La synthèse des revendications de la Confédération paysanne pour un revenu paysan pour toutes et tous (+ autres textes)

La préoccupation première et majoritaire des agriculteurs et agricultrices sur le terrain est bien de vivre dignement de leur métier. Les politiques orientées vers le « produire plus » ne correspondent pas aux enjeux actuels. Aujourd’hui, nous demandons une orientation et des politiques cohérentes pour garder des paysannes et paysans nombreux, assurer le renouvellement des générations et bâtir notre souveraineté alimentaire dans le contexte de crise climatique et environnementale.

La Confédération paysanne reste centrée sur les causes de la crise profonde du malaise agricole : la rémunération du travail paysan. Il s’agit de trouver des solutions concrètes pour tous les paysans et paysannes, et non accentuer les inégalités au sein du monde agricole. Certains leviers sont purement français, d’autres européens et il appartient alors au gouvernement d’y travailler à ce niveau.

C’est pourquoi nous revendiquons :

* La suspension immédiate de toutes les négociations d’accord de libre-échange, dont celui avec le Mercosur*.

* La rupture avec la mise en concurrence déloyale, conséquence directe du libre-échange, via la mise en place des outils de protection économique et sociale des agriculteurs et agricultrices ; comme la régulation des marchés agricoles pour stabiliser et sécuriser les prix agricoles !

* L’instauration de prix planchers au niveau de notre prix de revient (coûts et rémunération du travail, incluant les cotisations) pour tous nos produits agricoles, via une loi contraignante et efficace pour le revenu paysan. Ceci est indispensable, en complément de l’application stricte de la loi EGALIM.

* Légitimement, nous exigeons d’être rémunérés pour le cœur de notre métier de producteur d’alimentation, nous ne voulons pas d’une réponse via la production d’énergies et leur rente associée.

* L’instauration de prix minimum d’entrée sur le territoire national, fixés au niveau de nos prix de revient,pour nous protéger des importations déloyales tant sur le plan social qu’environnemental.

* L’interdiction des surmarges de la grande distribution, pratiquées sur les signes officiels de qualité (SIQO), notamment sur les produits bio.

* Une hausse massive de l’accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique(cf. rapport sorti aujourd’hui du Haut Conseil pour le Climat). Le principal frein à la transition agroécologique est l’insuffisante ambition des politiques publiques, pas la volonté des agriculteurs et agricultrices de répondre à la nécessaire transition agroécologique. Le succès des mesures agroenvironnementales (MAEC) parmi le monde agricole le prouve, c’est d’ailleurs le budget prévu par l’Etat qui est largement insuffisant. MAECs et PSE doivent couvrir l’ensemble du territoire, pour tous les agriculteurs et agricultrices.

* Pour le soutien au revenu, la répartition de la PAC* doit être revue et être beaucoup plus égalitaire, en soutenant les actifs sur les fermes. A commencer par la revalorisation de la surprime des premiers hectares dès la campagne 2024.

* Un plan de soutien à l’élevage paysan et herbageret une mesure de reconnaissance forte de notre travail paysan par l’interdiction de la viande in vitro en France.

* L’augmentation du crédit d’impôt remplacement/congé pour les paysan·nes avec une prise en charge à 100% pour reconnaître notre rôle nourricier.

* Une reconnaissance du mode de production en agriculture biologique via notamment la hausse de l’écorégime bio à 145€ par hectare, la réouverture de l’aide au maintien à l’AB partout sur le territoire et le respect par l’Etat et les collectivités publiques du ratio de 20% de bio dans la restauration collective.

* L’arrêt immédiat de l’artificialisation des terres agricoles, cause d’aggravation du dérèglement climatique, d’affaiblissement de la souveraineté alimentaire et la mise en péril concrète de fermes concernées. Nous pouvons citer le projet d’autoroute Castres-Toulouse (A69)·

* L’instauration d’un fonds de mutualisation des risques climatiques à la place du système assurantiel privé déployé par le gouvernement qui ne répond pas aux besoins des paysan·nes. Citons par exemple les maraîchers qui n’ont aucune couverture et qui ont été particulièrement touchés par les intempéries Ciaran et Domingo.

* Des mesures de simplification administrative qui n’affaiblissent pas les normes protectrices pour la santé, l’environnement et nos droits sociaux. Exemples : pas de contrat d’engagement pour les 1 1000 non-salariés agricoles touchant le RSA*, simplification de l’outil de déclaration SAFRAn pour les aides loups, abandon du certificat pour les chiens de protection et création d’un statut juridique pour les chiens de protection pour sécuriser notre activité ; suppression des audits biosécurité volailles et porcs, suppression de l’obligation de notification des mouvements de volailles pour les bases de données interprofessionnelles, libre choix des modalités d’identification des ovins, comme le règlement européen le permet (plutôt que le double bouclage électronique + boucle simple qui reste obligatoire en France), régler les dysfonctionnements du guichet unique pour les formalités d’entreprise, régularisation au plus vite de la situation des paysan·nes concernés par des bugs lors de la mise en place de la déclaration unique fiscale et sociale…·

* Une adaptation des normes sanitaires à la réalité de nos fermes : salmonelles, biosécurité pour l’élevage plein-air, tuberculose bovine…

* Une harmonisation vers le haut des normes au niveau européen, avec des objectifs ambitieux sur le plan de la protection sociale, de la santé et des écosystèmes ; le greendeal est cet outil d’harmonisation des ambitions, trajectoires et normes pour avancer avec les mêmes règles au sein de l’UE*.

* Une hausse des moyens d’accompagnement des paysan·nes dans les démarches administratives.Les services publics sont en effet sous-dotés et en recul dans nos territoires, source d’inégalités d’accès à l’information et à l’accompagnement. Une personne physique à la MSA* doit être référente pour chaque paysan.ne. L’information des retraités et personnes en fin de carrière doit être améliorée.

* La mise en place rapide d’une expérimentation de la sécurité sociale de l’alimentation pour lutter contre la précarité alimentaire et rendre effectif l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous.

* Des politiques publiques rendant effectif le droit au logement pour toutes et tous en luttant notamment contre la spéculation immobilière, le mal-logement et en construisant des logements sociaux de qualité. En effet, le budget « logement » des ménages a fortement augmenté ces dernières décennies pendant que le budget alimentaire était de plus en plus rogné par les orientations libérales dans le secteur agricole.

Nous nous opposons fermement aux propositions de réautorisation de produits phytosanitaires, de demander une régression du droit de l’environnement, de revendiquer une accélération des projets de stockage de l’eau, en éludant toutes les questions du partage de l’eau dans le monde agricole, d’instrumentaliser une soi-disant obligation de jachères pour s’exonérer des nécessaires infrastructures agroécologiques sur nos fermes (haies, mares, prairies extensives…), de revendiquer des mesures favorables à l’industrialisation et l’agrandissement des exploitations d’élevage pour justifier de se battre sur des marchés mondialisés, de rejeter l’indépendance scientifique de l’ANSES* et de poursuivre une ambition d’augmentation de la production coûte que coûte, au détriment de l’emploi paysan, de l’environnement et de l’intérêt général.

Nous souhaitons être rassembleurs sur des solutions d’avenir qui permettent à tous les paysans et paysannes de vivre dignement de leur métier et d’être reconnus pleinement par la société pour leur rôle de producteur d’alimentation de qualité et d’acteurs de territoires vivants et accueillants.

29.01.2024
Contacts :
Laurence MARANDOLA – Porte-parole nationale de la Confédération paysanne – tél: 06 31 66 10 83
Véronique MARCHESSEAU – Secrétaire générale – tél: 06 98 53 76 46
Caroline NUGUES – Chargée de communication – tél: 06 95 29 80 78
https://www.confederationpaysanne.fr/rp_article.php?id=14128

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Non au vol du travail des agriculteurs et des salariés
par les multinationales

Face à la captation des finances par l’agro-industrie, il faut augmenter les salaires, revaloriser le travail, revoir la répartition des subventions pour changer en profondeur le système agricole en faillite, revendique un collectif d’organisations syndicales, dont la CGT de Sophie Binet.

La mobilisation du monde agricole met en lumière un scandale. D’un côté, de plus en plus de paysans et de paysannes ne vivent plus de leur travail. De l’autre, les prix de l’alimentation explosent et les salariés sont toujours plus nombreux à être en difficulté pour manger correctement. Pourquoi ? Parce que les richesses sont captées par la finance, les multinationales de l’agroalimentaire et par la grande distribution dont les marges atteignent des records. Ce sont les mêmes, les patrons de l’agroalimentaire et les patrons de la grande distribution, qui s’allient pour tirer vers le bas la rémunération des agriculteurs et qui exploitent leurs salariés. Les causes du malaise sont les mêmes, les revendications se rejoignent : vivre dignement de notre métier. Nous appelons les salariés et les paysans à s’unir pour mettre fin au vol de leur travail par les multinationales et par les actionnaires.

Le mouvement des agriculteurs et agricultrices en colère doit permettre une revalorisation du travail. Rappelons-nous : durant le Covid, les métiers d’utilité publique ont été applaudis : paysan·nes, personnel soignant, éboueurs, routiers, caissières, enseignants. Où en sommes-nous aujourd’hui pour ces travailleuses et travailleurs ? Toujours plus de difficultés à se loger, se nourrir, vivre correctement ! Sans parler d’une réforme des retraites injuste et inique, pour laquelle les paysannes et paysans se sont mobilisés aux côtés des salariés en ravitaillant avec les produits des fermes pour « nourrir la lutte ».

Le débat public autour des conditions de travail et le niveau de rémunération des agriculteurs et agricultrices doit permettre de réorienter les politiques publiques au service de l’intérêt général et des travailleuses et travailleurs de la terre. S’il n’y a pas de paysannes et de paysans au travail, il n’y a pas de nourriture dans les assiettes. Point barre. Ces hommes et ces femmes qui se lèvent jour après jour, prennent soin de la terre et des animaux, sont indispensables à toutes et tous pour pouvoir effectuer les activités individuelles ou collectives de la vie courante.

Endettés et précarisés
Et au fond tout le monde le sait bien… Pourtant, une partie significative des agriculteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté, endettés et dépendants d’un système économique inhumain. Quant aux ouvriers agricoles et aux saisonniers, ils et elles cumulent précarité, bas salaires et pénibilité. Le monde paysan est en quelque sorte « à part » tant les droits sociaux octroyés à cette profession sont faméliques   pas de droit au repos, retraites misérables en particulier pour les paysannes, recul des services publics dramatique dans nos campagnes… Un scandale ! La seule réponse qui leur est apportée est la course au gigantisme. Pour tenter d’avoir un revenu digne, il faut produire toujours plus, s’agrandir, et s’endetter. Ainsi les agriculteurs se retrouvent dépendants voire pieds et poings liés vis-à-vis de l’agrobusiness et on transforme les paysans en « agrimanagers » avec une logique de patrons.

Sommes-nous prêts à voir le monde agricole continuer à périr sous nos yeux pour au final délocaliser la ferme France ? Depuis cinquante ans, la superficie des exploitations a été multipliée par quatre et le nombre de paysans a été divisé par quatre. Quel est l’intérêt de cette course au gigantisme ? Quel est le sens de forcer les agriculteurs français à produire toujours plus pour inonder les pays émergents de poulets de batterie et de lait en poudre ?

L’histoire a démarré avec cette logique de libéralisation prônée par l’OMC. L’industrie française n’a pas pu résister contre le moins-disant social et environnemental. L’usine France a été délocalisée. Le monde ouvrier en a fait les frais. Et les paysans ont déjà payé un lourd tribut. Il est temps d’engager une rupture avec le dogme du libre-échange qui asphyxie le système agricole et alimentaire et le monde paysan, qui met en compétition les travailleuses et travailleurs du monde entier et tire les droits sociaux et environnementaux vers le bas.

Imposer un prix minimum pour protéger les paysans
La réponse à la mobilisation passe par la reconnaissance du travail et par la fin de la marchandisation de l’agriculture. Il faut imposer un prix minimum pour protéger les paysans face aux multinationales. Il est temps de conditionner l’entrée des matières premières et des marchandises sur le marché européen au respect de normes environnementales et sociales. Il est temps d’harmoniser vers le haut en Europe les droits sociaux et environnementaux.

Au lieu de cela, pour ne surtout pas remettre en cause les rentes de l’agro-industrie, gouvernement et grands patrons agricoles dévient le débat sur les normes environnementales. Les remettre en cause serait une dramatique régression. Les agriculteurs et agricultrices ont par leur travail un impact direct sur la moitié de la surface du territoire français, sur notre santé, notre alimentation, notre eau, bref sur notre quotidien. Touchés de plein fouet par la multiplication des catastrophes naturelles, ils et elles payent aussi la pollution au prix fort : les cancers sont la première cause de mortalité chez les agriculteurs et les agricultrices.

A l’image des ouvriers de l’automobile qui subissent la délocalisation de leur industrie au prétexte de la transformation environnementale, les agriculteurs se heurtent à la multiplication des normes environnementales vécues comme autant de bâtons dans les roues alors que le quotidien est déjà difficile. La mise en opposition du social et de l’environnemental est l’impasse sur laquelle prospèrent l’extrême droite et les politiques néo libérales. Comment la dépasser et traiter l’urgence sociale et écologique de front et ensemble ? En ayant enfin le courage de s’attaquer au capital !

De plus en plus de Français et de Françaises aspirent à manger une nourriture de qualité mais n’en ont pas les moyens. De plus en plus de paysans aspirent à transformer leur façon de produire en adoptant des pratiques agro écologiques mais ne disposent pas du soutien suffisant pour réaliser cette transition coûteuse. Augmentons les salaires et revalorisons le travail, remettons à plat la répartition des subventions et révisons en profondeur le modèle agricole, voilà les chantiers qu’il faut ouvrir pour permettre à chacune et chacun de vivre de son travail et de consommer une alimentation de qualité produite en proximité !

Signataires : Laurence Marandola porte-parole de la Confédération paysanne ; Sophie Binet secrétaire générale de la CGT ; Murielle Guilbert et Simon Duteil coporte-parole de Solidaires ; Benoît Teste secrétaire général de la FSU ; Pierre Thomas président du Modef

Tribune parue initialement dans Libération
https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/non-au-vol-du-travail-des-agriculteurs-et-des-salaries-par-les-multinationales-20240201_ADNEEP4CFVE3ZO7TNGABWUQ6VU/
https://syndicollectif.fr/tribune-commune-de-syndicalistes-paysan-nes-et-salarie-es-2/

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Colère des agriculteurs : le syndicat CGT des gardiens de troupeaux veut faire entendre la voix des ouvriers agricoles

EN BREF – Le syndicat CGT des gardiens de troupeaux de l’Isère a réagi, jeudi 25 janvier 2024, au mouvement actuel des agriculteurs, évoquant la situation, selon lui occultée, des ouvriers agricoles. Dénonçant leurs conditions de travail, ces bergers et vachers ciblent nommément la FNSEA, les Jeunes agriculteurs et la Coordination rurale, qu’ils jugent « aux ordres des multinationales de l’agro-business ».

Ce sont « ceux dont personne ne parle », regrette-t-il. Dans un communiqué du jeudi 25 janvier 2024, intitulé « Les ouvriers agricoles disent stop à la misère et à l’exploitation », le syndicat CGT des gardiens de troupeaux de l’Isère (SGT-CGT) – qui représente essentiellement des bergers, mais aussi des vachers – a souhaité faire entendre la voix de ces grands oubliés de la mobilisation actuelle des agriculteurs.

Ce sont pourtant eux, rappellent-ils, qui permettent de « faire vivre un secteur économique essentiel dans lequel le recours au salariat est de plus en plus répandu ». Les gardiens de troupeaux « prennent soin de centaines, voire de milliers de têtes de bétail, durant la saison d’été, et sont aussi ramasseurs de fruits et légumes, conducteurs d’engins, ou ouvrier.es dans des fermes, une fois l’estive terminée », précise leur syndicat CGT.

« Nous faisons face à un patronat agricole des plus rétrograde »
Celui-ci détaille notamment les conquêtes sociales acquises de haute lutte, « afin d’arracher des droits similaires à ceux des autres salariés », souvent des années après. « Aujourd’hui encore, nous nous battons pour que le code du travail s’applique dans le milieu agricole », déplore le SGT-CGT. « Salaires de misères, heures non rémunérées, logements insalubres, discriminations racistes et sexistes, accidents et morts au travail sont monnaie courante en agriculture. »

Victimes de cette « précarité généralisée », les ouvriers agricoles doivent en outre affronter la répression visant, dénoncent-ils, tous ceux qui « osent dénoncer leurs conditions de travail ». Malgré tout, le syndicat des gardiens de troupeaux n’hésite pas à nommer sa cible. « Nous faisons face à un patronat agricole des plus rétrograde, incarné par la FNSEA, les Jeunes agriculteurs (ultralibéraux) et la Coordination rurale (extrême droite) », affirme-t-il.

Des « méthodes clientélistes voire mafieuses »
Des organisations « peu soucieuses du respect du code du travail et du bien être des salarié.es », tacle le SGT-CGT, qui évoque des « méthodes clientélistes voire mafieuses ». Avant de lancer une nouvelle accusation : « Le trio FNSEA-JA-CR est aux ordres des multinationales de l’agro-business, comme en témoigne l’impressionnant CV du président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. »

Pour en finir avec ce « système mortifère », les solutions passent donc par « des convergences nouvelles entre la classe ouvrière et les petits paysans exploités », selon le syndicat des bergers. Lequel prône ainsi « la planification démocratique de la production alimentaire, la construction de structures collectives, une socialisation de l’agriculture ouvrant la voie à la satisfaction des besoins alimentaires et non à l’enrichissement d’une poignée d’agro-businessmen ».

Vu sur le site de l’UD CGT de l’Isère : il existe un syndicat CGT des gardiens de troupeaux. Ce sont des salarié-es, embauché-es par les entreprises agricoles. Ils ne mâchent pas leurs mots sur certaines pratiques  de la FNSEA envers les ouvriers agricoles. 
https://syndicollectif.fr/syndicat-cgt-des-gardiens-de-troupeaux/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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