacité de reproduction, n’est pas seulement une mauvaise politique de santé, c’est aussi immoral, discriminatoire, misogyne, violent, inacceptable, et cela viole l’éthique des soins infirmières que nous, les infirmières, nous engageons à respecter.

L’annulation par la Cour suprême de l’arrêt Roe v. Wade de 1973, aujourd’hui dans l’affaire Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, constitue une attaque honteuse et dangereuse contre les femmes, les personnes en âge de procréer et les familles, et ce à grande échelle. Cette décision fait partie d’un effort coordonné de la droite pour défaire les droits humains et civils durement acquis aux États-Unis, et pour contrôler les travailleuses en leur enlevant leur pouvoir et leur autonomie corporelle. Cette décision va à l’encontre des croyances et des valeurs de la grande majorité des personnes aux États-Unis et constitue une attaque contre la démocratie elle-même.
« L’avortement est un soin de santé. C’est aussi simple que cela », a déclaré Jean Ross, infirmière et présidente de National Nurses United. « Il est scandaleux et totalement inacceptable de qualifier d’illégal ce service de soins de santé, dont seules les personnes susceptibles de tomber enceintes ont besoin. Nous, les infirmières, avons le devoir de toujours défendre nos patientes, et c’est exactement ce que nous continuerons à faire : lutter pour les droits de nos patientes à prendre leurs propres décisions en matière de soins de santé et à contrôler leur propre corps. Nous ne nous reposerons pas tant que ce droit ne sera pas rétabli pour toutes. »
En tant qu’infirmières, nous savons que l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade aura des effets dévastateurs sur l’accès le plus fondamental de nos patientes à la santé, à la sécurité et au bien-être. Pour les plus de 20 États qui ont déjà adopté des lois ou des amendements constitutionnels, l’avortement sera immédiatement interdit. Pourtant, en tant que prestataires de soins de santé, nous savons par expérience que les avortements ne s’arrêteront pas. Ils continueront dans la clandestinité car ils constituent une nécessité médicale vitale, un service de santé de base.
Les avortements deviendront simplement plus chers, plus difficiles d’accès et, dans de nombreux cas, peu sûrs. Celles qui ont de l’argent et des ressources pourront continuer à obtenir des avortements sûrs, mais pas les autres. Celles qui ne peuvent pas trouver d’espaces sûrs et cliniques pour obtenir des services d’avortement auront recours à des méthodes de bricolage. Comme l’a dit l’une de nos infirmières praticiennes, « de nombreuses personnes vont mourir inutilement ».
Ce refus de soins de santé portera le plus grand préjudice aux personnes à faible revenu et aux personnes qui souffrent déjà de l’absence et de l’insuffisance de soins de santé, comme les femmes noires, latino-américaines et immigrées, et aggravera les inégalités existantes. Nous pensons que l’annulation de Roe n’est qu’un premier pas : Renverser un droit à la santé vieux de près d’un demi- siècle ouvre la porte pour la Cour suprême extrémiste et à la droite autoritaire pour attaquer de nombreuses autres libertés que beaucoup considèrent comme acquises, comme le droit à la contraception, le mariage interracial et les droits LGBTQ+. Ces assauts contre les droits humains fondamentaux nuisent à tous les travailleu·euses.
En tant que syndicat représentant une profession à prédominance féminine qui a défendu sans relâche la justice en matière de genre et de soins de santé, nous sommes parfaitement conscients de la façon dont les droits et la justice en matière de procréation sont inextricablement liés à nos carrières et à nos vies professionnelles. La justice en matière de santé reproductive – qui est liée à la justice économique, raciale et de genre – est une priorité pour les infirmières et doit être une priorité pour tous les travailleur·euses. Les attaques organisées contre le droit à l’avortement, la prise de décision en matière de reproduction, l’accès aux soins de santé et l’autonomie corporelle font partie d’un programme politique anti-social, anti-démocratique, sexiste et raciste.
« La responsabilité d’inverser l’impact de cette horrible décision de la Cour suprême incombe entièrement au Congrès américain », a déclaré Bonnie Castillo, directrice exécutive de NNU. « Une majorité existe à la fois à la Chambre et au Sénat pour codifier les protections qu’apporte la décision Roe v. Wade, mais il faudra que le Sénat élimine l’obstruction parlementaire pour permettre un vote. Les sénateurs qui affirment vouloir protéger le droit des femmes à disposer de leur propre corps doivent être prêts à modifier le règlement du Sénat afin qu’un vote puisse avoir lieu sur cette question cruciale. Les sénateurs sont confrontés à un choix difficile : maintenir la règle antidémocratique et archaïque d’entrave au Sénat ou protéger le droit des femmes à choisir. Le moment est venu de prendre position pour les femmes et pour la justice en matière de santé reproductive. »
La justice reproductive est indispensable à toute démocratie où les travailleuses ont véritablement leur mot à dire sur leur lieu de travail et dans leur communauté. Pour que nous puissions nous exprimer au travail, subvenir aux besoins de nos familles et défendre nos intérêts politiques, nous devons avoir le droit humain de conserver notre autonomie corporelle, c’est-à-dire de pouvoir décider si et quand nous voulons avoir des enfants, et de les élever dans des communautés sûres et saines. Comme l’a dit Rebecca Goldfader, qui est l’une de nos membres et une militante de longue date de la justice reproductive, « La capacité de choisir et de s’approprier notre capacité reproductive est à la base d’une société libre. »
Les infirmières et autres travailleur·euses de la santé défendent sans relâche les intérêts de leurs patientes et ont obtenu, grâce à l’action collective, des ratios de personnel sûrs, des protections Covid-19 et d’innombrables autres améliorations du système de soins de santé. Cependant, toutes ces avancées sont en danger car la droite autoritaire empiète sur nos libertés les plus fondamentales.
Les infirmières ne toléreront pas ces agressions. Nous continuerons à agir en solidarité avec nos collègues, nos patientes et nos communautés pour défendre les droits humains pour lesquels les travailleur·euses se sont battus et ont gagné au cours des siècles de luttes aux États-Unis. Et nous poursuivrons notre lutte sans relâche pour la justice sociale, politique et économique en travaillant collectivement, en participant à nos élections locales et nationales, et en ne relâchant jamais notre combat sur le lieu de travail pour créer un système de soins de santé équitable et de haute qualité.

Publié par le syndicat NNU
24 juin 2022
Traduction Patrick Le Tréhondat
Le National Nurses United est le syndicat d’infirmières et d’infirmiers le plus important des Etats-Unis et celui qui connaît la croissance la plus rapide, avec plus de 175 000 membres dans tout le pays.

http://www.laboursolidarity.org/Etats-Unis-Le-syndicat-des-2419

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Etats-Unis et droit à l’avortement : Un recul de 50 ans !
Communiqué LDH

Ce vendredi 24 juin, la Cour suprême des Etats-Unis a annoncé la révocation de l’arrêt Roe vs Wade qui, depuis 1973, garantissait le droit à l’avortement dans le pays. Désormais, même si l’avortement ne devient pas formellement illégal, chaque Etat pourra décider de sa législation en la matière. Sur cinquante Etats, vingt-six à vingt-huit pourraient interdire l’avortement. A peine une heure après la décision de la Cour suprême, l’Etat du Missouri a d’ailleurs annoncé qu’il interdirait l’IVG. Et six autres ont, depuis, annoncé vouloir faire de même.
Cette décision est scandaleuse à plus d’un titre : d’une part, l’égalité des droits entre toutes les femmes des Etats-Unis n’est plus garantie et, d’autre part, des droits durement conquis par les luttes des femmes sont balayés d’un revers.
La LDH (Ligue des droits de l’Homme) s’alarme du recul des droits des femmes aux Etats-Unis et du signal envoyé ainsi au monde entier. Les premières victimes de cette décision seront bien-sûr toutes les femmes, mais surtout les plus pauvres d’entre elles. Ce seront aussi toutes celles qui, dans le monde entier, y compris en Europe, se battent encore pour conquérir ces droits (sachant qu’une vingtaine de pays l’interdisent totalement, comme Andorre, tandis que de nombreux autres pays en restreignent drastiquement l’accès).
Rappelons que le droit fondamental des femmes à disposer de leurs corps et de leurs droits reproductifs doit être reconnu comme un droit universel, quelles que soient les convictions ou idéologies de chacun.
Ne pas protéger le droit à l’avortement, c’est enfin mettre en danger de mort les femmes qui choisissent, pour des raisons qui leur sont propres, d’interrompre une grossesse. A travers le monde, plus de vingt-cinq millions d’IVG dangereuses sont encore pratiquées chaque année : c’est la troisième cause de mortalité féminine dans le monde.
La LDH exprime tout son soutien à toutes les femmes des USA et à toutes les femmes qui, dans le monde, sont privées de leurs droits fondamentaux, y compris celui de la protection de leur vie et de leur santé.
La LDH sera de leurs combats et appelle aux mobilisations du 2 juillet qui auront lieu partout en Europe.
Paris, le 27 juin 2022
https://www.ldh-france.org/etats-unis-et-droit-a-lavortement-un-recul-de-50-ans/

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Nous sommes sous le choc : la Cour suprême américaine vient de priver des centaines de millions de gens du droit à avorter légalement et en sécurité.
Mais des activistes du monde entier ont décidé de répliquer. Elles et ils ont besoin de nous ! Signons leur lettre ouverte pour en faire la plus grande mobilisation jamais vue pour les droits reproductifs.
Lorsque nous aurons atteint un million de signatures, nous publierons notre manifeste dans les médias américains. Signez et partagez maintenant !
https://secure.avaaz.org/campaign/fr/rw_open_letter_loc/?

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2 juillet

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En complément possible :

Isabelle Germain : La guerre contre le droit à l’avortement s’intensifie
https://www.lesnouvellesnews.fr/la-guerre-contre-le-droit-a-lavortement-sintensifie/

La guerre contre le droit à l’avortement s’intensifie

Fin du droit à l’avortement aux États-Unis : moins de démocratie, plus de religion
https://theconversation.com/fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-moins-de-democratie-plus-de-religion-184914
Eric Fassin : Droit à l’avortement: aux États-Unis, la Cour Suprême renverse Roe v. Wade
https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/240622/droit-l-avortement-aux-etats-unis-la-cour-supreme-renverse-roe-v-wade
Avortement. Margaret Atwood : « La Cour suprême veut faire appliquer des lois du XVIIe siècle »
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/06/14/avortement-margaret-atwood-la-cour-supreme-veut-faire-appliquer-des-lois-du-xviie-siecle/
Anne E. Deysine : Vers la fin du droit à l’avortement aux États-Unis ?
Christine : Menaces sur le droit à l’IVG aux Etats-Unis, les américaines vont-elles devenir des servantes écarlates ?
Régenter les utérus. Michele Goodwin analyse les lois contre l’avortement et décrit la nouvelle situation de la reproduction
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/20/vers-la-fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-les-americaines-vont-elles-devenir-des-servantes-ecarlates-regenter-les-uterus/
Sharon Smith : Le droit à l’avortement sur la sellette aux Etats-Unis
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/14/le-droit-a-lavortement-sur-la-sellette-aux-etats-unis/
Marie-Cecile Naves : États-Unis : le patient militantisme anti-avortement
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/11/etats-unis-le-patient-militantisme-anti-avortement/
Dianne Feeley : Remarques lors d’un rassemblement d’urgence sur les droits reproductifs
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/09/remarques-lors-dun-rassemblement-durgence-sur-les-droits-reproductifs%EF%BF%BC/ 
Natasha Lennard : 
he End of Roe: Saving Abortion Rights Means Taking Them Into Our Own Hands
The relentless right and feckless Democrats brought us here. Now, preserving access to abortion will require breaking some laws.
https://theintercept.com/2022/05/03/abortion-roe-v-wade-supreme-court/
Etats-Unis : Le syndicat des infirmièr·es dénonce les menaces sur le droit à avortement
Menaces sur le droit à l’avortement aux Etats-Unis : le collectif Avortement Europe dénonce une énième tentative de restreindre le droit des femmes à disposer de leur corps !
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/06/etats-unis-le-syndicat-des-infirmier·es-denonce-les-menaces-sur-le-droit-a-avortement/
Avorter, nos choix, nos droits, partout ! 
Elie Mystal : 
Oui, les théocrates de la Cour vont vraiment renverser Roe v. Wade
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/05/avorter-nos-choix-nos-droits-partout-elie-mystal-oui-les-theocrates-de-la-cour-vont-vraiment-renverser-roe-v-wade/
Le droit à l’avortement est un droit fondamental
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2021/11/30/le-droit-a-lavortement-est-un-droit-fondamental/
Etats-Unis : menaces sur la démocratie et le droit à l’avortement
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2021/12/26/etats-unis-menaces-sur-la-democratie-et-le-droit-a-lavortement/

Martine Storti : 
Le droit à l’avortement doit entrer dans la définition de l’État de droit
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/09/27/le-droit-a-lavortement-doit-entrer-dans-la-definition-de-letat-de-droit/
Le droit à l’avortement doit entrer dans la définition de l’État de droit
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2021/09/27/le-droit-a-lavortement-doit-entrer-dans-la-definition-de-letat-de-droit/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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