Communiqué du mouvement GOLEM, le 5 avril 2024

« Sionistes hors de nos facs ». C’est cette banderole géante qui accueillait les étudiants de l’Université Sorbonne Nouvelle le 4 avril. Le rassemblement était organisé par le Comité Palestine de Paris 3 pour empêcher la tenue d’une conférence de l’UEJF. « Sionistes hors de nos facs » est désormais une revendication bien connue des étudiants, qu’elle soit écrite en lettre capitale sur une banderole, scandée par des manifestants, taguée dans les toilettes de l’université ou murmurée par des camarades de promotion. Les sionistes ne sont plus les bienvenues à l’université.

Remarquons déjà que « sionistes » ne désignent pas une idéologie ou des organisations politiques qu’il faudrait combattre mais bien des individus se considérant ou étant considéré comme « sioniste ». Ce sont les étudiants « sionistes » qui sont visés. Mais qui sont donc ces étudiant·es « sionistes » qu’il faudrait dégager des facs ?

C’est là que le bât blesse car « sionistes » est un mot fourre-tout, polysémique qui n’a pas la même définition pour les uns et pour les autres.

Si on revient à sa définition originale, « sioniste » désigne les partisans du droit à l’autodétermination du peuple juif à travers l’établissement d’un foyer national juif. Avec la création de l’État d’Israël, l’existence de ce foyer national juif est devenue une réalité matérielle. On peut donc considérer qu’actuellement, « sionistes » désignent les personnes qui soutiennent l’existence de l’État d’Israël et… Et rien de plus ! « Sioniste » ne veut rien dire de plus et se considérer sioniste ne donne aucune indication sur les opinions politiques d’un individu, sur la forme d’organisation politique qu’il voudrait donner à cet État, sur ses frontières, sur les relations avec le peuple palestinien, sur la politique de colonisation, sur le conflit israélo-palestinien. « Sioniste » ne veut rien dire de plus qu’être pour l’existence de l’État d’Israël.

Il existe donc des sionistes qui sont résolument contre la politique coloniale de l’État d’Israël, contre l’oppression du peuple palestinien, contre les massacres à Gaza, contre le gouvernement Netanyahou. Il existe des sionistes qui militent pour un cessez-le-feu immédiat, pour la création d’un État Palestinien, pour une solution à un État bi-national, pour le démantèlement des colonies, pour que la justice condamne lourdement les responsables des massacres à Gaza.

Pour des raisons liées à l’histoire de l’antisémitisme en Europe et dans les pays arabes, les étudiants juifs sont attachés émotionnellement à l’État d’Israël où ils ont parfois une partie de leur famille et dans lequel ils voient un refuge possible en cas de danger antisémite. Danger qui malheureusement est loin d’avoir disparu. Rappelons que depuis l’assassinat de Sébastien Selam en 2003, au moins 13 personnes ont été assassinées en France parce que juives. Comment les étudiants juifs, indépendamment de leurs opinions politiques, de leur position sur le conflit israélo-palestinien peuvent-ils se sentir lorsqu’ils sont accueillis sur leur lieu d’étude par une banderole géante « Sionistes hors de nos facs » ?

On pourra rétorquer qu’il s’agit d’un malentendu, d’une différence de perception, que « sioniste » ne veut plus dire droit à l’autodétermination du peuple juif ou du moins, que ceux qui appellent à « dégager les sionistes », n’appellent pas à dégager tous ceux qui défendent l’existence de l’État d’Israël. Mais dans ce cas-là, qui sont donc les « sionistes » qu’il faudrait dégager ?

Ce jeudi 4 avril, les étudiants rassemblés derrière la banderole hurlaient « Sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes ». On pourrait logiquement croire que derrière « sioniste », devenu pour eux synonyme de fasciste, ils désignent les soutiens du gouvernement fasciste de Netanyahou et de sa politique, les soutiens des massacres à Gaza, les soutiens de la colonisation. S’agirait-il d’une incompréhension ? Est-ce que finalement ce sont bien les fascistes qui sont visés et non les « sionistes » au sens où pourrait l’entendre un étudiant juif ?

Nous sommes allés leur demander, pour tenter de dissiper ce malentendu. Malheureusement nul malentendu et les réponses sont quasiment unanimes. « Sionistes » désignent les personnes qui soutiennent l’existence même de l’État d’Israël. Nous avons bien la même définition. Il n’en existe d’ailleurs pas d’autre. « Sionistes hors de nos facs » est donc bien un appel à dégager toute personne attachée à l’existence de l’État d’Israël, toute personne défendant le droit à l’autodétermination du peuple juif. Nulle question de colonisation des territoires occupés, des massacres à Gaza, d’Apartheid, de fascisme, c’est l’existence même de l’État d’Israël qui pose problème.

Allons plus loin, il a suffi qu’un camarade serre la main au président de l’UEJF, pour être qualifié de « sioniste » par des personnes qui ne l’avaient jamais vu, ne lui avaient jamais parlé, ne connaissaient en rien de ses positions sur l’existence de l’État d’Israël. Le sionisme serait donc une maladie contagieuse et transmissible par contact physique ? On ne parle pas avec un sioniste, on pourrait tomber malade. Dans son université des militants qui continuaient de lui parler se sont vus adressés les mêmes reproches : « Pourquoi parlez-vous avec des sionistes ? ».

Sartre expliquait dans Réflexion sur la question juive « Le Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif » [1]. Aujourd’hui, on peut faire le même constat à l’université : l’étudiant sioniste est celui que les autres étudiants tiennent pour sioniste et qui le traitent en conséquence, c’est à dire en l’insultant, en l’ostracisant et en essayant de le « dégager ». Les familles juives se sont déjà massivement détournées de l’école public en raison de l’antisémitisme, voulons-nous que les étudiants juifs quittent à leur tour l’université ?

Mais si parmi ces étudiants qui brandissaient fièrement leur banderole « Sionistes hors de nos facs », il y avait des antisémites convaincus, comme cet étudiant qui expliquait maladroitement dans son mégaphone que « les Juifs étaient des suprémacistes blancs », il en existe heureusement d’autres qui ne comprennent pas la signification de leur banderole. Il y en a qui peuvent dans la même phrase appeler à dégager les « sionistes » et faire l’éloge de la LFI qui défend pourtant dans son programme politique une position sioniste avec la solution à deux États.

Aux organisations étudiantes et syndicales, aux militants antiracistes et antifascistes à nos camarades de lutte, nous demandons encore une fois d’être solidaires avec les étudiants victimes d’antisémitisme, d’essayer de comprendre leur douleur actuelle et de ne plus utiliser « sioniste » comme une insulte. Nous leur demandons d’essayer d’intégrer les Juifs et même, soyons fous, d’intégrer les sionistes antifascistes et antiracistes aux mobilisations de soutien au peuple palestinien, contre la colonisation, contre les massacres à Gaza et pour une paix juste et durable entre peuples israéliens et palestiniens dans le respect de leur droit à l’autodétermination.

[1] Jean-Paul Sartre, Réflexion sur la question juive, Paris, Gallimard, 1954, réed. Folio, 1985, p.75.

Télécharger au format PdF le communiqué : CP Golem sionisme hors de nos facs

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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