Non au Guantanamo israélien (et autres textes)

  • Israël : Le chef de la Yeshivat hesder a appelé à tuer toute la population de Gaza : « Aujourd’hui c’est un bébé, aujourd’hui c’est un enfant, demain c’est un combattant »
  • Noa Shpigel : Israël – Le grand rabbin Yitzhak Yosef : « S’ils nous obligent à rejoindre l’armée, nous irons tous à l’étranger »
  • Non au Guantanamo israélien
  • Journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine
  • Les responsables religieux chrétiens de France pour le cessez-le-feu et la libération des otages à Gaza.
  • Eyal Lurie-Pardes : Le journalisme en panne, la hasbara en plein essor : comment la télévision israélienne s’est jointe à l’effort de guerre à Gaza
  • Udi Aloni : Funk, vous vous êtes trompée. C’est vous qui aidez les antisémites, pas Yuval Avraham
  • Liens vers d’autres textes

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Israël : Le chef de la Yeshivat hesder a appelé à tuer
toute la population de Gaza :
« Aujourd’hui c’est un bébé, aujourd’hui c’est un enfant,
demain c’est un combattant »

Le rabbin Eliyahu Mali, chef de la Yeshivat hesder [1] à Jaffa, a déclaré jeudi lors d’une conférence de la yeshiva que toute la population de la bande de Gaza devrait être tuée. « Le message est très clair : vous ne les tuerez pas, ils vous tueront », a déclaré Mali lors de la conférence tenue à Yavneh. « Les terroristes d’aujourd’hui sont les enfants de l’opération précédente que vous avez maintenus en vie, et les femmes sont en fait celles qui créent les terroristes ». On a demandé à Mali si les personnes âgées devaient également être tuées à la guerre et il a répondu : « Il n’y a pas d’innocents, même un vieil homme est capable de prendre un fusil et de tirer. »

Mali a déclaré qu’il n’y avait aucune différence entre « l’homme de 18, 16, 20, 30 ans qui vous brandit une arme » et les enfants de Gaza, car selon lui, ils constituent la future génération de terroristes. « Aujourd’hui, c’est un bébé, aujourd’hui c’est un enfant, demain c’est un combattant. Les terroristes âgés de 18 ans d’aujourd’hui étaient des enfants de huit ans il y a dix ans, lors de l’opération précédente », a-t-il ajouté.

ראש ישיבת הסדר קרא להרוג את כל אוכלוסיית עזה : « היום הוא תינוק, היום הוא ילד, מחר הוא לוחם »
הרב אליהו מאלי, ראש ישיבת הסדר ביפו, אמר בכנס ישיבות ביום חמישי כי צריך להרוג את כל האוכלוסייה ברצועת עזה. « הסברה בזה מאוד ברורה, לא תהרוג אותם הם יהרגו אותך », אמר מאלי בכנס שהתקיים ביבנה, « המחבלים של היום הם הילדים של המבצע הקודם שהשארת אותם בחיים, והנשים בעצם אלה שיוצרות את המחבלים ». מאלי נשאל אם גם זקנים צריכים להיהרג במלחמה וענה : « אין בלתי מעורבים, גם אדם זקן מסוגל להרים רובה ולירות ».
מאלי אמר כי אין הבדל בין « האיש בן 18, 16, 20, 30 שמרים עליך נשק » לבין הילדים ברצועה, משום שלדבריו הם דור העתיד של המחבלים. « היום הוא תינוק, היום הוא ילד, מחר הוא לוחם. המחבלים של היום בני ה18היו ילדים בני שמונה לפני עשר שנים במבצע הקודם », הוא הוסיף.

[1] Une yechiva, ou yeshivah (en hébreu : ישיבה yéchiva) est un centre d’étude de la Torah et du Talmud dans le judaïsme. Hesder (hébreu : הסדר « arrangement » ; également Yeshivat Hesder ישיבת הסדר) est un programme de yeshiva israélienne qui combine des études talmudiques avancées avec le service militaire dans les Forces de défense israéliennes, généralement dans un cadre religieux-sioniste. Le programme permet aux hommes juifs orthodoxes de servir dans l’armée israélienne tout en continuant à étudier la Torah. Wikipédia en anglais

https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70097

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Le grand rabbin Yitzhak Yosef : « S’ils nous obligent à rejoindre l’armée, nous irons tous à l’étranger »

Dans la leçon hebdomadaire qu’il enseigne tous les samedis soirs, Yitzhak Yosef, le fils d’Ovadia Yosef, a ajouté que « chaque succès de l’armée est uniquement dû à la Torah [1] – c’est la Torah qui nous protège ». Sionisme religieux : « La conscription dans l’armée est une grande mitsva[2] »

Le grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef a menacé ce soir (samedi) que si une loi sur la conscription était adoptée, obligeant les membres de la communauté ultra-orthodoxe à s’enrôler, ils quitteraient le pays. « S’ils nous obligent à rejoindre l’armée, nous irons tous à l’étranger. Ils doivent le comprendre, tous ces laïcs qui ne le comprennent pas », a déclaré Yitzhak Yosef, le fils d’Ovadia Yosef, lors du cours hebdomadaire qu’il donne chaque soir de Shabbat.

« Ils doivent comprendre que sans la Torah, sans les Yeshivot [écoles rabbiniques – E.], il n’y aurait pas d’existence, il n’y aurait pas de succès pour l’armée », a-t-il déclaré, ajoutant que tout succès de l’armée « est uniquement grâce aux soldats, pardon [pour le lapsus – E.], grâce aux gens de la Torah. » Le grand rabbin séfarade a ajouté que « les soldats réussissent grâce au peuple de la Torah. Messieurs, tout le monde devrait le dire avec fierté : oui, nous pratiquons la Torah, c’est la Torah qui nous protège ».

Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a répondu à ces propos et a déclaré qu’ils constituaient « une honte et une insulte pour les soldats de Tsahal qui risquent leur vie pour défendre l’État ». Le rabbin Yosef est un employé de l’État, avec un salaire de l’État, il ne peut pas menacer l’État. « Le président d’Yisrael Beitenu Avigdor Liberman a déclaré que » c’est une honte que le rabbin Yitzhak Yosef et les hommes d’affaires ultra-orthodoxes continuent de nuire à la sécurité d’Israël et d’agir contrairement à la Halacha [le droit juif – E.]. » Le parti du sionisme religieux a répondu que « l’enrôlement dans l’armée est une grande mitsva [précepte à accomplir – E.] ».

Il y a environ deux semaines, la Haute Cour de justice a rendu une ordonnance conditionnelle ordonnant à l’État d’expliquer pourquoi il ne recrute pas de membres ultra-orthodoxes dans les rangs de l’armée, compte tenu de l’expiration de la loi pertinente. Lors d’une audience sur les requêtes contre la décision du gouvernement de ne pas recruter de membres des yeshivot, même si la loi sur la conscription en vertu de laquelle ils étaient exemptés du service, avait expiré, le tribunal a décidé que l’État soumettrait sa réponse d’ici le 24 mars, soit dans deux semaines.

Il y a environ un mois, le ministère de la Défense a publié deux mémorandums de loi visant à prolonger le service obligatoire pour les combattants et à prolonger le service de réserve pour tous les anciens combattants. Selon les deux mémorandums, le service obligatoire pour les soldats et les femmes soldats en service au combat sera prolongé à trois ans et le nombre de jours que les réservistes serviront chaque année sera doublé. Les mémorandums de loi diffusés ne faisaient pas référence au recrutement d’ultra-orthodoxes.

À la suite des critiques suscitées par la publication de la loi, le ministre de la Défense Yoav Galant a déclaré il y a deux semaines qu’il ne soumettrait pas à l’approbation de la Knesset et une nouvelle loi visant à recruter des membres ultra-orthodoxes sans le consentement de toutes les factions de la coalition. Gallant a déclaré que « porter conjointement le fardeau constitue un défi national » et a appelé le premier ministre à œuvrer pour parvenir à une entente entre les factions.
[1] La Torah est, selon la tradition du judaïsme, l’enseignement divin transmis par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï et retransmis au travers de ses cinq livres ainsi que l’ensemble des enseignements qui en découlent. Wikipedia (FR)
[2] Mitzvah signifie prescription. Il s’agit d’une occurrence particulière au judaïsme pour désigner soit les prescriptions ou commandements contenus dans la Torah

Noa Shpigel
Source : Haaretz, 09 mars 2024, 22 ;49 :
https://www.haaretz.co.il/news/politics/2024-03-09/ty-article/0000018e-24e1-d152-ad8e-2de9fd4b0000
Traduit de l’hébreu par ET pour ESSF
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70098

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Non au Guantanamo israélien

L’indifférence d’Israël à l’égard du sort des habitants de Gaza, au mieux, et au pire, son désir de vengeance, sont un terrain fertile pour les crimes de guerre. A la fin de la semaine, il a été publié dans Haaretz (Hagar Shizaf, 7.3) que 27 détenus de Gaza sont morts depuis le début de la guerre dans des installations militaires à la base militaire de Sdé Teyman près de Beer Sheva, à la base Anatot près de Jérusalem, ou lors d’interrogatoires dans d’autres installations en Israël.

L’armée israélienne n’a pas fourni de données sur les circonstances de leur mort, mais a noté que certains avaient été blessés au combat et que l’état de santé d’autres était complexe avant même leur arrestation.

Cependant, dans le rapport de l’UNRWA publié la semaine dernière dans le New York Times, des témoignages de détenus libérés ont été inclus, qui ont déclaré qu’ils avaient été soumis à des violences physiques et qu’ils n’avaient pas été autorisés à consulter un médecin ou à rencontrer un avocat.

Ce rapport de l’ONU rejoint les révélations de Haaretz d’il y a deux mois (18/12) sur les détenus à Sde Teiman qui étaient menottés et avaient les yeux bandés 24 heures par jour. Les personnes libérées ont témoigné qu’elles avaient été battues, et des photos choquantes ont montré clairement que le port prolongé des menottes leur ont causé des dommages physiques. Et moins d’un mois après le début de la guerre (Haaretz, 4.11), il a été révélé que deux travailleurs gazaouis sont morts en détention en Israël, même s’ils n’étaient soupçonnés d’aucune infraction. L’un d’eux était diabétique et n’a pas reçu le traitement dont il avait besoin.

Les Gazaouis détenus en Israël ne sont pas considérés comme des prisonniers de guerre au sens de la loi, puisque la bande de Gaza n’est pas un État. Leur arrestation a été effectuée en vertu de la loi sur les Combattants illégaux, qui permet que ceux qui sont soupçonnés de participer aux hostilités contre Israël d’être emprisonnés pendant 75 jours sans voir un juge. Beaucoup d’entre eux sont libérés et retournent dans la bande de Gaza après un certain temps, et il est clair pour tout le monde qu’ils ne sont pas des suspects – mais cela ne change rien au fait qu’ils sont également soumis à des conditions de détention épouvantables. Les témoignages sur ce qui arrive aux prisonniers de sécurité palestiniens à l’intérieur des prisons sont également très troublants, notamment la fourniture de nourriture inapte à la consommation humaine, les passages à tabac et une grave surpopulation.

La mort des détenus nécessite une enquête complète et approfondie, sans dissimulation ni bâclage. Mais qui va enquêter ? Bien que ce domaine relève de la responsabilité de Tsahal, le Service pénitentiaire en a également la responsabilité – [alors que] ce service est subordonné au ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. C’est donc la police militaire qui devrait enquêter sur ces décès, et les ministres du cabinet de guerre devraient faire comprendre clairement à Tsahal et au Service pénitentiaire qu’Israël n’est pas une organisation terroriste, que Sdé Teyman et les autres installations ne sont pas Guantanamo, et qu’Israël est tenu de protéger les droits des détenus palestiniens même s’ils n’ont pas le statut formel de prisonniers de guerre.

L’indifférence du public et le désir de vengeance ne doivent pas donner le feu vert à la légitimation de l’effusion de sang des détenus. Israël n’est pas autorisé à nuire à quiconque ayant cessé d’être une menace, et doit assurer des conditions raisonnables, préserver sa vie et prendre soin de sa santé. Le fait que le Hamas détienne des otages israéliens et les maltraite ne peut pas être utilisé comme excuse ou justification pour tout abus que ce soit à l’encontre des détenus palestiniens.

Éditorial d’Haaretz
Source : Haaretz, 10 mars 2024, 00 ;01 :
https://www.haaretz.co.il/opinions/editorial-articles/2024-03-10/ty-article-opinion/0000018e-2439-d7d3-abce-64b983450000
Traduction pour ESSF par E.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70102

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Journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine

Stop au génocide. Stop à la colonisation. La Coordination universitaire contre la colonisation en Palestine appelle à une journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine le 12 mars 2024. Orient XXI publie son appel.

La Coordination universitaire contre la colonisation en Palestine (CUCCP) est un réseau constitué de chercheur.es, enseignant.es chercheur.es, biatss [1], docteur.es et doctorant.es, étudiant.es engagées dans l’enseignement supérieur et la recherche pour mettre fin à la guerre génocidaire et à la colonisation en Palestine. La CUCCP s’insère dans un mouvement transnational de chercheur.es contre la guerre en Palestine (SAWP). Son positionnement est défini dans l’Appel du monde académique français pour la Palestine : arrêt immédiat de la guerre génocidaire ! [2]

Depuis le 7 octobre 2023, plus de 30 000 Palestinien.nes ont été tué.es par l’armée israélienne et plus de 80% de la population de 2,2 millions de Gazaoui.es est assiégée dans 360 km2. L’armée israélienne a tué 94 professeurs d’université, 231 enseignants et plus de 4 300 étudiants et étudiantes, en plus de détruire l’ensemble des universités gazaouies et 346 écoles. La Cour internationale de justice (CIJ) a alerté contre le risque de génocide menaçant le peuple palestinien à Gaza. La Cisjordanie est soumise à un régime de blocage plus intense que jamais. Le silence n’est pas possible et il est inacceptable.

Face à la complicité active du gouvernement français dans cette guerre génocidaire menée par Israël contre le peuple palestinien et la répression de la liberté d’expression autour de la Palestine, la CUCCPinvite le monde académique français à rejoindre l’appel européen pour une journée de solidarité universitaire avec le peuple palestinien le 12 mars 2024. Elle exige :

  • Un cessez-le feu immédiat, inconditionnel et permanent,

  • La levée permanente du blocus de Gaza,

  • La défense du droit palestinien à l’éducation.

Pour cela, nous proposons les moyens d’actions suivant :

  • Pousser nos universités à agir activement contre le régime d’apartheid israélien,

  • Établir des liens académiques avec des universités et des universitaires palestiniens,

  • Soutenir et participer au boycott universitaire visant les institutions académiques israéliennes complices de la violation des droits des Palestinien.nes,

  • Défendre la liberté d’expression et la liberté académique autour de la Palestine, ici et hors de France.

Il est possible d’agir quel que soit notre nombre, tant les moyens d’actions sont multiples : rassemblements, occupation de l’espace universitaire par un « die-in »[3], projection de films, lecture de poésie palestinienne, port d’un keffieh, lister les universités détruites, les noms des collègues et étudiants tués, parler de la Palestine dans vos cours, etc. Nous comptons sur votre créativité !

[1] Acronyme pour bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé.
[2] Voir ici

[3]NDLR. Forme de manifestation dans laquelle les participants simulent la mort.

https://orientxxi.info/magazine/journée-de-mobilisation-universitaire-européenne-pour-la-palestine,7124

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Les responsables religieux chrétiens de France
pour le cessez-le-feu et la libération des otages à Gaza.

Pasteur Christian Krieger, coprésident du CECEF, Président de la Fédération protestante de France
Mgr Éric de Moulins-Beaufort, coprésident du CECEF, Président de la Conférence des évêques de France
Le Métropolite Dimitrios, coprésident du CECEF, Président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. mars 08, 2024 10:10Eglises locales, Justice et paix

Communiqué du 8 mars 2024.
Nous, responsables religieux chrétiens de France, sommes solidaires de toutes les victimes de la guerre entre Israël et le Hamas et appelons au cessez-le-feu. Porteurs des valeurs de l’Évangile, nous souffrons de la désespérante situation que connaissent plus de deux millions de personnes vivant dans la bande de Gaza. Nous tenons à affirmer que la restriction d’accès à des ressources essentielles tels que les soins médicaux, la nourriture et l’eau est fondamentalement inhumaine.

Nous nous sentons solidaires de toutes les victimes de cette guerre, particulièrement des populations civiles, mais aussi des soldats ou des combattants qui portent et porteront les conséquences des actions qu’ils doivent mener. Nous avons exprimé notre solidarité au lendemain de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023. Nous la redisons, comme c’est notre devoir, après la tuerie de plus d’une centaine de gazaouis affamés qui a eu lieu le jeudi 29 février 2024, et oblige à voir ce qu’il y a d’inhumain dans la situation présente.

Les objectifs militaires et les intérêts politiques poursuivis par cette guerre ne peuvent négliger la priorité que revêt la sauvegarde de toute vie humaine. Nous réprouvons les actes de violence qui exacerbent la souffrance humaine et empêchent l’émergence d’une paix durable. Nous exhortons les parties prenantes de cette guerre à faire de la protection de la vie humaine et de la dignité des civils, leur plus haute priorité.

Dans cet esprit, nous demandons instamment à tous les responsables politiques et religieux, d’intensifier leur action pour mettre fin à cette violence et de prendre les mesures essentielles dans le cadre d’un processus visant à instaurer une paix durable entre Israéliens et Palestiniens.

Nous demandons notamment :
Un cessez-le-feu immédiat, pour assurer l’acheminement d’une aide humanitaire indispensable, en premier lieu les soins médicaux, la nourriture et l’eau.
La libération immédiate de tous les otages, conformément au droit international humanitaire et aux droits humains.
Des efforts internationaux pour ouvrir, par le dialogue, une nouvelle voie politique vers une paix durable, relancer le débat sur une solution viable à deux États, et entamer le travail sur la guérison des mémoires de tous les habitants de la région.

En ce temps de Carême, nous invitons les chrétiens de toutes les confessions, à continuer de porter instamment la situation du Proche-Orient dans leur prière, à ne pas s’habituer à cette situation de guerre et de violence, à être facilitateurs de dialogue et de rencontre là où les sensibilités des uns et des autres s’opposent, à prier et travailler sans relâche pour que tous puisent dans leur religion des raisons de servir la paix et dépasser les peurs et les colères.

https://jacquesfath.international/2024/03/11/les-responsables-religieux-chretiens-de-france-pour-le-cessez-le-feu-et-la-liberation-des-otages-a-gaza/

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Le journalisme en panne, la hasbara en plein essor : comment la télévision israélienne s’est jointe à l’effort de guerre à Gaza

Les changements tectoniques dans la télévision israélienne ont joué un rôle clé dans la formation du discours nationaliste et militariste du pays, le 7 octobre marquant leur apogée.

Au cours des derniers mois, les gens du monde entier ont suivi de près la brutalité de la guerre à Gaza. Des photos de Palestiniens fuyant vers le sud et cherchant des proches sous les décombres, des vidéos d’enfants à la recherche de nourriture et d’eau – ces images et bien d’autres encore circulent sur les réseaux sociaux et les réseaux d’information tous les jours depuis le 7 octobre.

Mais ces images sont pratiquement absentes des médias israéliens. La plupart des organes d’information israéliens actualisent rarement le nombre de victimes palestiniennes – qui a dépassé les 30 000 – et n’informent pas non plus leurs téléspectateurs qu’environ 70% des victimes de l’offensive israélienne sont des femmes et des enfants.

Le méta-récit présenté par les médias israéliens définit l’attaque du Hamas sur le sud d’Israël comme la genèse et le cœur de la crise géopolitique actuelle. Chaque jour, il y a un nouvel angle sur les événements du 7 octobre : de nouvelles images des raids du Hamas sur les kibboutzim, des témoignages de soldats qui ont participé aux batailles, ou des interviews avec des survivants. En outre, les journalistes israéliens couvrent les événements actuels à Gaza presque entièrement à travers le seul prisme du 7 octobre et de ses répercussions.

Il s’agit d’une décision délibérée des médias israéliens. Dans une interview accordée au New Yorker, Ilana Dayan, l’une des journalistes israéliennes les plus réputées, a expliqué : « Nous interrogeons les gens sur le 7 octobre – nous sommes bloqués sur le   octobre ». Oren Persico, rédacteur à The Seventh Eye, un magazine d’investigation indépendant axé sur la liberté d’expression en Israël, a déclaré à +972 : « Il y a un cycle dans lequel les médias s’abstiennent de confronter le public à la vérité inconfortable et, par conséquent, le public ne la demande pas ».

Ce cycle est compréhensible, dans une certaine mesure. L’attaque du 7 octobre a peut-être été la plus grande calamité de l’histoire d’Israël. Le jour le plus meurtrier pour le peuple juif depuis 1945, plus de 1 200 Israéliens ont été tués et 243 ont été pris en otage à Gaza, la plupart d’entre eux étant des civils. Pour la première fois dans l’histoire de l’État, un ennemi a temporairement conquis un territoire contrôlé par Israël. Les Israéliens juifs continuent de digérer ce traumatisme national et n’ont donc pas encore retrouvé leur sentiment de sécurité. Les organes d’information ne se contentent donc pas d’alimenter le public avec un récit particulier, mais reflètent aussi objectivement le sentiment du public.

Pourtant, au cours des cinq derniers mois, les médias israéliens ont fait bien plus que simplement renvoyer la société israélienne à elle-même. Les médias, et les journaux télévisés en particulier, ont pris des mesures actives pour se positionner comme l’incarnation du patriotisme israélien. Ils définissent ce qui est dans l’intérêt public, tracent les limites du discours politique légitime et ne présentent qu’une certaine vérité aux citoyens israéliens. Cette position sert à la fois leurs propres intérêts commerciaux et les intérêts nationaux déclarés par le gouvernement et l’armée. Ce faisant, les journaux télévisés sont constamment sur la corde raide entre la propagande et le journalisme.

Pour comprendre pourquoi les médias israéliens couvrent la guerre de Gaza de cette manière, il est essentiel de comprendre les tendances historiques des médias et leur rôle dans le glissement de l’opinion publique israélienne vers la droite. Les médias sont devenus un élément indélébile d’un cycle dans lequel les Israéliens deviennent de plus en plus nationalistes et militaristes, ce qui les rend avides de nouvelles qui célèbrent la guerre et occultent ou même omettent la couverture de ses coûts. Le public ne reçoit que ce récit de célébration, et le cycle se poursuit.

Pour analyser cette réalité, l’analyse qui suit se concentre principalement sur les informations télévisées, qui sont le média prédominant par lequel les Israéliens consomment les informations. Mais le même schéma se manifeste dans toutes les autres formes de médias, ce qui rend le cycle omniprésent.

Transformer le paysage médiatique
Jusque dans les années 2000, les informations télévisées grand public étaient considérées comme un bastion de l’élite sioniste libérale et laïque. Cette élite contrôlait les chaînes publiques financées par le gouvernement, qui avaient le monopole de la diffusion jusqu’aux années 1990, puis, plus tard, les chaînes privées Channel 12 et Channel 13.

Toutes ces chaînes s’adressaient généralement à un public centriste et grand public et, d’une manière générale, elles remettaient rarement en question l’occupation israélienne, le mouvement des colons ou les actes répréhensibles des forces de sécurité. Elles avaient beaucoup plus de mordant lorsqu’il s’agissait d’aborder d’autres questions libérales telles que la corruption du gouvernement, l’égalité des sexes et, ces dernières années, les droits des personnes LGBTQ+. Des attitudes similaires ont été observées dans la presse écrite, à l’exception notable du journal de gauche Haaretz, qui publie un journalisme plus rigoureux sur les questions palestiniennes. Il convient toutefois de noter qu’en dépit de la notoriété dont jouit Haaretz à l’étranger, son audience en Israël est relativement faible – environ 5% des lecteurs de journaux locaux.

Au cours des deux dernières décennies, la scène de l’information en Israël a subi des changements tectoniques. D’une institution largement centriste, elle s’est transformée en un champ polarisé : d’un côté, une machine ouvertement de droite, de l’autre, un centrisme apologétique, craignant d’être perçu comme trop gauchiste.

Depuis son premier mandat de premier ministre à la fin des années 1990, Benjamin Netanyahu est un fervent critique des médias grand public, qu’il qualifie de sources d’information d’extrême gauche et indignes de confiance. (Cette obsession des médias est à l’origine des accusations de corruption dont il fait l’objet et qui sont toutes liées à ses tentatives d’influencer les médias israéliens pour obtenir une couverture flatteuse). Après sa première éviction, lors des élections de 1999, M. Netanyahou a décidé qu’il était impératif de remodeler les médias israéliens pour qu’il puisse revenir au pouvoir.

Il a atteint cet objectif en créant un amplificateur indépendant pour lui-même et ses opinions, en contournant les médias traditionnels. En 2007, M. Netanyahu aurait convaincu Sheldon Adelson de créer le quotidien gratuit Israel Hayom, qui est progressivement devenu le journal le plus lu en Israël. Jusqu’à la mort d’Adelson il y a quelques années et les changements qui ont suivi au sein de sa rédaction, le journal a toujours été favorable à M. Netanyahou.

Le premier ministre s’est également attaché à remodeler l’écosystème de l’information télévisée en raison du rôle important qu’il joue dans l’influence du sentiment public. Sous le contrôle de son parti, le Likoud, le ministère des communications a encouragé des changements réglementaires qui ont permis à Channel 14 de passer du statut de « chaîne patrimoniale » (autorisée à diffuser des programmes sur le judaïsme) à celui de chaîne d’information à part entière fournissant des heures de couverture par jour, ce qui en a fait une version israélienne de Fox News. Dans un contexte de polarisation politique autour de Netanyahou et de la réforme judiciaire, la popularité de Channel 14 s’est accrue, en particulier parmi les partisans de Netanyahou, ce qui en a fait la deuxième chaîne après Channel 12 en termes d’audience.

Ces changements structurels ont coïncidé avec une modification de la composition des journalistes en Israël. La société israélienne s’étant droitisée au cours des 20 dernières années, notamment sur la question palestinienne, le nombre de journalistes sionistes religieux de droite, dont beaucoup de colons, a également augmenté.

Persico, de The Seventh Eye, a déclaré que ces changements « créent deux univers parallèles avec des présomptions fondamentales parallèles, divisés entre les biblistes et les non-biblistes ». Mais même sur les chaînes traditionnelles, poursuit-il, « des déclarations incitatives que l’on n’entendait autrefois que dans les pamphlets hebdomadaires des synagogues religieuses sionistes peuvent maintenant être entendues par des rédacteurs en chef et des journalistes de premier plan ». Par exemple, sur la chaîne 12, seuls certains correspondants et invités plaident en faveur du rétablissement des colonies à Gaza, alors que sur la chaîne 14, ils le font de manière plus explicite et plus étendue.

La propagande en marche
Après la guerre de Gaza de 2014 – au cours de laquelle 68 Israéliens et plus de 2 200 Palestiniens ont été tués – Dana Weiss, une correspondante de premier plan pour Channel 12, a déploré que l’une des leçons de la couverture de la guerre soit que les médias israéliens devraient faire davantage pour mettre en avant les voix des Palestiniens de la bande. « La tendance des Israéliens à écouter les questions difficiles est en train de s’estomper », a-t-elle averti.

Mais dans le climat nationaliste créé au lendemain du 7 octobre, la couverture de la dévastation qu’Israël fait subir à Gaza est introuvable. Certains journalistes se demandent même si les médias devraient publier des articles susceptibles de nuire au moral de la population.

Depuis le début de la guerre, les chaînes d’information télévisées ont été le fer de lance de la hasbara en Israël. La hasbara – qui signifie « expliquer » en hébreu – est utilisée pour décrire le plaidoyer pro-israélien, mais il s’agit essentiellement d’un double langage pour désigner la propagande. Des éléments de hasbara apparaissent dans chaque chaîne d’information télévisée. Par exemple, depuis le 7 octobre, le logo de chaque chaîne a été modifié pour inclure le drapeau israélien et le slogan du gouvernement « Yachad Nenatzeach » (« Ensemble, nous vaincrons »).

Dans le cadre de cette hasbara, toutes les chaînes d’information grand public présentent Israël comme la victime ultime, et les attaques du Hamas comme ayant fait preuve d’une brutalité inégalée. Ce statut de victime est exclusif : il ne laisse que peu ou pas de place à la souffrance des Palestiniens de Gaza, ni à l’ampleur de la crise humanitaire à laquelle ils sont confrontés. Les journaux télévisés grand public israéliens montrent rarement les décombres de Gaza ou l’ampleur des déplacements et des destructions qui s’y produisent. Lorsqu’elles le font, la responsabilité de ces pertes est rejetée sur le Hamas.

Toute personne qui remet en cause ce discours est prise pour cible. Par exemple, lorsque le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a explicitement condamné l’attaque du Hamas du 7 octobre, mais a déclaré qu’elle « ne s’était pas produite dans le vide » – en faisant référence à l’occupation israélienne qui dure depuis 56 ans comme contexte crucial – les médias israéliens se sont emparés de l’affaire.

Au lieu de fournir une explication honnête de sa position internationale, les journalistes israéliens ont rivalisé les uns avec les autres pour critiquer le plus durement Guterres. Almog Boker, l’un des correspondants les plus populaires de Channel 13, a affirmé que le chef de l’ONU « justifiait les atrocités du Hamas ». Le journal Ynet a titré : « Pourquoi le secrétaire général des Nations Unies António Guterres déteste-t-il autant Israël ? Même la chaîne 12 a qualifié ses déclarations de « scandaleuses ».

Les sources ? L’armée
L’interaction étroite entre les médias israéliens et l’armée crée, sans surprise, plusieurs angles mortscritiques dans la couverture de la réalité à Gaza. La présence des médias internationaux a été pratiquement inexistante pendant les premières semaines de la guerre, et la plupart des journalistes internationaux ont quitté Gaza pour leur propre sécurité. Les bombardements israéliens et les coupures intermittentes d’électricité et de communications ont entravé la capacité des journalistes palestiniens locaux à rendre compte de la situation.

Au fur et à mesure que l’invasion terrestre progressait, l’armée israélienne a autorisé certains journalistes – israéliens et internationaux – à entrer dans Gaza, mais uniquement s’ils étaient accompagnés par des militaires. Ces visites sont généralement dirigées par l’unité du porte-parole des FDI, ce qui signifie que les journalistes ne sont pas en mesure d’interviewer directement les Palestiniens ou d’accéder de manière indépendante à des sites en ruine. Ils ne peuvent voir que ce qui leur est présenté.

L’influence de l’armée va bien au-delà du contrôle de l’accès à l’information. Pendant les trois premiers mois de la guerre, le chef de l’unité du porte-parole des FDI, Daniel Hagari, a tenu des conférences de presse quotidiennes qui ont été diffusées en direct sur toutes les chaînes aux heures de grande écoute. Ces conférences de presse comprenaient des mises à jour sur l’état de la guerre, mais ne contenaient que sporadiquement des instructions pour le public ou des informations véritablement dignes d’intérêt. Bien que Hagari ait été largement perçu par le public israélien comme une source d’information fiable, notamment en raison du manque de confiance du public dans le gouvernement, sa présence inutile mais constante a permis à l’armée de contrôler le récit des actualités.

En outre, les correspondants militaires, qui s’appuient largement sur l’armée israélienne comme source principale, ne cessent de faire l’éloge de l’armée. Cette tendance n’est pas nouvelle. Même avant la guerre, les correspondants militaires publiaient souvent les déclarations des FDI mot pour mot, sans mentionner que l’armée était la seule source d’information. Ils amplifient également avec acharnement les prétendus succès remportés par les forces israéliennes à Gaza et plaident pour la poursuite de l’opération.

Il en va de même pour de nombreux autres journalistes et pour l’ensemble des médias. Cette situation est en partie due au fait que leur formation journalistique est dispensée par l’armée israélienne elle-même. La formation standard de nombreux journalistes en Israël se fait à Galatz, la radio de l’armée israélienne, et non dans les universités ou les journaux locaux. En effet, Galatz sélectionne des dizaines de soldats israéliens nouvellement appelés pour travailler à la station dans le cadre de leur service obligatoire. Ces soldats reçoivent une formation et une expérience inégalées et très appréciées, ce qui les rend particulièrement intéressants pour un recrutement professionnel ultérieur à la fin de leur service.

Persico a souligné l’importance de ce contexte, affirmant que « des générations de journalistes israéliens ont été élevées [professionnellement] sous cette supervision militaire, qui les a formés à penser qu’il y a des choses qu’ils ne peuvent pas publier ». En conséquence, cette éducation a, au fil du temps, ébranlé la conception fondamentale de l’indépendance journalistique en Israël.

Véhiculer des récits mensongers, déshumaniser les Palestiniens
En plus d’omettre des informations cruciales sur la vie des Palestiniens, les médias israéliens jouent également un rôle actif dans la création de fausses perceptions de la guerre et de l’opinion publique palestinienne.

Une différence majeure entre la couverture internationale et israélienne de la guerre, par exemple, est la question de la légitimité du Hamas parmi les Palestiniens, qui est devenue une fixation récurrente des grands médias en Israël. Les habitants de Gaza critiquent certainement le Hamas pour ne pas avoir garanti la sécurité ou fourni une aide humanitaire pendant la guerre. Mais les médias israéliens dépeignent le Hamas comme étant sur le point de perdre toute sa légitimité auprès des Palestiniens.

Sur Channel 12, Ohad Hemo et Ehud Yaari, les principaux correspondants des affaires arabes et palestiniennes en Israël, ont rapporté que les tensions entre les civils gazaouis et le Hamas s’intensifient. Selon eux, les habitants de Gaza ont déclaré qu’au lieu de « bonjour », la phrase la plus courante dans la rue entre les gens est « que Dieu se venge du Hamas ».

Il y a quelques semaines, les chaînes de télévision israéliennes ont diffusé un clip montrant des milliers de Palestiniens fuyant Khan Younis par un couloir humanitaire en scandant : « Le peuple veut faire tomber le Hamas ». Aucune d’entre elles n’a mentionné, comme l’a révélé +972, qu’ils ont été forcés par les soldats israéliens à le faire pour pouvoir passer. Même si les médias n’étaient pas au courant, tout journaliste digne de ce nom aurait dû s’interroger sur la signification de ces chants en tant qu’indicateur de la légitimité du Hamas, d’autant plus que les vidéos ont été prises par des soldats et que les Palestiniens étaient à la merci de l’armée israélienne.

Le récit de l’effondrement supposé imminent du Hamas a été renforcé par d’autres images, telles que des vidéos de Palestiniens dans le nord de Gaza rendant leurs armes à Israël. Dans un premier temps, les chaînes d’information ont rapidement amplifié l’information selon laquelle « des centaines de militants du Hamas se rendaient dans le nord de la bande de Gaza ». Quelques jours plus tard, cependant, les responsables de la sécurité nationale ont estimé que sur ces centaines, seuls 10 à 15% étaient effectivement des militants du Hamas. Les autres étaient des civils ordinaires qui n’avaient pas fui vers le sud, comme l’armée le leur avait ordonné.

Un autre exemple est l’idée que l’armée israélienne se rapproche de Yahya Sinwar, le chef de la branche du Hamas à Gaza et l’un des cerveaux de l’attaque du 7 octobre. Ce type d’articles est diffusédepuis des mois. En décembre, dans une vidéo qui a suscité de nombreuses moqueries, Adva Dadon, journaliste à Channel 12, a diffusé un reportage intitulé « Dans la maison de Sinwar », relatant un raid israélien sur ce qui était censé être l’une des maisons de Sinwar. Elle a même sorti une paire de chaussures des décombres en affirmant qu’elle appartenait à Sinwar – une affirmation qui a été rapidement démentie.

Plus inquiétant encore, les journaux télévisés israéliens jouent un rôle actif dans la déshumanisation des Palestiniens. La chaîne 14 a toujours défendu des points de vue abominables – tels que l’appel à l’anéantissement de Gaza et la description de tous les habitants de Gaza comme des terroristes et des cibles légitimes – qui sont repris par des présentateurs et des correspondants de premier plan. En raison de ces déclarations récurrentes, Channel 14 a même été citée à plusieurs reprises dans la plainte déposée par l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice, qui accuse Israël de commettre un génocide à Gaza. Ces types de déclarations ne sont pas l’exception, et sont en fait apparus dans les journaux télévisés grand public également.

En outre, les médias grand public refusent d’indiquer le nombre de victimes palestiniennes, affirmant que les chiffres du ministère de la santé « dirigé par le Hamas » ne sont pas fiables, alors qu’ils sont historiquement exacts et que l’armée israélienne elle-même s’appuie sur ces chiffres. Channel 14 a utilisé les chiffres publiés par le ministère de la santé, mais a défini les milliers de Palestiniens tués comme des « terroristes ».

Points de vue du gouvernement
Dans une certaine mesure, les courants sous-jacents que nous observons dans la couverture médiatique israélienne de la guerre apparaissent également sur les réseaux sociaux – une méthode centrale de consommation de l’information, en particulier au sein de la population jeune. Sur les réseaux sociaux, les algorithmes sont conçus pour créer une chambre d’écho avec un univers parallèle, et leur nature personnalisée exacerbe l’isolement des Israéliens les uns par rapport aux autres et par rapport au reste du monde. Par exemple, même lorsque les Israéliens sur les réseaux sociaux sont exposés à une couverture non israélienne de la guerre, ce sera probablement par l’intermédiaire d’agents médiateurs pro-israéliens expliquant qu’il s’agit simplement de propagande ennemie.

Les grands médias israéliens créent une autre chambre d’écho pour les Israéliens, qui amplifie les discours du gouvernement et ne ressemble guère au paysage de l’information dans le reste du monde. Contrairement aux informations israéliennes, les médias internationaux se concentrent actuellement beaucoup plus sur l’ampleur de la dévastation à Gaza et sur son lien avec l’oppression à long terme des Palestiniens. Dans le même temps, le monde entier doute que les objectifs de guerre d’Israël soient réalisables, mais ces doutes ne sont guère exprimés en Israël.

Ainsi, si les chaînes de télévision israéliennes n’ont pas été obligées de promouvoir la ligne de pensée du gouvernement, elles ont certainement servi leurs propres intérêts en maintenant des taux d’audience élevés. Cette stratégie a fonctionné : un sondage de l’Université hébraïque a révélé que depuis le début de la guerre, la consommation d’informations dans les médias grand public a plus que doublé et que l’exposition à toutes les grandes chaînes d’information a augmenté. Au sein de la population juive, la popularité de Channel 12 est montée en flèche, en particulier parmi les téléspectateurs affiliés au bloc anti-Netanyahou.

Ces changements ne sont pas une déviation de la norme. Ils sont l’aboutissement de transformations historiques qui ont fondamentalement changé les médias israéliens et les informations télévisées, combinées à la décision ad hoc des médias d’afficher et de prouver leur patriotisme. Malheureusement, si la couverture de la guerre de Gaza est une indication, ces tendances sont susceptibles de se poursuivre, aggravant le cycle sans cesse propulsé qui pousse les médias et le public israéliens à être plus à droite, plus conformistes, plus militaristes et plus nationalistes.

Eyal Lurie-Pardes
Eyal Lurie-Pardes est chercheur invité dans le cadre du programme sur la Palestine et les affaires israélo-palestiniennes de l’Institut du Moyen-Orient, après avoir reçu la bourse post-graduée LLM de la Carey Law School de l’université de Pennsylvanie. Avant de rejoindre l’IME, Eyal a travaillé avec l’Association pour les droits civils en Israël, l’Institut Zulat pour l’égalité et les droits de l’homme, et en tant que conseiller parlementaire à la Knesset.
Source : +972
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/03/07/le-journalisme-en-panne-la-hasbara-en-plein-essor-comment-la-television-israelienne-sest-jointe-a-leffort-de-guerre-a-gaza/ 

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Funk, vous vous êtes trompée. C’est vous qui aidez les antisémites, pas Yuval Avraham

Beaucoup d’articles ont été publiés à la suite du prix décerné au documentaire « No other land », avec Yuval Avraham et Basil Adra. Rien que dans Haaretz, ils doivent dépasser la vingtaine et leur teneur est souvent polémique.

Udi Aloni réagit ici à un article d’une certaine Mirna Funk [1], publié dans Haaretz du 5 mars 2024, dont voici un extrait : « Yuval Avraham, le grand humaniste, a offensé huit millions de Juifs [2] qui sont quotidiennement confrontés à l’antisémitisme, dont il nie l’existence et prétend qu’il n’existe pas. Assis dans un café de Tel Aviv, il explique calmement sa vision du monde dichotomique : « Un bon Palestinien – un mauvais juif. » »

Mirna Funk, une créatrice juive berlinoise est assise dans un café berlinois et étale calmement sa vision du monde dans le journal « Haaretz ». Funk, dont le gagne-pain est le sentiment de culpabilité allemand, écrit sans sourciller sur le journaliste activiste et cinéaste multi-primé Yuval Avraham, en affirmant que celui-ci est assis dans un café de Tel Aviv et étale calmement sa vision du monde qui encourage l’antisémitisme dans le monde.

Comment réagir à un texte aussi absurde, et pourquoi donc est-il nécessaire de réagir, alors que des enfants meurent de faim à Gaza en ce moment même ? Alors que le nombre de morts approche les 40 000 et que le nombre de blessés est le double et que le nombre de affamés et de sans-abri atteint un million, et qu’elle est assise dans sa maison spacieuse et nie l’horrible saccage de la Nakba à Gaza ?

J’ai eu l’honneur de faire la connaissance de Yuval Avraham à Berlin et, grâce à sa présence étonnante, il m’a redonné foi dans la possibilité d’être juif israélien et de rester humain. Et voici qu’il trouve une écrivaine qui est probablement jalouse de son succès, assise près des marmites de viande [3] du sentiment de culpabilité allemand, et calomnie un homme dont la vie est menacée et dont la famille doit se cacher de la violence fasciste israélienne, que la télévision israélienne a légitimé sa mise à mort et le décrit en tant qu’un coureur avide de prix. Peut-être que l’auteure nous répondra, à quand remonte la dernière fois en Europe qu’une personne a été expulsée de son domicile simplement parce qu’elle était juive, en attribuant sa maison à un chrétien ? Car c’est la pratique juive-israélienne au quotidien. Et c’est contre cette pratique que Yuval Avraham s’est battu, notamment parce que des membres de sa famille ont péri dans l’Holocauste et qu’il a gravé sur son drapeau « plus jamais ça – [et] à personne ». Un homme qui a vu des amis proches battus, expulsés et même assassinés par sbires de l’armée œuvrant au service du judéo-fascisme des colons.

Mais Funk a décidé de continuer à entretenir la culpabilité allemande même si cela se fait au détriment de milliers d’enfants mort.es et affamé.es, alors qu’elle fera un capital symbolique avec le nouvel Allemand antisémite, au prix de la diffamation de ceux qui sauvent l’éthique juive et se battent contre tout racisme, y compris l’antisémitisme.

Je suis le dernier à nier l’antisémitisme en Occident. Celui-ci compte actuellement un nombre d’occurrences, dont la principale est celle des antisémites « supporteurs » d’Israël, c’est-à-dire la droite européenne, de Marine Le Pen en France à Orbán en Hongrie, en passant par l’extrême droite allemande (AfD) et Giorgia Meloni, continuatrice de Mussolini en Italie, et bien sûr des chrétiens évangéliques américains. Voilà les antisémites qu’elle ne prendra pas la peine de persécuter.

Le deuxième antisémitisme, relativement nouveau, est celui de ceux qui, par haine d’Israël et de ses crimes de guerre, sont tombés dans le piège de l’homme blanc européen. Ceux qui, consciemment ou inconsciemment, encouragent cette haine sont le gouvernement et les médias allemands, qui empêchent toute critique d’Israël et insistent sur la présentation d’Israël et du peuple juif comme une seule unité, et qui par la force privent les Palestinien.es du commandement le plus important pour les juifs : « Souviens-toi ». Cet antisémitisme occulté est encouragé par des juifs comme Funk. Antisémitisme de gens qui, au nom du sentiment de culpabilité qu’ils éprouvent à cause de leur grand-père nazi, se permettent de faire taire toute voix juive progressiste, des voix qui perpétuent le judaïsme allemand qui a été physiquement détruit il y a 80 ans, et qui ne gardent exclusivement le juif violent comme étant authentique. Après tout, aujourd’hui, ils supprimeraient Walter Benjamin, Hannah Arendt, Rosa Luxemburg, Rosenzweig et même Einstein et Martin Buber. Les Allemands ne veulent pas du juif comme sujet hétérogène indépendant, mais comme un objet unidimensionnel, hors de l’histoire, dont la fonction principale est la purification de la conscience morale allemande. Comme l’a écrit Naomi Klein : Il semble que bientôt les Allemands n’auront plus aucun intellectuel juif/juive à abolir. Les paroles de Funk contribuent à ce crime antisémite consistant à faire taire le juif moral.

Yuval Avraham, qui aime l’humain en arabe et en hébreu, se bat pour la justice pour tous et suit le chemin du prophète Michée et Franz Rosenzweig : « pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu [4] ». La générosité radicale que Yuval Avraham a accordé au Festival de Berlin a fait que les juges tout comme le public sont tombés amoureux de lui et de Basel, deux jeunes hommes, un Palestinien et un juif qui disent assez de haine, qui disent que seule une action commune de « co-résistance » sauvera tous les enfants de notre pays endolori, et qu’elle seule réduira l’islamophobie et l’antisémitisme que Mirna Funk et ses acolytes allemand.es cultivent, tandis que leur silence gronde face aux crimes de guerre d’Israël et à la réduction au silence de la voix morale juive.

[1] Ecrivaine et journaliste juive vivant à Berlin. Son article a pour titre « Yuval Avraham a reçu une récompense et les Juifs de Berlin ont dû s’occuper de la pagaille ».
[2] Les « 8 millions de juifs » sont, d’après son compte, les juives et juifs vivant hors d’Israël.
[3] Expression signifiant vivre dans l’opulence, ne manquer de rien, même au prix de demeurer dans un pays étranger (« Et les enfants d’Israël leur dirent : « Que ne sommes-nous morts de la main du Seigneur, dans le pays d’Égypte, assis près des marmites de viande et nous rassasiant de pain, tandis que vous nous avez amenés dans ce désert, pour faire mourir de faim tout ce peuple ! » – (L’Exode 16 ;3.)
[4] « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien ; ce que l’Éternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu » – (Michée 6 ;8)

Udi Aloni
L’auteur est un metteur en scène et vit à Berlin
Source : Haaretz. 13h07, 07 mars 2024 :
https://www.haaretz.co.il/opinions/2024-03-07/ty-article-opinion/.premium/0000018e-1878-d7d3-abce-78f905850000
Traduit de l’hébreu et annoté par E. pour ESSF
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70105

*-*

Sylvaine Bulle : Israël-Gaza : contre le campisme
https://aoc.media/opinion/2024/03/10/israel-gaza-contre-le-campisme/
Les survivant·es du massacre d’un convoi humanitaire à Gaza décrivent les tirs israéliens « aveugles ».
Mahmoud Mushtaha : Des témoins palestinien·nes affirment que les troupes ont tiré directement sur une foule affamée qui tentait d’obtenir de la farine pour leurs familles, tuant et blessant de nombreuses personnes dans la pagaille.
https://www.972mag.com/gaza-aid-convoy-massacre-testimonies/
Noa Galili : Étranglé par Israël depuis des décennies, l’avenir de Gaza doit commencer par la libre circulation
Israël continue de se soustraire à ses responsabilités à l’égard de Gaza, malgré les bouclages, les permis et les agressions dont elle fait l’objet. Revenir à ces politiques n’est pas une option.
https://www.972mag.com/gaza-movement-permits-separation/
Imad Abu Hawash : Une nouvelle vague d’avant-postes de colons terrorise les Palestinien·nes et les prive de leurs terres
Les Palestinien·nes de Cisjordanie décrivent comment les colons israéliens, avec l’appui de l’armée, intensifient leur prise de contrôle des terres pour y construire des bâtiments illégaux.
https://www.972mag.com/settler-outposts-west-bank-palestinian-land/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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