Vivre dans la peur (et autres textes)

  • Dana Mills : Le monde de l’art monte sur scène pour défendre un théâtre palestinien
  • B’Tselem : Israël a profité de la guerre de Gaza pour imposer des restrictions extrêmes à la récolte annuelle d’olives en Cisjordanie.
  • Gaza-Rafah. « Une horreur indescriptible ». Mais l’aide militaire à Israël continue
  • Les Gazaouis « sont inquiets et vivent dans la peur » de l’attaque israélienne sur Rafah, prévient l’ONU
  • Nir Hasson et Oded Steinberg : Réduire le problème de Gaza à Yahya Sinwar libère Netanyahu de sa responsabilité dans les enlèvements
  • Sanctions contre des colons israéliens violents : une étape symbolique qui doit mener à la fin du commerce français avec les colonies
  • Elisheva Goldberg : Ce que le public israélien ne voit pas
  • Yossi Klein : Les Israéliens préfèrent qu’on leur mente plutôt que d’affronter la douloureuse vérité Les journalistes connaissent la vérité et se taisent


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Le monde de l’art monte sur scène
pour défendre un théâtre palestinien

Aux premières heures du 13 décembre, les forces israéliennes ont fait irruption dans les bureaux du Freedom Theatre, un bastion d’expression artistique de renommée mondiale situé dans la ville de Jénine, en Cisjordanie occupée. Les soldats ont saccagé le bâtiment et l’ont défiguré avec des graffitis portant des symboles juifs, avant d’enlever violemment trois membres de la communauté du théâtre à leur domicile : le directeur artistique Ahmed Tobasi, le producteur Mustafa Sheta et un diplômé du programme d’arts du spectacle du théâtre, Jamal Abu Joas.

Tobasi a été libéré le lendemain, Abu Joas une semaine plus tard. Sheta, en revanche, a été condamné à six mois de détention administrative – une forme d’arrestation qui permet à Israël de mettre derrière les barreaux, pour une durée indéterminée et sans procédure régulière, toute personne qu’il considère comme un risque pour la sécurité. Sheta, qui a rejoint près de 3 500 détenus administratifs palestiniens dans les prisons israéliennes, n’a pu s’entretenir avec son avocat que pendant 10 minutes avant que celui-ci ne comparaisse dans un procès militaire à huis clos.

Si cette attaque s’inscrit dans le contexte d’une brutale répression dans toute la Cisjordanie depuis le début de la guerre de Gaza, elle représente également la dernière escalade dans la persécution qu’Israël mène depuis des décennies contre la sphère culturelle palestinienne en général, et contre le Théâtre de la Liberté de Jénine en particulier. Cette fois, cependant, l’agression d’Israël n’est pas restée sans réponse, et la réaction de la communauté artistique mondiale en solidarité avec le théâtre a été sans précédent.

Une attaque ciblée contre la culture palestinienne
Fondé au cours de la première Intifada par Arna Mer-Khamis sous le nom de Stone Theatre, l’armée israélienne a détruit le bâtiment d’origine du théâtre pendant le siège de Jénine, au cours de la deuxième Intifada. En 2006, le fils d’Arna, Juliano, a rouvert le théâtre dans son lieu actuel – un centre culturel dans le camp de réfugiés de Jénine – avec Zakaria Zubeidi. Trois ans plus tard, un inconnu a lancé des cocktails Molotov sur le bâtiment alors qu’il était vide, et en 2011, un tireur masqué a tué Juliano alors qu’il quittait le théâtre.

Le Freedom Theatre considère que son travail est étroitement lié à la lutte palestinienne pour la libération et refuse d’ignorer des décennies d’apartheid, de colonisation et d’occupation militaire israéliens. Il offre un espace aux jeunes, en particulier, pour créer un imaginaire politique différent de leur réalité quotidienne, imprégnée de déshumanisation, d’oppression et de violence omniprésentes. Il leur permet de cultiver une vision de l’égalité et de la liberté et de la mettre en pratique, en rendant l’imaginaire tangible. En bref, c’est un lieu de résistance, ce qui explique pourquoi le théâtre a été si souvent la cible d’attaques israéliennes au fil des ans.

Depuis sa création, le Freedom Theatre a joué plus de 25 pièces différentes devant des dizaines de milliers de personnes à Jénine et au-delà, y compris dans le cadre de tournées internationales couronnées de succès. Son répertoire est ouvertement politique, permettant aux processus de transformation d’émerger du processus créatif lui-même.

Parmi les pièces présentées au théâtre figurent « La ferme des animaux » de George Orwell, « Men in the Sun » de Ghassan Kanafani, « Alice au pays des merveilles » de Lewis Carroll, « The Caretaker » de Harold Pinter, ainsi que des pièces originales telles que « Fragments of Palestine », « Power/Poison », « Return to Palestine », « The Siege » et « Suicide Note from Palestine ». Le théâtre propose également des ateliers et des activités éducatives pour les enfants.

Si les pièces sont si puissamment politiques, c’est en partie parce que le théâtre ne peut être séparé de son environnement violent. Jénine est depuis longtemps un lieu d’oppression israélienne, mais au cours des dernières années, elle a été le théâtre de raids militaires presque hebdomadaires. Depuis le 7 octobre, ces raids se sont encore intensifiés, les forces israéliennes ayant tué 90 Palestiniens dans la seule ville de Jénine au cours des quatre derniers mois.

Les arrestations en décembre de trois membres de la communauté du Freedom Theatre ont donc eu lieu dans un double contexte : la violence régulièrement infligée à Jénine et l’assaut ciblé contre la culture palestinienne depuis le début de la guerre contre Gaza – une campagne qui a inclus la destruction d’une librairie emblématique, de la librairie principale de Gaza, le bâtiment des archives centrales, et le Centre culturel historique Rashad al-Shawwa. Ces attaques ont été lues sous l’angle du génocide culturel : efforts visant à effacer la culture, la langue et les aspects religieux des groupes ciblés.

Pourtant, l’objectif apparent d’Israël de réduire au silence les critiques culturels palestiniens s’est retourné contre lui. Alors qu’une grande partie du monde est horrifiée par la brutalité d’Israël dans le contexte de la guerre contre Gaza, la dernière attaque contre le Freedom Theatre a eu pour effet de rehausser encore le profil international du théâtre. Après des décennies de silence face à l’apartheid, à l’occupation et à la violence quotidienne subie par les Palestiniens, le discours et l’opinion publics mondiaux semblent être en train de changer de manière décisive.

Partout dans le monde, des personnalités s’élèvent contre l’agression israélienne, les campus universitaires sont envahis par des débats sur la question et les marches de solidarité avec Gaza attirent un nombre record de personnes. Le monde a également connu un changement radical dans sa compréhension de la manière dont certains secteurs de la vie palestinienne sont confrontés au harcèlement systématique, à la déshumanisation et à un déni structurel des droits humains. L’un de ces secteurs, souvent négligé mais d’une importance cruciale, est celui des arts du spectacle.

La solidarité de la scène à la rue.
Bien que les réseaux de solidarité internationale du Freedom Theatre soient solides depuis de nombreuses années, ce dernier assaut contre le théâtre – survenu dans le contexte de l’agression génocidaire d’Israël à Gaza – a suscité une réponse sans précédent de la part de la communauté artistique mondiale. 
Les lettres ouvertes ont recueilli des centaines de signatures de professionnels du secteur, tandis que des acteurs majeurs comme PEN America ont publié des déclarations de solidarité.

À New York, la communauté du théâtre et des arts du spectacle s’est réunie le 19 décembre pour un rassemblement de réaction rapide, en solidarité avec le Freedom Theatre et avec la Palestine en général, pour protester contre le maintien en détention des membres du théâtre. Le rassemblement comprenait une série d’orateur.es qui ont fait part de leurs remarques personnelles et des représentations, y compris des extraits lus de la pièce « The Revolution’s Promise » (La promesse de la révolution) du Freedom Theatre.

D’autres actions de solidarité avec le théâtre ont eu lieu en FranceÉcosseMexicoItalyAfrique du SudBelgiqueNorway, and Sweden. Au Royaume-Uni, plus de 1 000 acteurs de premier plan du monde du théâtre, parmi lesquels Caryl Churchill, Maxine Peake, Vicky Featherstone et Dominic Cooke, demande la libération immédiate de Sheta, Abu Joas et d’autres habitant.es de Jénine détenu.es lors du raid israélien du 13 décembre.

Dans le cadre d’un élan mondial de solidarité avec le Freedom Theatre, les travailleur.es de la culture britanniques se sont élevés contre le silence qui entoure le soutien aux Palestinien.nes dans leur secteur d’activité. Un nouveau collectif nommé Cultural Workers Against Genocide a critiqué les organisations artistiques du Royaume-Uni pour leur hypocrisie, notant que « les expressions de solidarité facilement offertes à d’autres peuples confrontés à une oppression brutale n’ont pas été étendues aux Palestinien.nes ».

Paul W. Flemming, secrétaire général de Equity, le syndicat britannique des arts du spectacle et du divertissement, a déclaré à +972 que le syndicat avait envoyé des fonds au Freedom Theatre à la suite de l’attaque. « Les membres attendent de leur syndicat qu’il adopte la même approche en Palestine et en Israël que celle que nous avons adoptée en Ukraine et en Russie – en soutenant les artistes et les syndicalistes pour qu’ils survivent et luttent pour la paix, la dignité et la liberté d’expression des artistes, quelle que soit leur nationalité ou leur origine », a-t-il déclaré.

Le 29 novembre, des dizaines de travailleur.es du secteur culturel à Londres ont organisé un débrayage, avec le soutien du Freedom Theatre, pour protester contre le silence des institutions et des organisations culturelles face à la violence en Palestine. Le lendemain, une autre lettre ouverte a été publiée – signée par des personnalités britanniques telles qu’Olivia Coleman, Juliette Stevenson et Hassan Abdulrazzak – qui déclarait : « Loin de soutenir nos appels à la fin de la violence, de nombreuses institutions culturelles des pays occidentaux répriment, réduisent au silence et stigmatisent systématiquement les voix et les points de vue palestiniens. »

Il y a également eu des manifestations de la part de l’Union européenne.

La solidarité s’est également manifestée sur scène. Le 29 novembre, Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, le théâtre Ashtar basé à Ramallah a appelé les compagnies théâtrales du monde entier à lire les Monologues de Gaza. Racontée par 33 jeunes en 2010, à la suite de la première guerre d’Israël contre la bande de Gaza après le retrait de ses colons et de ses soldats, la pièce cherche à faire entendre la voix des jeunes de Gaza au monde entier.

Les mots écrits à l’époque résonnent douloureusement aujourd’hui : « Je rêve d’avoir UN jour de sécurité, je suis sûr que le monde est trop occupé pour se souvenir de notre situation ; six ans se sont écoulés depuis que nous avons écrit nos monologues et nous sommes toujours assiégés… Quand pourrons-nous vivre en paix comme le reste du monde ? » Des compagnies du monde entier ont répondu à l’appel de l’Ashtar Theatre, notamment dans plusieurs lieux aux États-Unis, en Afrique du Sud, en Asie du Sud et au Moyen-Orient.

Ces campagnes de solidarité montrent qu’il y a une compréhension croissante de la responsabilité et de l’engagement des créateurs de théâtre envers leurs camarades en Palestine – un développement qui est particulièrement significatif dans le contexte des tentatives délibérées de faire taire les voix palestiniennes dans le secteur culturel. En octobre, par exemple, la Foire du livre de Francfort a précipitamment 

Pas de retour en arrière
Alors que le monde se rassemble autour de la cause palestinienne, l’attaque du théâtre et les campagnes de solidarité qu’elle a provoquées illustrent le moment présent : la cruauté que l’apartheid israélien apporte à la vie quotidienne des Palestinien.nes, mais aussi le changement dans la façon dont le monde réagit à cette déshumanisation.

Deux mois après le raid contre le Freedom Theatre de Jénine, son producteur Mustafa Sheta est toujours en détention administrative. Mais il est clair que la communauté artistique mondiale ne reprend pas ses activités habituelles et qu’elle continuera à lutter pour la liberté des Palestiniens. Les arts ont toujours été un puissant mécanisme de subversion et de libération, et c’est précisément la raison pour laquelle Israël réprime la vie culturelle palestinienne.

Le 13 février, il a été annoncé que le Freedom Theater a été nommé pour le prix Nobel de la paix. Le théâtre a répondu : « Le Freedom Theatre est un mouvement artistique rendu possible par l’effet collectif de milliers de personnes, partant du camp de réfugié.es de Jénine en Palestine et se propageant dans le monde entier. »

Oscar Wilde, le célèbre dramaturge irlandais, a écrit un jour : « Je considère le théâtre comme la plus grande forme d’art de toutes les formes d’art, le moyen le plus immédiat par lequel un être humain peut partager avec un autre le sens de ce que c’est que d’être un être humain. » Alors que les attaques d’Israël contre les Palestinien.nes atteignent des magnitudes toujours plus extrêmes et effroyables, ceux qui aiment le théâtre et lui ont consacré leur vie semblent prêts à se solidariser avec le Freedom Theatre et à défendre l’humanité partout dans le monde.

Dana Mills
Dana Mills est écrivain, activiste, danseuse et responsable du développement des ressources de +972/ Local Call. Elle est l’auteure de Dance and Politics : Moving beyond Boundaries (2016), Rosa Luxemburg (2020), et Dance and Activism (2021). Son quatrième livre, un recueil d’essais sur et contre la guerre, sortira en 2024 chez Five Leaves Press.
+972. The Landline. 14 février 2024.
Traduction pour ESSF de Pierre Rousset aidé de DeepL pro.
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69785

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Israël a profité de la guerre de Gaza pour imposer des restrictions extrêmes à la récolte annuelle d’olives en Cisjordanie.

La récolte annuelle des olives en Cisjordanie est un élément clé de l’économie palestinienne et une source cruciale de revenus pour des dizaines de milliers de familles. La Banque mondiale et le Palestine Trade Center estiment que les bonnes années, elle injecte près de 200 millions de dollars dans l’économie palestinienne. Cependant, chaque année, Israël restreint considérablement la capacité des Palestinien·nes à effectuer la récolte, en utilisant des moyens officiels et officieux. En 2023, alors que la guerre dans la bande de Gaza était en cours, ces restrictions ont atteint de nouveaux sommets, laissant environ 50% des agriculteurs et agricultrices palestinien·nes dans l’incapacité de récolter leurs arbres, selon les estimations de l’Union des agriculteurs et agricultrices palestinien·nes.

La principale mesure officielle utilisée par Israël est le système de « coordination », conçu comme la réponse de l’armée à la violence des colons à l’encontre des agriculteurs et agricultrices palestinien·nes. Au lieu de s’occuper directement des agressions commises par les colons, l’armée fait peser la responsabilité sur les Palestinien·nes en leur demandant de coordonner à l’avance l’accès à leurs terres, soi-disant pour que des soldats puissent être envoyés pour les protéger. Dans la pratique, ce système limite la récolte ou l’empêche complètement. La récolte de toutes les olives prend des semaines, mais les militaires ne permettent aux agriculteurs et agricultrices d’accéder à leurs arbres que pendant quelques jours. Cela signifie qu’elles et ils ne peuvent pas récolter la totalité de la production ou préparer la terre pour les cultures d’hiver. Dans le même temps, ce système ne met pas fin à la violence des colons. Souvent, les soldats ne se présentent pas malgré une « coordination » préalable avec l’armée ; lorsqu’ils se présentent, ils n’empêchent pas ou n’arrêtent pas la violence, et y participent même souvent.

Ces dernières années, l’administration civile a accordé à chaque communauté trois jours par an pour la récolte des olives. Cette année, immédiatement après le déclenchement de la guerre à Gaza, ces quelques jours ont été annulés. Plusieurs autres dates ont été fixées, mais sous la pression des colons, l’armée a également annulé certaines d’entre elles, par exemple près des colonies d’Elkana, de Sha’arei Tikva et d’Etz Efrayim.

Le chef du conseil du village de Burin, Ibrahim ‘Umran, a déclaré à B’Tselem qu’environ 12 000 dunams (1 200 hectares) de terres agricoles du village, qui représentent les deux tiers de toutes les terres du village, se trouvent dans la zone C. Sur environ 1 000 dunams (1 200 hectares) de terres agricoles, qui représentent les deux tiers de toutes les terres du village, se trouvent dans la zone C. Sur environ 1 000 dunams (100 hectares) de ces terres se trouvent des oliveraies comptant 16 000 arbres. Les habitant·es avaient deux jours pour récolter leurs olives, les 25 et 26 octobre 2023, mais ces deux jours ont été annulés lorsque la guerre a éclaté. Umran explique qu’environ 70% des habitant·es du village dépendent des revenus de la récolte et ont perdu des dizaines de milliers de shekels qui devaient leur permettre de subvenir à leurs besoins tout au long de l’année. Comme les revenus escomptés étaient destinés à des dépenses telles que le loyer, la construction de maisons, les frais d’inscription à l’université et autres, les restrictions imposées cette année les ont directement touchés.

La « coordination » est également nécessaire pour les terres agricoles qui restent isolées de l’autre côté de la barrière de séparation. Le chef du conseil régional du village de ‘Akkabah, Taysir ‘Amarneh, a déclaré à B’Tselem que les résident·es locaux possédaient environ 2 500 dunams (250 hectares) de terres agricoles à l’ouest de la barrière, auxquelles elles et ils avaient l’habitude d’accéder quotidiennement par une porte dans la barrière. Lorsque la guerre a éclaté, la porte a été fermée. Les résident·es se sont vu attribuer trois jours de « coordination » à la fin du mois de novembre, uniquement à l’issue de négociations entre les officiers de liaison israéliens et palestiniens. Les habitant·es n’ont donc pas eu le temps de récolter les olives pour leur usage personnel, et encore moins de terminer la récolte, ce qui a gravement nui à leurs moyens de subsistance.

Officieusement, les récoltes sont entravées par les agressions violentes des colons. Ces attaques sont autorisées et soutenues par l’armée, les soldats y prenant souvent part. Depuis des années, la violence des colons à l’encontre des Palestinien·nes atteint son paroxysme pendant la saison des récoltes, mais les autorités israéliennes s’abstiennent systématiquement de prendre des mesures préventives dans le cadre de leur politique. Cette année, alors que la guerre à Gaza est en cours, l’armée a enrôlé de nombreux colons pour des opérations régionales en Cisjordanie. Les colons ont utilisé ce pouvoir pour bloquer les routes menant aux terres palestiniennes et pour établir des barrages sur les routes agricoles, empêchant ainsi les Palestinien·nes d’accéder aux oliveraies situées à proximité des colonies.

Les attaques des colons contre celles et ceux qui récoltent ont augmenté en intensité et en fréquence depuis le début de la guerre. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), entre le début de la guerre et la mi-janvier, plus de 440 incidents de violence de la part des colons ont eu lieu, dont un grand nombre visaient des cueilleurs d’olives. Les colons ont notamment agressé physiquement les cueilleurs, déraciné de grandes oliveraies, vandalisé les oliveraies en cassant des branches, en sciant des troncs et en incendiant des arbres, et volé des olives. De nombreuses attaques ont été menées en présence des forces israéliennes. Les colons ont également menacé de s’en prendre aux récolteurs sur les réseaux sociaux.

Le chef du conseil du village de ‘Awarta, Sa’ed ‘Awwad, a déclaré à B’Tselem que le village possède environ 2 000 dunams (200 hectares) de terres, situées près de la colonie d’Itamar, auxquelles l’armée ne permet pas aux résident·es d’accéder sans « coordination » préalable. Cette année, les résidents n’ont eu droit qu’à une seule journée de récolte, commençant à 8 heures du matin. Le jour prévu, ‘Awwad a été informé que l’heure de début avait été repoussée de deux heures. Lorsque les habitant·es sont arrivé·es sur leur terrain, ils ont trouvé une vingtaine de colons en train de récolter leurs oliviers, avec plusieurs soldats montant la garde. Elles et ils ont tenté en vain de mettre fin au vol et sont finalement partis vers 16 heures, alors que les colons continuaient à cueillir leurs olives et à vandaliser les arbres.

Cette année, comme les années précédentes, la police n’a pas enquêté sur ces incidents violents. Lors de l’incident le plus grave de la récolte 2023, le 27 octobre, un soldat de la colonie de Rehelim en congé militaire a tué Belal Salah, 40 ans, un résident d’a-Sawiyah, alors qu’il récoltait les oliviers de sa famille. Le soldat, soupçonné d’homicide par imprudence et d’utilisation illégale d’une arme à feu, a été libéré après une courte période de détention et a réintégré son unité.

Cette politique israélienne a causé un préjudice financier immédiat à des dizaines de milliers de familles palestiniennes. Par exemple, le pressoir à olives du village d’al-Mughayir, qui dessert également les villages de Kafr Malik, Turmusaya, Abu Falah et Douma, n’a produit cette année que 20% de la production annuelle moyenne, soit 60 tonnes d’huile d’olive au lieu de 300 tonnes. Le pressoir d’al-Mazra’ah al-Qibliyah n’a produit que 500 kilogrammes d’huile d’olive cette année, au lieu de 150 tonnes.

La récolte de 2023 était particulièrement importante cette année, car l’économie palestinienne est déjà en difficulté en raison de la guerre à Gaza, notamment à cause de l’interdiction faite aux travailleurs et aux travailleuses d’entrer en Israël et de la suspension des salaires du secteur public par l’Autorité palestinienne.

L’obstruction systémique à la récolte des olives cette année, renforcée par la violence organisée des colons contre les récolteurs et leurs biens, n’est pas propre à cette période de guerre. Elle s’inscrit dans le cadre de la politique violente menée de longue date par Israël, qui vise à consolider le régime d’apartheid en Cisjordanie et à permettre l’expansion continue des colonies. Bezalel Smotrich, ministre des finances et ministre de la défense, et le député Tzvi Sukkot, président de la sous-commission de la Knesset chargée des affaires de Judée et de Samarie, ont déjà déclaré que des « espaces de sécurité stériles » devraient être créés à proximité des colonies, où les Palestinien·nes n’auraient pas le droit d’entrer. Cela permettrait à l’État de s’approprier ces terres et de les utiliser à ses propres fins.

Témoignages :
Abdallah Na’asan, du village d’al-Mughayir, a déclaré à Iyad Hadad, chercheur de B’Tselem sur le terrain :

Ma famille possède plus de 900 dounams de terre avec plus de 8 000 oliviers des deux côtés de la route Allon, qui était toujours librement accessible tout au long de l’année, et certains près de l’avant-poste d’Adei Ad, dont l’accès nécessitait une « coordination ». Nous avions entre cinq et sept jours de « coordination » par an. Cette année, après le début de la guerre à Gaza, Israël a tout annulé. L’armée a fermé toutes les entrées et les routes agricoles, huit routes au total, avec des pierres et des tas de terre.

Nous avons réussi à nous faufiler sur nos terres à quelques reprises, mais nous n’avons pas toujours échappé à l’agression des colons. Ils ont généralement un drone dans les airs et voient tous ceux qui essaient de s’approcher de la terre. Lorsqu’ils nous voient, ils nous poursuivent ou appellent l’armée, et notre équipement ou nos véhicules sont alors confisqués. Jusqu’à présent, l’armée a confisqué deux de nos tracteurs.

Nous avons mené une véritable lutte par l’intermédiaire d’un habitant du village qui travaille à l’OCC palestinien, et nous avons réussi à obtenir trois jours de « coordination » au début du mois de décembre pour récolter les olives sur la route d’Allon. Une fois sur place, nous avons trouvé tous nos fruits sur le sol, ce qui signifie que nous ne pouvions pas les utiliser pour produire de l’huile comestible ou quoi que ce soit d’autre en raison de leur forte acidité. Même si nous voulions en faire du savon, cela coûterait très cher et ne serait pas rentable. C’est ainsi que nous avons perdu cette saison.

Au cours des saisons précédentes, nous produisions environ 40 000 kg par an sur nos terres. Chaque kg se vendait au marché pour 30 NIS (~ 8 USD). Nous vendions dans le village ou sur le marché palestinien, et nous en exportions également aux États-Unis. Tout cela nous procurait un revenu appréciable. Mais cette année, nous n’avons rien gagné. Nous n’avons même pas réussi à cueillir des olives pour notre propre usage, ce qui signifie que nous devrons en acheter pour compenser le manque à gagner. D’autre part, nous avons accumulé beaucoup de frais pour cultiver les olives, acheter des engrais et des pesticides et labourer – un total d’environ 300 000 NIS (~ 81 750 USD). À cela s’ajoutent les coûts de la main-d’œuvre. Chaque année, plus de 30 ouvriers travaillent pour nous pendant la saison des récoltes. Cette année, ils ont également perdu leurs revenus et ont été blessés. Ils font vivre au moins 150 personnes. Dix autres ouvriers travaillent pour nous tout au long de l’année, et ils ont également été blessés.

Après le 7 octobre, les colons ont détruit nos arbres et nos terres. Nous avons vu les colons des fermes d’élevage se disperser dans la partie orientale du village et faire paître leurs troupeaux dans nos bosquets. Les moutons ont mangé les feuilles et les branches et les ont détruites. Les arbres se dessèchent et meurent, et il faut deux à trois ans pour qu’ils se rétablissent. Nous avons découvert que des bulldozers appartenant aux colons avaient été utilisés pour ratisser nos terres près de l’avant-poste d’Adei Ad, où nous avons environ 400 arbres. Lorsque nous sommes allés déposer une plainte auprès de la police de Binyamin, un interrogateur juif a demandé à mon oncle comment nous avions réussi à prendre des photos des colons, comme si nous étions coupables.

Nous avons également un pressoir à olives que nous avons commencé à exploiter dans le village en 2010. Nous travaillons avec des agriculteurs d’al-Mughayir et des villages environnants, tels que Kafr Malik, Turmusaya, Abu Falah et Douma. Le cycle de fonctionnement de la presse à olives a toujours été synchronisé avec la saison des récoltes pendant 50 jours, avec une moyenne de 10 heures de travail par jour. Il produisait six tonnes d’huile par jour. Nous produisions environ 300 tonnes d’huile par saison. Cette année, le pressoir a à peine fonctionné. Nous n’avons réussi à produire que 60 tonnes d’huile, soit environ 20% de la production annuelle normale.

Wasim Ladadwah d’al-Mazra’ah al-Qibliyah a déclaré à Iyad Hadad, chercheur de B’Tselem sur le terrain :
Ma famille élargie compte une centaine de personnes et nous possédons environ 450 dunams de terres, dont la moitié sont des oliveraies. Malheureusement, nos oliveraies se trouvent à proximité des colonies de Nahaliel, Kerem Re’im, Talmon et Haresha. Pendant la saison de récolte actuelle, nous n’avons pas pu récolter les arbres parce que les soldats et les colons – dont certains portaient des uniformes de l’armée – nous ont empêchés d’y accéder.

Le 11 octobre 2023, des habitant·es de la ville, dont ma famille, ont tenté d’accéder aux oliveraies situées à proximité de la ville. Ces terres sont situées à des centaines de mètres des colonies, et aucune coordination n’a jamais été nécessaire pour y accéder. Mais lorsque nous nous sommes approchés, les soldats et les colons nous ont attaqué·es. Nous étions une trentaine, avec des femmes et des enfants, et ils nous ont menacés avec des armes et ont effrayé tout le monde. Ils ont détruit certaines échelles et certains outils de travail que nous avions apportés avec nous. Certains agriculteurs ont essayé à nouveau de se faufiler dans leurs bosquets, mais ces tentatives ont également échoué, car l’armée et les colons sont disséminés jour et nuit au sommet des collines. Les soldats surveillent jour et nuit les agriculteurs qui tentent de s’approcher de leurs bosquets, y compris à l’aide de drones. Ils tirent pour les effrayer.

Notre perte est énorme. À chaque saison de récolte, nous produisions environ 250 bidons d’huile d’olive, chacun pesant 15 kg. Au total, nous produisons 3 750 kg d’huile d’olive. Chaque kg coûte en moyenne 40 NIS (~ 10 USD). Nous avons tout perdu, et il ne s’agit que de notre famille. Tous les habitants du village ont perdu beaucoup d’argent. Je le sais parce que je suis membre de plusieurs comités dans le village et militant agricole.

La ville possède 14 200 dounams de terres, dont 7 500 à l’ouest de la ville, qui est entourée par les colonies que j’ai mentionnées plus tôt. C’est là que se trouvent nos oliveraies. On peut dire que cette année, plus de 90% de la production d’huile d’olive de la ville nous a été volée. Le pressoir à olives de la ville produit habituellement environ 10 000 bidons d’huile à chaque saison de récolte, soit 150 000 kg d’huile d’olive. Cette année, il n’a produit que 500 kg d’huile car les olives n’ont pas pu être récoltées. Nous n’avons même pas produit assez d’huile pour notre propre usage cette année, nous devrons donc l’acheter, si tant est que nous trouvions de l’huile sur le marché. Après tout, ce qui est arrivé à notre ville est arrivé à toutes les villes et à tous les villages de Cisjordanie.

Prenons mon cas, par exemple. Ma famille produisait 20 bidons d’huile à chaque récolte. Nous en consommions quatre, soit 60 kilogrammes, et je vendais le reste. C’était un revenu important pour nous. Cette saison, il ne me restait que trois bouteilles, soit cinq kilos. Certains agriculteurs misaient sur la saison des récoltes pour financer le mariage d’un fils, la construction d’une maison ou des études universitaires. D’autres agriculteurs, qui sont pauvres, attendaient la saison des récoltes parce que le revenu qu’ils en tiraient était leur seule source de subsistance, et qu’ils avaient du mal à survivre avec cela.

Les conséquences de ce crime touchent également les oliviers eux-mêmes. Les fruits laissés sur les arbres pourrissent et attirent des insectes qui endommagent l’arbre. Cela provoque des maladies qui peuvent dessécher l’arbre et le tuer. L’abandon des fruits réduit aussi considérablement le rendement de la saison suivante, parfois de moitié.

https://www.btselem.org/settler_violence/20240214_israel_used_gaza_war_to_impose_extreme_restrictions_on_the_annual_west_bank_olive_harvest
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Gaza-Rafah. « Une horreur indescriptible ».
Mais l’aide militaire à Israël continue

Nous publions ci-dessous une traduction française de la déclaration de Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence à l’ONU (OCHA), faite le 13 février à propos de l’opération militaire israélienne à Rafah.

En forme d’introduction, il nous semble utile – en fait indispensable – de citer un article de Baudouin Loos du grand quotidien belge Le Soir du 13 février. Ce dernier, à propos de la mise en garde, plus que justifiée, de Martin Griffiths, pose une question essentielle : « Et que fait le monde ? Il exprime son « inquiétude » ! Prévient qu’une telle offensive entraînerait « une catastrophe humanitaire indescriptible », comme l’a dit l’Européen Josep Borrell. Estime qu’il y a « beaucoup d’innocents qui meurent de faim, beaucoup d’innocents qui sont en difficulté, et il faut que cela cesse », selon les mots de Joe Biden himself [voir sur ce site l’article ayant trait au soutien militaire renouvelé, appuyé par les démocrates du Sénat, au gouvernement Netanyahou] Les leviers existent : cesser de livrer des munitions à l’Etat hébreu, comme le suggère le même Josep Borrell. Comme l’écrit dans une tribune publiée par le journal Haaretz l’intellectuel palestinien israélien Odeh Bisharat, « pendant qu’ils émettent des avertissements et versent des larmes de crocodile, ces mêmes dirigeants continuent de fournir à Israël des armes, de l’argent et un soutien diplomatique ».» (Réd. A l’Encontre)

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« Le scénario que nous redoutons depuis longtemps se déroule à une vitesse alarmante.

Plus de la moitié de la population de Gaza – bien plus d’un million de personnes – est entassée à Rafah, regardant la mort en face: ils n’ont pas grand-chose à manger, n’ont pratiquement pas accès aux soins médicaux, n’ont nulle part où dormir, nulle part où aller en toute sécurité [1].

Comme l’ensemble de la population de Gaza, ils sont victimes d’une offensive d’une intensité, d’une brutalité et d’une ampleur inégalées.

Selon le ministère de la Santé, plus de 28 000 personnes – principalement des femmes et des enfants – ont été tuées dans la bande de Gaza.

Pendant plus de quatre mois, les travailleurs humanitaires ont fait l’impossible pour aider les personnes dans le besoin, malgré les risques qu’ils encouraient et les traumatismes qu’ils subissaient.

Mais le dévouement et la bonne volonté ne suffisent pas à maintenir des millions de personnes en vie, à les nourrir et à les protéger, alors que les bombes tombent et que l’aide humanitaire est étouffée.

A cela s’ajoutent le désespoir généralisé, l’effondrement de l’ordre public et la suppression du financement de l’UNRWA [2].

Les conséquences sont que les travailleurs humanitaires sont la cible de tirs, de menaces, d’attaques et de meurtres [3]. Cela fait des semaines que je dis que notre réponse humanitaire est en lambeaux.

Aujourd’hui, je tire à nouveau la sonnette d’alarme : les opérations militaires à Rafah pourraient conduire à un massacre à Gaza [4]. Elles pourraient aussi laisser une opération humanitaire déjà fragile à l’article de la mort. Nous ne disposons pas des garanties de sécurité, de l’aide et du personnel nécessaires pour maintenir cette opération à flot.

La communauté internationale a mis en garde contre les conséquences dangereuses d’une invasion terrestre à Rafah. Le gouvernement israélien ne peut pas continuer à ignorer ces appels.

L’histoire ne sera pas tendre. Cette guerre doit cesser. »

[1] L’annonce du « massacre » en voie de « réalisation » à Rafah fait parfois oublier la trajectoire de centaines de milliers de Gazaouis depuis octobre 2023. Tareq S. Hajjaj, sur le site Mondoweiss, le 13 février, rapporte les paroles d’Ibrahim Barda’, père de six enfants qui a fui la ville de Gaza avec sa famille, s’est réfugié à l’hôpital européen situé entre Khan Younès et Rafah : « J’ai passé toute la guerre à me déplacer d’un endroit à l’autre. J’ai monté ma tente pour la démonter peu de temps après, laissant mes enfants nus dans le froid jusqu’à ce que nous trouvions un nouvel endroit où nous abriter. J’ai écouté tous les ordres de l’armée israélienne, et nous nous dirigions toujours vers la dernière “zone de sécurité” désignée par l’armée. Et maintenant, nous sommes près de Rafah [à Khan Younès], et si l’armée nous ordonne d’aller au sud, à Rafah et qu’elle nous envahit, je ne sais pas où nous pourrons aller ensuite. Il n’y a plus d’endroit où aller à Gaza. La seule option que nous ayons est de continuer à être encerclé par la mort. » (Réd.)
[2] Nous reviendrons sur l’opération politique du gouvernement israélien, qui n’est pas nouvelle, de frapper l’UNRWA. Le 30 janvier 2024, Le Monde consacrait un premier article à cette question, soulignant : « L’extrême droite rêve de faire fermer l’UNRWA. Or ses arguments ont acquis un droit de cité inédit en Israël depuis le 7 octobre 2023. L’agence y est désormais assimilée au Qatar, accusé par Benyamin Nétanyahou d’avoir soutenu et financé le Hamas. Le premier ministre tâche ainsi d’éluder ses propres responsabilités, après avoir lui-même encouragé l’émirat à fournir à Gaza une aide financière directe, afin d’y maintenir un calme trompeur. Depuis trois mois, la patronne d’un lobby parlementaire pour une réforme de l’UNRWA, Sharren Haskel (droite), a voyagé à Bruxelles et dans des capitales européennes pour convaincre les donateurs de cesser de financer l’agence. »
Selon Luis Lema (
Le Temps, 23 novembre 2023), un travail similaire de lobby a été effectué dans les sphères politiques helvétiques par la juriste Anne Herzberg, qui travaille pour NGO Monitor. Elle a aussi œuvré à ce que les « bailleurs occidentaux » coupent des fonds à des ONG palestiniennes. (Réd.)
[3] Outre les médecins, infirmiers et employés des structures humanitaires, les journalistes palestiniens sont ciblés par les militaires israéliens, pour tenter de faire taire les voix qui offrent une autre approche et image de la situation à Gaza que celle des journalistes «embedded» (embarqués) dans des chars israéliens. Reporters sans frontières indique qu’en « quatre mois de conflit, le journalisme palestinien a été décimé jour après jour, par les forces armées israéliennes, en toute impunité: plus de 84 journalistes ont été tués ». Reporters sans frontières a déposé un appel au Conseil de sécurité de l’ONU, « afin qu’il fasse appliquer, en urgence, sa résolution 2222 (2015) sur la protection des journalistes ». Selon le Committee to Protect Journalists, le 14 février, 85 journalistes et travailleurs des médias ont été tués, 16 blessés, 4 disparus et 25 arrêtés. (Réd.)
[4] Dans un entretien téléphonique avec le quotidien 
Libération, en date du 14 février, Pascal Hundt, responsable du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) dans la bande de Gaza, s’alarme d’une «horreur indescriptible» dans la bande de Gaza. A la question « Quelles pourraient être les conséquences d’une offensive militaire israélienne à Rafah ? », il répond : « Ce serait un carnage. On a vu l’opération de sauvetage de deux otages dimanche, certains avancent un bilan de 70 morts. Il s’agissait d’une opération ciblée. Imaginez une offensive massive, dans une zone aussi densément peuplée, avec des gens qui ne peuvent pas fuir dans un endroit considéré comme sûr avec un accès aux services essentiels, que ce soit la nourriture ou des hôpitaux. Ce serait un désastre qui s’ajouterait à la crise actuelle. Tout le monde connaît l’horreur absolument indescriptible de la situation à Gaza. Je n’ai plus de superlatifs pour la décrire. » (Réd.)

Martin Griffiths, 13 février 2024
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/gaza-rafah-une-horreur-indescriptible-mais-laide-militaire-a-israel-continue.html

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Les Gazaouis « sont inquiets et vivent dans la peur »
de l’attaque israélienne sur Rafah, prévient l’ONU

Alors que les efforts internationaux se poursuivent pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza, le chef de l’UNRWA, l’agence d’aide des Nations Unies aux Palestiniens, a averti mardi que les habitants de l’enclave restaient profondément traumatisés par la guerre avec Israël et craignaient une attaque à grande échelle contre Rafah, dans le sud.

« Les gens sont anxieux et ont peur d’une éventuelle opération militaire à grande échelle », a déclaré Philippe Lazzarini, à la sortie d’un briefing avec les États membres à l’ONU à Genève. « Si l’assaut a lieu, la question est : « Où iront les civils ? » Il n’y a absolument plus aucun endroit sûr à Rafah et on craint que le nombre de personnes tuées et blessées n’augmente à nouveau de manière significative ».

Juste avant une réunion du Conseil de sécurité à New York mardi sur l’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire dans le monde, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a dit aux journalistes qu’il était « particulièrement préoccupé par la détérioration des conditions et de la sécurité de l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza ».

« Il y a une rupture dans l’ordre public. Dans le même temps, nous sommes confrontés à des restrictions imposées par Israël qui ne s’améliorent pas et limitent la distribution humanitaire. D’un autre côté, les mécanismes de déconfliction visant à protéger l’acheminement de l’aide humanitaire dans le cadre d’opérations militaires ne sont pas efficaces », a-t-il ajouté.

Le chef de l’ONU a souhaité que « les négociations pour la libération des otages et une certaine forme de cessation des hostilités aboutissent pour éviter une offensive totale sur Rafah, où se trouve le cœur du système humanitaire, ce qui aurait des conséquences dévastatrices ».

Après plus de quatre mois de combats, déclenchés par les attaques meurtrières menées par le Hamas le 7 octobre en Israël, qui ont fait quelque 1 200 morts et plus de 250 personnes prises en otages, plus de 100 000 habitants de Gaza auraient été tués, blessés ou portés disparus sous les décombres, selon les autorités sanitaires locales, au milieu d’intenses bombardements israéliens.

Eviter un massacre
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, Martin Griffiths, a également tiré la sonnette d’alarme mardi.

« Les opérations militaires à Rafah pourraient conduire à un massacre à Gaza. Elles pourraient également porter un coup mortel à une opération humanitaire déjà fragile », a-t-il dit dans une déclaration à la presse.

« Nous manquons de garanties de sécurité, de fournitures humanitaires et de capacités en personnel nécessaires pour maintenir cette opération à flot. La communauté internationale met en garde contre les conséquences dangereuses de toute invasion terrestre à Rafah. Le gouvernement israélien ne peut continuer à ignorer ces appels », a-t-il ajouté, demandant que la guerre cesse.

Déplacements massifs
M. Lazzarini a insisté sur le fait qu’il était impossible de s’attendre à ce que plus d’un million de personnes déplacées entassées dans le gouvernorat de Rafah se déplacent à nouveau, afin que les forces israéliennes puissent poursuivre leur chasse aux militants du Hamas.

« On leur demande de déménager, la question est de savoir où déménager », a-t-il déclaré, soulignant qu’à Rafah, chaque parcelle de terrain disponible sur 20 kilomètres était occupée par des centaines de milliers de personnes vivant dans des abris de fortune en plastique.

Abordant la question des graves allégations selon lesquelles certains membres du personnel de l’UNRWA auraient collaboré avec le Hamas, le chef de l’agence a indiqué qu’il avait immédiatement limogé les personnes impliquées et ouvert une enquête. M. Lazzarini a également appelé à la coopération des autorités israéliennes.

Le Commissaire général de l’UNRWA a noté que l’examen par le Secrétaire général de l’ONU débuterait demain sur les allégations contre l’agence concernant son « utilisation des médias sociaux, sur les tunnels, sur ses affiliations politiques » et sur la façon dont elle a été proactive dans sa réponse à ces allégations.

Le processus prendra probablement deux mois, mais il devrait être accompagné d’une enquête, notamment sur l’affirmation de l’armée israélienne selon laquelle un tunnel et un centre de données situés à 20 mètres sous le siège de l’UNRWA dans la ville de Gaza ont été utilisés par le Hamas, a souligné M. Lazzarini.

Installations touchées
« Nous devons examiner toutes les situations dans lesquelles les locaux de l’ONU ont été manifestement bafoués. Depuis le début de la guerre, plus de 150 de nos installations ont été touchées. Nous savons que certaines installations ont été complètement détruites, des centaines de personnes ont été tuées, des milliers ont été blessées et tout cela doit faire l’objet d’une enquête indépendante, ainsi que l’allégation concernant l’existence d’un tunnel », a-t-il dit.

Plus tôt, l’Ambassadrice permanente d’Israël auprès de l’ONU à Genève, Meirav Eilon Shahar, a souligné que son gouvernement ne souhaitait « aucun mal » aux civils de Gaza et qu’il avait l’intention de coopérer à l’enquête sur l’UNRWA, même s’il « restait en guerre contre l’organisation terroriste Hamas ».

« Notre combat est contre le Hamas, pas contre le peuple palestinien », a déclaré l’ambassadrice, qui a également insisté sur le fait qu’« il existe des alternatives à l’UNRWA » – une affirmation rejetée par M. Lazzarini qui a déclaré qu’il serait « à courte vue » de fermer l’agence à un moment où de hauts responsables humanitaires de l’ONU et des ONG appelaient à une intensification de l’aide à Gaza.

Un avenir en danger
« Nous avons un demi-million de filles et de garçons profondément traumatisés que nous devons réintégrer de toute urgence dans le système éducatif », a dit le chef de l’UNWRA. Cela ne serait pas assuré par « une administration locale émergente », a-t-il insisté, ajoutant qu’« il n’existe absolument aucune autre agence des Nations Unies » ou ONG ayant l’expérience dans la fourniture de services de type gouvernemental, y compris l’éducation de centaines de milliers d’enfants.

« Si nous voulons donner une chance à toute transition future de réussir, nous devons également nous assurer que la communauté internationale dispose des outils nécessaires, et l’un de ces outils est l’UNRWA », a-t-il ajouté.

13 février 2024
https://news.un.org/fr/story/2024/02/1143117

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Réduire le problème de Gaza à Yahya Sinwar libère Netanyahu de sa responsabilité dans les enlèvements

Le principal argument avancé par les opposant.es à l’accord d’otages est que les prisonniers de sécurité qui y seront libérés seront responsables d’attaques à l’avenir et que le nombre d’Israélien.nes qui y seront tués sera supérieur au nombre des otages dont la vie sera sauvée. Dans cette affaire, on peut même s’appuyer sur Moïse Maïmonide, qui affirme que « On ne rachète pas les captifs pour plus que leur valeur »(Mishné Torah). La preuve décisive présentée par les opposants à l’accord d’otages est que Yahya Sinwar, le cerveau et planificateur de l’attaque du 7 octobre, a été libéré dans l’accord de la libération de [Guilad] Schalit, [en 2011 – E.]. Or, cet argument repose sur des hypothèses erronées quant à la nature du conflit et à la nature des processus historiques.

Le débat sur l’importance de l’individu dans l’histoire est aussi long que l’histoire elle-même. La montée du nationalisme en Europe aurait-elle eu lieu sans Napoléon Bonaparte ? L’Holocauste aurait-il eu lieu sans Adolf Hitler et, à l’inverse, l’État d’Israël aurait-il été créé sans David Ben Gourion ? Une personne seule – un leader, un penseur ou un scientifique – est-elle un pionnier qui change le cours de l’histoire, ou représente-t-elle l’air du temps, un exécuteur de forces sociales, environnementales et politiques plus grandes que lui ?

L’historien français Fernand Braudel a comparé l’histoire humaine aux courants marins et a écrit qu’elle se divise également entre les courants de profondeur, les vagues et l’écume à la surface de l’eau. Les courants des profondeurs représentent le système environnemental, la démographie, la géographie, l’écologie, le développement agricole et industriel et les révolutions théologiques et scientifiques. C’est la « longue durée » de l’histoire humaine. Les vagues simulent l’histoire sociale, tandis que l’écume exprime les événements éphémères et les individus qui y agissent. Dans les médias et le discours public, il y a une nette tendance à se concentrer sur l’écume et à magnifier l’influence des individus, comme si son pouvoir était supérieur à celui des facteurs structurels. Toute la vision de l’histoire se résume dans les actions d’un chef d’État ou d’un leader d’un mouvement fondamentaliste, comme s’il n’existait pas d’idéologie théologique et nationale ou de réalité démographique et géographique qui dicte le cours de l’histoire pour des décennies durant.

Ces perceptions doivent également être prises en compte lors de l’observation des événements du 7 octobre. L’attaque aurait-elle eu lieu sans le leadership de Sinwar ? Si la réponse est négative, est-il possible d’attribuer le sang versé ce jour-là et depuis lors à la décision de libérer Sinwar dans le cadre de l’accord Schalit ? Peut-être que l’attaque est le résultat de facteurs profonds au sein de la société palestinienne à Gaza, qui ont exhorté les habitants de la bande de Gaza à lancer l’attaque meurtrière de l’autre côté de la frontière ?

Une règle non écrite stipule que le rôle de l’historien n’est pas de se demander ce qui se serait passé si. Si Sinwar n’avait pas été libéré de prison, si Hitler avait été admis dans une école d’art et si Ben Gourion avait immigré à New York. Cette limitation ne s’applique pas aux orateur.es de droite et aux opposant.es à l’accord. Ils sont convaincus que si Sinwar était resté en prison, une autre personne, plus modérée, aurait été à la tête des dirigeants de Gaza, l’attaque d’octobre n’aurait pas eu lieu, les habitants de Gaza auraient accepté leur situation avec résignation et il y aurait eu la paix entre Gaza et la zone israélienne aux alentours de Gaza. De là, le chemin est court pour conclure que si nous libérons aujourd’hui le Sinwar de demain, nous nous attirerons un futur désastre.

Ceux qui estiment que l’entière responsabilité incombe à un démon nommé Sinwar ignorent les conditions humaines qu’Israël a créées à Gaza.

Mais cette hypothèse se concentre sur l’écume à la surface de l’eau et réduit le nationalisme palestinien, l’islam politique et les désirs de 2,4 millions de Gazaouis à la personnalité d’un seul individu. C’est cette approche qui a conduit à la politique des assassinat ciblés. À la base se trouvait l’hypothèse selon laquelle la violence palestinienne est le résultat de la personnalité d’une seule personne et que si nous éliminons la tête du serpent, le problème sera résolu. Cette politique a été pratiquée pendant longtemps, même s’il est apparu à chaque fois que l’élimination de hauts cadres n’avait pas provoqué l’effondrement du mouvement qu’ils dirigeaient. Les places des cadres tuées ont été prises par d’autres cadres, et les suivants étaient souvent plus compétents et meurtriers que leurs prédécesseurs.

Réduire l’énorme problème de la bande de Gaza à la personnalité et au talent de Sinwar libère également les dirigeants israéliens, et Benjamin Netanyahu en particulier, de toute responsabilité. Parce que ceux qui soutiennent que l’entière responsabilité incombe à un démon nommé Sinwar ignorent les conditions humaines qu’Israël a créées à Gaza, ou les politiques qui ont renforcé le Hamas et opprimé ses opposants modérés. Et le pire de tout : cette perception superficielle de la réalité est l’excuse parfaite pour Netanyahu et ses porte-paroles pour bloquer un accord visant à libérer les personnes enlevées. Si une seule personne, un super-vilain à la Hollywood, est responsable de la mort de 1 500 civils et soldats, libérer des centaines de méchants entraînera ensuite un bain de sang, n’est-ce pas ?

Le terrorisme, la violence et les souffrances qui sont le lot des deux peuples proviennent de processus complexes et à long terme et de mauvaises décisions prises par les dirigeants israéliens et palestiniens au fil des années et des décennies. Personne ne sait ce qui se serait passé si Sinwar n’avait pas été libéré de prison et personne ne sait combien de sang sera versé en raison de la libération des prisonniers dans le cadre d’un accord visant à sauver les kidnappé.es. Au milieu de cette incertitude, il existe un fait certain et solide : il est encore possible de sauver la vie de plus de 100 personnes enlevées.

Nir Hasson et Oded Steinberg
Le Dr Oded Steinberg est chercheur au Département des relations internationales et au Forum européen de l’Université hébraïque.
Nir Hasson est journaliste au Haaretz.
Source : Haaretz. 13 février 2024, 20:00, בפברואר 
https://www.haaretz.co.il/opinions/2024-02-13/ty-article-opinion/.premium/0000018d-a2e4-d400-a7cd-ffe770f10000
Traduit de l’hébreu par E. pour ESSF
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69783

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Sanctions contre des colons israéliens violents :
une étape symbolique qui doit mener
à la fin du commerce français avec les colonies

L’annonce aujourd’hui par le quai d’Orsay de sanctions à l’encontre de 28 colons israéliens violents est un premier pas symbolique, qui doit amener la France à agir concrètement contre la colonisation en cessant notamment toutes relations commerciales avec les colonies israéliennes.

Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a annoncé le 13 février que 28 colons israéliens violents sont désormais visés par une interdiction administrative du territoire français.

Selon le CCFD-Terre Solidaire et la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, il s’agit d’un premier pas, nécessaire mais symbolique, qui ne sera pertinent qu’à la condition d’être le prélude d’une politique conforme au droit international humanitaire pour contribuer à mettre fin à la colonisation illégale du territoire palestinien occupé, l’une des causes profondes du conflit israélo-palestinien.

Selon la quatrième Convention de Genève, la colonisation est un crime de guerre, et l’ensemble des colonies israéliennes sont illégales. La colonisation du territoire palestinien occupé est responsable de multiples violations du droit international humanitaire et des droits humains, et ne doit être en aucun cas normalisée. Pourtant la France continue d’entretenir des relations commerciales par l’importation de produits et de services en provenance des colonies, ce qui participe à l’expansion territoriale et économique de la colonisation.

Dans le contexte de la guerre à Gaza et des violations flagrantes du droit international humanitaire dont se sont rendues responsables les autorités israéliennes après le 7 octobre, la France, qui condamne régulièrement la colonisation, doit mettre en conformité son discours et ses actes en interdisant le commerce de biens et services provenant des colonies israéliennes. Les sanctions individuelles contre les colons doivent aussi être un prélude à des sanctions envers des groupes et structures qui permettent la colonisation.

Face à la catastrophe humanitaire actuelle et aux multiples violations du droit international humanitaire dans la bande de Gaza, il est plus que jamais nécessaire que la France prenne des mesures pour contraindre l’Etat d’Israël à respecter le droit international.

Signataires : Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, Association France Palestine Solidarité, CCFD-Terre Solidaire, Chrétiens de la Méditerranée, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Union juive française pour la Paix.

Paris, le 14 février 2024
https://www.ldh-france.org/sanctions-contre-des-colons-israeliens-violents-une-etape-symbolique-qui-doit-mener-a-la-fin-du-commerce-francais-avec-les-colonies/

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Ce que le public israélien ne voit pas

En ignorant largement les souffrances des civil·es palestinien·nes à Gaza, les médias israéliens façonnent et reflètent l’opinion publique.

Le 29 janvier, The Nightly News with Michal Rabinovitch – diffusé sur la chaîne publique israélienne, connue sous le nom de Kan – a présenté une série de reportages largement représentatifs de la programmation de la chaîne au cours des derniers mois. Un reportage sur les progrès diplomatiques en vue d’un échange de prisonniers·e entre Israël et le Hamas a été suivi d’un reportage sur les roquettes lancées sur l’intérieur d’Israël depuis la ville gazaouie de Khan Younis ; la séquence comprenait des vidéos de l’intérieur des tunnels du Hamas et des images capturées par les caméras corporelles des soldats alors qu’ils se battaient maison par maison. L’émission s’est ensuite intéressée à la manière dont les soldats israéliens n’ouvraient pas le feu, comme ils en avaient reçu l’ordre, sur tout·e habitant·e de Gaza s’approchant de la « zone tampon » le long de la frontière avec Israël ; ce jour-là, cinq combattants du Hamas s’étaient approchés à moins de 500 mètres d’une ville israélienne, suscitant la crainte d’une nouvelle infiltration. L’émission a ensuite abordé la politique israélienne, des interviews de jeunes veuves de guerre, un reportage sur un attentat à la voiture piégée perpétré ce jour-là contre une base militaire à Haïfa, une vidéo de manifestant·es israélien·nes tentant d’empêcher l’aide humanitaire d’entrer à Gaza et, enfin, un profil d’entreprises en difficulté dans le nord du pays, près de la frontière avec le Liban. Au milieu, le reportage a été coupé par un briefing de neuf minutes de Daniel Hagari, le porte-parole de l’armée israélienne.

Cette couverture de la guerre et de ses répercussions ne fait aucune mention des meurtres de civil·es palestinien·nes, ni des dangers auxquels sont confrontés plus de deux millions de personnes piégées dans l’enclave assiégée – non seulement la campagne militaire d’Israël, mais aussi la famine, la soif, les déplacements et le manque de soins médicaux. Dans la plupart des médias israéliens, « c’est comme si [les civil·es palestinien·nes] n’existaient pas », a déclaré Gideon Levy, journaliste au quotidien israélien de gauche Haaretz, qui a couvert le sort des Palestinien·nes de Gaza, à l’émission d’information progressiste américaine Democracy Now ! Sur les chaînes d’information internationales, « on voit Gaza. Vous voyez des enfants mourant sur les sols sales des hôpitaux, se vidant de leur sang. Vous voyez les gens déracinés, vous voyez la destruction, vous voyez la souffrance … et la famine », a déclaré M. Levy. « En Israël, on ne voit que les soldats, que les otages ».

Certains analystes des médias ont mis en garde contre le fait que cette absence façonne l’opinion publique israélienne. Un sondage publié par le Peace Index de l’Université de Tel Aviv et l’Israel Democracy Institute à la mi-novembre a montré qu’une majorité de juifs/juives israélien·nes – 57,5% – pensaient que les forces israéliennes utilisaient une puissance de feu insuffisante à Gaza, tandis que 36,6% pensaient que l’armée utilisait la bonne quantité de force, et seulement 1,8% pensaient qu’elle en utilisait trop. Un sondage réalisé à la mi-janvier par le Peace Index de l’université de Tel-Aviv a montré que ces chiffres sont restés stables, même si le nombre de mort·es à Gaza a continué à augmenter, suscitant de nouveaux appels internationaux à la retenue de la part des Israéliens. « Je suppose que si les médias diffusaient des reportages sur ce qui se passe au-delà de la frontière, cela obligerait [le public israélien] à faire face à un autre aspect de la réalité », a déclaré Oren Persico, rédacteur au sein de l’organisme israélien de surveillance des médias The Seventh Eye (Le septième œil). Rami Younis, cinéaste et journaliste palestinien, a lui aussi perçu un effet de grande ampleur. « L’ensemble de la population israélienne s’est déplacée vers la droite [depuis le 7 octobre], et c’est principalement à cause des médias », a-t-il déclaré. « Plus vous criez haut et fort que Gaza doit être anéantie, plus vous avez de chances d’apparaître sur les plateaux de télévision ».

Mais pour certains observateurs/observatrices attentifs/attentives du paysage politique israélien, la question de savoir si les médias façonnent l’opinion publique ou s’ils la reflètent simplement n’est pas simple. « Les médias font un choix, mais les Israélien·nes aussi », déclare Raviv Drucker, commentateur politique et journaliste d’investigation israélien. « Les gens ne veulent pas voir [les souffrances des habitants de Gaza] et les médias ne veulent pas les montrer. Cela ne reflète pas nécessairement un manque de connaissance de ce qui se passe à Gaza ». Il s’agit d’un État en situation de post-traumatisme. « Si vous arrêtez un·e Israélien·ne dans la rue, elle ou il sait que des milliers d’enfants meurent à Gaza. Ce n’est pas un manque de compréhension, c’est un manque d’empathie. Un refus de participer à leur douleur ».

La plupart des israélien·nes s’informent à la télévision, et en particulier sur quatre grandes chaînes. Il s’agit de trois chaînes grand public – le radiodiffuseur public Kan, qui est la chaîne 11, et les chaînes commerciales populaires 12 et 13 – et de la chaîne d’extrême droite 14, qui est, selon les termes de Persico, « entièrement loyale à Netanyahou ». Pendant près d’un an avant le 7 octobre, les médias se sont polarisés sur le projet de réforme judiciaire du gouvernement Netanyahou. La chaîne 12, par exemple, a couvert avec ténacité le mouvement de protestation qui a poussé à maintenir l’indépendance du système judiciaire israélien. La chaîne populiste Channel 14, en revanche, a fermement défendu la position du gouvernement Netanyahou selon laquelle le fait de dépouiller le système judiciaire de ses principaux pouvoirs était une mesure « démocratique » visant à réduire le pouvoir des juges « non élu·es ». Mais après le 7 octobre, la voix des médias s’est unifiée. M. Drucker m’a expliqué que, bien que les médias se soient ralliés au drapeau lors des précédents cycles de lutte, ils l’ont fait cette fois-ci avec une ferveur sans précédent. « Beaucoup de gens ont eu l’impression d’avoir été trop empathiques [envers les habitants de Gaza] auparavant, et c’est ce qui nous a apporté cette calamité », a-t-il déclaré. M. Persico constate lui aussi que les médias sont unis autour de la conviction qu’« Israël doit se battre sans pitié » parce que « c’est nous ou eux ». Asa Shapira, professeur de marketing et de communication à l’université de Tel-Aviv, a affirmé sur le podcast The Lab que la chaîne 14 est déjà « une chambre d’écho, et que les chaînes 12 et 13 vont également dans cette direction ». « Je pense qu’il s’agit d’une crise du journalisme », a-t-il averti.

La question n’est pas seulement de savoir ce que les médias israéliens ne couvrent pas ou ne disent pas, mais aussi ce qu’ils disent : Depuis le 7 octobre, les radiodiffuseurs israéliens sont devenus de plus en plus tolérant·es à l’égard de l’incitation explicite à la haine contre les Arabes. Ifat Media Research, une société privée d’analyse des médias, a rapporté 137 incidents d’incitation directe entre le 7 octobre et le 6 novembre sur les quatre chaînes de télévision les plus regardées, ainsi que sur deux émissions de radio populaires. Le 26 octobre, par exemple, Channel 12, la chaîne grand public la plus populaire, a diffusé Eliyahu Yossian, un chercheur de l’institut de droite Misgav pour la sécurité nationale qui, lorsqu’on lui a demandé ce que l’armée israélienne devait faire en ce moment, a répondu : « Combattre avec une brutalité extrême ; se battre avec une brutalité extrême » : « Combattre avec une brutalité extrême, sans Dieu, sans morale. Aucune. Nous allons à Gaza dans le but de nous venger. Il faut un maximum de cadavres. C’est le secret de la réussite au Moyen-Orient ». M. Persico m’a dit que M. Yossian était un intervenant très demandé pour les émissions d’information, les interviews et les podcasts depuis le début de la guerre. Channel 12 a ensuite publié l’interview sur TikTok, où, au 30 janvier, elle avait recueilli 66,2 milliers de likes.

L’élan de rassemblement autour du drapeau est visible dans la presse écrite comme à la télévision. « En temps normal, on verrait plus de points de vue palestiniens [dans la presse]. Mais après ce qui s’est passé le 7 octobre, les médias, tout comme le public israélien, ont perdu tout intérêt pour les souffrances des Palestinien·nes », m’a dit Sivan Hillaie, journaliste pour le site d’information le plus lu d’Israël, YNET, et pour le quotidien commercial le plus populaire, Yedioth Ahronoth. « Après avoir maltraité les gens au festival de musique Nova et commis ces atrocités, les Israélien·nes n’ont pas eu l’espace nécessaire pour contenir la douleur des autres. Il faut choisir un camp. Et ce côté, c’est le nôtre ». Einav Halabi, journaliste spécialisée dans les affaires palestiniennes pour YNET et Yedioth Ahronoth, m’a dit qu’elle avait regardé les vidéos des atrocités commises contre les Israélien·nes le 7 octobre et qu’elle avait été très touchée émotionnellement. « Alors, dire que je suis objective [en tant que journaliste], je ne peux pas le dire. Selon elle, le consensus israélien en faveur de la « destruction du Hamas et de la destruction de Gaza » est une « réponse naturelle » au 7 octobre. « C’était comme un génocide », a-t-elle déclaré. « Je ne vois pas d’autre option que la guerre ».

Mme Halabi a réalisé des reportages à Gaza pour YNET et Yedioth Ahronoth. Comme tous les journalistes israélien·nes et internationaux, elle n’a été autorisée à pénétrer dans l’enclave que sous escorte militaire. (Les journalistes sont également tenus de soumettre leurs reportages à la censure de l’armée, qui s’assure qu’ils ne contiennent pas d’informations sensibles susceptibles de mettre en danger la vie des soldats). Le 20janvier, elle a visité le quartier de Tufah, dans la ville de Gaza, sous escorte militaire ; lors d’un entretien avec moi, elle a décrit les maisons qui avaient été brûlées par les soldats israéliens. Elle a expliqué qu’il s’agissait des maisons de militants présumés du Hamas, dans lesquelles les militaires « ont trouvé une sorte de munition ou de lance-roquettes ». Lorsque j’ai demandé comment elle avait vérifié que les maisons incendiées appartenaient bien à des militants et contenaient des armes, elle a cité les services de renseignement de l’armée israélienne. « Il y a, bien sûr, des innocent·es qui meurent – je ne suis pas naïve », a-t-elle ajouté. « Mais à Gaza, les civil·es innocent·es sont probablement une très petite minorité – elles et ils n’ont pas d’autre choix que de soutenir le Hamas.

Si les informations en hébreu se ferment de plus en plus aux perspectives palestiniennes, la couverture en langue arabe   menée par des médias comme Al Jazeera – fait exactement le contraire, en s’attachant à raconter des histoires du point de vue des Palestinien·nes déplacé·es par la guerre, affamé·es, assoiffé·es et dépourvu·es de tout. Pour les citoyen·es palestiniens·ne d’Israël, qui représentent environ 21% de la population israélienne et qui consomment des médias en hébreu et en arabe, « c’est surréaliste », a déclaré Younis, le cinéaste et journaliste palestinien. « En regardant Al Jazeera, les Arabes voient des membres, des têtes, des corps brûlés, des bébés morts, des gens qui pleurent et qui meurent de faim, un spectacle d’horreur. Puis on regarde les informations israéliennes et il n’y a rien de tout cela. Le public arabophone est exposé à quelque chose que le public hébraïque ne voit pas ». Et pourtant, a-t-il ajouté, dans un environnement où l’incitation à la violence contre les citoyen·es palestiniensfne est devenue monnaie courante, peu de gens se sentent capables de remettre en question le récit des médias israéliens. « Je n’ai rien posté sur mes réseaux sociaux depuis le 7 octobre, je ne me sens plus en sécurité », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée à Al Jazeera. « Pour quelqu’un comme moi qui a fait carrière en étant critique, en dénonçant les fausses nouvelles, c’est très paralysant ».

Cette dissonance narrative existe également, à des degrés divers, entre les médias israéliens et une grande partie de la presse internationale. Persico a noté que lorsque les Israélien·nes voient des reportages étrangers, ou interagissent avec des personnes qui les ont vus, ils réagissent souvent avec surprise. Ils restent bloqué·es, dit-il, sur les points de discussion des chaînes israéliennes : « Comment peuvent-ils ne pas comprendre que nous sommes les victimes, que c’est le Hamas qui a commencé ? Elles et ils sont surpris parce qu’il y a une bulle autour de ce qu’iels voient ». Shapira a également mis en garde contre le fait que cette bulle représente un échec médiatique qui isole les Israélien·nes. Lorsque les médias nous apportent des informations qui renforcent notre « moral national », ils finissent par nuire à notre véritable compréhension de ce qui se passe, a-t-il déclaré. « À un moment donné, l’information disparaît de la vue du et de la citoyen·ne moyen et les Israélien·nes se tiennent ici et disent [à la communauté internationale] : « De quoi parlez-vous ? »

Elisheva Goldberg, 7 février 2024
Elisheva Goldberg est directrice des médias et de la politique pour le New Israel Fund et rédactrice pour Jewish Currents. Elle a été l’assistante de l’ancienne ministre israélienne des affaires étrangères Tzipi Livni et a écrit pour The Daily Beast, The Forward, The New Republic et The Atlantic.
https://jewishcurrents.org/what-the-israeli-public-doesnt-see
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Les Israéliens préfèrent qu’on leur mente
plutôt que d’affronter la douloureuse vérité.
Les journalistes connaissent la vérité et se taisent

Le gouvernement est contre tout le monde. Contre le Hamas, contre le Hezbollah, contre l’armée et contre le public. Le Hamas ne se soucie pas de ce qui arrive aux habitants de Gaza ; le gouvernement se soucie-t-il de ce qui nous arrive ? Comme des marins abandonnant un navire en perdition, ils se préoccupent d’eux-mêmes. Ils pillent, prennent tout ce qu’ils peuvent. Ils passent des fonds à leurs amis, aident les ultra-orthodoxes, ignorent les combattants.

Les soldats ont également compris qu’aujourd’hui, le gouvernement se bat sur leur dos. Ils sont sa chair à canon. Ils ne sont ni déconnectés ni idiots. Ils voient où va l’argent, ils voient l’extension du service de réserve, l’incompétence à s’occuper des Israélien.nes déplacé.es, l’apathie envers les otages. Ils sont stupéfaits de constater que l’objectif de la guerre change chaque semaine. De « renverser le Hamas » dans le passé à la « victoire totale » aujourd’hui. Qui sait ce qu’est cette « victoire totale » pour laquelle ils sacrifient leur vie ?

Les médias le savent. Les journalistes qui peuvent analyser [ce qui se passe à] chaque seconde dans l’esprit de Sinwar savent ce qui se passe dans celui de Netanyahou. Ils savent que la « victoire totale » signifie préserver le pouvoir de Netanyahou. Ils savent et se taisent. Ils savent qu’il n’y a pas d’autres objectifs, pas de plans. Pas de « jour d’après ». Ni destruction du Hamas ni libération des personnes enlevées. Ils servent tous le même objectif, même les combattants qui tomberont et les otages qui seront libéré.es. C’est le but, et c’est de là que tout découle. C’est ce qu’il faut mentionner à l’occasion de chaque reportage.

Les journalistes savent, mais ils ne rapportent pas ce que le public doit savoir, seulement ce que le public veut savoir. Que ne veut-il pas savoir ? Que ses fils se battent pour Netanyahou. Une enquête menée par Nimrod Nir et Nimrod Zeldin de l’Université hébraïque a révélé que la majorité du public pense que la chaine télévisée Channel 1 [remplacé en 2017 par KAN 11 – E.] est la plus fiable. Elle est également la moins regardée. Conclusion : La fiabilité ne compte pas. Le public préfère qu’on lui mente plutôt qu’on le tourmente avec la douloureuse vérité.

Les commentateurs ne récitent pas la douloureuse vérité devant les caméras comme des otages avec un pistolet sur la tempe. Ils pratiquent le terrorisme psychologique, présentent un faux spectacle de réservistes prêts à servir deux ou trois ans de plus tant que l’objectif est atteint. Ils dissimulent le fait que l’objectif demeure délibérément vague.

Mais le gouvernement n’apprécie pas leur dévouement soumis et traite les commentateurs comme des soldats de réserve. A qui s’adresse-t-il pour parler de 30 otages morts, à Alon Ben David [journaliste spécialiste des affaires militaires sur la chaîne israélienne Canal 13 – E.] ? A qui envoie-t-il le Brig-Gen. Barak Hiram [1] pour expliquer le bombardement d’un centre communautaire avec des otages à l’intérieur, Nir Dvori ? Non. Il se tourne vers le New York Times.

Les médias acceptent l’humiliation la tête baissée. Ils abandonnent la scène aux discours sans valeur des politiciens qui n’ont rien à dire. Au lieu d’informations, ils nous inondent d’histoires d’otages au son d’une harpe funèbre. Elle ne veut pas gâcher la joie de la libération de deux otages [le 11 février – E.] par le nombre effrayant de Gazaouis morts.

Les studios de télévision pensent que nous sommes des abrutis, qu’il est facile de nous abreuver de bêtises, mais pas de mauvaises nouvelles. Les mauvaises nouvelles dont la publication a été « autorisée » ne peuvent pas être cachées par « des réalisations impressionnantes » et des « succès ». Ils ne diront pas la vérité : que désormais la guerre est le caprice d’un dangereux et cynique individu. Cela nuirait à l’image d’une « nation unie » qu’ils entretiennent. Ils ne veulent pas que nous pensions que quiconque sera tué à partir de maintenant ne tombera pas pour défendre le pays, mais pour défendre le gouvernement. Ils n’enquêtent pas, ils cachent. A la place de l’information, il y a une inondation : un flot d’informations sans importance. Cette division a été déplacée d’ici à là et de là à ici.

Ce n’est pas pertinent. Ce n’est pas intéressant. Qu’est-ce qui est intéressant ? Les otages, les Israélien.nes déplacé.es et l’attaque de Rafah.

Comment gagner sans éliminer des milliers de réfugiés ? Comment se débarrasser d’eux ? On les « transporte » [2]. Bien sûr, les brillants esprits qui ne savent même pas comment s’occuper de 100 000 réfugiés israéliens « sauront » comment « transporter » 1,4 million de réfugiés gazaouis ? Comme des moutons, comme des oranges ? A priori, c’est facile. Vous les arrosez de tracts leur disant de se transporter eux-mêmes. Et celui qui reste ? Qu’Allah ait pitié de lui [3].

J’ai une suggestion pour le sondeur Dr. Camil Fuchs : vérifiez si le public soutient ou s’oppose à une opération à Rafah au cours de laquelle, disons, 5 000 personnes âgées, femmes et enfants seront tuées. À mon avis, l’opinion publique y sera favorable, à condition qu’il n’ait pas à le voir.

[1]Hiram a ordonné à un char de tirer 2 obus sur une maison où se trouvaient 14 otages israéliens, en tuant délibérément 12 parmi eux, dont 2 adolescents.)
[2] En hébreu : « Mechan’im ». Définition de l’Académie de la langue hébraïque : « Déplace[nt] la cargaison d’un endroit à un autre »
https://hebrew-academy.org.il/keyword/%20%D7%9E%D6%B0%D7%A9%D7%81%D6%B7%D7%A0%D6%BC%D6%B5%D7%A2)
[3]
Allah yirahmou dans le tetxte hébreu signifie : « qu’Allah accorde sa miséricorde ». Formule généralement utilisée pour exprimer ses condoléances envers une personne décédée, elle fait sans doute écho, ici, au massacre de Kafr Qassem (où Qassim), le 29 octobre 1956, où 48 personnes ont été assassinées par les gardes-frontières. Extrait de l’article dans Wikipédia : « Le Magav [acronyme de Garde-frontières – E.] est sous les ordres du colonel Issachar Shadmi, de Tsahal. Dans la journée du 29 octobre 1956, il donne l’ordre pour que soit appliqué un couvre-feu sur huit villages arabes du Triangle et que l’on tire sur toute personne qui ne le respecterait pas.
Vers 13 heures, le commandant du bataillon des gardes-frontières, Shmuel Malinki, réunit ses officiers et leur transmet les ordres, ceux-ci devant être appliqués dès 17 heures. Certains objectent que des ouvriers arabes sont au travail dans leurs champs et qu’ils ne sont pas au courant du couvre-feu. S’ensuit alors une discussion. À la question : « Que faire dans ce cas ? », le commandant répond en arabe : « Allah Yarhamhum », ce qui signifie « Que dieu les prenne en miséricorde ». Quant à savoir ce qu’il faut faire pour les femmes et les enfants, Shmuel Malinki répond : « Sans sentiments », argumentant qu’il « [est] préférable que, dès le premier soir, il y ait des morts dans chaque village parce que cela facilitera le maintien du couvre-feu et aidera à l’exécution de la mission dans les jours qui suivront »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Kafr_Qassem

Yossi Klein
Haaretz. 14 février 2024 11:35 pm IST :
https://www.haaretz.com/opinion/2024-02-14/ty-article-opinion/.premium/israelis-would-rather-be-lied-to-than-face-the-painful-truth/0000018d-a970-da6e-af9f-a979f1240000
Haaretz. En hébreu :
https://www.haaretz.co.il/opinions/2024-02-14/ty-article-opinion/.premium/0000018d-a798-dc34-afed-a79b4abb0000
Traduit et annoté de la version en hébreu pour ESSF par E., comparé à la version anglaise par Pierre Rousset.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69794

*-*

A Marrakech, Edgar Morin dénonce le silence des Etats face à la tragédie palestinienne
https://telquel.ma/instant-t/2024/02/13/a-marrakech-edgar-morin-denonce-le-silence-des-etats-face-a-la-tragedie-palestinienne_1856375
MRAP : La société israélienne après le 7 octobre
Comment les Israéliens vivent-ils l’après 7 octobre, la guerre à Gaza et les violences des colons contre les Palestiniens dans les territoires ? Il faut se rendre en Israël et en Palestine trois mois et demi après le 7 octobre pour essayer d’apporter quelques éléments de réponse à cette question, essayer de comprendre et confronter les analyses étrangères à une réalité plus complexe.
https://mrap.fr/article-la-societe-israelienne-apres-le-7-octobre.html

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

3 réflexions sur « Vivre dans la peur (et autres textes) »

  1. L’article de Dana Mills publié dans +972 et repris plus haut rend un juste hommage au Freedom Theatre de Jénine, en Cisjordanie occupée.
    Concernant la résistance culturelle du peuple palestinien, et la violence avec laquelle Israël s’efforce d’écraser celles et ceux qui lui donnent vie : le 30 janvier, une tribune intitulée Empêchons l’assassinat de la culture palestinienne a été publiée par Mediapart (Le Club, espace « Les Invités de Mediapart), à l’initiative des Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine. Elle porte plus de 200 signatures émanant notamment du monde du théâtre, de musicien·nes, plasticien·nes, cinéastes, et aussi d’écrivain·es, journalistes, philosophes… Elle met en lumière cette force vitale des Palestinien·nes, qu’Israël veut broyer, et clame l’urgence d’agir par tous les moyens de la solidarité.
    https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/300124/empechons-l-assassinat-de-la-culture-palestinienne
    http://www.atljenine.net
    Sophie Mayoux, ATL Jénine

  2. Ce lundi 19 février, aura lieu un grand rassemblement pour dire
    « STOP à la complicité européenne ».
    « Cessez-le-feu immédiat et permanent, justice pour la Palestine »

    Depuis plus de 4 mois la bande de Gaza est le théâtre d’un anéantissement sans précédent.
    Des dizaines de milliers de vies sont exterminées, un peuple annihilé.
    Hier dernier refuge, Rafah est aujourd’hui à son tour détruite et effacée.
    Des Juifs et des Juives, partout dans le monde, s’insurgent contre l’épuration ethnique en cours à Gaza. Nous ne pouvons pas rester muets. Soyons uni.es quand nous clamons:
    NOT IN OUR NAME.
    PAS EN NOTRE NOM.

    Nous ne resterons pas muets face à la complicité meurtrière de l’Union Européenne.
    Nous exigeons de l’UE qu’elle soutienne activement les enquêtes en cours de la Cour pénale internationale ainsi que la procédure contre Israël introduite par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ).
    Nous exhortons l’UE à l’instauration d’un embargo militaire international complet contre Israël et à mettre fin, conformément au droit international, à toute complicité avec l’apartheid imposé au peuple palestinien.
    L’UPJB se joint à l’appel des associations organisatrices. L’appel complet ici.

    Rendez-vous de 17 à 19h devant le Conseil Européen, Petite rue de la Loi (via l’avenue de la Joyeuse Entrée), 1000 Bruxelles.
    Rassemblons nos voix pour exprimer notre refus que des crimes soient commis en notre nom.
    Soyons nombreux et nombreuses !

    Le 17 mars prochain, nous marcherons également au sein du bloc juif pour demander « Justice for Palestine ».

    UPJB

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