Soudan. La société civile et ses comités face au conflit entre fractions militaires (+ déclarations)

  • MENA Solidarity Network : Soudan. La société civile et ses comités face au conflit entre fractions militaires
  • Déclaration commune des syndicats soudanais
  • Déclaration des Comités de résistance de l’Etat de Khartoum, 15 avril
  • Déclaration au peuple soudanais de la Coordination des Comités de résistance de l’Etat de Khartoum, 16 avril
  • « Contre la guerre et sa poursuite » Déclaration des forces démocratiques (19 avril)
  • Appel urgent – Solidarité avec le peuple soudanais
  • Sur le conflit entre les putschistes au Soudan

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Les Comités de résistance, les syndicats, les organisations de femmes et les comités locaux au Soudan lancent un appel urgent à la solidarité et à la paix alors que la rivalité entre les factions de la junte militaire au pouvoir s’est transformée en une guerre meurtrière dans la capitale Khartoum, dans les villes voisines d’Omdurman et de Bahri et dans d’autres grandes villes du pays. Selon les médias internationaux et des témoins oculaires, les combattants des Forces armées soudanaises (général Abdel Fattah al-Burhan) et de la milice des Forces de soutien rapide (général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti) ont engagé des combats et échangé des tirs d’obus dans les rues bondées de la ville, frappant des écoles, des hôpitaux et des quartiers résidentiels. Les Forces armées soudanaises (SAF) auraient également attaqué les positions des Forces de soutien rapide (RSF) avec des avions de chasse MiG et Sokhoi.

Des dizaines de milliers de civils ont été pris au piège par les combats, notamment des patients d’hôpitaux qui ont dû être évacués et des centaines d’écoliers de Khartoum qui ont été confinés dans leurs salles de classe. L’ONU a déclaré mardi 18 avril qu’au moins 185 personnes avaient été tuées et 1800 blessées. Dans le même temps, des organisations soudanaises ont signalé que les réseaux d’eau et d’électricité étaient défaillants ou inaccessibles dans certaines parties de la capitale.

« Nos gouvernements sont complices de cette effusion de sang, ils ne sont pas des spectateurs. » (MENA Solidarity)

Les deux belligérants de ce conflit sont des factions rivales de la junte militaire qui a pris le pouvoir en octobre 2021 aux politiciens civils qui étaient leurs « partenaires » dans le gouvernement de transition mis en place à la suite de la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019. Ils ont été armés jusqu’aux dents et ont reçu un soutien en matière de renseignement, de diplomatie et de finances de la part des puissances régionales que sont l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l’Egypte et Israël, tous alliés fidèles des principaux gouvernements occidentaux (et bénéficiaires d’énormes quantités d’aide et d’armes de la part de l’Occident). Les deux parties à la guerre ont également courtisé Poutine en Russie, qui espère ainsi obtenir l’accès à une nouvelle base navale et militaire au Soudan.

Loin de prendre des mesures efficaces pour isoler les militaires et les miliciens putschistes, les gouvernements des Etats-Unis et de Grande-Bretagne ont à plusieurs reprises poussé les mouvements civils soudanais à négocier avec les militaires et les miliciens (RSF). Le gouvernement britannique a réitéré cet appel dans une autre déclaration publiée le 15 avril. Ceci est en contradiction avec la position claire adoptée par les Comités de résistance, la plupart des syndicats et les principales organisations de la société civile qui rejettent toute tentative de légitimer le coup d’Etat militaire par des négociations.

Services de santé, professionnels de la santé et hôpitaux attaqués
Les affrontements en cours au Soudan ont eu de graves répercussions sur le système de santé du pays, les hôpitaux et le personnel médical ayant été attaqués. Selon les Nations unies, plus de 180 personnes ont été tuées et 1800 blessées, tandis que des témoins oculaires ont fait état d’un grand nombre de cadavres dans les rues.

Les hôpitaux et les établissements de soins de Khartoum et d’autres villes soudanaises ont été la cible de tirs d’artillerie et de bombardements, qui ont causé d’importants dégâts et contraint certains établissements à fermer complètement leurs portes. Ces bombardements constituent une violation flagrante du droit humanitaire international et des accords qui stipulent que les établissements de santé doivent être protégés et neutralisés.

La fermeture des pharmacies a rendu difficile l’approvisionnement des femmes en produits d’hygiène féminine et en serviettes hygiéniques, ainsi que l’accès aux hôpitaux pour les femmes enceintes ou sur le point d’accoucher. En outre, une femme enceinte et son père ont été tués devant un hôpital alors qu’ils tentaient d’obtenir des soins médicaux et l’enfant a été miraculeusement sauvé, tandis qu’un certain nombre de médecins et de membres du personnel de la santé ont été blessés et tués.

L’Union des médecins soudanais a mis en place des canaux de communication en ligne pour aider les citoyens et citoyennes à la recherche de soins médicaux en publiant des numéros de téléphone en ligne pour les médecins volontaires de toutes les spécialités afin qu’ils apportent leur aide par le biais d’appels téléphoniques et de groupes WhatsApp. L’Union des médecins se coordonne également avec les Comités de résistance dans tout le pays pour mettre en place des salles de soins afin de parer aux blessures et d’être prête à faire face à toute situation d’urgence.

La communauté internationale doit contraindre les parties en conflit à ne pas prendre pour cible les établissements de santé, à ouvrir des passages sûrs et à autoriser le passage des ambulances. En outre, les organisations humanitaires doivent prendre des mesures urgentes pour évacuer les blessés et fournir du matériel médical à ceux qui en ont besoin. La protection du personnel de santé, des patients et des installations doit être une priorité pour garantir l’accès aux soins médicaux à ceux qui en ont le plus besoin.

MENA Solidarity Network
18 avril 2023 ; traduction rédaction A l’Encontre, ainsi que les trois déclarations ci-dessous
http://alencontre.org/afrique/soudan/soudan-la-societe-civile-et-ses-comites-face-au-conflit-entre-fractions-militaires.html

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Déclaration commune des syndicats soudanais

Notre pays se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Après l’échec de sa révolution prometteuse, il est désormais confronté à une dégradation de la sécurité et à des assassinats arbitraires dans plusieurs villages et villes, en particulier dans la région du Darfour. Cette situation s’est accompagnée d’une plongée du pays dans des affrontements militaires ouverts entre l’armée et les Forces de soutien rapide, une guerre qui conduira le pays au chaos et menacera son existence si nous ne nous y opposons pas fermement et si nous ne l’endiguons pas.

La capitale nationale, Khartoum, s’est réveillée ce matin, samedi 15 avril, au son des tirs et du bourdonnement des avions. Des rapports font état de victimes civiles.

Ce danger imminent exige que les personnes concernées appellent les deux parties à un cessez-le-feu et fassent appel à la raison pour s’opposer fermement aux plans destructeurs qui visent à faire avorter le glorieux projet de révolution et son ambition de transformer le pays en un Etat civil démocratique où règnent la liberté, la paix et la justice.

Le phénomène de la détérioration de la sécurité a commencé il y a des décennies dans les Etats du Darfour, du Kordofan-Sud et du Nil Bleu. Il n’aurait jamais commencé s’il n’y avait pas eu le coup d’Etat des Frères musulmans et leur insistance à déchirer le pays et à humilier ses citoyens pacifiques. Aujourd’hui, ce phénomène a dépassé ce cadre géographique pour s’étendre à l’ensemble du pays. Les récents affrontements dans la région de Marawi, dans l’Etat du Nord, ont donné lieu à de vives tensions. Elles ont conduit à des affrontements militaires en raison de la concurrence entre l’armée et les Forces de soutien rapide. Ces tensions ont été alimentées par les influences régionales environnantes qui sont devenues évidentes sur la scène soudanaise, avec l’intervention d’éléments du régime déchu par le biais d’une mobilisation médiatique et d’un travail, apparent et caché, visant à diffuser un message de haine.

La crise actuelle est le résultat du désir de nombreuses parties de maintenir leurs intérêts douteux au Soudan. Rien qu’au Darfour, et au cours de la semaine dernière, avec la participation de groupes transfrontaliers, la région de Forbaranga a été attaquée, où 25 personnes ont été tuées et des milliers ont été déplacées, sans compter les dizaines de blessés. Dans la région de Kundube, au Darfour occidental, six personnes ont été tuées. Dans l’Etat du Darfour Nord, une milice armée a attaqué la région de Luwabid, à 40 km d’El Fasher, la capitale de l’Etat, où un véhicule appartenant à une banque a été attaqué, quatre employés ont été tués et l’argent (les salaires) a été volé, en plus d’autres incidents.

Conscients de la responsabilité nationale et morale, et de ce que la conscience nationale impose dans cette situation historique critique que traverse le pays, de nombreux organes syndicaux se sont réunis au siège de l’Union des journalistes soudanais à Khartoum. Ils ont convenu de faire face aux tentatives de sédition et de déstabilisation du pays, et de s’opposer à la guerre, à la dégradation de la sécurité et à l’impunité, dans l’espoir de prendre des mesures sérieuses pour faire prévaloir la voix de la raison et de la sagesse, et pour désamorcer les crises et les conflits qui se sont intensifiés.

Les efforts se poursuivront pour discuter des crises, trouver des solutions et appeler tous les syndicats et organismes civils à assumer leur rôle et à participer à la responsabilité de mettre fin à la guerre et à la dégradation de la sécurité. (15 avril 2023)

Organes syndicaux signataires : Sudanese Journalists’ Union, Steering Committee of the Sudanese Bar Association, Bahri Industrial Zone committees, Sudan Unions Solidarity, The Preparatory Committee of the Union of Professors at Sudan University of Science and Technology, The Steering Committee for the Federation of Sudanese Engineers, Sudanese Teachers Committee, Sudanese Writers’ Union, The Preparatory Committee of the Pharmacists Union – Khartoum State, Darfur Lawyers Association, The University of Khartoum Teaching Staff Trade Union

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Déclaration des Comités de résistance de l’Etat de Khartoum, 15 avril

Femmes et hommes révolutionnaires, fils et filles de notre peuple courageux, le pays a glissé dans l’abîme des conflits armés, poussé par la folie des militaires, allumant les feux de la destruction et de l’effusion de sang.

C’est pourquoi nous, la Coordination des comités de résistance de l’Etat de Khartoum, rejetons totalement la guerre et déclarons haut et fort qu’il n’y a pas de guerre, vive la paix ! Notre glorieuse révolution a commencé et a triomphé grâce à des moyens pacifiques, à ses courageux sacrifices, à notre unité permanente et au rejet de la mobilisation tribale et raciste.

Notre peuple courageux, le pays vit un moment historique sans précédent dans l’histoire moderne du Soudan. Nous exhortons toutes les forces civiles et politiques nationales à défendre l’unité du Soudan, notre peuple et notre terre. Nous les appelons à tirer la sonnette d’alarme et à œuvrer pour créer le plus grand front pour la paix et protéger la révolution soudanaise de l’effondrement.

Citoyens et honorables révolutionnaires, jusqu’à ce que cette étape critique soit passée, nous vous demandons de ne pas succomber aux discours d’incitation et de contre-incitation qui ont déjà commencé à se répandre de la part des parties belligérantes. Préservez la sécurité de vos quartiers et de vos villes, et ne lancez pas d’appels à la violence ou au port d’armes.

Notre devoir national est de faire retentir des slogans de paix, de faire résonner dans les terres et l’espace la voix de la sagesse et de la raison, de faire obstacle aux combats et de remplir le pays d’hymnes de paix.

Que Dieu sauve le Soudan et protège son peuple. Gloire aux martyrs.

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Déclaration au peuple soudanais de la Coordination des Comités de résistance de l’Etat de Khartoum, 16 avril

Nous ne sommes pas neutres, car nous menons une bataille pacifique depuis l’époque du déchu Bachir jusqu’à aujourd’hui, contre la militarisation du pays et le contrôle des armes dans les rues. Nous avons commencé par être pacifiques et nous continuerons à l’être pour atteindre nos objectifs contre toutes les parties de la guerre en cours dans les rues du pays. Al-Burhan et Hemedti sont des ennemis de la révolution et des révolutionnaires. C’est par cette voie pacifique que nous avons commencé et c’est par elle que nous vaincrons, parce que nous sommes contre la guerre et contre toute solution qui y conduit. Les deux parties à la guerre ne se soucient pas de la sécurité de notre peuple. C’est pourquoi nous leur demandons instamment de ne pas régler leurs comptes sur le dos des civils innocents.

Nous appelons les révolutionnaires des quartiers à s’organiser en fonction de la situation actuelle et à se préparer à subvenir aux besoins fondamentaux de notre peuple dans leurs zones en fonction des circonstances actuelles.

Nous demandons aux comités de résistance de chaque quartier de prendre les mesures suivantes, comme ils l’entendent:

  • Surveiller la situation sur le terrain et rendre compte de ce qui se passe dans et autour de chaque quartier, périodiquement, pour éviter les rumeurs et relayer les faits tels qu’ils sont, afin d’être une source fiable pour notre peuple.

  • Mettre en place des salles de soins pour parer à toute éventualité de blessure et être prêt à faire face à toute situation d’urgence.

  • Surveiller les conditions d’approvisionnement en matériel dans le quartier, en particulier avec la possibilité que la guerre actuelle se prolonge, et vérifier les conditions de vie de notre peuple dans ces circonstances difficiles.

  • Surveiller la situation en matière de sécurité dans le quartier et veiller à ce que les enfants et les personnes âgées soient tenus à l’écart des zones de conflit.

  • Diffuser le slogan « Non à la guerre – et ne pas répondre aux appels à l’armement, car ils nous conduiront à la guerre civile. Le seul perdant de la guerre est le peuple, alors unissons-nous pour la vaincre.

Nous appelons toutes les organisations civiles et humanitaires, ainsi que le Croissant-Rouge, la Croix-Rouge, Médecins sans frontières et le Comité préparatoire de l’Union des médecins soudanais, à jouer leur rôle en apportant les premiers soins aux blessé·e·s et en les transférant dans des lieux sûrs, et à aider le peuple soudanais à surmonter cette crise.

Enfin, nous prions pour tous les citoyens et citoyennes innocents qui sont tombés et les considérons comme des martyrs aux yeux de Dieu. Nous souhaitons un prompt rétablissement aux blessé·e·s et un retour en sécurité aux personnes disparues.

Que Dieu protège notre peuple
Les militaires doivent rentrer dans leurs casernes et les Janjawids [miliciens] doivent être dissous.

Signé par Haj Yousef Revival Committee Gathered, Bahri Neighbourhood Committees, Coordination of the East Nile South Resistance Committees, Coordination of the Greater Omdurman Resistance Committees, Coordination of the Khartoum State Resistance Committees

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« Contre la guerre et sa poursuite »
Déclaration des forces démocratiques (19 avril)

Nous, les Comités de résistance et les forces politiques et démocratiques – civiles et des professions libérales – dans la continuité de notre première déclaration publiée le 14 avril, déclarons par la présente que notre pays a glissé dans l’abîme de la guerre totale, dans laquelle les généraux utilisent leurs armes pour éliminer tout ce qui se trouve sur leur chemin. La violence extrême est utilisée par les forces du régime comme un outil pour régler les différends et les conflits liés au pouvoir. Ceci est contraire aux règles de la transition démocratique et du partage pacifique du pouvoir.

Au-delà de nos différences d’opinions politiques, nous sommes totalement unis dans notre position contre la guerre et sa poursuite, et dans notre opposition au retour des restants de l’ancien régime sur la scène politique.

Nous appelons à la cessation immédiate de la guerre et à la cessation du vacarme des armes, et nous rejetons tous les aboutissements de la guerre, quels qu’ils soient. Nous insistons sur la nécessité de l’unité des forces de la révolution face aux manœuvres de ceux qui restent et qui s’efforcent de reprendre le contrôle du pays, quitte à le déchirer. Nous les assurons que leurs efforts échoueront et qu’ils ne reviendront jamais, car la glorieuse révolution de décembre [2018] est toujours vivante et ardente.

A cet égard, nous avons l’intention de nous mettre d’accord sur un mécanisme commun afin de suivre l’évolution de la situation, de coordonner les positions et faire face à tout ce qui menace la sécurité et la sûreté de notre pays et de ses citoyens et citoyennes. La poursuite de la guerre a eu – et continue d’avoir – des effets catastrophiques, car les deux parties n’ont pas respecté le cessez-le-feu déclaré précédemment par les Nations unies. Des couloirs de sécurité n’ont pas été créés pour l’évacuation des personnes bloquées, les équipes médicales n’ont pas été protégées, les hôpitaux n’ont pas été épargnés. Nous considérons que toutes ces violations sont contraires au droit humanitaire international et aux conventions de Genève. Nous tenons les belligérants pour pleinement responsables de toute violation des droits de l’homme.

Nous renouvelons l’appel à toutes les forces de la révolution civile à prendre l’initiative et à s’unir pour condamner les opérations militaires, pour appeler à une cessation immédiate des hostilités et à ne pas laisser le pays en proie à la volonté des militaires et des restants de l’ancien régime.

Nous devrons nous mobiliser pour déclarer une grève politique générale et une désobéissance civile, qui est le devoir de l’heure auquel nous devons tous nous rallier, et ne pas permettre aux discours de sédition, de fragmentation et à la rhétorique haineuse de déchirer ce pays et de saper son unité, sa souveraineté, sa sécurité et la dignité de son peuple.

Signataires
Haj Yousef Revival Committee Gathered, Coordination of Old Omdurman Resistance Committees, Coordination of East Nile South Committees, Industrial Zone Resistance Committees, Resistance Committees – Wad Al-Nil, Resistance Committees of Al-Dali and Al-Mazmoum – Sennar State, Arab Socialist Ba’ath Party – Asl, Forces of Freedom and Change Declaration, Republican Party, Revolution Forces Unity Mechanism, Baladna Movement, No Way Back Alliance, Civil Alliance for Transitional Justice, Sudanese Professionals Association, University of Nileen Teaching Staff Union, Gathering of Nileen University Professors, University of Khartoum Professors’ Initiative, Gathering of University of Jazeera Professors, Gathering of Sudan University of Science and Technology Professors, Gathering of Professionals and University of Imam Al-Mahdi Professors, Gathering and Network of University of Khartoum Engineers, Gathering of Sudan University Engineers, University of Khartoum Graduates’ Conference, Gathering of Sudanese Bankers, Gathering of Oil Sector Workers, Gathering of Tax Department Professionals, Gathering of Administrative Officers, Gathering of Sudanese Craftsmen and Workers, Sudan’s Unions Solidarity, Confederation of Sudanese Civil Society Organizations, Student Movement Alliance, Bahri Youth Initiative, Sudanese Association for Social Studies, Girifna Movement, Political and Civil Women’s Groups (Mensam),  Northern Kandakat Bloc, Eastern Nile Kandakat Bloc, Omdurman Kandakat Bloc, Bahri Kandakat Bloc, Women’s Forum for Freedom and Change, Democratic Women’s Union, The Guardians.

Publié par MENA Solidarity Network ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/afrique/soudan/soudan-contre-la-guerre-et-sa-poursuite.html

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Appel urgent Solidarité avec le peuple soudanais

Nous nous adressons aujourd’hui à toute personne susceptible d’apporter son soutien et sa solidarité aux populations qui souffrent de la guerre actuelle au Soudan. Le conflit a commencé par des échanges de tirs dans la matinée du 15 avril dans la capitale Khartoum, à El-Fasher et à Méroé, puis s’est étendu à d’autres régions. La guerre est le résultat de la lutte des forces armées pour les ressources et le pouvoir sous la direction actuelle des Forces armées soudanaises (SAF en anglais – Général Al-Burhan) et des forces paramilitaires de soutien rapide (RSF en anglais – Général Mohamed Hamdan Dagalo), à l’origine les milices dites Janjaweed. Il s’agit également d’une lutte politique motivée par les ambitions des représentants et des partisans du régime des Frères musulmans, qui a été renversé en 2019 à la suite de vastes manifestations publiques, et qui tente de reprendre le pouvoir dans un combat profondément lié aux intérêts géopolitiques régionaux et internationaux.

Cet appel donne un bref aperçu de la situation sanitaire après les premiers jours de combat et précise les priorités les plus urgentes en matière de soutien, en tenant compte à la fois des effets à long terme pour la population et des déclarations des résidents locaux et des praticiens des soins.

La plupart des affrontements violents ont lieu dans les zones résidentielles densément peuplées de Khartoum et d’autres villes. C’est là que les forces armées et les groupes paramilitaires soudanais ont établi leur quartier général et de nombreuses garnisons. Les points centraux d’importance militaire – le palais présidentiel, les aéroports, les ponts – sont proches des quartiers d’habitation et des infrastructures sensibles, en particulier les hôpitaux et les stations d’eau, et sont soumis à des tirs constants. Cela inclut les bombardements aériens effectués par les Forces armées soudanaises dans les zones où se trouvent un grand nombre de civils. Les rues sont remplies de combattants militaires des deux forces hostiles, la SAF et les RSF, avec un nombre considérable de soldats individuels errants et de groupes de soldats qui ont été séparés de leurs structures de commandement et ont récemment commencé à attaquer des maisons privées, à la recherche de provisions, et à harceler les habitants.

C’est dans ce contexte que les besoins urgents se font sentir :

1. Les hôpitaux et autres établissements de santé font partie des infrastructures essentielles endommagées par les combats, notamment les principaux hôpitaux (hôpital de Khartoum, hôpital Al-Sha’ab, hôpital Ibn Sina) avec de vastes zones de recrutement et des spécialisations non disponibles dans d’autres établissements à l’intérieur ou à l’extérieur de la capitale (par exemple, l’unité de fistule à l’hôpital de Khartoum, la cardiologie à l’hôpital Al-Sha’ab, la gastro-entérologie à l’hôpital Ibn Sina) ; les autres établissements souffrent de pénuries de carburant et d’électricité, comme le centre diabétique Jabir Abu Eliz où il y a un stock d’insuline. Le personnel médical et les patients.es ont dû se cacher et fuir sous les tirs. Des centres de traitement d’urgence, comme un centre de dialyse dans le centre de Khartoum, ont dû être évacués et ont cessé leurs activités. D’autres hôpitaux, comme l’hôpital impérial et l’hôpital de la police, ont été saisis par les forces armées qui ont forcé le personnel médical à soigner

d’abord leurs propres soldats et qui ont empêché les soins de santé pour les soldats qu’ils considéraient comme ennemis.

Il est impératif que :
* les attaques contre toutes les installations médicales, le personnel et les patients cessent immédiatement
* le tri impartial des traitements soit laissé au seul personnel médical
* les dispositions de la Convention de Genève soient respectées par toutes les parties.
Dans l’attente d’une autre solution, toute action militaire doit être déplacée loin des zones résidentielles, habitées par les citoyens pour lesquels les deux parties prétendent se battre.

2. Les prestataires de soins de santé locaux et les fonctionnaires du ministère de tutelle ont fait état d’une grave pénurie de kits de traumatologie, ainsi que de médicaments essentiels pour sauver des vies. Même les établissements médicaux qui ne sont pas directement attaqués manquent de ces éléments essentiels et risquent constamment de voir leurs services s’effondrer en raison des coupures d’électricité et du manque de carburant pour les générateurs d’urgence. Mais les attaques ou les dommages collatéraux causés aux infrastructures essentielles, telles que les stations d’eau, et l’insécurité générale dans les rues mettent également en danger l’approvisionnement en eau et en nourriture, exposant une grande partie de la population au risque de déshydratation et de famine. L’appel général lancé à la population pour qu’elle reste chez elle, en particulier à proximité des zones de combat, est à l’ordre du jour, mais complique également la couverture des besoins quotidiens.

Des efforts ont toutefois été entrepris par des groupes résidentiels, des comités communaux (tels que les comités de résistance) et des organisations professionnelles (telles que le Comité central des médecins soudanais, CCSD) pour organiser l’approvisionnement dans ces circonstances difficiles. Pour ce faire, ils ont organisé des collectes collectives de nourriture et de produits non alimentaires, et ont diffusé dans les médias publics et sociaux des informations sur les services alternatifs proposés dans les zones résidentielles, par exemple par des praticiens locaux. Les connexions téléphoniques et Internet ont été utilisées à cette fin, en plus des conseils sur le soutien psychosocial, en particulier pour les enfants. Les réponses de certaines organisations actives dans le pays ont été rapides mais lentes, principalement en raison de l’insécurité générale et des limites procédurales.

Tous les efforts possibles doivent être déployés pour établir et soutenir les voies logistiques pour ces provisions, en particulier les kits de traumatologie, les médicaments vitaux et les produits alimentaires d’urgence. Les obstacles bureaucratiques à ces efforts devraient être suspendus autant que possible, notamment en tirant parti de l’expérience communautaire et professionnelle en matière de réponses rapides aux situations d’urgence dans des conditions critiques de contraintes physiques et infrastructurelles.

3. Les combats dans les rues ont été menés sans tenir compte de la mise en place de couloirs humanitaires sûrs pour transporter les blessés et les morts. Aucun nombre officiel de soldats tués n’a été communiqué, mais de nombreuses rues, places et bâtiments des zones de combat de Khartoum sont jonchés de cadavres. Plusieurs rapports font état de civils enterrés sur place, en l’absence de leur famille et sans les rituels requis. Selon un rapport du Comité central des médecins soudanais, 144 civils ont été tués et 1409 blessés jusqu’au 17 avril, les estimations étant beaucoup plus élevées et les cas enregistrés en constante augmentation. Des voix nationales et internationales ont appelé à l’établissement de corridors humanitaires et de cessez-le-feu. Malgré les déclarations officielles des deux parties, qui se disent prêtes à les mettre en œuvre, les combats se poursuivent sans relâche.

L’établissement de couloirs humanitaires est d’une importance fondamentale et constitue un élément essentiel de la guerre selon le droit international et les conventions auxquelles les deux parties se sont déjà engagées. L’impact sur la santé environnementale des cadavres qui pourrissent dans des espaces ouverts devrait être une autre préoccupation urgente à aborder avec les forces hostiles, outre le fait qu’elles s’écartent des règles socioculturelles généralement acceptées en matière de traitement des cadavres.

Tout soutien apporté au peuple soudanais à cet égard sera très apprécié, que ce soit directement ou indirectement en manifestant sa solidarité et en informant de la situation actuelle dans le pays.

Télécharger l’appel en français et en anglais : Call-for-urgent-medical-support-Sudan- 18-04-2023-ENG_FR

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Sur le conflit entre les putschistes au Soudan

Les socialistes du Soudan dévoilent les raisons réelles du combat entre Al Burhan et Hemedti.

« Burhan est un allié de l’Égypte et des islamistes. Hemedti est un partisan des Émirats Arabes Unis et flirte avec La Liberté et le Changement.
« Les deux parties sont contre la révolution et le peuple doit se préparer à la désobéissance civile » 
« 700 civils sont morts ou blessés dans les affrontements en cours
 »

Les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR) affrontent leur alliée, l’armée soudanaise, depuis avant-hier matin, à Khartoum, la capitale et dans l’aéroport militaire de Mérowe. Le conflit militaire s’est rapidement propagé à toutes les garnisons des deux côtés dans tous les États. Les statistiques de victimes atteignant à l’heure où nous écrivons des dizaines de morts militaires des deux côtés, 97 civils et près de 600 blessés et on s’attend à une augmentation du nombre de victimes.

Qui sont les chefs des parties belligérantes ?
L’armée mène sa bataille sous le commandement du général Abdel Fattah Al Burhan, tandis que Mohamed Hamdan Dagalo, plus connu sous le nom de Hemedti, contrôle les FSR. Al Burhan est un officier des forces armées qui a participé à la guerre au Darfour. L’armée a recruté des milices parmi les Mahamid, soit dans l’ethnie dont Hemedti est originaire. Al Burhan a été capturé par le mouvement armé de Abdul Wahid Mohamed Nur et libéré dans le cadre d’un accord d’échange de prisonniers en septembre 2003. Il a participé à la formation de la milice Janjawid, connue sous le nom de gardes-frontières, le noyau des FSR.

Al Burhan n’a pas été un officier important tout au long de son carrière militaire, mais sa loyauté envers les islamistes et sa longue expérience au Darfour lui ont permis de se constituer un réseau de relations avec les milices soutenues par le gouvernement et ont conduit le président déchu à le promouvoir. Il a été promu au grade de général d’armée par le président déchu qui a dissous le gouvernement et l’a remplacé par un gouvernement militaire le 26 février 2019 dans le but de contrôler la révolution de décembre.

L’accumulation révolutionnaire en avril 2019 a débouché sur un sit-in devant le bâtiment du commandement général des forces armées et a vu des officiers subalternes sympathiser avec la révolution. L’armée a été contrainte de faire un coup d’État contre Omar Al Béchir le 11 avril. Le ministre de la Défense, Ibn Aouf, est devenu chef du conseil militaire, mais la direction politique de la révolution, les révolutionnaires et Hemedti ont refusé la direction d’Ibn Aouf, et le 13 avril, Ibn Aouf et ses collègues ont jeté l’éponge et Al Burhan a accédé à la direction du conseil militaire en s’alliant avec Hemedti en tant que commandant des FSR. Une série de négociations ont commencé avec la direction politique de la révolution pour former un gouvernement transitoire.

Le 3 juin 2019 (29 du mois de Ramadan), Al Burhan et Hemedti se sont retournés contre la révolution et ont commis le massacre du commandement général à Khartoum et dans les États, déclaré l’état d’urgence, annulé les séances de négociations, expulsé les médiateurs internationaux, coupé Internet et Khartoum s’est transformée en une ville fantôme. Mais la rue révolutionnaire s’est rapidement organisée et elle a mobilisé des manifestations de millions de personnes le 30 juin, qui ont embrasé le Soudan, forcé le conseil militaire à battre en retraite, et réanimé donné aux Forces de la Liberté et du Changement. Les négociations ont conduit à un gouvernement de transition basé sur un partenariat entre les militaires et les civils.

Qui est Mohamed Hamdan Dagalo (Hemedti) ?
Mohamed Hamdan Dagalo est un Arabe darfouri du clan des Mahamid, une ethnie qui a des ramifications dans la région du Sahel africain grâce au commerce du bétail. Il est né en 1972, et il est le plus jeune à avoir obtenu le grade de général d’armée. Hemedti travaillait comme marchand de bétail dans le nord du Darfour. Lorsque la guerre a éclaté au Darfour, ses intérêts sociaux ont été menacés et il a d’abord formé une milice pour protéger son commerce puis s’est promptement allié au gouvernement dans les milices dites « Janjawid » qui ont commis des crimes de guerre au Darfour.

Lors d’une entrevue accordée à CNN à ses débuts, Hemedti a exigé que le gouvernement le reconnaisse et transforme ses forces en forces régulières. L’auréole de Hemedti s’est accrue après qu’il eut démontré sa capacité à vaincre les mouvements armés au Darfour de 2008 à 2012, et Al Béchir, aujourd’hui déchu, l’a récompensé en convertissant ses forces en forces semi-régulières en août 2013, connues sous le nom de FSR. Hemedti est devenu un gradé militaire relevant du Service national de renseignement et de sécurité, le bras répressif des islamistes au Soudan.

Un mois plus tard, des manifestations ont éclaté en septembre 2013 contre les mesures d’austérité du gouvernement. L’appareil de sécurité a réprimé les manifestations, faisant plus de 200 martyrs en utilisant ses deux armes militaires : le la section des opérations d’endoctrinement islamistes et les FSR. Hemedti a participé à la guerre au Yémen, décuplant ses richesses et faisant passer le nombre de ses troupes de 5 000 en 2014 à 40 000 en 2017, soit un cinquième des forces de l’armée. Il a également vaincu les mouvements armés au Darfour en 2016. L’Union européenne s’est alliée à lui lors du « Processus de Khartoum », qui visait à mettre fin à la migration illégale de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe via la Libye en échange de récompenses financières.

Après l’escalade des différends entre des FSR de plus en plus influentes et les dirigeants islamistes de la sécurité, Hemedti a exigé que ses forces soient subordonnées à l’armée, mais les dirigeants de l’armée ont refusé de subordonner les FSR à leur commandement d’état-major. En 2017, Omar Al Béchir est parvenu à une solution, qui consiste à transformer les FSR en forces officielles en légiférant sur la base de l’article 5 de la loi Elles ont été placées sous les ordres directs de Al Béchir, ce dernier allant jusqu’à l’appeler « Ma protection » (Himeyti). Al Béchir a formé le comité sécuritaire, qui comprend toutes les entités gouvernementales armées au Soudan : l’armée soudanaise, les FSR, les appareils de sécurité soudanais et la police. Avec l’exacerbation de la crise économique et le maintien des mesures d’austérité économique, la révolution soudanaise a éclaté en décembre 2018. Hemedti a fait le choix de la neutralité et est devenu le second au sein du conseil militaire le 13 avril 2019, mais ses forces ont commis des massacres contre les masses insurgées le 3 juin 2019 et le camp de la révolution leur est restée hostile jusqu’à présent.

Al Burhan a unilatéralement aboli l’article 5 de la loi sur les FSR en juillet 2019, qui faisait des FSR des forces parallèles, a approuvé un règlement politique avec des civils en août de la même année. Les FSR sont devenues des « forces indépendantes » et, pour reprendre l’expression d’Al Burhan, elles ont émergé des « entrailles des forces armées ».

Le gouvernement de transition et la constitution de la carte régionale des alliances
Les forces de la Liberté et du Changement ont formé le gouvernement de transition en 2019, dirigé par Abdullah Hamdok en tant que Premier ministre, Burhan en tant que chef du Conseil souverain et Hemedti en tant qu’adjoint à ce dernier. Hamdok a vu dans le gouvernement de transition un partenariat unique et harmonieux. Hemedti a gagné en influence, et le gouvernement de Hamdok a cédé à l’armée plusieurs dossiers économiques ou liés à l’étranger, ce qui a accru l’influence de cette dernière. Hamdok a laissé la présidence du Comité d’urgence économique en avril 2020 à Hemedti et l’entrée des FSR, avec leurs intérêts économiques, dans le domaine de l’exportation d’or, a vu le comité sous la présidence de Hemedti ne prendre qu’une seule décision : la suppression du monopole de la Banque centrale sur l’or.

L’influence de Hemedti a augmenté, en particulier auprès de l’Arabie Saoudite, de par sa participation à la guerre du Yémen, auprès des Émirats Arabes Unis grâce au commerce de l’or et auprès de Haftar en Libye. Hemedti a soutenu militairement Mahamat Idriss Déby à contrer la rébellion dans le nord du Tchad en avril 2021 et est intervenu en Afrique Centrale en soutien au gouvernement en janvier 2021. Le gouvernement de transition a également abandonné à l’armée le dossier de la paix avec les mouvements armés et Hemedti a négocié avec ces dernier à Juba, ce qui a débouché sur l’accord de « paix de Juba ». Hemedti entretient des relations étroites avec l’Éthiopie, en particulier avec Abiy Ahmed. ils ont procédé à des échanges de formations militaires et civiles ainsi qu’à des investissements en Éthiopie. Il a aussi refusé de s’engager avec l’armée soudanaise dans la guerre de Al Fashaga occupée par l’Éthiopie. Il a également des relations avec la Russie et la milice Wagner alors et il s’est rendu en Russie à la veille de la guerre contre l’Ukraine.

Le principal allié de Al Burhan est le régime égyptien, -les armées soudanaise et égyptienne ont été alliées tout au long de l’histoire du Soudan. L’armée soudanaise a profité de la guerre au Tigré en Ethiopie pour entrer en guerre à Al-Fashaga avec le soutien du gouvernement égyptien, après que les deux armées aient signé un accord de défense conjointe en mars 2021 pour s’entraîner, s’armer et sécuriser leurs frontières communes, et ont mené les manœuvres des « Gardiens du Nil » en mai 2021 à l’aéroport militaire de Mérowe.

Avant les manœuvres, Hemedti s’est rendu en Égypte pour obtenir des garanties que les avions de combat soudanais participant aux manœuvres reviendraient de la base de Merowe à la base de Wadi Sayyedna à Omdurman, où elles étaient sous le contrôle des FSR. Effectivement dès la fin des manœuvres, les avions de combat sont passés sous le commandement de l’armée soudanaise avec l’aide de l’armée égyptienne.

Al Burhan est en relation avec les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, il a également rencontré Netanyahu en Ouganda et cela a été le début de la normalisation, une condition pour que les États-Unis retirent le Soudan de la liste des pays soutenant le terrorisme. Suite au retrait du Soudan de la liste et la mise en œuvre par le gouvernement Hamdok des mesures d’austérité sévères imposées par l’Occident dans le cadre de l’initiative de l’annulation de la dette et du retour du Soudan dans le giron de la communauté internationale, Al Burhan s’est allié à Hemedti, aux mouvements armés et aux restes de l’ancien régime et s’est retourné contre la Liberté et le Changement le 25 octobre 2021 : Al-Burhan a gelé les articles de la Constitution de transition relatifs au dossier de la justice, au massacre du sit-in et au démantèlement de l’ancien régime.

La rue, les comités de résistance et l’avant-garde de la classe ouvrière ont rejeté le coup d’État militaire, et des manifestations de résistance au coup d’État ont été organisées, parvenant à créer une hégémonie alternative dans la rue et à empêcher le coup d’État d’imposer son autorité. La solution « Hamdok » de Al Burhan avec Hamdok a pris fin avec la démission de ce dernier et après que la rue révolutionnaire l’ait rejeté. Les comités de résistance et d’autres forces révolutionnaires se sont unies dans le cadre de la charte établissant « l’Autorité populaire ». La dimension révolutionnaire s’est intensifiée dans la rue, et le 30 juin 2022, elle a réussi à imposer des sit-in décentralisés, et l’autorité de Al Burhan a été circonscrite au commandement général.

Causes du conflit
Al Burhan a restitué à l’appareil de sécurité hostile à Hemedti sa capacité de procéder à des arrestations pour réprimer les processions. Le programme d’annulation de la dette a été suspendu, tous les plans économiques dépendant de l’aide des institutions internationales ont été gelés et l’économie est entrée dans un état de dépression complète. Il a fait revenir les déchus de l’ancien régime dans la bureaucratie de l’État. Ces derniers haïssent Hemedti qu’ils considèrent comme un traître à celui qui l’a créé. L’hostilité des officiers envers les FSR est allée croissant car ils y voient une force parallèle qui menace le statut de l’armée – la plus haute autorité dirigeante au Soudan – et non pas à cause de ses crimes, de son contrôle de l’économie et de sa contribution à la militarisation de la politique soudanaise, qui s’est révélée à travers des tentatives de coup d’État manquées.

Depuis juillet 2022, l’Arabie Saoudite est intervenue avec les Émirats Arabes Unis, la Grande-Bretagne et les États-Unis, faisant jour un nouvel accord entre les forces opportunistes de la Liberté et du Changement et les forces de la contre-révolution, dans ce qui était connu sous le nom de Quartet et a débouché sur la signature d’un accord-cadre en décembre 2022 entre ces entités. L’accord a été rejeté par les officiers supérieurs alignés sur l’ancien régime, les islamistes qui contrôlent l’appareil d’État bureaucratique et économique, et aussi par les comités de résistance unifiés à travers leur charte. Sous la pression des islamistes et de leurs officiers sur Al Burhan d’une part, et la proximité des intérêts de Hemedti avec les Forces de la Liberté et du Changement d’autre part, Hemedti a présenté ses excuses pour sa participation au coup d’État lors d’un discours le 19 février dernier, ce qui a conduit à l’émergence d’islamistes cachés et à la tenue de réunions publiques en dépit de leur interdiction. La Liberté et le Changement a accepté l’alliance avec Hemedti et abandonné la rue révolutionnaire pour se livrer une fois de plus à ses erreurs opportunistes. L’agressivité rhétorique entre l’armée et les FSR s’est intensifiée en mars. Al Burhan lui-même a fait protéger le commandement général par un énorme mur de béton. Les deux forces étaient pleinement prêtes à la confrontation malgré les médiations jusqu’à la nuit du 14 avril.

Lors d’une entrevue menée par Declan Walsh, journaliste au New York Times, avec le numéro deux des FSR, Abdul Rahim Dagalo, frère de Hemedti, publiée le 6 avril, date convenue de l’annonce de la nouvelle constitution de transition, Abdul Rahim a déclaré que Al Burhan avait construit un mur pour se protéger et qu’il ne se souciait pas de ce qui se passait à l’extérieur, qu’il ne se souciait pas de savoir si le reste du pays brûlait. Finalement le 15 avril, l’incendie aura pris des deux côtés.

« Celui qui n’a pas d’arme n’a pas d’opinion » – Hemedti

La position de la rue révolutionnaire
Les forces révolutionnaires refusent de prendre parti dans le conflit, ne sont pas neutres mais sont hostiles aux deux parties. Elles n’ont confiance ni dans les forces de la contre-révolution ni dans les forces opportunistes. Quiconque sortira victorieux de cette bataille – si elle ne se transforme pas en guerre civile – viendra à bout des forces de la révolution si ces dernières ne se préparent pas et ne s’organisent pas dans les lieux d’habitation en comités de résistance et par une structuration sans faille sur les lieux de travail. Une fois la bataille est terminée, le vainqueur déclarera très probablement l’état d’urgence et un couvre-feu et dirigera le pays avec un gouvernement militaire, aussi les révolutionnaires se doivent dès maintenant de se préparer organisationnellement à la désobéissance civile générale.

Qiddam, 17 avril 2023
Source : اشتراكيو السودان يكشفون أسباب الصراع الحقيقية بين البرهان وحميدتي بوابة الاشتراكي (revsoc.me)
Traduit de l’arabe, Luiza Toscane.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article66332


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Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

2 réflexions sur « Soudan. La société civile et ses comités face au conflit entre fractions militaires (+ déclarations) »

  1. Déclaration de solidarité féministe internationale avec le Soudan
    La Marche Mondiale des Femmes suit avec une grande inquiétude la crise au Soudan en raison des combats et des violences entre les forces militaires et les Forces de Soutien Rapide, qui ont fait de nombreux morts parmi les civils.

    Vous pouvez lire la déclaration sur la solidarité féministe internationale au Soudan ici 👇🏻 https://marchemondiale.org/index.php/2023/05/11/wmw-statement-international-feminist-solidarity-to-sudan/

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