Sauver notre humanité des décombres de Gaza (et autres textes)

  • Mahmoud Mushtaha : Gaza. Israël reprend ses bombardements et ordonne aux Palestiniens de nouveaux déplacements
  • ONU Info : Choc et terreur à Gaza avec la reprise des bombardements sur l’enclave
  • Moustafa Barghouti : Le scandale de la guerre d’Israël contre les hôpitaux
  • Samah Jabr : Sauver notre humanité des décombres de Gaza
  • Gidéon Levy : La prochaine surprise d’Israël viendra de la Cisjordanie
  • Mariam Farah : Le monde universitaire israélien se joint à la répression de la dissidence
  • Appel urgent au Procureur de la CPI pour qu’il s’engage directement auprès des victimes palestiniennes, en particulier à Gaza, et qu’il délivre des mandats d’arrêt
  • Susan Monk : Olivia Colman, aux côtés de plus d’un millier d’artistes, accuse les institutions culturelles de censurer la Palestine
  • « La stratégie du silence », un édito de Michèle Sibony
  • Le monde académique appelle au cessez le feu permanent à Gaza

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Gaza. Israël reprend ses bombardements et
ordonne aux Palestiniens de nouveaux déplacements

Un climat d’horreur et de peur s’est à nouveau répandu dans la bande de Gaza après que les forces d’occupation israéliennes ont repris leurs opérations militaires dans la matinée du 1er décembre. L’agression israélienne sur la bande de Gaza se poursuit pour le 56e jour, accompagnée d’un blocus rigoureux et de pénuries alimentaires.

Depuis les premières heures du 1er décembre, l’armée israélienne a tué 109 civils et ouvert une nouvelle phase de combats contre les habitants du sud de la bande de Gaza [en date du 2 décembre, le ministère de la Santé de Gaza annonce que 240 personnes sont mortes depuis la reprise de l’offensive militaire de l’armée de l’Etat hébreu – Le Monde du 2 décembre].

Ashraf al-Qudra, porte-parole du ministère de la Santé de Gaza, a déclaré aux médias : « Neuf Palestiniens, dont quatre enfants, ont été tués à Rafah, une région du sud désignée comme “zone de sécurité” par Israël. En outre, dix personnes ont été tuées à al-Maghazi, dans le centre de la bande de Gaza, et cinq dans la ville de Gaza, au nord ».

Ahmed Abu Taema, 33 ans, vit dans le quartier de Khuza’a à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. « Ce matin, nous nous sommes réveillés sous les bombardements israéliens incessants, qui nous terrifient, nous et nos enfants. Nous avons oublié que nous étions en guerre grâce à la trêve des sept derniers jours. Nous espérions que ce cessez-le-feu temporaire se poursuivrait et deviendrait permanent, mais malheureusement nous sommes revenus au même cycle de supplices avec la poursuite de l’agression israélienne. »

Au début des attaques contre la bande de Gaza, Israël a bombardé aveuglément et brutalement la ville de Gaza, séparant le nord du sud et traitant le nord comme une zone de combat. La population a été forcée d’évacuer vers le sud, considérant qu’il s’agissait d’une zone sûre pour les civils [l’armée israélienne déclare, le matin du 2 décembre, avoir « visé 400 cibles » au cours de la journée du 1er].

Aujourd’hui 1er décembre, Israël a commencé à distribuer des tracts dans certaines zones du sud de Gaza, conseillant aux civils d’évacuer vers le sud, en particulier vers Rafah, près de la frontière égyptienne [1].

Les tracts distribués à Khan Younès indiquaient explicitement que la ville était devenue une « zone de combat dangereuse ». Ahmed Masoud, un activiste de 22 ans, a déclaré : « Nous avons fui la bande de Gaza vers le sud à la recherche d’un endroit sûr, mais nous savons qu’il n’y en a pas. Aujourd’hui, nous avons été surpris dans la matinée par les forces israéliennes qui distribuaient des tracts d’avertissement, nous intimant l’ordre d’évacuer Khan Younès et nous disant d’aller à Rafah. Le sud est densément peuplé, avec environ 1,6 million de personnes à Rafah, Khan Younès et Deir al-Balah, et maintenant Israël concentre tous les résidents et les personnes déplacées à Rafah et Deir al-Balah. Nous ne savons pas où les gens pourront aller. »

Un voisin qui préfère garder l’anonymat nous explique : « J’héberge dans ma maison du quartier Bani Suheila de Khan Younès environ 200 personnes originaires de la ville de Gaza, qui ont été forcées de quitter leur maison après qu’elle a été bombardée et détruite. Aujourd’hui, Israël nous demande d’évacuer nos maisons et de nous rendre à Rafah. »

Les forces israéliennes continuent d’intensifier leurs bombardements sur la ville de Khan Younès après la reprise des opérations militaires. « Nous ne savons pas où aller et vivre est de l’ordre d’une véritable tragédie. Nous craignons un génocide à Khan Younès, comme cela s’est produit dans le nord de la bande de Gaza », a déclaré Adel Al-Aseeli, âgé de 34 ans. « Nous avons été forcés de quitter nos maisons dans le quartier de Nasr, dans le sud de la bande de Gaza, et maintenant Israël veut que nous évacuions nos maisons en tant que personnes déplacées de Khan Younès vers d’autres zones. Nous préférons mourir ici plutôt que de vivre une vie d’humiliation et de misère comme celle que nous menons ».

Le bureau de presse du gouvernement des autorités de Gaza a indiqué que des bâtiments civils ont été soumis à de nombreuses frappes aériennes dans toute la région méridionale densément peuplée. En outre, les habitants de Gaza ont vu de grands panaches de fumée au-dessus des ruines dans le nord de l’enclave.

[1] Selon le site MEE, le 2 décembre : « L’armée israélienne a publié plusieurs cartes [elles divisent la bande de Gaza en de multiples micro-zones, à fonction militaire et censées, une fois choisies, assurer un « refuge » – voir extrait de cette carte ci-dessous] ordonnant aux Palestiniens de Gaza de quitter leurs maisons et de se diriger vers ce qu’elle appelle des « centres de refuge » [!], bien qu’il n’existe aucune zone sûre dans la bande assiégée. Les Palestiniens de plusieurs zones du nord de la bande de Gaza (Jalabiya, Shujayya et Zeitoun) ont reçu l’ordre de se rendre dans les quartiers de Daraj et de Tuffah, dans la ville de Gaza. Les habitants de plusieurs zones du sud de la bande de Gaza (Khirbat Ikhza’a, Abasan, Bani Suheila et Ma’an) ont reçu l’ordre de se rendre à Rafah, près de la frontière avec l’Egypte. La carte divise effectivement la bande de Gaza en d’innombrables parcelles. Or, d nombreux Palestiniens contraints de se déplacer ont déjà été déplacés à plusieurs reprises. » (Réd.)

Mahmoud Mushtaha (Gaza City)
Mahmoud Mushtaha, a été engagé par le site d’information espagnol CTXT pour couvrir la situation à Gaza.
Article publié sur le site espagnol CTXT le 1er décembre 2023 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/gaza-israel-reprend-ses-bombardements-et-ordonne-aux-palestiniens-de-nouveaux-deplacements.html

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Choc et terreur à Gaza avec la reprise des bombardements sur l’enclave

Alors que le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a fait part de son profond regret concernant la reprise des opérations militaires à Gaza vendredi, les agences humanitaires ont promis de rester sur place et d’aider tous ceux qui en ont besoin, tout en réaffirmant qu’aucun endroit « n’est à l’abri des attaques » dans l’enclave dévastée par la guerre.

Le bruit des obus explosant peu après 7 heures du matin, heure de Gaza, était clairement audible à l’hôpital Nasser, dans le sud, où des enfants terrifiés et traumatisés ont immédiatement réagi en s’accrochant à leurs mères, effrayés, a déclaré James Elder, un porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

« Les bombes ont commencé quelques secondes seulement après la fin du cessez-le-feu », a ajouté M. Elder aux journalistes de l’ONU à Genève par liaison vidéo depuis Khan Younis, avant de dénoncer la « guerre en cours contre les enfants ».

Blessures de guerre
« Alors que nous approchions de l’hôpital Nasser, il y a eu une frappe, un missile, une roquette, quelque chose… Les enfants portant les blessures de la guerre sont partout, toujours dans les couloirs. Des centaines de femmes et d’enfants se réfugient ici. Vous sortez de l’unité de soins intensifs et il y a des familles de cinq personnes sur un matelas pour deux », a-t-il fait valoir.

Le retour à la violence fait suite à une pause d’une semaine dans les hostilités entre les militants du Hamas et les forces israéliennes, qui, selon les organisations humanitaires, a permis l’acheminement du carburant, de la nourriture et de l’eau dont les gens ont désespérément besoin et qu’ils boivent dès qu’on leur donne.

Cette pause a également permis la libération d’une partie des otages pris lors de l’attaque surprise du Hamas sur le sud d’Israël, le 7 octobre, qui a entraîné le massacre de quelque 1 200 personnes, ainsi que la libération de prisonniers palestiniens détenus en Israël.

Les autorités sanitaires de Gaza ont fait état de plus de 15 000 décès depuis le début des frappes israéliennes, des milliers d’enfants étant vraisemblablement ensevelis sous les décombres. Le conflit a également provoqué l’amputation d’un millier d’enfants au cours des dernières semaines, a indiqué M. Elder.

Nouvel appel au cessez-le-feu
Sur le réseau social X, anciennement Twitter, le chef de l’ONU, António Guterres, a appelé les belligérants à revenir à la table des négociations pour convenir d’un cessez-le-feu de longue durée afin de permettre l’acheminement à Gaza de l’aide dont la population a désespérément besoin.

« Je regrette profondément que les opérations militaires aient repris à Gaza », a déclaré M. Guterres. « J’espère toujours qu’il sera possible de renouveler la pause qui avait été établie. La reprise des hostilités ne fait que démontrer l’importance d’un véritable cessez-le-feu humanitaire ».

Laisser entrer l’aide
Faisant écho à cet appel à la paix, Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a exprimé sa profonde inquiétude face aux déclarations des dirigeants politiques et militaires israéliens « qui prévoient d’étendre et d’intensifier l’offensive militaire ».

« La reprise des hostilités à Gaza est catastrophique », a déclaré le chef des droits de l’homme de l’ONU, avant d’exhorter toutes les parties et les États ayant une influence sur les belligérants « à redoubler d’efforts, immédiatement, pour garantir un cessez-le-feu – pour des raisons humanitaires et de droits de l’homme ».

Le « plein respect et la protection des droits de l’homme des Palestiniens et des Israéliens » restent d’une importance capitale, a souligné M. Türk, avant d’appeler à un arrêt immédiat de la violence et à la libération rapide et inconditionnelle de tous les otages restants.

Il a déclaré que les civils devaient être protégés conformément au droit humanitaire international, appelant Israël « en tant que puissance occupante […] à veiller à ce que les besoins fondamentaux de la population de Gaza, tels que la nourriture, l’eau et les soins médicaux, soient satisfaits ». Il a rappelé à toutes les parties « leur obligation de permettre et de faciliter le passage rapide et sans entrave de l’aide humanitaire pour les civils dans le besoin, dans l’ensemble de la bande de Gaza ».

« Les espoirs ont été déçus »
Le chef de l’humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, a dénoncé la situation à Gaza. « Aujourd’hui, en quelques heures, des dizaines de personnes auraient été tuées et blessées. Les familles ont de nouveau été invitées à évacuer. Les espoirs ont été déçus », a-t-il dit dans une déclaration à la presse.

« Près de deux mois après le début des combats, les enfants, les femmes et les hommes de Gaza sont tous terrifiés. Ils n’ont nulle part où aller en sécurité et très peu pour survivre. Ils vivent entourés de maladies, de destructions et de morts. C’est inacceptable », a-t-il ajouté, réclamant un cessez-le-feu humanitaire.

L’hôpital « comme dans un film d’horreur »
Les besoins médicaux continuent de dépasser de loin les soins disponibles, a averti l’agence de santé des Nations Unies. Quelque 5 000 lits sont nécessaires, mais seulement 1 500 sont disponibles et seulement 51 des 72 établissements de soins de santé primaires sont désormais fonctionnels, a déclaré le Dr Richard Peeperkorn, représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le territoire palestinien occupé, s’exprimant depuis Gaza.

« Le système de santé de Gaza a été paralysé par les hostilités en cours et je tiens à souligner que nous ne pouvons plus nous permettre de perdre des hôpitaux ou des lits d’hôpitaux », a-t-il dit.

Il a également évoqué une étude publiée dans la revue médicale The Lancet, qui confirme les statistiques de mortalité communiquées par les autorités sanitaires de l’enclave en octobre. A ce jour, plus de 6 200 enfants sont morts, plus de 4 000 femmes et environ 4 850 hommes, et que plus de 36 000 personnes ont été blessées, a-t-il dit.

Des étages « inondés de sang »
Dans un petit hôpital de la ville de Gaza, qui est le seul centre de traumatologie opérationnel pour le nord de l’enclave, le personnel est débordé et « les corps sont alignés sur le parking à l’extérieur (et) le sol est inondé de sang », a partagé Rob Holden, responsable principal des urgences à l’OMS. 

« La seule façon de décrire la situation est de la comparer à un film d’horreur. Lorsque vous entrez, il y a des patients sur le sol avec les blessures les plus traumatisantes que vous puissiez imaginer, potentiellement des traumatismes de champ de bataille. Les patients reçoivent les meilleurs soins possibles, mais le personnel disponible est relativement peu nombreux, et tous les membres du personnel ont fui avec leur famille ou ont été tués », a développé M. Holden.

« Les fournitures ne sont tout simplement pas suffisantes. L’acheminement des fournitures vers le nord de la bande de Gaza a également posé de gros problèmes… Lorsque vous entrez dans l’hôpital, vous vous retrouvez face à des corps de personnes décédées à leur arrivée ou pendant leur séjour à l’hôpital, alignés à l’extérieur, attendant que les membres de leur famille viennent les identifier ».

S’exprimant depuis Gaza, le responsable de l’OMS a expliqué que les médecins, les infirmières, les techniciens de laboratoire et les ingénieurs « qui font tourner les machines, les générateurs » travaillaient 22 heures par jour « juste pour assurer le niveau de service le plus élémentaire ».

Faisant écho à l’appel à la paix, le Bureau de coordination de l’aide de l’ONU, OCHA, a déclaré que les enfants, les femmes et les hommes de Gaza et d’Israël « se sont réveillés face à la guerre » une fois de plus vendredi. « Les parties à ce conflit doivent protéger les civils et donner accès aux acteurs humanitaires pour intervenir dans tout Gaza et conformément aux besoins du droit humanitaire international », a dit le porte-parole d’OCHA, Jens Laerke.

« L’aide humanitaire doit se poursuivre sans condition, les otages doivent être libérés sans condition. L’ONU continuera de rester et de fournir de la nourriture, de l’eau, des médicaments et d’autres fournitures essentielles pour sauver des vies », a-t-il ajouté.

1 décembre 2023
https://news.un.org/fr/story/2023/12/1141157

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Le scandale de la guerre d’Israël contre les hôpitaux

Ce qui s’est passé à l’hôpital Al-Shifa de Gaza ne peut qu’être qualifié de scandale. L’armée israélienne a faussement présenté l’hôpital Al-Shifa comme le centre de la direction du Hamas. Le gouvernement israélien a affirmé qu’Al-Shifa était utilisé comme entrepôt d’armes et d’explosifs, que des centaines de combattants s’y cachaient et qu’ils étaient censés utiliser les patients comme « boucliers humains ». Il a également affirmé que des otages israéliens étaient détenus à l’hôpital.

Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et les forces israéliennes d’occupation ont fait croire que l’attaque de l’hôpital Al-Shifa par des chars militaires, après qu’il ait été bombardé par des avions, était en réalité une prise de contrôle des principaux bastions de la résistance du Hamas. En réalité, rien de tout cela n’est vrai.

Aucun prisonnier israélien n’a été trouvé à l’hôpital Al-Shifa, qui n’était pas non plus un centre de la direction du Hamas, ni aucun combattant de la résistance ne s’y cachait ou n’y stockait des armes. La seule chose que l’armée israélienne a trouvée, ce sont des enfants qui luttaient et qui nécessitaient de toute urgence les couveuses et les générateurs d’oxygène qui ont été bombardés par l’armée israélienne.

Elle a également trouvé les patients des unités de soins intensifs qui mouraient les uns après les autres parce que les respirateurs étaient endommagés, ainsi que les victimes des frappes aériennes israéliennes brutales et indifférenciées contre les civils, qui ne pouvaient pas être soignées parce que l’électricité avait été coupée dans l’hôpital, ce qui empêchait les médecins d’opérer les patients. Les patients en dialyse n’ont pas non plus pu être soignés ni utiliser les appareils de dialyse en raison des bombardements israéliens sur Gaza, de la coupure d’électricité imposée par Israël et du refus du gouvernement israélien d’autoriser l’entrée de carburant dans la bande de Gaza.

En raison des frappes aériennes constantes, des attaques des chars israéliens et des tireurs d’élite israéliens qui tirent sur les civils, des milliers de corps de civils palestiniens innocents se décomposent dans les rues. Personne ne peut atteindre ces cadavres qui doivent être enterrés, ce qui crée un grave problème en termes de santé publique. Il est clair que l’armée israélienne n’accorde aucune importance à la vie humaine et qu’elle s’engage activement dans une attaque contre des civils innocents.

Les occupants israéliens ont tenté de dissimuler les violations des droits humains qu’ils ont commises à l’hôpital pour enfants Abd al-‘Aziz al-Rantisi en fabriquant des photos et en faisant de fausses déclarations qui ne sont crues par personne, y compris celle d’un calendrier manuscrit qui énumère les jours et les dates de la semaine, qu’ils prétendent être un horaire pour les combattants du Hamas qui étaient censés garder les soi-disant « captifs israéliens » qui ne se trouvaient même pas dans l’hôpital. Aucune preuve que les captifs avaient été gardés dans l’un ou l’autre des hôpitaux n’a été trouvée.

Vingt-quatre heures après la prise de l’hôpital Al-Shifa par les Israéliens, l’armée israélienne n’a toujours pas trouvé de preuve que des prisonniers y étaient détenus. Malgré cela, l’armée israélienne a détruit les installations de l’hôpital. Par la suite, elle a tenté de fabriquer des preuves des prétendues armes qui auraient été découvertes dans l’hôpital, mais il est rapidement devenu évident (photos et vidéos à l’appui) que ces armes avaient été placées par l’armée israélienne dans l’hôpital pour justifier la guerre génocidaire qu’elle menait contre les civils gazaouis. Même les sympathisants d’Israël n’ont pas été trompés par ces actions. Ces allégations ont été démenties par le Washington Post, le New York Times, la chaîne américaine CNN et la chaîne britannique BBC.

Ces fausses affirmations des responsables israéliens ont entraîné un degré d’humiliation sans précédent pour Israël, mais aussi pour les services de renseignement américains qui ont propagé ces fausses informations, après avoir été pris en flagrant délit de mensonge.

Il est désormais évident que cette attaque israélienne odieuse et inhumaine contre les hôpitaux et sa violation du droit international visent trois objectifs principaux : premièrement, elle montre que le gouvernement israélien n’a aucune considération pour le droit international et qu’il n’hésite pas à commettre des crimes de guerre. Comme l’a déclaré Netanyahou, il n’y a pas d’endroit qu’Israël considère comme hors d’atteinte. Une telle déclaration n’est pas surprenante de la part d’un gouvernement qui commet trois crimes de guerre en même temps : punition collective, nettoyage ethnique et génocide.

Le deuxième objectif était de détruire les hôpitaux de Gaza et les centres éducatifs et sanitaires de la partie nord de Gaza, en particulier la ville de Gaza, afin de détruire les infrastructures et l’ensemble de la zone, la rendant ainsi inhabitable. L’objectif était de rendre impossible le retour des habitants de la partie nord de Gaza. Cela a été confirmé par le fait que l’armée israélienne a forcé les équipes médicales et les patients à quitter l’hôpital Al-Shifa sous la menace d’armes et de chars militaires, sans se soucier du fait que de nombreux patients et ceux qui ont été blessés par les attaques israéliennes étaient trop malades pour se déplacer ou du fait que beaucoup de ces patients mouraient s’ils n’avaient pas accès à l’équipement médical.

Le troisième objectif, le plus important, était de procéder à un nettoyage ethnique de Gaza en exilant des centaines de milliers de Palestiniens de la ville de Gaza, au nord, et des zones environnantes, qui ont cherché refuge dans les hôpitaux Al-Shifa, Al-Rantisi et Al-Quds. Ces civils ont été forcés de marcher plusieurs kilomètres dans des conditions brutales, une image horrifiante qui condamnera les dirigeants et les militaires israéliens lorsqu’ils seront un jour jugés par la Cour pénale internationale.

Israël a endommagé 26 hôpitaux sur les 36 qui existent dans la bande de Gaza en les bombardant, en les détruisant, en les assiégeant et en les privant de carburant, d’électricité, d’eau, de médicaments et de matériel médical. Il a détruit plus de 60 ambulances et tué pas moins de 200 médecins, infirmières et autres membres du personnel médical. Il a détruit 56 centres médicaux, dont l’hôpital Al-Shifa, qui est l’un des plus grands centres médicaux de Palestine.

Ce n’est pas un hasard si des médecins du monde entier, de Ramallah au Canada, en passant par le Royaume-Uni et l’Irlande, ont organisé des manifestations de solidarité avec les médecins et le personnel médical palestiniens, dans le cadre du soutien et de l’aide dont la Palestine a tant besoin.

J’ai été très ému par l’image que j’ai vue à la télévision d’une enfant palestinienne de treize ans de Gaza qui pleurait et criait après que les bombardements israéliens aient tué sa mère, son père et trois de ses frères et sœurs. Les seuls survivants étaient cette fille et trois de ses jeunes frères et sœurs, dont le plus jeune est un nourrisson. Elle a déclaré que personne d’autre qu’elle ne s’occupait de ces enfants et s’est demandé comment elle, encore enfant, pourrait être leur père, leur mère et leur sœur, puisqu’il n’y avait plus personne d’autre pour s’occuper d’eux.

Ceux qui ont ordonné et participé à l’exécution de ces crimes paieront pour ces crimes contre l’humanité. Seul l’avenir nous dira quand et comment, mais à la fin, la justice doit prévaloir.

Moustafa Barghouti, 1 décembre 2023
https://alter.quebec/le-scandale-de-la-guerre-disrael-contre-les-hopitaux/

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Sauver notre humanité des décombres de Gaza

Mesdames et messieurs, chaque matin, nous nous réveillons et une nouvelle image atroce nous parvient de Gaza. Des chiens sauvages dévorant les cadavres de Gazaoui·es tué·es à l’hôpital Al-Shifa. Le corps d’un Palestinien attaché à une corde et traîné par un véhicule militaire israélien non loin de la plage Zikim. Des travailleurs et travailleuses palestiniennes forcées de se dénuder et torturées. Aujourd’hui, c’est la vidéo d’un tank israélien écrasant le cadavre d’un civil palestinien.

Chères auditrices et auditeurs, je suis psychiatre clinicienne et travaille de longue date avec les professionnel·les de santé mentale de Gaza. Mais je ne suis pas ici pour vous parler de l’impact inimaginable d’un génocide sur la santé mentale des Palestinien·nes, ni pour faire du sumud palestinien une réalité romantique. 

Je suis ici pour vous avertir de l’effondrement imminent de notre sens commun d’humanité. 

En tant que Palestinienne privée de citoyenneté et faisant actuellement face à un niveau inédit de répression israélienne à Jérusalem et en Cisjordanie, j’en appelle à vos principes universels en tant qu’êtres humains afin de nous aider à exposer la réalité déchirante de Gaza – un lieu meurtri par l’un des chapitres les plus sombres de l’Histoire. 

Les atrocités implacables commises à Gaza entachent la conscience de l’humanité, laissant une trace indélébile sur notre capacité à nous relier les un·es aux autres en tant qu’êtres humains.

Une intention génocidaire

Depuis le premier jour de cette guerre, des personnalités politiques israéliennes parlent, dans un esprit de vengeance, d’écraser Gaza et de déporter ses résident·es. 

Le ministre de la Défense Yoav Gallant a décrit les Gazaoui·es comme étant des « animaux » et le Président Isaac Herzog a déclaré que tou·tes étaient complices des actes commis le 7 octobre. 

Ces actes ont été comparés au 11-Septembre et les combattant·es de la résistance palestinienne assimilés à Daech – comme si les évènements du 7 octobre marquaient le début de notre histoire. 

Ces évènements sont présentés en occultant huit décennies d’occupation et de répression des Palestinien·nes et vingt années d’emprisonnement à Gaza, le plus grand camp de concentration contemporain. 

Le ministre israélien du Patrimoine Amichai Eliyahy a d’ores et déjà estimé que le largage d’une bombe nucléaire sur Gaza était une « option ». 

Des mensonges sans fondement relatant la décapitation de bébés israéliens et des viols massifs sont inventés pour monter le monde contre Gaza et légitimer le massacre de civil·es.

Chère audience, les bombardements aériens israéliens n’ont pas cessé au cours de ces trente-sept jours de guerre. Les pertes gazaouies de ce seul mois dépassent le nombre total de pertes ukrainiennes depuis le début de la guerre en Ukraine. 

Les femmes et les enfants représentent 70% des victimes palestiniennes. 

Prenez le temps d’assimiler cette information – il ne s’agit pas d’une simple statistique, mais de la preuve glaçante d’une intention de cibler les plus vulnérables. 

Les personnels médicaux, les journalistes et les forces de défense civile sont également ciblées. 

Nous observons des personnes tentent de porter secours à mains nues à des membres de leur famille coincés sous les décombres, entendons parler de médecins opérant sans anesthésie et de bébés prématurés mourant en raison de l’oxygène coupé dans les hôpitaux. 

Mais de nombreux et nombreuses Gazaoui·es utilisent leur téléphone pour communiquer leur souffrance au monde : nous ne pourrons pas prétendre que nous ne savions pas. 

Depuis un mois, la diffusion et la couverture en direct de ces massacres forcent le monde à être témoin de cette horreur, ne laissant place à aucune ambigüité quant à l’identité des responsables.

Ces massacres bouleversent d’autant plus notre conscience morale qu’ils sont commis avec le soutien indéfectible des principaux régimes occidentaux – Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne et Italie. 

Le mépris caractérisé pour les vies palestiniennes exprimé par leurs instances politiques et militaires, ainsi que par les médias occidentaux traditionnels, entre en contradiction avec les valeurs que ces nations prétendent défendre. 

Ce mépris révèle en revanche le racisme sous-jacent et la mentalité coloniale de ces régimes occidentaux.

Le tristement célèbre siège de Sarajevo offre une comparaison saisissante. A l’époque, le bombardement du marché Markale, qui avait fait quarante-trois victimes, avait mené à l’action décisive de l’OTAN contre les forces serbes. Tandis que, suite au bombardement par Israël de l’hôpital baptiste Al-Ahli, qui a provoqué la mort de cinq-cents civil·es, Biden a hypocritement déclaré à Netanyahou : « Il semblerait que ce cela soit le fait de l’autre équipe. » 

Et l’on laisse Gaza mourir de faim, de soif, dans l’obscurité et le manque d’équipement médical.

Depuis 1948, les actions de l’État d’Israël ont constamment enfreint le droit international. Protégé par le soutien inconditionnel des Etats-Unis, Israël considère qu’il n’a pas de compte à rendre. 

Et pourtant, ces crimes contre les Palestinien·nes, soutenus par l’occident, ne constituent pas seulement une violation du droit, mais également la trahison de notre commune humanité. 

L’offensive délibérée du gouvernement et de l’armée israéliennes, qui se nourrit d’un sentiment injustifié d’exceptionnalité et de revanche, n’écrase pas uniquement Gaza : je vois en chaque bâtiment qui s’écroule, l’effondrement moral de la communauté internationale.

Chèr·es camarades, telle que nous la connaissons, Gaza, blessée, souffrante, en larmes et se sentant trahie, Gaza se relèvera un jour des décombres et nous regardera dans les yeux. Peut-être nous interrogera-t-elle sur notre rôle ; peut-être nous pardonnera-t-elle comme elle l’a souvent fait auparavant et continuera-t-elle d’affronter seule l’ordre international. 

L’urgence aujourd’hui, c’est de ranimer notre humanité agonisante, qui a échoué à préserver les vies gazaouies, de susciter de la compassion et de restaurer les valeurs qui nous définissent en tant qu’êtres humains. 

Sauvons ce qu’il reste de notre humanité des décombres de Gaza

Samah Jabr

Samah Jabr est médecin-psychiatre et exerce à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Elle est actuellement responsable de l’Unité de santé mentale au sein du Ministère palestinien de la Santé. Elle a enseigné dans des universités palestiniennes et internationales. Le Dr Jabr est fréquemment consultante pour des organisations internationales en matière de développement de la santé mentale. Elle est également une femme écrivain prolifique.
Son dernier livre paru en français : Derrière les fronts – Chroniques d’une psychiatre psychothérapeute palestinienne sous occupation.
Saving our Humanity from the Rubble of Gaza – Message vocal publié sur YouTube le 16/11/2023. A l’initiative de la maison d’édition italienne « Sensibili alle foglie ».
30 novembre 2023 – Tramsmis par Alexandra Dols
https://www.chroniquepalestine.com/sauver-notre-humanite-des-decombres-de-gaza/

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La prochaine surprise d’Israël viendra de la Cisjordanie

La prochaine surprise n’en sera pas une. Elle sera peut-être moins meurtrière que la précédente, le 7 octobre, mais son prix sera élevé. Lorsqu’elle nous tombera dessus, nous laissant abasourdis par la brutalité de l’ennemi, personne ne pourra prétendre qu’il ne savait pas qu’elle allait arriver.

L’armée ne pourra pas le faire, parce qu’elle a constamment lancé des avertissements, mais n’a pas bougé le petit doigt pour l’empêcher. La responsabilité des Forces de défense israéliennes (FDI) sera donc tout aussi grande que lors du massacre dans le sud, et tout aussi importante que celle des colons et des politiciens qui les empêchent prétendument d’agir.

La prochaine cocotte-minute qui va nous exploser à la figure est en train de bouillir en Cisjordanie. Les FDI le savent ; ses commandants ne cessent de nous mettre en garde à ce sujet. Il s’agit d’avertissements hypocrites et moralisateurs destinés à couvrir les arrières de l’armée. Ces avertissements sont éhontés, car les FDI, avec leurs propres mains et leurs propres soldats, attisent le feu tout autant que les colons.

Prétendre que nous pourrions nous retrouver à nous battre sur un autre front uniquement à cause des colons est un mensonge et une duplicité. Si l’armée israélienne l’avait voulu, elle aurait pu agir immédiatement pour apaiser les tensions. Si elle l’avait voulu, elle aurait agi contre les colons, comme une armée normale est tenue de le faire à l’égard des milices locales et des groupes armés.

Les ennemis d’Israël en Cisjordanie sont notamment les colons, et les FDI ne font rien pour les arrêter. Ses soldats participent activement aux pogroms, maltraitant de manière scandaleuse les habitants – les photographiant et les humiliant, les tuant et les arrêtant, détruisant les mémoriaux, comme celui de Yasser Arafat à Tulkarem, et arrachant des milliers de personnes à leur lit. Tout cela jette de l’huile sur le feu et fait monter la tension.

Des soldats revanchards, envieux de leurs compatriotes de Gaza, se déchaînent dans les territoires occupés, le doigt léger et enthousiaste sur la gâchette. Près de 200 Palestiniens y ont été tués depuis le début de la guerre, et personne ne les arrête. Aucun commandant régional, commandant de division ou commandant sur le terrain n’arrête le déchaînement. Il est difficile de croire qu’ils sont également paralysés par la peur des colons. Après tout, ils sont considérés comme courageux.

Les colons sont en extase. L’odeur du sang et de la destruction qui monte de Gaza les incite à se déchaîner comme jamais auparavant. Plus besoin de contes de fées sur les loups solitaires ou les mauvaises graines. L’entreprise de colonisation, avec son cortège de fonctionnaires politiques et de financements, ne se bat pas contre les pogroms qui en émanent. La guerre est leur jour de paie, leur grande chance.

Sous le couvert de la guerre et de la brutalité du Hamas, ils ont saisi l’occasion de chasser le plus grand nombre possible de Palestiniens de leurs villages – en particulier les plus pauvres et les plus petits – avant la grande expulsion qui aura lieu après la prochaine guerre, ou celle qui suivra.

Cette semaine, j’ai visité le no man’s land dans le sud des collines d’Hébron. Les choses n’ont jamais ressemblé à cela auparavant. Chaque colon est désormais membre d’une « équipe de sécurité ». Chaque « équipe de sécurité » est une milice armée et sauvage qui a le droit de maltraiter les éleveurs et les agriculteurs et de les expulser.

Seize villages de Cisjordanie ont déjà été abandonnés et l’expulsion se poursuit à plein régime. Pour l’essentiel, les FDI n’existent pas. Israël, qui ne s’est jamais intéressé à ce qui se passe en Cisjordanie, n’en entendra certainement plus parler. Les médias internationaux s’y intéressent de près et comprennent où cela mène.

Derrière tout cela, on retrouve la même arrogance israélienne qui a permis la surprise du 7 octobre. La vie des Palestiniens est considérée comme moins que rien. S’occuper de leur sort et de l’occupation est considéré comme une nuisance obsessionnelle. L’idée dominante est que si nous l’ignorons, les étoiles s’aligneront d’une manière ou d’une autre.

Ce qui se passe en Cisjordanie reflète une situation incroyable. Même après le 7 octobre, Israël n’a rien appris. Si le désastre actuel dans le sud nous est tombé dessus après des années de siège, de déni et d’indifférence, le prochain tombera parce qu’après son prédécesseur, Israël n’a pas pris au sérieux les avertissements, les menaces et la gravité de la situation.

La Cisjordanie gémit de douleur et personne en Israël n’écoute son appel à l’aide. Les colons se déchaînent et personne en Israël n’essaie de les arrêter. Jusqu’où les Palestiniens peuvent-ils aller ? Israël devra payer la facture quoi qu’il arrive. Ce sera froid ou chaud, mais très sanglant dans les deux cas.

Gidéon Levy, Haaretz, 30 novembre 2023
Traduction AFPS
https://www.france-palestine.org/La-prochaine-surprise-d-Israel-viendra-de-la-Cisjordanie

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Le monde universitaire israélien se joint à la répression de la dissidence

Sur les campus israéliens, des étudiant·es et des enseignant·es palestinien·nes et juifs et juives de gauche ont été suspendu·es, arrêté·es et intimidé·es pour leurs opinions depuis le 7octobre.

Le 8 octobre, le lendemain du jour où le Hamas a lancé une attaque surprise de grande envergure sur le sud d’Israël, Bayan Khatib a posté une vidéo sur Instagram montrant une poêle de shakshuka qu’elle avait préparée. Cette Palestinienne de 23 ans, citoyenne d’Israël, étudiante à l’Institut Technion de Haïfa et qui s’avoue mauvaise cuisinière, a fièrement légendé la vidéo en disant « Bientôt, nous mangerons de la shakshuka de la victoire », accompagnée d’un emoji représentant un drapeau palestinien.

Considérant que l’utilisation du drapeau et du mot « victoire » témoignait d’un soutien au Hamas, des camarades de classe de Mme Khatib ont largement diffusé le message et exigé qu’elle soit sanctionnée, à la fois par l’université et par les autorités de l’État.

Les plaintes ont été prises au sérieux. Le 25 octobre, Mme Khatib a été arrêtée, soupçonnée d’incitation à la haine. Elle a passé une nuit en prison, partageant une cellule prévue pour quatre personnes avec huit autres femmes palestiniennes, toutes arrêtées après que des collègues juifs-israéliens les ont dénoncées à la police pour sédition. Le lendemain, Khatib a été assignée à résidence.

Une plainte a également été déposée contre Khatib au Technion, et son audition a eu lieu le 9 novembre. Bien qu’elle ait demandé de l’aide à des professeurs de l’université par courriel et par téléphone, Mme Khatib dit n’avoir reçu aucune réponse. Elle reste suspendue de ses études alors que la procédure disciplinaire à son encontre est en cours.

Khatib a déclaré à +972 qu’elle ne s’était jamais sentie autant menacée pour son identité qu’aujourd’hui. « Le simple fait d’être Palestinienne et d’arborer des symboles de mon héritage est devenu un motif de suspicion, ce qui me fait me sentir intrinsèquement coupable », a-t-elle déclaré. « Les allégations à mon encontre sont absurdes – simplement à cause d’une vidéo de shakshuka ».

Les étudiant·es et les professeur·es palestinien·nes sont depuis longtemps victimes de racisme, de discrimination et de harcèlement dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur israéliens, mais les semaines qui ont suivi le 7 octobre ont été marquées par une augmentation significative du nombre de cas. La répression de la liberté d’expression par les autorités israéliennes – qui touche également les juifs et juives israélien·nes de gauche – a créé une atmosphère de peur qui vise à faire taire toute dissidence contre les bombardements continus de l’armée israélienne sur la bande de Gaza.

Selon l’Union des étudiants arabes, environ 160 Palestinien·nes étudiant dans des universités et collèges israéliens ont fait l’objet de procédures disciplinaires depuis le 7 octobre, accusé·es de soutenir la terreur, de soutenir des organisations terroristes ou d’inciter au terrorisme.

Le centre juridique palestinien Adalah, basé à Haïfa, a quant à lui indiqué qu’il avait été contacté par 113 étudiant·es arabes dans 3  établissements universitaires israéliens différents au cours de cette période, toutes et tous cherchant un soutien juridique. Adalah note en outre que dans près de la moitié des cas dont il a connaissance, les étudiant·Ês ont été temporairement suspendu·es avant même le début des procédures disciplinaires ; dans huit cas, les étudiant·es ont été expulsé·es sans avoir été entendu·es.

L’Union signale que des étudiant·es arabes sont arrêtés simplement pour avoir écrit ou « aimé » des messages apparemment inoffensifs sur les médias sociaux. Par exemple, les arrestations de quatre étudiants du Western Galilee College, le 19 novembre, ont été menées de manière particulièrement « barbare », dans le but de les humilier et de perpétuer une politique d’intimidation.

Le harcèlement des étudiant·es palestinien·nes par leurs camarades juifs et juives est peut-être encore plus effrayant. Peu après le début de la guerre, l’Union nationale des étudiant·es israélien·nes a appelé à la suspension immédiate de toute personne exprimant sa solidarité avec les attaques du Hamas et a encouragé les étudiant·es à dénoncer anonymement les personnes soupçonnées de soutenir la terreur.

Cet appel a frôlé la violence physique. Le 28 octobre, une foule d’extrémistes juifs israéliens s’est rassemblée devant les dortoirs des étudiant·es arabes du collège académique de Netanya, en scandant « Mort aux Arabes ». La police a dû empêcher la foule de pénétrer dans le bâtiment et les étudiant·es menacé·es ont finalement été évacué·es.

Avec Adalah, l’Union des étudiant·es arabes a insisté pour qu’une enquête soit menée sur l’attaque du collège de Netanya. Elle demande également aux responsables des universités israéliennes de renforcer la protection des étudiant·es palestiniens·ne et de réintégrer celles et ceux qui ont été suspendu·es, tout en encourageant les professeur·es arabes et juifs/juives progressistes à intervenir contre les mesures punitives injustifiées.

L’Union a également pris l’initiative inhabituelle de solliciter une intervention extérieure, en s’adressant à des universités étrangères et à des donateurs affiliés à des institutions israéliennes pour les exhorter à soutenir les étudiant·es palestinien·nes, et en demandant à l’UE de réévaluer sa collaboration académique avec le ministère israélien de l’éducation.

Toxicité et persécution
La persécution des Palestinien·nes sur les campus israéliens ne se limite pas aux étudiant·es, puisque les membres du corps enseignant font également l’objet d’accusations similaires. Le 9 octobre, 25 membres du corps enseignant de l’université de Haïfa – dont le vice-recteur – ont envoyé une lettre privée au recteur de l’université, le professeur Gur Alroey, pour lui faire part de leurs préoccupations concernant la suspension de cinq étudiant·es la veille ; selon eux, l’université n’avait pas respecté ses propres règles administratives ni expliqué ses décisions.

Dans une lettre qui a ensuite été rendue publique, M. Alroey a répondu aux professeur·es, les réprimandant pour leur soutien présumé à des étudiant·es qu’il accusait de soutenir le Hamas ou le terrorisme. Le recteur a même demandé la démission du vice-recteur, avant de se rétracter.

Ameed Saabneh, maître de conférences palestinien à l’université de Haïfa et l’un des professeurs auteurs de la lettre au recteur, a déclaré à +972 que l’université n’avait pas le pouvoir de suspendre les étudiant·es de leurs études. « Les comités d’audition sont les seuls organes habilités à prendre des décisions concernant la suspension des étudiant·es », a-t-il précisé.

Saabneh a expliqué qu’après que l’incident ait été rendu public, l’atmosphère à l’université est devenue tendue. « Les relations entre les étudiant·es sont devenues toxiques, érodant les discussions qui étaient auparavant saines », a-t-il déclaré. « Mes étudiant·es m’ont informé qu’elles et ils se sentaient persécuté·es par leurs pairs, l’association des étudiant·es et l’administration de l’université.

Cette situation a créé une « crise de confiance » entre les professeur·es et leurs étudiant·es, a poursuivi M. Saabneh. « L’aspect le plus préoccupant est que les étudiant·es ont commencé à envoyer des lettres au chef de département, menaçant de boycotter les professeur·es qui signeraient la lettre adressée au recteur », a-t-il ajouté.

Selon un rapport récent d’Academia for Equality, au moins six professeur·es et jeunes enseignant·es d’institutions universitaires israéliennes ont fait l’objet de mesures disciplinaires depuis le 7 octobre pour incitation présumée au terrorisme ou soutien à des organisations terroristes. Certains d’entre elles et eux ont été licencié·es en conséquence.

Nadera Shalhoub-Kevorkian, professeure de criminologie à la faculté de droit de l’université hébraïque et à l’université Queen Mary de Londres, est l’une des universitaires visées. Avec 3 000 autres universitaires et étudiant·es du monde entier spécialisé·es dans l’étude de l’enfance, elle a signé le mois dernier une pétition critiquant l’attaque d’Israël contre les enfants palestiniens et appelant à un cessez-le-feu immédiat et à la fin du « génocide » à Gaza.

Quelques jours plus tard, elle a reçu une lettre d’Asher Cohen, le président de l’université hébraïque, dans laquelle il l’accusait d’« incitation contre l’État d’Israël », la menaçait de poursuites judiciaires et l’invitait à démissionner. M. Cohen a transmis la lettre à d’autres membres du personnel de l’université, et celle-ci a fait son chemin sur les médias sociaux. Mme Shalhoub-Kevorkian a rapidement commencé à recevoir des menaces en ligne.

Son avocat, Alaa Mahajna, a accusé M. Cohen d’avoir déformé le contenu de la pétition et a déclaré que l’université était potentiellement responsable d’avoir violé le droit du travail et d’avoir incité à proférer des menaces à l’encontre d’un membre du corps enseignant. Il estime que l’université a demandé la démission de Mme Shalhoub-Kevorkian sur la seule base de ses opinions politiques, ce qu’il considère comme un excès dangereux et sans précédent.

En réponse à une demande de commentaire, le directeur de la communication internationale de l’université a déclaré : « La lettre [du président] parle d’elle-même. Mme Shalhoub-Kevorkian a jusqu’à présent refusé de présenter sa démission. »

Warda Sada, éducatrice et militante pour la paix, a fait l’objet de persécutions similaires. Elle a été licenciée de son poste au Kaye Academic College of Education à Be’er Sheva après qu’un·e étudiant·e a publié quelques-uns de ses messages sur les médias sociaux avant et après la guerre. Tous ces messages, selon Sada, condamnent la violence des deux côtés et s’opposent à la guerre et à l’assassinat de civil·es. Le Kaye College est généralement connu pour favoriser un environnement d’apprentissage multiculturel et multilingue, et s’enorgueillit de la diversité de ses étudiants et de son corps enseignant, qui reflète la diversité ethnique de la région Naqab/Negev.

« En tant qu’éducatrice ayant trois décennies d’expérience sur le terrain et 28 ans dans le monde universitaire, je n’aurais jamais pensé que la persécution académique atteindrait de tels extrêmes », a déclaré Mme Sada à +972. « Notre responsabilité en tant qu’universitaires est de favoriser la pensée critique, d’encourager la recherche et d’appliquer les théories que nous transmettons. En tant qu’éducateurs, nous visons à transmettre un message au monde, à donner à nos collègues enseignant·es les moyens d’exprimer librement leurs idées. »

La purge a également touché des universitaires juifs et juives. Uri Horesh, professeur de linguistique arabe à l’Achva Academic College près d’Ashdod, a déclaré à +972 que le 15 octobre, alors qu’il était à New York, il a reçu un courriel de l’université avec une plainte concernant une de ses publications sur Facebook qui comprenait la phrase « Libérez le ghetto de Gaza ». Horesh avait initialement partagé le message un mois plus tôt, mais l’avait reposté après le début de la guerre.

« L’université a déformé le sens de mon message, prétendant que je soutenais ouvertement un acte de terrorisme », a déclaré M. Horesh. « Ils m’ont accusé de ternir la réputation de l’université ».

Le 23 octobre, M. Horesh a découvert qu’il n’avait plus accès au système en ligne de l’université et que son nom avait été supprimé du site web de l’établissement ; il n’avait reçu aucune indication officielle de sa suspension. Une semaine plus tard, il a été invité à assister à une audience disciplinaire ; il a refusé, déclarant que la procédure était illégitime et que ses opinions politiques personnelles n’avaient rien à voir avec son emploi. Quelques jours plus tard, il a reçu une lettre du collège confirmant son licenciement et menaçant de retenir son indemnité (qui lui a finalement été versée).

M. Horesh a fait remarquer que nombre de ses étudiant·es étaient des citoyen·nes palestinien·nes d’Israël et que son licenciement n’était pas seulement un coup dur pour lui, mais aussi pour elles et eux – un message effrayant qui les décourage de partager leurs propres opinions. Alors qu’il était prévu qu’il retourne en Israël le jour où il a reçu la première plainte, Horesh a craint d’être arrêté à son arrivée et a donc reporté son retour pour une durée indéterminée.

Un blâme collectif pour tous les Arabes
L’année universitaire en Israël devait commencer le 8 octobre, mais le déclenchement de la guerre la veille a entraîné le report des études, et ce à plusieurs reprises. Selon une déclaration récente de l’Association des directeurs d’université, le prochain objectif est de commencer le 24 décembre, mais il faut pour cela démobiliser les réservistes de l’armée.

À l’approche de cette date, des craintes se font jour quant à l’atmosphère qui régnera, en particulier pour les étudiant·es et les enseignant·es palestinien·nes. Une enquête récente a révélé que 17% des étudiants arabes interrogé·es ont exprimé leur incertitude ou leur manque d’intention de commencer l’année, principalement en raison de préoccupations économiques et sécuritaires.

Dans ce contexte de tensions accrues, le comité de suivi de l’éducation arabe a exprimé ses appréhensions quant à l’année universitaire à venir. Le 27 novembre, il a adressé une lettre à Varda Ben Shaul, directrice générale du Conseil de l’enseignement supérieur en Israël, soulignant les défis mentaux, sociaux et économiques urgents qui se posent dans cette nouvelle réalité, et demandant la mise en place immédiate d’un programme spécialisé pour soutenir les étudiant·es arabes et favoriser leur engagement dans l’enseignement supérieur. La lettre souligne également la nécessité d’une collaboration avec les établissements d’enseignement et les ministères concernés pour résoudre les problèmes de harcèlement et de racisme, et demande officiellement une réunion avec M. Shaul pour aborder de manière proactive les défis actuels et futurs.

Le 25 novembre, l’Union des étudiant·es arabes s’est réunie pour élaborer une stratégie en vue du début de l’année universitaire. L’ordre du jour comprend l’organisation de réunions avec les administrations des universités, la tenue de séances en face à face avec les étudiant·es de première année afin de leur offrir un soutien face aux défis à venir, et la revitalisation des comités d’étudiant·es arabes au sein des universités et des établissements d’enseignement supérieur.

Le rôle d’une université, même en temps de crise, est d’être un espace de raison et de dialogue ouvert. Pourtant, en rupture avec la procédure habituelle, les institutions israéliennes ont réprimé l’expression critique depuis le 7 octobre, les Palestinien·nes et les juifs/juives israélien·nes de gauche étant persécuté·es.

« Il existe un sentiment de culpabilité collective chez toutes et tous les Arabes de l’université, y compris les étudiant·es qui n’ont pas publié d’articles [sur les médias sociaux] », a déclaré M. Saabneh, de l’université de Haïfa. « Cette situation a dégénéré en un conflit important sur le campus, créant un environnement malsain pour les études et les discussions, qui devraient idéalement favoriser la diversité des points de vue. »

Mariam Farah 3 décembre 2023
Mariam Farah est une journaliste palestinienne de Haïfa.
https://www.972mag.com/israeli-academia-crackdown-palestinian-students/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Appel urgent au Procureur de la CPI pour qu’il s’engage directement auprès
des victimes palestiniennes, en particulier à Gaza,
et qu’il délivre des mandats d’arrêt

Al Mezan Center for Human Rights, Al-Haq et le Centre palestinien pour les droits de l’homme expriment leur profonde inquiétude face au retard prolongé du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à s’engager directement auprès des victimes palestiniennes, en particulier à Gaza, malgré des appels persistants depuis sa prise de fonction. Tout en reconnaissant les réunions à venir du Procureur Khan avec les responsables palestiniens à Ramallah lors de sa toute première visite dans l’État de Palestine, le besoin crucial d’une interaction directe avec les victimes reste sans réponse.

Le 30 novembre 2023, la CPI a annoncé que le Procureur Khan se rendait en Israël « à la demande et à l’invitation des survivants [et] des familles des victimes des attentats du 7 octobre ». Cette décision fait suite à l’annonce, la semaine dernière, que le Procureur avait rencontré des victimes israéliennes à La Haye. Notamment, le Procureur n’a pas été disponible pour rencontrer les victimes palestiniennes et leurs représentants légaux malgré de nombreuses demandes depuis que le Procureur Khan a pris ses fonctions en juin 2021.

Nos organisations et les victimes palestiniennes ont continuellement demandé au Procureur de se rendre en Palestine, soulignant la nécessité d’un engagement de première main. L’absence d’une telle interaction soulève de sérieuses inquiétudes quant à la disparité, l’impartialité et le manque de transparence perçus dans les engagements du Procureur. Reconnaissant la responsabilité du Procureur pour des enquêtes justes et complètes, il est primordial de donner la priorité à l’engagement direct avec les personnes affectées par les crimes allégués. Il y a manifestement deux poids deux mesures dans la rapidité et la disponibilité remarquable du Procureur pour rencontrer les victimes israéliennes, à la fois à La Haye et en se rendant rapidement en Israël, alors qu’il ne répond pas aux appels constants des victimes palestiniennes et de leurs représentants.

Triestino Mariniello, représentant légal des victimes palestiniennes devant la CPI, a commenté :
« Jusqu’à présent, le Procureur Khan a toujours refusé de rencontrer les représentants des victimes ou les victimes elles-mêmes. Depuis qu’il a pris ses fonctions, son mandat a été caractérisé par une politique de deux poids, deux mesures en ce qui concerne la situation en Palestine. Le procureur n’a pas mis en place d’enquête efficace et a alloué des fonds très minimes et largement insuffisants à l’enquête depuis son ouverture. Alors que la rencontre avec les victimes israéliennes fait partie du mandat du Procureur, la déclaration de la Cour ne mentionne pas les victimes palestiniennes, que le Procureur Khan pourrait rencontrer lors de sa visite en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est – deux zones sous la juridiction de la Cour. Sur place, le Procureur devrait rencontrer les victimes de la violence des colons et des transferts forcés, entre autres crimes, ainsi que les familles des centaines de Palestiniens tués par les colons ou les forces israéliennes au cours des 11 derniers mois ».

Alors qu’Israël a accéléré de manière exponentielle ses meurtres de Palestiniens au cours des deux dernières années, les demandes d’intervention de 35 organisations palestiniennes en février dernier pour prendre des mesures immédiates et efficaces sont restées sans réponse. En novembre dernier, 198 organisations palestiniennes, régionales et internationales avaient mis en garde contre une grave recrudescence de la violence et demandé au Procureur d’intervenir en faisant des déclarations dissuasives, mais le Procureur n’a pas non plus tenu compte de ces recommandations.

Nous alertons sur le fait que la visite d’État du Procureur en Palestine, pilotée par Israël et limitée à la visite des bâtiments gouvernementaux, ne remplace en aucun cas une rencontre directe avec les victimes accompagnées de leurs représentants légaux sur le terrain. Elle ne remplace pas non plus la nécessité de mener une véritable enquête et de se rendre sur place pour examiner les colonies manifestement illégales et les autres scènes de crime dans le territoire palestinien occupé, y compris les appropriations de terres, les démolitions de maisons, le pillage des ressources naturelles, et les victimes palestiniennes qui ont été arrêtées sans inculpation, blessées et tuées.

En 2021, la Chambre préliminaire a estimé que la Cour avait compétence pénale sur le territoire de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza en tant que territoire de l’État de Palestine. Bien que la communauté internationale reconnaisse clairement que le territoire palestinien occupé comprend Jérusalem-Est occupée, la photographie du procureur Khan, empoisonné à l’intérieur de Jérusalem-Est occupée et surplombant cette ville, y compris la vieille ville, et se tenant à quelques mètres seulement des colonies israéliennes illégales, sous la légende qu’il est « en visite en Israël », est remarquable. Nous rappelons au Procureur Khan que la Résolution 478 du Conseil de Sécurité des Nations Unies censure dans les termes les plus forts les mesures législatives et administratives prises par Israël pour prétendument annexer Jérusalem Est comme étant « nulles et non avenues et doivent être annulées immédiatement ».

Nous demandons instamment au Procureur Khan de prolonger sa visite à Gaza, reconnaissant l’importance cruciale de comprendre le contexte et de rencontrer les victimes sur place. La situation à Gaza, où nous avons mis en garde contre le génocide en cours et les crimes contre l’humanité que constituent les déplacements forcés de la population palestinienne, exige une attention particulière, et un engagement direct est essentiel pour comprendre l’impact des crimes présumés sur le terrain.

En plus d’insister sur l’engagement direct, nous soulignons le rôle essentiel de la CPI dans l’émission de mandats d’arrêt. Le pouvoir de la CPI ne réside pas seulement dans sa capacité à poursuivre, mais aussi dans son effet dissuasif. En tenant les individus responsables de crimes présumés, la CPI joue un rôle crucial dans la prévention de futures atrocités. En commentant la nouvelle de la visite du procureur au point de passage de Rafah le 29 octobre 2023, nos organisations ont explicitement appelé le Bureau du Procureur (BdP) à délivrer immédiatement des mandats d’arrêt à l’encontre des autorités et du personnel militaire israéliens responsables de la perpétration de crimes internationaux. Nos organisations estiment que le BdP dispose de suffisamment de preuves soumises par divers organes d’enquête de l’ONU et des organisations de la société civile pour poursuivre les affaires relatives à la guerre de 2014 sur Gaza, à la Grande Marche du retour et aux dossiers détaillés sur les colonies, et que ces procédures serviront à dissuader les forces et les autorités israéliennes de commettre d’autres crimes d’atrocité à Gaza.

En tant que défenseurs de la justice et de la responsabilité, nous insistons sur le fait qu’il est impératif d’agir rapidement. La crédibilité et l’efficacité de la CPI dépendent d’un engagement juste et équilibré avec toutes les parties concernées. Rencontrer les victimes palestiniennes, prolonger la visite à Gaza et utiliser toute l’autorité de la CPI pour délivrer des mandats d’arrêt si nécessaire. La poursuite de la justice exige un engagement sans faille et une action rapide.

30 Novembre 2023
https://ujfp.org/appel-urgent-au-procureur-de-la-cpi-pour-quil-sengage-directement-aupres-des-victimes-palestiniennes-en-particulier-a-gaza-et-quil-delivre-des-mandats-darret-a-des-fins-de-dissuasion/

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Olivia Colman, aux côtés de plus d’un millier d’artistes,
accuse les institutions culturelles de censurer la Palestine

Plus de 1300 artistes, parmi elleux Olivia Colman, primée aux Oscar, Harriet Walter et Juliet Stevenson, primées aux Olivier Awards, Aimee Lou Wood et Siobhán McSweeney primées aux BAFTA, Paapa Essiedu (I May Destroy You), Susanne Wokoma (Enola Holmes), Youseff Kerkour (Napoléon), Nicola Coughlan (Derry Girls, Bridgerton), Amir El-Masry (The Crown) et Lolly Adefope (Ghosts), ont publié une lettre adressée aux secteur de la culture et des arts, accusant les institutions culturelles des pays occidentaux de :
« réprimer, bâillonner et stigmatiser les voix et les opinions palestiniennes »

Ils se rendent coupables de cela en :
« ciblant et menaçant les carrières des artistes et des intermittent.es qui expriment leur solidarité avec les Palestinien.nes, en annulant des spectacles, des projections, des débats, des expositions et des sorties de livres. »

Dans cette lettre, les autrices Deborah Frances-White (The Guilty Feminist),  Kamila Shamsie (Home Fire), Marina Warner (Once Upon a Time: A Short History of Fairy Tales), Lara Pawson (This is the Place To Be), les scénaristes Abbie Spallen et Camilla Whitehill ainsi que les poétesses Daisy Lafarge, Malika Booker et Emily Berry affirment que :
« Malgré cette pression, des milliers d’artistes écoutent leur conscience et continuent de s’exprimer. La liberté d’expression, telle qu’inscrite dans le Human Rights Act et la Convention Européennes des Droits Humains et sont la colonne vertébrale de nos créations et sont essentiels à la démocratie. »

Parmi les exemples de censure, la lettre cite le ‘report’ de l’exposition londonienne d’Ai Weiwei par la Lisson Gallery ; l’annulation de dernière minute par le Folkwang Museum de l’exposition Afrofuturism de la conservatrice Anais Duplan et l’annulation par le Saarland Museum de l’unique exposition de l’artiste Candice Brietz, ces deux dernières en Allemagne ; l’annonce par les producteurs de Hollywood qu’ils rompaient le contrat de l’actrice Melissa Barrero pour Scream VII

Dans chacun des cas, l’institution justifie l’annulation par les propos tenus par l’artiste soutenant les droits des Palestinien.nes et par le contenu de son travail.

Ce mois-ci, le Centre International Arnolfini pour les Arts Contemporains à Bristol, financé par des fonds publics, a annulé une série d’évènements, film et poésie, proposés par le Festival de Films Palestiniens de Bristol, prétendant que ces évènements pourraient « se transformer en activité politique ». Les évènements ont été déplacés dans d’autres lieux de la ville.

L’un des signataires de la lettre, Hassan Abulrazzak, dont la pièce ‘And Here I Am’, basée sur la vie d’un acteur palestinien et qui a été annulée à Paris en Octobre dernier, déclare :
« Cette censure est autant une frustration qu’une erreur. C’est le moment d’écouter les Palestinien.nes et de comprendre ce que sont leurs vies »

Les réalisateur.trices Emma Seligman (Bottoms), Hany Abu-Assad (Omar), Ken Loach (I, Daniel Blake), Aki Kaurismaki (Drifting Clouds), Sara Driver (Boom For Real: The Late Teenage Years of Jean Michel Baquiat), Sally El-Hosaini (The Swimmers), appellent les organisations culturelles à se joindre aux appels pour un cessez-le-feu permanent et à « soutenir les artistes et ouvrier.es qui soutiennent ouvertement les droits des Palestinien.nes ». 

Ielles accusent les organisations culturelles d’un « deux poids, deux mesures inquiétant », déclarant que :
« les expressions de solidarité aisément offertes aux autres peuples subissant une oppression brutale, ne vont pas jusqu’aux Palestinien.nes »

La compositrice primée Jocelyn Pook, Robert del Naja de Massive Attack, David Sylvian et le compositeur électro Rrose, aux côtés des artistes visuel.les Vanessa Jackson, Sean Edwards, Larissa Sansour, Luke Fowler, John Smith, Rosalind Nashashibi, Paul Noble, Florence Peake, John Keane et P Staff, déclarent qu’ielles « sont solidaires de celleux qui subissent des menaces et des intimidations au travail ». 

Ielles alertent que : 

« de nombreux.ses artistes refusent de travailler avec des institutions qui ne respectent pas [les] obligations fondamentales de protéger la liberté d’expression et l’anti-discrimination lorsqu’il s’agit de la Palestine ». 

Deux milles poète.sses ont annoncé un boycott de la Poetry Foundation aux États-Unis après que son magazine ait refusé de publier une critique littéraire qu’il avait commandé. Des artistes et des écrivain.es à travers le monde ont déclaré qu’ielles ne travailleraient plus avec le magazine Artforum, et du personnel de la rédaction a démissionné en réaction au licenciement du rédacteur David Velasco qui avait publié une lettre, signée par 8 000 artistes, qui demandait un cessez-le-feu et la ‘libération de la Palestine’.

Vendredi dernier, le bureau de l’ONU à Genève a publié un communiqué intitulé « S’exprimer sur le sujet de Gaza/Israël doit être autorisé », s’ « inquiétant des attaques, représailles, criminalisations et sanctions à travers le monde contre celleux qui expriment publiquement leur solidarité avec les victimes du conflit actuel entre Israël et la Palestine ». Les experts de l’ONU déclarent : 
« des artistes, des universitaires, des journalistes, des militant.es et des athlètes ont subit des conséquences et des représailles particulièrement violentes de la part d’états et d’acteurs privés à cause de leur importance et de leur visibilité. »

Gabriel Frankel, conseiller juridique britannique au European Legal Support Centre, qui recense les répressions contre les militant.es des droits palestiniens, raconte :

« nous avons … vu des travailleur.ses du secteur être repoussée.es et poursuivre leur engagement pour la justice, et nous encourageons celleux qui sont préoccupé.es à contacter le ELSC pour être conseillé.es. »

***
Lire la lettre :

À l’attention du milieu des arts et de la culture,
Nous nous adressons à vous en tant qu’artistes et travailleur.ses cultururel.les uni.es dans notre engagement pour la justice, la dignité, la liberté et l’égalité pour tous les peuples en Israël/Palestine. Nous considérons toute vie comme précieuse et pleurons chaque mort.

Le niveau de violence actuel à Gaza exige notre attention à tou.tes et notre mobilisation.

Les membres du gouvernement d’extrême droite israélien appellent ouvertement au nettoyage ethnique.

Les mots ne suffisent pas à qualifier la cruauté que constitue le fait d’utiliser la faminecomme arme de guerre et d’empêcher la population d’avoir accès à l’eau et à l’électricité.

La destruction massive des infrastructures civiles, le bombardement des hôpitaux, des écoles, des églises et des mosquées, le meurtre de 14 500 personnes en quelques semaines, font partie de la politique de punition collective contre la population palestinienne. Les Nations Unies et des centaines de juristes appellent la communauté internationale à empêcher le génocide.

En tant qu’artistes nous ne pouvons pas nous taire face à de telles violations flagrantes du droit international humanitaire.

Alors que la catastrophe se poursuit, nous avons remarqué une absence criante de déclaration de solidarité avec le peuple palestinien de la plupart des organisations culturelles du Royaume-Uni.

Nous trouvons très perturbant et, honnêtement, symptomatique d’un ‘deux poids, deux mesures’ inquiétant que les expressions de solidarité aisément offertes aux autres peuples subissant une oppression brutale, n’aillent pas jusqu’aux Palestinien.nes

Une telle différence de traitement soulève de sérieuses questions quant à la partialité réservée aux graves violations des droits humains.

Loin de soutenir nos appels pour la fin de la violence, de nombreuses institutions culturelles dans les pays occidentaux répriment, bâillonnent et stigmatisent systématiquement les voix et les opinions palestiniennes. Cela se traduit par le fait de cibler et menacer les carrières d’artistes et d’intermittent.es qui expriment leur solidarité avec les Palestinien.nes, ainsi que d’annuler des spectacles, des projections, des débats, des expositions et des sorties de livres.

Malgré les pressions, des milliers d’artistes écoutent leur conscience et continuent de s’exprimer. La liberté d’expression, comme inscrite dans le the Human Rights Act et la Convention Européenne des Droits Humains sont la colonne vertébrale de nos créations et sont essentiels à la démocratie. Nous rappelons aux organisations culturelles et à leurs financeurs leur obligation à protéger la liberté d’expression et à s’engager pour l’anti-discrimination.

En tant qu’artistes et travailleur.ses culturel.les, nous sommes solidaires de celleux qui subissent des menaces et des intimidations au travail. Le secteur des arts doit de toute urgence aligner ses actions avec ses valeurs déclarées de justice et d’inclusion, et refuser la déshumanisation du peuple palestinien.

Nous appelons le secteur des arts et de la culture à :
Demander publiquement un cessez-le-feu permanent.
– Promouvoir et amplifier les voix des artistes, écrivain.es et penseur.ses palestinien.nes.
– Soutenir les artistes et travailleur.ses qui expriment leur soutien aux droits palestiniens.
– Refuser les collaborations avec les institutions ou organismes complices de violations graves des droits humains.

Se taire face à une injustice d’une telle ampleur et une crise humanitaire grandissante serait l’abrogation de notre devoir moral. Faire taire les artistes et les travailleur.ses qui ont des principes et s’acquittent de cette responsabilité va à l’encontre de nos obligations légales concernant la liberté d’expression et l’anti-discrimination. De nombreux.ses artistes refusent de travailler avec desinstitutions qui ne respectent pas ces obligations fondamentales.

La lutte pour la liberté et contre le racisme pour les Palestinien.nes et les Juif.ves est une libération collective. Nous refusons d’opposer une communauté à une autre, et sommes fermement opposé.es à toutes formes de racisme, y compris l’islamophobie et l’antisémitisme.

Dans un esprit de justice, d’égalité, et des valeurs partagées par les arts, nous vous demandons de prendre une position de principe.

Exemples cités plus haut :
Ai Weiwei s’exprime sur l’annulation de son exposition à Londres, Novembre :
https://hyperallergic.com/856763/ai-weiwei-speaks-out-on-cancellation-of-his-london-exhibition-lisson-gallery
Des réalisateur.trices retirent leurs films de IDFA à cause de sa réponse au conflit en Palestine, Novembre
https://lwlies.com/articles/filmmakers-withdraw-work-idfa-palestine-conflict/
« 
Ces quatre dernières semaines, je n’ai pas pu parler » : Adania Shibli s’exprime sur son annulation, Octobre/Novembre
https://www.theguardian.com/books/2023/nov/09/palestinian-author-adania-shibli-frankfurt-book-fair

Le Musée Kunsthalle Basel choisit une nouveau directeur, puis reçoit des menaces aux financements car il a signé des appels au cessez-le-feu à Gaza, Novembre
https://www.artnews.com/art-news/news/kunsthalle-basel-mohamed-almusibli-israel-gaza-ceasefire-letters-1234687215/
Wealthy art collectors discuss blacklisting UK artist following pro-Palestine posts, leaked messages show
https://www.instagram.com/p/Cz4E92qIqoF/?igshid=MzRlODBiNWFlZA
Artforum licencie son rédacteur après la demande en coulisses du riche mécène Martin Eisenberg. Le magazine avait publié une lettre, signée par 8 000 artistes.
Les carrières de ces artistes étaient menacées s’ielles refusaient de retirer leurs noms de cette lettre.
https://theintercept.com/2023/10/26/artforum-artists-gaza-ceasefire-martin-eisenberg/
Le Musée Arnolfini de Bristol annule la projection d’un film, une discussion et des évènements de poésie dans le cadre du Festival de Films Palestiniens de Bristol
https://www.bbc.co.uk/news/uk-england-bristol-67496228
Communiqué du Musée Arnolfini :
https://drive.google.com/file/d/14R_JQ5Q2jH9i8GEwpJHW-wESBIqBIdE4/view?usp=sharing
Des séries de 8 films sont annulées pour le Oberhausen Kurtzfilmtage de 2024, le plus vieux festival de courts métrages au monde. Le directeur du festival profère des accusations contre un donateur arabe, Novembre
https://docs.google.com/document/d/e/2PACX-1vQaK-oj6ULio7lFnMPrdpJ28WbxQug016qYTfvr1mZ_V_nR0Z0lZIyoy-Xj13L1Hulw43Kdptof3Z_v/pub
Un historien critique l’annulation ‘lâche’ d’une conférence sur Israël, Liverpool, Octobre
https://archive.li/HeGQk
Le Musée Folkwang, à Essen, annule l’exposition Afrofuturism après sa conservatrice ait fait un poste sur Instagram au sujet d’Israël-Palestine, Novembre https://www.instagram.com/p/Czl3iUyuvoz/?utm_source=ig_web_copy_link&igshid=MzRlODBiNWFlZA%3D%3D
La guerre entre Israël et Gaza provoque une série d’annulation d’évènements en Europe, Octobre
https://www.thenationalnews.com/world/uk-news/2023/10/21/israel-gaza-war-leads-to-a-raft-of-event-cancellations-in-europe/
Plus de 2000 poèt.esses et écrivain.es boycottent la Poetry Foundation (États-Unis) après le retrait d’une critique littéraire, Novembre
Le licenciement de David Velasco de ‘Artforum’ a provoqué une série de démissions et de boycotts, Octobre
https://news.artnet.com/news/artforum-fallout-david-velasco-2386956
Un musée allemand annule l’unique exposition de Candice Breitz à cause de ses positions politiques
https://twitter.com/hahauenstein/status/1728441449073787353
Dans Monopol arts magazine (en langue allemande)
https://www.monopol-magazin.de/candice-breitz-saarlandmuseum-absage-kommentar
Des politicien.nes coupent les financement d’Oyoun, un centre culturel ‘Queer, féministe, migrant et décolonial’ à Berlin, après qu’il est accueillit un évènement avec le groupe pro-palestinien Jewish Voice for Peace, intitulé ‘deuil et espoir’, Novembre.
https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSd0Ni47hWpgKWZduBFe9TcFgfF37QwTj4Ejq97cxeo5HExl_g/viewform
Melissa Barrera virée de ‘Scream VII’ à cause des ses postes sur Gaza sur les réseaux sociaux, Novembre
https://www.hollywoodreporter.com/movies/movie-news/melissa-barrera-fired-scream-vii-1235669458/
Le Concours Littéraire Peter Weiss annonce vouloir remettre un prix à Sharon Dodua Otoo, puis se rétracte, Novembre
https://docs.google.com/document/d/1F2k3WQw-fjBPL_Om4VeLWux8IBOGXyDMjBv5S7lZrs4/edit?usp=sharing
Communiqué des Nations Unies : « S’exprimer sur le sujet de Gaza/Israël doit être autorisé », Novembre
https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/11/speaking-out-gaza-israel-must-be-allowed-un-experts

Voici la liste complète des 1300 signataires de la lettre
Si vous êtes un.e artiste, vous pouvez ajouter votre nom 
ici

Susan Monk, le 30 novembre 2023
Source : 
Artists for Palestine 
Traduction : LG pour l’Agence Média Palestine

https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/12/01/olivia-colman-aux-cotes-de-plus-dun-millier-dartistes-accuse-les-institutions-culturelles-de-censurer-la-palestine/

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« La stratégie du silence », un édito de Michèle Sibony

Il semble que quelque chose échappe à notre attention, sur la situation des Palestiniens en ce moment.

La stratégie israélienne se déploie sur plusieurs niveaux :

 – à Gaza bien-sûr, dont l’écrasement occupe les médias, les journalistes sont ciblés et délibérément assassinés, et les lieux de presse délibérément visés et détruits, afin de minimiser les informations palestiniennes sur ce qu’il se passe sur le terrain.

 – en Cisjordanie, où il s’agit d’empêcher tout signe de révolte, et où donc des centaines d’arrestations sont effectuées, les opérations militaires nuit et jour se multiplient, ainsi que les opérations punitives de colons lâchés dans la nature, qui agissent librement et en toute impunité. On compte depuis le 7 octobre 232 morts sur ce territoire.

Les célébrations de retour des prisonniers ont toutes été violemment réprimées par l’armée, qui a saccagé les préparatifs jusqu’à l’intérieur des maisons.

On peut constater aussi la hargne vicieuse qui fait qu’Ahmed Manasra, diagnostiqué schizophrène, détenu depuis ses 13 ans, il en a 21, qui endure de très longues périodes d’isolement successives en violation du droit international, n’est toujours pas rendu à sa famille, dans le cadre des échanges de prisonniers contre les otages, malgré les campagnes pour sa libération. Quant à la violence du traitement des prisonniers du Hamas, qui sont enchaînés en permanence, nourris une seule fois par jour, dorment à même le sol, elle traduit la folie vengeresse du gouvernement israélien. Mais il faut réaliser que dans le cadre de cette répression renforcée, toute expression est interdite aux Palestiniens des territoires occupés de Cisjordanie sur ce qu’ils vivent et sur Gaza. 

À l’intérieur d’Israël, où les Palestiniens détiennent la citoyenneté, une surveillance des réseaux sociaux et de tout écrit en général, digne de la Chine ou de l’Iran, est assortie de harcèlement constant et d’arrestations massives, pour un simple mot de soutien à Gaza sur Facebook ou X ; les personnes sont interdites de manifestation, soumises aux violences policières, des députés palestiniens sont arrêtés… De fait, toutes les manifestations ou expressions, écrites ou orales, publiques ou privées, leur sont interdites. Appelés Palestiniens de l’intérieur, ils représentent aujourd’hui le danger de l’intérieur.

Ce qui pourrait nous échapper, c’est l’effet de cette répression dans ce moment crucial : aucune voix palestinienne ne peut s’exprimer en Israël ou en Cisjordanie sans être mise en danger. Aucune parole ou expression palestinienne d’aucune sorte ne peut actuellement être émise sur place ou vers l’extérieur du pays. La seule voix palestinienne que l’on peut entendre aujourd’hui est celle du Hamas de Gaza… Ironie de situation ou génie machiavélique. La propagande israélienne s’est ainsi assurée un monopole quasi absolu de la parole. Si l’on ajoute à cela, les réseaux pro-israéliens qui traquent à l’extérieur, dans les universités, les productions de cinéma (voir l’affaire Netflix) les entreprises américaines, tous les Palestiniens qui tenteraient d’exprimer une simple solidarité, la boucle est bouclée : Israël a réussi à étouffer la parole palestinienne dont nous ne disposons qu’à peine aujourd’hui. Tout ceci renforce encore notre responsabilité, pour nous qui pouvons encore parler. 

Une question demeure et compte aujourd’hui, et peut être demain, s’il y a un lendemain : Est-ce vraiment la meilleure politique pour les juifs israéliens, est-ce vraiment ainsi qu’ils veulent vivre ?

Michèle Sibony, le 29 novembre 2023
https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/11/30/la-strategie-du-silence/

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Le monde académique appelle au cessez le feu permanent à Gaza

Nous chercheur·es, enseignant·es chercheur·es, post-doctorant·e·s, doctorant·es, étudiant·es, Biatss (Bibliothécaires, ingénieur·es, administratifs, technicien·nnes, personnels sociaux et de santé) et ITA (ingénieur·es, technicien·nnes, Administratif) CDD, CDI et fonctionnaires statutaires, appelons le gouvernement français à s’engager fermement pour obtenir un cessez-le-feu total, permanent et immédiat, et à œuvrer sans plus tarder pour la levée du blocus sur la bande de Gaza.

Le nombre de civils blessés et tués par l’offensive israélienne au lendemain de l’attaque menée par le Hamas et plusieurs factions palestiniennes le 7 octobre continue de croître et le bilan évalué à plus de 15 000 morts au 27.11.23 est insoutenable. 

Dans la bande de Gaza, des quartiers entiers ont été rasés, des écoles et des hôpitaux détruits. Le gouvernement israélien ne cache pas son intention de poursuivre cette furie, au mépris du droit humanitaire et des conventions internationales. 1,5 millions de Gazaouis seraient désormais des déplacés internes.

Cette punition collective est rendue encore plus meurtrière par le resserrement ces dernières semaines du blocus qu’Israël impose depuis plus de 15 ans, privant la population d’eau, de nourriture et de soins. 

En Cisjordanie, la population palestinienne endure également le bouclage du territoire et la violence redoublée de l’armée et des colons. Est-il besoin de rappeler que ces territoires sont occupés par Israël selon le droit international et que le monde est lourdement coupable d’être resté passif face au déni du droit des décennies durant ?

Nous nous inquiétons aussi de la violence qui s’est abattue sur les milieux académiques et éducatifs palestiniens. À Gaza, 9 universités ont été détruites, tandis que l’armée israélienne vandalise les campus universitaires et procède à des rafles parmi les enseignant.es et les étudiant.es en Cisjordanie. Ces dernières semaines, plus de 3 100 étudiant.es et écolièr.es palestinien.nes ont été tué·es et 67 emprisonné·es. Cette ruine du système éducatif et universitaire palestinien représente une menace grave pour l’avenir de la région.

Plusieurs organisations internationales, dont Amnesty International, dénoncent déjà des crimes de guerre et contre l’humanité, et mettent en garde contre l’éventualité d’un génocide. 

Rien ne peut justifier de tels crimes. 

Par le soutien déséquilibré qu’elle accorde au gouvernement israélien va-t-en guerre, la France se rend complice de tous ces crimes. Elle trahit aussi sa mission qui est de faire appliquer le droit international et d’œuvrer pour la protection des populations civiles quelles qu’elles soient.

Nous attendons du gouvernement français qu’il entende les voix courageuses qui en France et partout dans le monde appellent à un cessez-le-feu permanent et à la levée immédiate du blocus. Ces voix sont précieuses pour la construction d’un monde que nous voulons de conscience et de solidarité, non pas de terreur et de guerres.

Lien vers la pétition : https://gforms.app/p/Frf1AAl 

Parmi les premier.es 600 signataires:
Houria Abdelouahed, Professeure des universités, Université Sorbonne Paris Nord
Fariba Adelkhah, chercheuse, Sciences Po Paris
Solenn Al Majali Doctorante Aix-Marseille Université / Ifpo Amman
Guillemette Andreu, égyptologue directrice honoraire du département des Antiquités égyptiennes du Louvre
Chakib Ararou, doctorant en littérature arabe, IREMAM, Aix-Marseille Université
Mariette Ballon, doctorante en science politique, Université Lumière Lyon 2
Ludivine Bantigny, professeure agrégée, Université de Rouen
Ali Bensaad Professeur des Universités, Paris 8
Sam Bourcier sociologue, IUF, université de Lille
François Burgat Politologue, Aix-en-Provence
Louis-Jean Calvet, linguiste, Aix-Marseille Université
Dominique Caubet, PU émérite, INALCO-LACNAD, Paris
Abdallah Cheikh-Moussa, professeur émérite, Sorbonne Université – Lettres
Sylvie Denoix, CNRS, UMR 8167
Francoise Dreyfus, professeur émérite Université Paris 1
Anne-Marie Eddé, professeur émérite, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Catherine Goldstein, directrice de recherche au CNRS, IMJ-PRG, SU, Université Paris-Cité
Flora Gonseth Yousef, Doctorante – Université Paris VIII
Nacira Guénif, Professeure, Université Paris 8, LEGS
Michael Harris, professeur émérite, Université Paris-Cité
Richard Jacquemond, professeur, IREMAM/Aix-Marseille Université
Samirah Jarrar, doctorante en anthropologie, Aix -Marseille
Taher Labadi, chercheur, IFPO
Stéphanie Latte Abdallah, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS)
Elisabeth Longuenesse, CNRS
Karine Lamarche, chargée de recherche en sociologie (CNRS/CENS), associée au Centre de Recherche Français à Jérusalem (CRFJ)
Pierre Lory, directeur d’études émérite (EPHE)
Simon Mangon, IFPO, Sciences Po Aix
Pascal Menoret, anthropologue, directeur du CEDEJ
Sabrina Mervin, directrice de recherche, CNRS/IREMAM
Alain Mille, Professeur émérite, Université Lyon1
Alastair Northedge, professeur émérite, Université de Paris I
Inês Oseki-Dépré, professeure émérite en littérature comparée, Aix-Marseille Université
Joseph Oesterlé, professeur émérite, Sorbonne Université, Paris
Livia Perosino, doctorante, Les Afriques dans le Monde (LAM), Sciences Po Bordeaux
Marwan Rashed, professeur des universités, Sorbonne Université
Esther Ravier, doctorante Sciences du langage, ENS Paris
Eugénie Rébillard, chercheuse, IFPO
Laura Ruiz de Elvira, chargée de recherche, IRD
Anna Roussillon, professeure d’arabe, Paris 1 Panthéon Sorbonne
Michele Scala, chercheur associé à l’Institut français du Proche Orient
Leila Seurat, chercheure, Centre Arabe de Recherches et d’Études Politiques de Paris
Pierre Signoles, Professeur honoraire, Université de Tours
Maboula Soumahoro, Institute for Ideas and Imagination, Columbia University
Julien Théry, Professeur des Universités, Université Lumière Lyon 2
Heidi Toelle, Professeure émérite, Université Paris III
Chantal Verdeil, PU, Inalco
Eric Verdeil, Professeur, Sciences Po/CERI
Tassadit Yacine, Directrice d’études, EHESS
Héla Yousfi, Maître de conférence, Université Paris-Dauphine PSL

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/041223/le-monde-academique-appelle-au-cessez-le-feu-permanent-gaza

*-*
Passages Through Genocide

PTG

Nous recueillons, traduisons et publions des textes d’écrivain·es palestinien·nes confronté·es au génocide à Gaza, afin d’élever leur parole.
Nous vous invitons à partager, imprimer, publier et distribuer ces textes par tous les moyens possibles, en soutien à la libération de la Palestine.
http://www.gazapassages.com

*-*

Ken Klippenstein : Joe Biden propose de lever presque toutes les restrictions pour le gouvernement israélien d’accès au stock d’armes US déposé en Israël
http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-israel-joe-biden-propose-de-lever-presque-toutes-les-restrictions-pour-le-gouvernement-israelien-dacces-au-stock-darmes-us-depose-en-israel.html
UNICEF : La bande de Gaza est l’endroit le plus dangereux au monde pour les enfants
https://www.observatoiredeleurope.com/unicef-la-bande-de-gaza-est-lendroit-le-plus-dangereux-au-monde-pour-les-enfants_a13699.html
Daniel Fleury :
Les libérations et les geôliers
https://www.kedistan.net/2023/11/29/les-liberations-et-les-geoliers/
Le Procureur de la CPI, Karim A. A. Khan KC, conclut la première visite d’un Procureur de la CPI en Israël et dans l’État de Palestine : « Nous devons montrer que la loi est là, en première ligne, et qu’elle est capable de protéger tout le monde ».
https://www.icc-cpi.int/news/icc-prosecutor-karim-khan-kc-concludes-first-visit-israel-and-state-palestine-icc-prosecutor
Ruwaida Kamal Amer : Le cessez-le-feu révèle le bilan de la dévastation à Khan Younis
Les Palestinien·nes profitent de l’accalmie des combats pour faire des provisions et vérifier l’état de leurs maisons et de leurs familles dans l’ensemble de la bande de Gaza. Pour beaucoup, les nouvelles sont terribles.
https://www.972mag.com/ceasefire-khan-younis-gaza-devastation/
Maria Rashed : Les manifestations britanniques révèlent le fossé qui sépare le gouvernement et le public sur la question palestinienne
Des centaines de milliers de personnes se sont mobilisées en Grande-Bretagne en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza, s’opposant aux tentatives de diffamation et de restriction de leurs libertés civiles.
https://www.972mag.com/uk-protests-palestine-london-gaza/
Menachem Klein : L’arrogance israélienne a fait échouer la voie politique palestinienne. Le 7 octobre en a révélé le coût
Un accord Fatah-Hamas en 2021 offrait un autre horizon politique. Mais le succès a aveuglé Israël, comme il l’avait fait avant la guerre de 1973.
https://www.972mag.com/hamas-fatah-elections-israel-arrogance/
Arundhati Roy qualifie le siège de Gaza de « crime contre l’humanité ».
https://lithub.com/arundhati-roy-calls-the-siege-of-gaza-a-crime-against-humanity/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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