Mythe de l’aide technique neutre et apolitique

 « Les OMD (Objectifs du millénaire) cherchent à agir sur les conséquences du mal développement (pauvreté, mortalité infantile, faim…) et non sur les causes de ce phénomène, et n’établissent ainsi pas les transformations nécessaires.» Ils sont par ailleurs peu ambitieux, minimalistes et fatalistes.

Les auteur-e-s analysent les réalités de l’aide au développement, leur postulat basé sur le mythe de la croissance, leur logique sécuritaire, leurs implications économiques et sociales, ici et là-bas. Ils et elles insistent sur les impacts désastreux dans les processus démocratiques locaux. Au déni de la complexité multidimensionnelle des phénomènes sociaux, elles et ils opposent les droits des populations.

Un petit livre utile pour décrypter des mythes et des réalités qui condamnent à la pauvreté des populations entières tout en favorisant la mondialisation libérale.

A lire aussi : L’aide européenne (Alternative Sud, Syllepse 2008)

 CETIM: Efficace, neutre, désintéressée ?

Points de vue critiques du Nord sur la coopération européenne

PubliCetim n°33, Genève 2009, 184 pages, 6 euros

 Didier Epsztajn

Regards sur les pratiques militantes

Le dossier sur « l’engagement en question » est introduit par un article de Lilian Mathieu et Sylvain Pattieu qui indiquent l’intérêt à croiser les regards sociologiques et militants sur les pratiques collectives et individuelles des engagements. «Il est toujours difficile pour des militants d’accepter de voir leurs pratiques ou leurs trajectoires objectivées, tandis que les chercheurs ont souvent du mal à accepter de voir leurs résultats discutés par un auditoire militant. Il en résulte parfois une double incompréhension : les militants connaissent peu les travaux de science politique, de sociologie ou d’histoire qui concernent les mécanismes et les ressorts de l’engagement, alors qu’ils pourraient permettre une réflexivité sur leurs propres pratiques, et les chercheurs peuvent se voir suspectés, par méconnaissance du monde militant, de le caricaturer en le réduisant à un système de coûts et de rétributions matérielles et symboliques. ».

Les onze articles de ce dossier traitent de nombreux sujets qu’il serait vain de tenter de résumer dans cette petite note. Parmi eux, je voudrais signaler particulièrement deux articles.

Le premier de Florence Johsua « S’engager, se désengager, se réengager : les trajectoires militantes à la LCR » tente d’appréhender une des dimensions de la pratique militante de la LCR, à savoir le lien étroit aux mouvements sociaux. Cette lecture déjà explicitée dans d’autres textes, me semble particulièrement intéressante et novatrice car elle ne réduit pas l’engagement politique aux pratiques partisanes et elle éclaire les allers et retours, entre différentes pratiques (quelques fois différentes temporalités) et leurs enrichissements mutuels.

Un second article, signée de Maud Gelly, me semble particulièrement illustratif des nouvelles problématiques militantes, trop peu abordées. A partir d’un atelier des «Alternatives féministes » organisé par le Collectif National des Droits des Femmes en 2005, est abordée la transmission générationnelle, ici du féminisme. Et comment renoncer à illustrer les propos par la belle conclusion de cet article « Symbolisant bien nos problèmes de transmission, la petite fille figurée par un dessin d’enfant sur le tract Alternatives féministes n’avait ni bouche ni bras. Cet atelier nous a permis d’essayer de lui dessiner deux bras, un pour tendre le poing et l’autre pour passer le témoin ou le prendre, et une bouche, pour crier les slogans et pour chuchoter, à l’oreille de notre jeune voisin-e de réunion, la signification de MLAC, CADAC, MFPF, etc.…. »

Ce riche dossier, qui je l’espère donnera lieu à d’autres explorations, est complété, entre autres, par un texte inédit d’Adorno sur les classes sociales, une confrontation des positions d’Arendt avec Marx sur la production (P. Sereni) et un article sur l’égalité citoyenne chez Marx, Balibar et Lefort (A. Artous).

 Contretemps  n°19, L’engagement en questions

Textuel, 187 pages, 19 euros

F. Johsua « Les conditions de (re)production de la LCR, l’approche par les trajectoires militantes » dans Partis politiques et système partisan en France dirigé par Florence Haegel, Presse de Science Po, collection Références, 2007 et «  La dynamique militante à l’extrême gauche : Le cas de la LCR » Cahiers du CEVIPOF

 Didier EPSZTAJN

Du coté des revues n°4

Le dernier numéro de cette revue consacrée aux dissidences politiques, sociales et culturelles aborde des domaines habituellement peu ou mal traités dans le cadre d’ouvrage plus globaux sur mai 68. Neuf textes et des riches bibliographies pour évoquer le cinéma et Cannes, les inscriptions murales, les Cahiers pédagogiques, le courant Paysan Travailleur, la science, Socialisme ou Barbarie, l’Ecole Emancipée, les Révoltes logiques et la science fiction.

Les angles d’attaque sont assez hétérodoxes, ce qui est à mettre à l’actif de cette revue. Le traitement des sujets me semble cependant trop universitaire, il y manque un certain souffle, une certaine fragilité émancipatrice.

Par ailleurs, l’utilisation de la notion de révolution appliquée à mai 68 comme celles de marxistes sans indication de définition ou de sens, me laisse perplexe.

J’ai particulièrement apprécié les textes de Renaud Debailly sur « L’ouverture des possibles dans la science, du mandarinat aux usages de la science », de Jean-Pierre Debourdeau « La crise de l’Ecole Emancipée (1964 – 1969) » et de Jean Guillaume Lanuque « Mai 68 et la science fiction française : naissance d’une littérature révolutionnaire ? ».

Dissidences : Mai 68, Monde de la culture et acteurs sociaux dans la contestation

Numéro 4, Le Bord de l’eau éditions, Nancy avril 2008, 160 pages, 18 euros

NQF

Le dossier est consacré à un sujet socialement en silence : l’intersexualité. Après l’éditorial « Démédicaliser les corps, politiser les identités : convergences des luttes féministes et intersexes. », des témoignages et des analyses essentiellement écrits par des personnes intersexes.

Si la construction sociale des genres est aujourd’hui discutée, grâce au mouvement féministe, il n’en est pas de même généralement du sexe dit biologique. Pourtant comme le rappelle la citation de Ilana Lowy « Si le sexe social est construit sur le mode binaire, le sexe biologique se présente comme un continuum, avec, aux deux extrêmes, ‘’les sexes biologiques’’ clairement définis et, au milieu, une large gamme de situations intermédiaires des individus intersexe ».

Au-delà de la nécessaire dénonciation des pratiques médicales, chirurgicales et hormonales, imposées aux enfants, en dehors de toute discussion et consentement, au delà de la négation même des différences sexuelles et de l’intersexualité, il s’agit ici de souffrances physiques et psychiques, de négation des plaisirs autre que génitaux-hétéro-reproducteur, de renormalisations autour de mutilation des êtres, de pouvoir médical et de luttes pour la pleine maîtrise pour chacun-e de son propre corps.

Par ce que la « nature de choses » doit être sans cesse questionnée et déconstruite, cet ouvrage devrait être lu par toutes et tous.

Nouvelles questions féministes : A qui appartiennent nos corps ? Féminisme et luttes intersexes

Vol 27 N°1/2008, Antipodes, Lausanne, 168 pages, 19 euros

Je signale l’excellent numéro de la revue de la tendance révolutionnaire de la FSU consacré à Mai 68. A diffuser.

L’Ecole émancipée, Numéro spécial Mai 68, ce n’est toujours qu’un début

Paris, 28 pages, 3 euros

Solidaires international

Le dossier est consacré à la Chine, avec entre autres des textes sur les droits de l’homme, l’exode rural et la situation des travailleurs migrants, les syndicats et associations et les luttes ouvrières.

Solidaires international (publié par l’Union Syndicale Solidaires)

N°3 avril 2008, Paris, 80 pages, 3 euros

 Didier Epsztajn

Abîme entre réalité et représentation

Une précision tout d’abord, j’ai gardé les termes et la graphie, dont les majuscules, utilisés par l’auteur, quel qu’en soit mes appréciations.

  • « Les sources palestiniennes montrent clairement que, plusieurs mois avant l’entrée des troupes arabes en Palestine et à une époque où les Britanniques étaient encore responsables du maintien de l’ordre dans le pays – donc avant le 15 mai – les forces juives avaient déjà réussi à expulser par la violence près de 250 000 palestiniens. »

  • La création de l’Etat d’Israël est indélébilement lié à la destruction de la Palestine rurale et urbaine « inévitable produit de la volonté idéologique du sionisme d’avoir une population exclusivement juive en Palestine et une réaction à la situation sur le terrain après la décision du cabinet britannique de mettre fin au Mandat.»

  • « Une fois la décision prise, il a fallu six mois pour l’appliquer. Quand tout a été fini, près de 800 000 personnes – plus de la moitié de la population indigène de Palestine – avaient été déracinées, 531 villages détruits, 11 quartiers vidés de leurs habitants. Le plan décidé le 10 mars 1948 et surtout mis en œuvre systématique au cours des mois suivants ont été un cas clair et net de ce « nettoyage ethnique » que le droit international actuel considère comme un crime contre l’humanité. »

  • « Pour les Palestiniens, outre le traumatisme, la frustration la plus profonde a été de voir constamment depuis 1948, le comportement criminel de ces hommes si radicalement nié et la souffrance palestinienne si totalement ignorée. »

Continuer à lire … « Abîme entre réalité et représentation »

Place vide dans la vie

Une île grecque, des secrets de famille, d’amour et de naissance. Un paysage montagneux, rude, ensoleillé. Une ile et un double déracinement. La quête inlassable d’une femme pour entrevoir et retrouver l’enfant de cet amour fulgurant mais néanmoins fugace. L’espoir obsédant, les fantasmes, une approche pleine d’émotions. Une belle lecture. « Il y a une place vide dans la vie de cette petite. »

 Metin Arditi : La fille des Louganis

Actes Sud, Arles 2007, 238 pages, 19 euros

Didier Epsztajn

Innombrables histoires

 « Après sa mort, il revenait. Toujours.

Il n’était pas venu seul. Cette foi, il avait amené du renfort.

A soi seul, impossible de raconter un tel nombre d’histoires.

Ils emplissaient toute la ville.

Tout le pays.

La terre entière. »

Une bourgade helvète. 1871, 1893, 1913, 1937 comme carrefour d’improbables d’existences, comme prétexte pour une description tendre et ironique d’une famille juive.

Avec cet imposant roman, Charles Lewinsky semble renouer avec les grands romans familiaux du XIX ème siècle. Mais son style est profondément imprégné de la dissolution des mondes du siècle suivant, celui de la sécularisation et des traditions talmudiques, des mutations sociales, de l’exil, des amours contrariées ou abouties, du différent toujours institué comme autre.

Nostalgie d’un monde irrémédiablement disparu. Et puis, 1945 et le retour de l’oncle Melnitz, mort revenu d’entre les morts, personnage fantomatique croisé à de multiples moments dans ce grand livre. Melnitz, notre oncle, mémoire des histoires, des innombrables histoires ensevelies dans le fracassement du siècle.

Charles Lewinsky : Melnitz

Traduit de l’allemand

Grasset réédition en Livre de poche, Paris 2008, 776 pages, 22,90 euros

 Didier Epsztajn

Permanences impertinentes

« L’ambition n’est pas d’ajouter une variable supplémentaire, le genre, mais d’affiner la constructions de nouvelles approches et problématiques avec la conviction qu’en approfondissant l’analyse des différences de sexe sur le marché du travail, on ne contribue pas seulement à l’accumulation de savoirs sur l’activité féminine et masculine, mais aussi à la progression des connaissances sur le monde du travail. »

L’ouvrage est divisé en trois parties « Marché du travail et genre : comparaisons  internationales », « Entre vie professionnelle et vie familiale : pratiques et politiques » et « Genre, professions et carrières ».

J’extraits de ce riche ensemble, quelques articles ou pistes qui m’ont semblé particulièrement pertinents ou novateurs, tout en soulignant que de nombreux articles, par leur démarche même de comparaison entre pays, enrichissent la compréhension des modalités changeantes des articulations entre genres, ou rapports sociaux de sexe, et travail.

Outre la poursuite de l’analyse du sexe du chômage, Margaret Maruani souligne la conjonction d’une mutation essentielle (la forte progression du travail salarié des femmes) et la permanence d’inégalités coriaces. « La féminisation du salariat n’est pas l’égalité des sexes mais la liberté des femmes. »

De la comparaison entre Paris et Sao Paulo, dans une analyse prenant en compte à la fois les rapports sociaux de sexe (le genre), le racisme (la  »race », bien évidemment non compris au sens biologique, mais comme classification sociologique) et les trajectoires, les auteures font ressortir que « les mécanismes qui construisent la ségrégation doivent être recherchés dans la trame spécifiquement tissée dans chaque métropole par les différences et les hiérarchies symboliques socialement construites.» Elles montrent qu’à Sao Paulo « la variable sexe apparaît comme une sorte de séparateur qui organise les chances d’accès des individus aux divers parcours sur le marché du travail » et que la segmentation  »raciale » « dans le parcours des individus les plus vulnérables au chômage a plus de chance de se manifester à Paris qu’à  Sao Paulo. »

Analysant les grandes entreprises en Europe et au Brésil et les politiques d’égalité des chances, Paola Cappellin conclue « L’abandon de la centralité de l’emploi, qui n’est plus le lieu  préférentiel où corriger la maturation des asymétries de traitement, conduit les entreprises à mettre l’accent, dans des programmes d’aide à la population, sur les dimensions traditionnelles de la féminité, à la fois maternelle et domestique. Autrement dit, en abandonnant la sphère du travail comme cœur de la formation des rapports asymétriques de genre, on ne fait que récupérer la dimension essentialisée de la féminité, pour développer ce que l’on pourrait appeler le maternalisme des organisations;»

L’étude sur le temps de travail des hommes et des femmes en Europe, prend logiquement en compte, mais cela ne semble pas un acquis pour tou-te-s les sociologues, à la fois les emplois rémunérés et le travail domestique et souligne le sur-travail hebdomadaire des femmes.

L’étude de Bila Sorj et Adriana Fontes « Familles mono parentales féminines, pauvreté et bien être des enfants » précise les différentes utilisations des budgets, la qualité du suivi scolaire et le travail des enfants dans différentes régions du Brésil. L’étude porte sur les familles dont le chef est une femme seule, un homme seul, une femme avec présence du conjoint et un homme avec présence de la conjointe. Il ressort très nettement que les comportements ne sont pas uniquement liés à la pauvreté mais sont aussi structurés par le genre (l’équipement du foyer, en est un exemple frappant). Les résultats des enquêtes contredisent l’assertion qui voudrait que « les enfants de familles pauvres ayant pour chef de famille une femme connaissent une plus grande vulnérabilité que les enfants relevant de configurations familiales conventionnelles. »

L’article le plus stimulant me paraît être celui de Celi Scalon, Clara Araujo et Felicia Picanço « Genre, famille et travail dans une perspective comparative » qui intègre dans la réflexion sur les médiations entre vie familiale, travail domestique et travail rémunéré, les différences entre perceptions, pratiques et niveau de satisfaction des femmes et des hommes.

La conclusion est bien évidemment que les femmes « sont les plus insatisfaites de la façon dont sont conciliés travail rémunéré et vie privée et familiale. »

Cette démarche est aussi présente dans l’étude sur « Travail domestique et organisation des temps de vie dans les ménages » et « Division sexuelle du travail professionnel et domestique ».

Les auteures (Helena Hirata et Danièle Kergoat) de ce dernier article résument ainsi les points forts des nouvelles modalités de la division sexuelle du travail :

l        « Réorganisation simultanée du travail dans le champ salarié et dans le champ domestique. Cela renvoie, en ce qui concerne ce dernier, à l’externalisation du travail domestique mais aussi à une nouvelle division du travail domestique,

l        Double mouvement : d’une part masquage, d’atténuation des tensions dans les couples bourgeois, et d’autre part d’accentuation des clivages objectifs entre femmes »

Tous les articles non cités n’en sont pas moins à étudier. Division sexuelle du travail, exploitation et oppression/domination des femmes,  »l’égalité est aussi genrée ».

Je termine cette note de lecture en reproduisant la conclusion de l’article « La pluralité des modèles de féminisation des professions supérieures en France et en Grande -Bretagne » de Nicky Le Feuvre : « Dès lors que les femmes se trouvent en position d’accéder à tous les secteurs de ces groupes professionnels, la pression pour la transformation des fondements matériels et symboliques du système sexe/genre devient forte…. C’est pour cette raison que l’avancée en mixité des anciens bastions masculins constitue bel et bien un enjeu social et politique fondamental, sans pour autant pouvoir représenter, à elle seule, une solution à envisager de manière univoque dans la lutte contre les inégalités de sexe dans les sociétés contemporaines. »

Travail et genre : Regards croisés, France Europe Amérique latine

Sous la direction de Helena Hirata, Maria Rosa Lombardi et Margaret Maruani

La Découverte, Paris 2008, 278 pages, 25 euros

 Didier Epsztajn

Contre les faussaires de l’histoire

Raflé par la police française en 1943, Jean René Chauvin, membre du Parti Ouvrier Internationaliste, principale organisation se réclamant du trotskisme en France, va connaître les enfermements, la déportation, les transferts, les marches de la mort, l’enfer des camps de concentration.

Ce livre est précieux pour « ne pas laisser sans réplique les faussaires de l’histoire », « rafraîchir la mémoire à certains staliniens honteux » et « poursuivre avec impertinence le combat contre les forces obscurantistes de la tyrannie et de la haine raciale. ».

Souvenirs relatés avec une très grande humanité, parcours ponctué de petits récits de vie, tragiques, dérisoires ou comiques, les pages s’éclairent de mises en perspective historique (guerre contre les Boers en Afrique du Sud,  guerre hispano-américaine à Cuba) et interrogent l’expérience concentrationnaire. « Peu importe la métaphore utilisée pour tenter de cerner ou d’expliquer le phénomène : univers concentrationnaire, cancer, lèpre ; chacune convient. Le phénomène est immense et multiple comme l’univers, il prolifère comme le cancer, il est inguérissable comme la lèpre. Il s’étend dans le temps, avec une nette préférence pour le 20ème siècle ; il s’étend dans l’espace. Il se pare toujours d’ignominie, et plus il se modernise et se perfectionne, plus il plonge dans une horreur abyssale ».

L’auteur n’oublie pas que les premières victimes des nazis furent les antifascistes allemands, il nous parle des déportations et des camps, là-bas dans ce qui fut appelé plus tard Goulag pour les opposants à Staline, là pour les membres des organisations ouvrières en Allemagne (qu’ils fussent chrétiens, socio-démocrates, communistes), ici pour les réfugiés républicains espagnols en France après la victoire de Franco.

Il n’oublie pas, à l’ombre des grandes barbaries, les assassinats des militants du POUM (dont A. NIN), d’évadés trotskistes dans las maquis, des meurtres y compris dans les camps de ceux qui furent nommé hitléro-troskistes par les staliniens.

Mémoire, histoire, en ce milieu de siècle, deux étoiles jumelles brillaient et obscurcissaient les possibles lendemains : fascisme et stalinisme.

Ce n’ai pas simplement un ouvrage nécessaire à la mémoire, c’est un témoignage proprement bouleversant d’un militant pris dans la tourmente du siècle. Loin d’une adaptation des réalités au nom d’une hiérarchie dans le « mal », d’un nationalisme étriqué, ou d’un ennemi principal, la mise en relation de ses souvenirs avec ceux d’autres prisonniers et déportés font ressortir les similitudes dans les fonctionnements des camps (transfert, accueil, place des droits communs) dans les ordres et les fonctionnements des dictatures, de l’organisations du monde sur le dos des populations, qu’elles soient, françaises, allemandes, polonaises, soviétiques ou juives.

Il était minuit dans le siècle pour les populations et pour certains « Communiste opposant à Hitler ou à Staline : même accueil, Même destin ! »

Le court vingtième siècle est terminé (mais pas ses conséquences). Le fonctionnement du monde capitaliste et de ses épisodes dictatoriaux, de ses moments extrêmes ont donné lieu à de multiples recherches.

Il nous reste à revenir sur la part criminelle engendrée par l’idée même d’émancipation. De ce point de vue, la préface de Michel Lequenne me semble dans sa partie finale non seulement erronée « trois grands systèmes de camp de la mort, celui du nazisme, celui du stalinisme et celui du maoïsme » mais impropre à une réflexion renouvelée.

Jean René Chauvin : Un trotskiste dans l’enfer nazi – Mauthausen-Auschwitz-Buchenwald (1943-1945)

Editions Syllepse, Paris 2006 244 pages 20 euros

 Didier Epsztajn

L’usagère pose le diagnostic

Les textes et les interventions présentées sont issus d’un colloque organisé à Paris le 2 février 2007 par la Coordination des associations pour le droit à la contraception et à l’avortement (CADAC).

Si les femmes ont massivement investi le champ du travail salarié, elles continuent de (sup)porter très majoritairement le travail domestique et plus encore l’élevage des enfants. Les principes de liberté et d’égalité énoncés dans la Constitution se semblent pas pouvoir être déclinés jusqu’au bout, face aux assignations et assujettissements essentialistes, à l’identification des femmes à une nature reproductive, au féminin comme non universaliste contrairement au masculin dominant.

Le contrôle des corps par l’Etat (Loi de 1920 criminalisant l’avortement, interdiction de la contraception et de sa publicité) a vécu. Les luttes des féministes ont bousculé les politiques familialistes et leurs interdictions, sans pour autant pouvoir imposer largement ni définitivement le droit à disposer de leurs corps. L’avortement reste un droit limité, souvent considéré en regard d’une contraception défaillante, la contraception non totalement gratuite se résume dans la plupart des cas à une contraception féminine. Le corps médical détient toujours la clé et limite la demande ou l’exigence des usagères qui posent leur diagnostic soit en termes de contraception soit en termes d’avortement. Sans oublier l’usage des corps des femmes dans la publicité, la pornographie comme « découverte » de la sexualité, le retour du religieux et de ses interdits……..

Ce livre collectif est subdivisé en trois parties. La première « Vous avez dit conquête ? » propose quatre textes qui interrogent la contraception et les rapports sociaux de sexe, la politique familiale et l’emploi, les réformes et l’emploi des mères et le plus globalement paysage familialiste.

La seconde « Transfert de pouvoir et permanence de la domination » se compose d’interventions autour de l’enseignement de l’avortement et de la contraception dans les études médicales, des droits des femmes en regard du pouvoir médical, de la paupérisation des étudiant-e-s et des conséquences du désengagement de l’état sur le droit à la contraception et à l’avortement. Les auteur-e-s soulignent les conséquences désastreuses des réformes libérales de l’hôpital pour les services qui pratiquent les avortements (non réévaluation de la tarification, manque de moyens, etc.)

Dans la troisième partie est interrogé l’avenir de la reproduction et la possibilité d’écarter les femmes de la procréation par les nouvelles techniques tirées des « procréations médicalement assistées ».

Chaque partie est complétée de courtes interventions retranscrites du débat.

Ces travaux et réflexions sont toujours d’une actualité brulante. La récente position de la Cours de Cassation sur ce qu’il faut bien nommer le statut de l’embryon en est encore un cruel rappel.

Un livre à diffuser, un combat toujours à mener pour le droit des femmes à disposer de leur corps et donc pour l’émancipation de tou-te-s.

CADAC, Valérie Haudiquet, Maya Surduts, Nora Tenenbaum (coordination)

Une conquête inachevée : le droit des femmes à disposer de leur corps

Editions Syllepse, Paris 2008, 182 pages, 10 euros

Didier Epsztajn

Du coté des revues n°5

Pour son dernier numéro ContreTemps, avant renaissance sous une autre forme, le dossier consacré à 1968 met l’accent sur la dimension internationale des révoltes (Italie, Etats-Unis, Mexique, Brésil, Vietnam, Pakistan, Japon, Pologne, Prague, Yougoslavie).

A noter aussi un entretien avec Jacques Rancière.

ContreTemps n° 22 : 1968 : un monde en révoltes

Textuel, Paris 2008, 191 pages, 19 euros

A signaler particulièrement dans le dossier de Savoir/Agir «Le retour de la question du travail, mythes et réalités» un article de Lilian Mathieu «L‘exigence de reconnaissance dans les luttes de salariés» et un entretien avec Robert Castel «Les dernières métamorphoses de la question sociale».

Savoir/agir

N°3 Mars 2008, Éditions du croquant, Bellecombe-en-Bauges, 140 pages, 15 euros

Dans le numéro de l’été de la RILI, qui s’affirme comme une des publications actuelles les plus excitantes, je signale, entre autres, un très bel article de Enzo Traverso «Messianisme, orientalisme et Holocauste» et un entretien avec Mahmood Mamdani «Bons et mauvais musulmans, terreur d’état et terreur non étatique de la Guerre froide au 11 septembre».

La revue internationale des livres et des idées

N°6 juillet-aout, Paris, 63 pages, 5 euros, vente en kiosque

 

Dans le dossier de la revue Actuel Marx, deux articles particulièrement intéressants, celui d’Emmanuel Terray « L’état-nation vu par les sans papiers » et celui de Stéphanie Treillet « L’instrumentalisation du genre dans le nouveau consensus de Washington ».

Hors dossier, je signale un interview de Gérard Noiriel.

Altermondialisme, anticapitalisme

Actuel Marx, n°44, PUF, Paris 2008, 224 pages, 24 euros

 

Au centre des Mondes du travail, un dossier très fourni « Classe laborieuse, orientations politiques et engagements militants ». Je souligne particulièrement l’entretien avec Guy Michelat et Michel Simon « Les ouvriers et la politique : au delà des idées reçues ».

A noter aussi les articles de Jean-Jacques Chavigné « Marchandisation des retraites : du salaire indirect aux fonds de pension », de Paul Jobin « La mort par surtravail et le toyotisme ».

Les Mondes du Travail

Numéro 6, janvier 2008, Amiens, 145 pages, 10 euros

 Didier Epsztajn

Modifier les rapports sociaux ne peut se résumer à abolir la réalité, sans offrir des réponses socialement construites avec les actrices et acteurs, adultes, adolescent-e-s ou enfants

Si, de part le monde, la grosse majorité des enfants est invisible et leur travail inaperçu car dilué dans l’ensemble des activités familiales, un mouvement issu des métropoles développées prône l’abolition du travail des enfants.

Contre la simplicité inopérante d’un tel mot d’ordre (abolition du travail des enfants) et son peu d’écoute des mouvements d’enfants travailleurs, l’éditorial Aurélie Leroy présente les « présupposé pour débattre ».

Deux textes généraux poursuivent son analyse, puis quelques textes illustrent la réalité du travail des enfants en Asie, Afrique et Amérique latine.

Je souligne l’article sur les enfants travailleurs du Pérou et celui sur les mouvements en Amérique latine. Contre « l’abolition », l’Union des enfants et adolescents travailleurs de Bolivie (UnatsBol) a permis la modification de l’article 61 de la nouvelle constitution présentée d’Evo Morales.

A lire en complément : M. Bonnet, K.Hanson, M.F. Lange, G. Paillet, O ? Nieuwenhuys, B. Schlemmer : Enfants travailleurs, repenser l’enfance (Editions Page deux 2006, 198 pages 17 euros) et Michel Bonnet : Regards sur les enfants travailleurs (Editions Page deux 1998, 230 pages 17 euros)

Alternatives Sud : Contre le travail des enfants ?

Editions SYLLEPSE, Louvain-la-Neuve 2009, 175 pages, 18 Euros

Didier Epsztajn

Un prince claque la porte

J’utilise pour cette note le titre d’un chapitre du dernier livre de Michel Warschawski qui traite aussi de l’ouvrage d’Avraham Burg dont le premier titre possible fut « Hitler a vaincu ».

L’auteur, ancien président de l’Agence juive et du mouvement sioniste mondial, ancien vice-président du Congrès juif mondial et président de la Knesset (le parlement israélien) est un membre de l’establishment. Ses dénonciations sont d’autant plus importantes, surtout en France où la moindre critique envers la politique de l’État d’Israël se trouve toujours sous les foudres d’accusations d’antisémitisme. Mais ce livre est aussi un témoignage sur le « judaïsme », non limité à ses dimensions religieuses, un dialogue entre un fils et la mémoire de son père, un livre de souvenirs. Continuer à lire … « Un prince claque la porte »

Refus de subordonner les droits à la souveraineté nationale

Les derniers livres d’Attac sont le fruit de compromis entre des positions plus ou moins radicales. « Parmi les questions soulevées, la complexité des rapports entre les peuples et les nations, le rapport entre la citoyenneté et les nationalités, le rôle de l’État et l’intérêt du cadre national pour l’avancée des luttes sociales, le rapport entre souveraineté nationale et souveraineté populaire dans le cadre de la mondialisation capitaliste. »

Cette démarche permet de présenter des réponses immédiates capables de rassembler, sans trancher sur d’autres problématiques dont les réponses ne peuvent être aujourd’hui qu’idéologiques et à faibles portées pratiques.

Comme le rappelle Gustave Massiah dans sa préface « Le critère d’appréciation d’une politique c’est celui de l’extension de la mise en œuvre des droits » tout en soulignant la subordination du droit international au droit des affaires.

Après un rappel de ce qu’est l’immigration : situation mondiale (200 millions de personnes en 2005 soit 3% de la population mondiale), place grandissante des femmes, état plus précis de l’immigration en France, les auteur-e-s analysent les dimensions permanentes des migrations dans l’histoire de l’humanité et ses spécificités contemporaines.

Les rejets des migrants dans l’Europe forteresse sont mis en regard d’interrogations et d’analyses sur la mondialisation, les concepts d’identité et de culture, les discriminations…

ATTAC prend parti pour la liberté d’installation, la liberté d’aller et venir et une citoyenneté ouverte (de résidence). De nombreuses propositions et revendications illustrent cette partie de l’ouvrage.

Le livre se termine par une lettre du président de la République de Bolivie au sujet de la directive européenne du retour, et une courte présentation des nouveaux mouvements pour la coordination des sans-papiers.

Un bon support pour l’animation de débats.

 ATTAC : Pour une politique ouverte de l’immigration

Editions Syllepse, Paris 2009, 117 pages, 7 euros

 Didier Epsztajn

Multipolarité et convergence

Cette publication rend compte des débats qui ont animé les ateliers Sociologie lors du quatrième congrès organisé en 2004 par la revue Actuel Marx.

Pour les auteurs, « la multipolarité de l’archipel salarial, les clivages culturels si profonds entre professions intellectuelles et salariat d’exécution (ouvriers, employés, voire techniciens), entre modes de vie rend beaucoup plus compliquée la convergence des luttes anticapitalistes. D’autant plus que le grand espoir du XXe siècle (l’avènement d’une société socialiste), s’il ressurgit aujourd’hui sous d’autres formes à travers les mobilisations contre le néolibéralisme, a subi une terrible désillusion. »

La première partie « Approches transversales » interroge la notion de luttes de classes en regard des modifications sociologiques et culturelles des trente dernières années (articles de Jean Lojkine, Gérard Mauger, Pierre Cours–Salies, Stéphane Rozès et Michel Vakaloulis).

La seconde partie du livre est centrée sur la « Transformation du travail et conflits sociaux » (René Mouriaux, Stéphen Bouquin sur la visibilité et l’invisibilité des luttes, Armando Fernandez Steinko sur les employés espagnols de la nouvelle économie) Eveline Perrin décripte la notion de précariat et Philippe Coulangeon revient sur les intermittents du spectacle et la flexibilité.

La troisième partie de l’ouvrage traite des luttes enseignantes et de leurs rapports à la reproduction sociale (Jean-Pierre Terrail, Stéphane Bonnéry, Christian Laval, Bernard Geay).

La mondialisation des luttes est l’objet de la dernière partie : Recomposition de la classe ouvrière aux USA (Marianne Debouzy), analyse des rapports sociaux sexués (Hélène Hirata), le Chili et naturalisation libérale (Maria Emilia Tijoux). Le recueil se termine par une analyse rare de la société indienne (Gérard Heuzé), je n’ai malheureusement pas les compétences pour en juger la pertinence.

La quatrième de couverture ne rend pas compte de la richesse des questions soulevées. Les auteur-e-s rompent avec la vulgate se réclamant du marxisme, sans se réfugier dans les classifications mythologiques autour des classes moyennes.

Analyser les obstacles aux mobilisations, à leurs jonctions, appréhender les effets déstructurant des modifications sociales, ne pas se laisser aveugler par les « faits » mais prendre en compte les évolutions contradictoires, les échanges, nécessairement collectifs et pluriels comme dans cet ouvrage, concourent à notre réflexion.

Sous la direction de Jean Lojkine, Pierre Cours-Salies et Michel Vakaloulis

Actuel Marx Confrontation Editions PUF, Paris 2006, 292 pages, 25 euros

Didier Epsztajn

Identité kanak(e) et destin commun

Ce livre est présenté sous forme d’entretiens autour de plusieurs grands sujets. La première partie est plus autobiographique et revient sur la prise de conscience, les études et l’accès à la direction du FNLKS (Front de libération nationale kanak socialiste) de l’auteur membre du Palika (Parti de libération kanak se réclamant du socialisme et du marxisme) et président de la province nord. Continuer à lire … « Identité kanak(e) et destin commun »

Démontage de mécano

« La finance ressuscite à intervalles réguliers le rêve de vaincre sa pesanteur à elle : gagner plus à risque constant, ou risquer moins à rentabilité égale. »

Le propos de l’auteur est centré sur la crise financière et la nécessaire confrontation à la technique « la critique radicale est d’emblée préjugée illégitime quand bien même les événements ne cessent de lui donner raison. Surmonter cet obstacle exige de l’analyse critique qu’elle ne le cède en rien dans la technicité, alors que ce registre menace de l’éloigner de ceux à qui elle voudrait s’adresser en priorité. »

Et cet usage de la technique prépare son propre dépassement et « n’est pas autre chose que le prix à payer pour mieux accéder à un discours politique. »

Avec brio et humour féroce, Frédéric Lordon analyse en détail les mécanismes et les ingrédients de l’aveuglement de « la concurrence et la cupidité », le « fléau de l’innovation financière », « les effets catalytiques du moment de vérité » sans oublier « L’État, sauveteur pris en otage ».

Un par un, l’auteur démonte les mécanos financiers, décrypte les produits élaborés par les rapaces modernes, montre l’insanité de la titrisation itérative comme parade clownesque au risque et facteur principal de sa généralisation, les fausses promesses des dérivés de crédit, le mensonge collectif sur liquidité permanente, le crédit aux ménages comme drogue dure occultant la baisse de la part des salaires dans le partage des richesses, etc.

A juste titre, l’auteur en déduit qu’il faut « tout changer !»

Les propositions avancées en fin d’ouvrage me semblent plus discutables. Sans nier leur pertinence, il me semble que les réponses devraient être articulées aux propositions sociales et politiques qui tentent de répondre à la crise systémique du mode de production capitaliste.

Quoiqu’il en soit, le livre de Frédéric Lordon est une œuvre salutaire et plus que nécessaire pour comprendre les mécanismes de la pagaille actuelle. Loin des discours convenus, avec une grande pédagogie, l’auteur nous permet d’accéder au concret derrière les brumes, les fantasmes et le délabrement de la pensée néolibérale.

« La déréglementation financière du milieu des années 1980 restera au total comme un cas d’école de l’ignorance crasse des enseignements de l’histoire et de la théorie économique la plus éclairée. »

Frédéric Lordon : Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières

Raisons d’agir, Paris 2008, 220 pages, 10 euros

Deux chapitres sur le site de ContreTemps : http://www.contretemps.eu/lectures/telecharger-deux-chapitres-livre-frederic-lordon

Didier Epsztajn

Shmiel et ses filles

A travers le monde, une quête de savoir, la recherche de lieux, de temps, des comments et des moments de la mort de Shmiel, sa femme et ses filles, détruits comme des millions juifs par les nazis. Un puzzle, voyage improbable de continents en pays, itinéraires vertigineux en forme de roman policier.

Quelques centaines de pages, pour reconstruire les derniers instants de disparu-e-s.

Une immersion dans l’histoire, pour que l’oubli ne submerge pas insensiblement les histoires.

Daniel Mendelsohn : Les disparus

Traduit de l’américain

Réédition J’ai Lu, Paris 2009, 930 pages, 10,40 euros

Didier Epsztajn

Nature particulière de ces chiffres tatoués sur le bras

Il faut lire et relire les documents et les témoignages sur les camps d’extermination nazis pour la mémoire et la dignité de celles et ceux qui disparurent dans cette terrible œuvre humaine. « Le camp était conçu de telle façon que sa violence semblait l’œuvre de détenus eux-mêmes. »

Je me souviens qu’enfant je ne pouvais comprendre la nature particulière de ces chiffres tatoués sur le bras d’une cousine. Plus tard, ces traces furent un des ciments de l’engagement à transformer le monde pour au moins essayer de ne pas en être une victime innocente…

Lire et relire pour énoncer ce qui fut trop longtemps l’indicible, pour essayer d’approcher ces réalités, en comprendre des causalités, pour démonter les mécanismes de l’obscurité de la raison.

Il est et sera nécessaire d’éclairer les similitudes et les différences avec d’autres événements tout en insistant sur le caractère irréductible des uns aux autres.

Et il faudra aussi poursuivre ce travail de mémoire sur d’autres génocides, sur les camps staliniens, sur les crimes de la colonisation, sur les crimes de guerre et sur les indifférences. Car tout ce qui est humain ne peut nous être étranger sauf à ne jamais trouver/créer de chemins réellement ouverts vers l’émancipation.

Le livre de Charles Liblau nous parle d’Auschwitz avec la volonté de comprendre comment des hommes sont amenés à devenir kapos, auxiliaires de l’organisation quotidienne de l’annihilissement d’autres êtres humains et particulièrement de la destruction des juifs d’Europe. Un regard d’un humanisme rare, de colère mais sans aveuglement, l’auteur explore par des mots très simples les vilenies de ses contemporains.

Le camarade Berger, stalinien du parti communiste polonais, Émile voleur professionnel, le moins ignoble de tous, Ignatz ancien dirigeant régional du parti communiste allemand, Franz et Kurt nazis convaincus et enfin Ringo tzigane engagé volontaire dans l’armée du troisième Reich sont décrits comme autant de dérives possibles dans un monde de haine et de survie très aléatoire. Qu’ils soient coupables, sans circonstance atténuante, ne fait aucun doute, mais reste à comprendre ce qui fait basculer des hommes dans ces actions de complicité avec les destructions d’autres êtres humains.

« L’étrange existence au camp, son atmosphère unique se situant entre l’hallucination et la réalité, donnait naissance à des idées et une pratique que nul esprit normal ne saurait comprendre. »

Dans cette zone grise (si bien décrite dans la belle introduction d’Enzo Traverso) « l’univers dans lequel les prisonniers se sentaient précipités était non seulement effrayant mais aussi indéchiffrable » des hommes ordinaires se sont comportés de manière impensable.

Une courte postface, souvenirs sur sa mère et ce yiddishland aujourd’hui rayé de la carte, conclue ce livre bouleversant.

Qui peut aujourd’hui dire de quel coté sa bascule aurait éventuellement penchée, quels actes auraient été plus ou moins assumés, quelles justifications auraient été argumentées, quelles complicités auraient été développées par inclinaison, par stupidité ou par idéologie.

Ce regard humain, incliné vers la mémoire et la recherche des faces ignobles de l’humanité, c’est aussi un peu notre regard tourné vers les autres et vers nous même. Merci monsieur Liblau pour cet espace de réflexion.

Charles Liblau : Les kapos d’Auschwitz

Editions Syllepse, Paris 2005, 160 pages, 17 euros

Didier Epsztajn

Parcours subjectif iconographique

Jacques Le Goff souligne en début d’ouvrage, qu’il n’est pas un historien de l’art. Ces choix iconographiques et ses commentaires sont « ceux d’un historien et d’un touriste éclairé par sa connaissance du Moyen Age et qui exprime ses impressions ses réactions face à une collection d’images nées de la rencontre d’un tour de longue durée d’une quarantaine d’années dans un aussi grands nombres de lieux possibles (villes, monuments, musées) à la recherche du Moyen Age conservé et vivant dans le présent et au hasard de la documentation visuelle que j’ai pu y acquérir, essentiellement des cartes postales. » Continuer à lire … « Parcours subjectif iconographique »

Notions de Finance

Pour celles et ceux qui veulent approfondir les débats autour de la finance dans la nouvelle période du capitalisme, je signale la parution d’un ouvrage collectif chez Actuel Marx.

Les contributions traitent particulièrement de :

  • la spécificité de l’apport de Marx par rapport aux autres penseurs de l’économie (Ricardo, Keynesn, etc.),
  • des notions de capital porteur d’intérêts, de capital fictif, de « force impersonnelle tournée exclusivement vers son autovalorisation et son autoreproduction »
  • des contradictions internes des classes dominantes et leur coopération face aux luttes populaires, de la théorie de l’Etat et ses articulations aux structures de classe,
  • de la financiarisation comme mode de répartition adéquat aux nouvelles conditions de reproduction du capital.

Des débats et des outils pour comprendre comment l’argent semble rapporter de l’argent « comme un poirier porte des poires » selon la plaisanterie de Marx.

Suzanne de BRUNOFF, François CHESNAIS, Gérard DUMENIL, Dominique LEVY et Michel HUSSON : La finance capitaliste

Collection Actuel Marx Confrontation, PUF 2006, 255 pages 25 euros

Didier Epsztajn