Dépasser le seuil de la protestation

Ce texte est une réponse positive à la déclaration récente de Clémentine Autain et de Myriam Martin qui appelaient à « un travail de refondation substantiel à accomplir sur la doctrine comme sur les formes politiques afin de constituer l’espace populaire du XXIe siècle (…) Notre tâche est de susciter le désir d’une mobilisation sociale, intellectuelle, politique inédite à même de construire les termes d’un nouveau projet d’émancipation humaine. Quand la crise atteint ce seuil, d’un point de vue social, économique, environnemental, démocratique, idéologique et moral, elle appelle une rupture innovante qui doit se dire avec des mots et des manières de faire contemporaines (…) Nous avons à reconstruire, car une recomposition dans le champ politique, social et intellectuel existant ne suffira pas. La conscience de ce travail colossal historique qui nous attend est la condition sine qua non de notre réussite ».

Il faut donc s’y tenir. Submergée et dépassée par la détérioration des rapports de force sur une très longue période, la gauche de la gauche a accumulé un retard considérable, retard qui contribue au fait qu’elle soit si souvent inaudible. Non pas forcément un retard programmatique, car le programme ne peut que se nourrir de l’empirisme des luttes ; mais un retard analytique couvrant aussi bien le fonctionnement du capitalisme contemporain, l’évolution de la formation sociale et du salariat et celle de l’État.

Nous traversons depuis plus d’un quart de siècle une période charnière quant à l’évolution du capitalisme, de ses mécanismes d’accumulation, de ses hiérarchies sectorielles internes, de ses formes de domination et de contrôle. Rapportée à l’histoire longue des luttes d’émancipation, cette période est du même acabit que celle que traversa le mouvement socialiste au tournant des XIXème et XXème siècle, impliquant une remise à plat complète de l’épure programmatique en raison de l’évolution de l’adversaire. A cette époque, la modification accélérée du capitalisme mondial avait imposé aux héritiers de Marx et de la Commune un débat très fragmentant sur la voie révolutionnaire « probable » et les questions politiques afférentes. A la différence de notre situation, pour des raisons qui tiennent peut-être à l’étroitesse de l’intelligentsia socialiste de l’époque, le débat s’ouvrit très vite autour de quelques ouvrages fondamentaux. Et ce, durant une trentaine d’années avant que ne surviennent les scissions définitives de la révolution russe puis la réinterprétation stalinienne.

Aux évolutions séculaires du capitalisme, à ses paradigmes permanents (dont l’expansion de la marchandise, la concentration et l’internationalisation des flux financiers) peuvent s’ajouter des accélérations soudaines, des formes inédites d’organisation productive, des impératifs nouveaux dus à des effets de seuil dans la longue histoire de l’accumulation mais aussi à l’objectif de rétablir le taux de profit après la crise des années 70. La « nouvelle frontière » n’a pas été simplement celle de la Chine et de l’Europe de l’Est. Elle a aussi pris la forme de l’Union européenne, de l’euro, de la réorganisation planétaire de la chaîne productive. Tout cela bien sûr ouvrant sur de nouvelles contradictions : stagnation économique en Europe, crise financière…

Si les grands traits du capitalisme n’ont évidemment pas changé, leur mise en musique a été profondément modifiée jusqu’à déstabiliser les vieilles puissances économiques, à remettre en question le pouvoir financier absolu des puissances impérialistes historiques et à faire naître un capital financier planétaire ainsi que de nouvelles puissances (Chine, Qatar…). A notre échelle, nous avons vu les fameux « champions nationaux » se hisser au rang de prédateurs mondialisés pour ne plus être souvent que des groupes apatrides, suffisamment forts pour faire des pieds de nez au pouvoir politique, au grand dam des nostalgiques qui ressassent, chacun à sa manière, un vieux « produisons français ».

Même dans le travail militant quotidien, le décor a changé, puisque la concentration financière s’accompagne d’une décentralisation productive toujours plus impressionnante, isolant et fractionnant les salariés selon une multitude de segmentations géographiques et opérationnelles, impactant les consciences et les formes d’organisation collective et le terrain syndical.

Nos sociétés ont profondément changé

Nous en sommes là, et nos faiblesses renvoient à ce choc. Les luttes d’émancipation se heurtent à une toute nouvelle équation.

Rares sont ceux et celles qui pourraient encore croire à la reproduction du modèle russe de crise révolutionnaire dans des pays comme le nôtre. Mais quoi à la place ? Or, n’ayant pas pu ou su poser les premières bribes de réflexion à cet égard, que nous le voulions ou non, nous restons implicitement les héritiers du modèle russe. Et pourtant, comment se pourrait-il qu’une société dont les dépendances économiques, financières et productives, la formation sociale, l’organisation de l’État et son niveau inégalé de violence potentielle, puisse engendrer un modèle de crise révolutionnaire, de prise du pouvoir et de transition qui ressemble à celui de 1917 ? On peut certes se satisfaire de toute la terminologie générique : double pouvoir, affrontement, auto-organisation, crise institutionnelle, etc. Mais au fond, nous savons tous que cet arsenal conceptuel ouvre aujourd’hui des gouffres d’interrogations, à commencer par celles ayant justement trait à la violence de l’État au XXIème siècle.

Nous commençons, cependant, à avoir un peu de terreau de réflexion : Grèce, Turquie, Bosnie, Rio, Montréal, Caracas, Ukraine et pourquoi pas aussi Le Caire, Bangkok… Ne nous focalisons pas simplement sur les raisons primaires de certaines crises et regardons qui descend dans la rue. Entre la manifestation réactionnaire des casseroles de Santiago au Chili en 1973 et celle de 2012 à Montréal, il y a quarante ans d’évolution des formations sociales urbaines. Les lignes de démarcation ont parfois changé à l’aune des effets de la mondialisation et du libéralisme. Les couches les plus pauvres n’ont pas le monopole de la colère.

Si la configuration de la France et celle des autres pays du cœur de l’Union européenne ne sont pas réductibles à certaines crises périphériques, il n’empêche que nous pourrions peut-être y puiser quelques inspirations en analysant qui est dans la rue et pourquoi le sont-ils, et comment les différentes composantes du salariat se positionnent dans ces déflagrations à la lumière des évolutions sociales des trente dernières années. Toutes ces sociétés sont sous tension extrême non seulement en raison des politiques libérales ou de la corruption ou d’autres facteurs politiques, mais aussi et surtout parce que leurs formations sociales ont évolué dans la « modernité » de la mondialisation, libérant de nouvelles contradictions, faisant bouger les lignes de démarcation interne, faisant naître de nouvelles frustrations et de nouvelles revendications.

Première conséquence de tout cela, c’est Marx qui est notre meilleure ligne de repli. C’est sur ses épaules, avec les fondamentaux du Capital en mains, que nous devons avancer plus que sur les épaules de Lénine, de Trotski, etc. Ce qui ne nous interdit aucune relecture, plus intelligente, plus perspicace, plus attentive que par le passé, de leurs textes fondamentaux.

La propagande, c’est une musique mais aussi des paroles

Si nous sommes coupables, c’est du retard à l’allumage. Nos courants (au pluriel) ont pris trop de temps pour ouvrir ces débats. Ils traînent trop les pieds par peur du réel. Même la simple recherche académique n’est pas suffisamment intégrée au champ d’élaboration politique. L’évolution des mécanismes productifs et marchands à partir des années 90 ou l’ampleur de la défaite politique et sociale que représente l’Union européenne, pour ne prendre que cela, restent à l’état de constat (et encore !).

Du coup, notre base propagandiste est faible ou insécure face à une réalité souvent perçue avec plus de lucidité par ceux auxquels nous nous adressons. Les rapports de force sociaux continuant à se dégrader (jusqu’à preuve du contraire) nous sommes plus abonnés à la simple dénonciation qu’à la proposition transitoire.

Nous n’avons pas vraiment saisi à temps la conséquence d’une sophistication grandissante de la production dans un pays comme le nôtre. La domination monopolisante des grands groupes (que gomme volontairement la propagande libérale au travers du vocable « LES entreprises en France ») est aussi le fruit d’une production marchande contenant de plus en plus de « travail », et un travail au contenu intellectuel grandissant : sophistication technologique croissante ou encore valeur ajoutée grandissante, selon la terminologie choisie, mais de plus en plus concentrée dans les grandes firmes.

Alors, comment faut-il s’adresser aux salariés de la métallurgie, par exemple, quand les techniciens et cadres y sont majoritaires ? Comment entrer dans le cœur du système bancaire, c’est-à-dire dans son back-office comme ils disent, constitué de milliers d’emplois à forte qualification ? Comment agir dans une entreprise pour que la lutte ne se résume pas aux 20% des catégories les plus ouvrières mais qu’elle s’étende aux autres, pas moins exploités et pas moins prolétarisés ? Comment ne pas simplement mobiliser ceux et celles dont le métier, le secteur, la qualification, la branche sont en train de disparaître inexorablement, abandonnés par un système qui s’interdit toute anticipation sociale, mais mobiliser le plus grand nombre sur des exigences économiques et sociales plus larges, globalement alternatives et non réduites à la simple défense de l’existant ? Comment gagner à la critique anticapitaliste des fractions sociales soumises à la « création de valeur pour l’actionnaire » mais morcelées en de multiples intérêts salariaux et même patrimoniaux (immobilier, épargne, placements ; il y a 58% de propriétaires de résidence principale et 62% des ménages ont une assurance-vie ; tous des petits-bourgeois ?) ? Et aussi, comment gagner massivement des médecins, des chercheurs, des ingénieurs, des artistes ?

Telle est l’une des premières questions que nous devons résoudre pour sortir de notre marginalité sociale. C’est qu’il faut aussi hélas dépasser l’obstacle du souvenir indélébile parmi de nombreux salariés, du stalinisme, de son vocabulaire, de ses rodomontades et de ses épisodiques éruptions gauchistes. S’éviter l’impasse d’une posture désespérée de type« 3ème période », « classe contre classe », ouvriériste, marginale, sectaire qui conduit à flatter les secteurs politiques et syndicaux les moins conscients de l’ampleur de nos problèmes, et dont la « radicalité » peut parfois flirter avec un passéisme inquiétant.

L’écrasante majorité des salariés attend un discours posé, argumenté, vif, tranchant, respectueux de la complexité des problèmes, en positif et pas seulement dénonciateur. Ils attendent de leurs porte-paroles autre chose que de la « grande gueule », des diatribes de plateau de TV et des slogans, qu’ils assimilent à de la gesticulation impuissante. A tort ?

Le dernier souffle du réformisme social

A juste titre, personne ne se lance aujourd’hui dans l’interpellation du PS sur le thème « allez plus loin, appliquez vos réformes ! ». En raison des transformations du capitalisme et de ses propres contraintes dues à la concurrence globalisée, l’âge du réformisme dans le champ des rapports salariaux est définitivement clos. Le mariage pour tous, oui jusqu’à un certain point, mais le droit du travail ou la protection sociale sont définitivement hors champ du possible pour des partis dont la doctrine centrale s’interdit tout affrontement social, tout appel à la rue. A nous d’ailleurs de démonter leur bavardage sur la prétendue nécessité de « mettre les mains dans le cambouis » (PS, Verts et aussi PCF). Nos aspirant mécaniciens s’abstiennent même de soulever le capot et prétendent qu’avec les « autres » ce serait pire. Il n’y a donc plus aucun relais tactique consistant à interpeller la social-démocratie ni aucune bureaucratie enkystée dans les institutions, seulement intéressée par les remontées financières nécessaires à sa survie (à l’exemple de l’appareil municipal du PCF et celui des Verts).

Tout ceci n’est pas sans conséquence sur le mouvement syndical, entre une direction CFDT totalement passée du côté obscure de la force, une CGT en totale déconfiture interne ballottée entre néo-recentrage, réalisme de certaines fédérations ou sectarisme d’autres et enfin Solidaires aux moyens insignifiants pour agir en pleine autonomie. Le mouvement syndical est à reconstruire dans sa totalité et, sauf éruption d’un événement social fondateur, le processus de pourrissement va se poursuivre. Parler de recomposition syndicale, c’est parler de reconstruction plus que de scissions/regroupements. Et même si cette crise sociale refondatrice venait à se produire comme un séisme, encore faudrait-il que nous soyons dans cette démarche de bâtisseurs.

Le décalage est complet entre ce que nous livrent les restes du vieux mouvement ouvrier et les défis de la nouvelle ère capitaliste. Il n’est plus de simple réforme sociale qui ne demande pas aujourd’hui l’irruption de la rue et de la confrontation par le nombre, voire de la désobéissance civile.

La diversité des révoltes possibles

En dépit de la crise et du chômage, la situation en France n’a encore jamais atteint celle d’autres pays européens. Mais, les secteurs ouvriers les plus attaqués se partagent entre réponses progressistes et réponses réactionnaires. Les manifestations de ces derniers mois, soi-disant contre Hollande, expriment l’étape suivante de la dégradation des rapports de force construits au fil des 50 dernières années. C’est l’ordre moral qui descend dans la rue, c’est une tentative de Tea Party à la française. Quand la haine se porte contre les intellectuels, contre l’université, contre la pensée et les livres… c’est que nous avons franchi un pas supplémentaire dans la crise. La droite extrême est candidate au pouvoir, des franges les plus réactionnaires de l’UMP jusqu’au FN et à la réaction religieuse. Sa première action « révolutionnaire » c’est la rumeur, celle des tweets, des fausses déclarations ou des fausses vidéos, celle de l’abjecte stigmatisation raciale personnalisée (Taubira).

Nous ne pensons plus – nous ne pouvons plus penser – que cela restera cantonné aux « beaux quartiers ». C’est fini, la digue est rompue. Le lien est aisé dorénavant avec une partie (faible pour l’instant) de la classe ouvrière : le capital apatride, l’Europe technocratique, l’arrogance des politiciens, les étrangers, l’invasion, le chômage, la misère. On y est.

Une belle occasion a été manquée en 2008 quand la grande majorité de la population savait que la crise était due à la cupidité financière, aux règles du capitalisme. A cet instant, il était possible d’élargir la base sociale de notre critique, de poser la question de fond du système et d’une alternative. Mais en réalité la marginalité sociale de nos courants n’a pas permis cela. Trop petits, trop propagandistes, non crédibles dans une société profondément marquée par le parlementarisme et ses alternances électorales ; surtout une gauche de la gauche démunie d’une propagande transitoire (de rupture) qui tienne la route face à la complexité objective des problèmes économiques – complexité que le plus grand nombre perçoit intuitivement, notamment parmi les couches les plus qualifiées du salariat.

Difficulté d’autant plus grande que, comme nous le savons, le rapport salarial aussi fondamental soit-il ne pèse pas de la même manière sur tous les individus, laissant un large espace à d’autres formes de conscience et de révolte contre le système. La vieille séparation du « salarié » et du « citoyen », plus que jamais exacerbée, impose une politique offensive sur le terrain de la démocratie, de la morale politique, de l’environnement, de la liberté individuelle, de la culture.

« Quelle société voulez-vous ? »

Dans l’arsenal de nos mots d’ordre « proposant » les plus usités, on trouve par exemple : « nos vies valent plus que leurs profits », « interdiction des licenciements », « socialisation du système bancaire », etc. Peu importe à cette étape de la qualité ou pas de tel ou tel slogan. Ce qui fait problème a priori c’est déjà l’absence de système d’ensemble. Par exemple, opposons-nous aux fanfaronnades de certains – du style « mon ennemi c’est la finance » – les simples trois mots d’ordre disparates cités ici ? Cela suffit-il ? Y a-t-il une cohérence d’ensemble qui nous évite d’être classés parmi les propagandistes lunaires ou les guetteurs du grand soir, et qui au contraire aiderait le plus grand nombre à prendre conscience qu’une autre société est dicible ? A la question « quelle société voulez-vous ? » nous ne pouvons pas nous contenter d’une formule elliptique sur le socialisme ou sur la socialisation des moyens de production (comme on le lit encore parfois). L’horizon propagandiste ne peut pas être celui-là. Il doit au contraire inclure le préjugé majoritaire (et peut-être tout à fait réaliste) d’une transition radicale-parlementaire. Auquel cas, il faut parfois savoir parler en terme de lois, de principes législatifs.

Quiconque prend conscience d’une nécessaire rupture se demande aussitôt de quoi pourrait être fait l’autre côté du miroir. Or, la mémoire collective est encore pour un temps profondément marquée par la gabegie stalinienne et sa planification généralisée et destructrice. La transition dont nous parlons est une transition « dans le marché » et « post-marché » à la fois. Mobiliser l’imagination des masses ne peut consister à leur faire franchir d’un coup toutes les étapes d’un bouleversement systémique dont l’épure finale nous échappe d’ailleurs.

Alors comment exprimer les limites que nous devrions, en première intention, imposer au marché ? A moins de penser qu’il est possible et nécessaire de supprimer tous rapports marchands d’un coup de baguette magique, il est impératif d’avancer une formulation générique et pédagogique qui exprime une « absolue nécessité » mais sans laisser penser qu’il faut socialiser tous les « Durand et Fils ». La question est donc assez simple : où situons-nous la première barrière à l’emprise de la marchandise, du marché et de la libre concurrence ?

Les vieilles formules de socialisation/nationalisation des (grands) moyens de production ne correspondent plus trop à la complexification de la chaîne productive, à son éclatement opérationnel et international, à l’importance croissante des services externalisés de l’industrie, etc. La concentration du capital existe plus que jamais mais l’éclatement des unités de production, leur organisation en réseau international complexifie étonnement le problème.

Le jour venu (!) la résolution de ce problème sera nécessairement complexe et dépendante des circonstances concrètes entre les deux curseurs que sont la nature juridique des entreprises (leur propriété) et le recours à l’encadrement autoritaire des marges et des prix. Mais, en l’état, il serait plus efficace d’inverser la proposition : plutôt que de qualifier un seuil (les « grands » moyens de production, les « moyens », les « petits »…) pour définir les fameuses incursions dans la propriété privée, il pourrait être plus judicieux, afin d’être compris, de dire que nous sommes pour que les besoins de première nécessité, ainsi que la santé, l’éducation, l’énergie, l’eau, les grands transports, (rail, aérien domestique, fret lourd…) ne relèveront plus de la rationalité marchande et de la concurrence. Donc, pas simplement la nationalisation mais un hors-champs marchand. Bien que la résolution précise de cela soit très compliquée par essence (quelle relation client/fournisseurs entre ces secteurs et le marché ?), le message est d’abord celui du « bien public », et en définir le périmètre.

Solution de facilité ? Sans doute. Mais qui nous est dictée par la complexité du problème et l’impossibilité de préétablir un périmètre reposant sur d’autres critères. Elle détermine une première ligne offensive contre le marché, pas plus. Mais bien heureux celui ou celle qui saurait donner une formule programmatique à la socialisation, dans le seul périmètre français, d’une entreprise dont la majorité des actifs ne sont plus en France et qui fonctionne en réseaux au niveau mondial !

Toutes ces difficultés sont intuitivement comprises par une grande partie du salariat, et c’est heureux… Eux qui, au quotidien, collaborent avec des collègues à l’étranger, attendent des commandes venant d’une filiale étrangère, suivent les indications d’un bureau d’études lointain, utilisent un système informatique centralisé en Inde. On ne leur raconte pas des crasses sur l’expropriation hic et nunc.

Nous devons aussi garder deux autres facteurs à l’esprit. Le premier est que le marché doit rester efficace pour réguler une partie importante de l’offre finale, une offre diversifiée pour laquelle la formation des prix ne peut être administrée. Mais, oui on se confronte alors aux inévitables questions de la « profitabilité » et de l’accumulation. A moins de se vouloir fidèles au carcan sclérosant de l’offre dans la planification stalinienne ? L’autre facteur tient tout simplement au processus politique et social concret d’une transition systémique : le risque permanent de crise et donc d’usure. Aussi, puisque nous n’en sommes qu’à l’évocation des premiers pas d’une transition, ne nous aventurons pas sur des formulations qui, par leur trop d’audace intemporelle, prêteraient immédiatement le flanc à une question sur la pénurie. Pas simplement la pénurie du chocolat fourré au kiwi, mais la pénurie de pièces et de composants pour toute l’industrie et les services.

La disparition du marché à horizon discutable n’étant pas envisageable, il faut donc lui définir une limite immédiate et préciser que nous voulons une société où le marché existe mais n’est plus hégémonique et n’exerce plus sa tyrannie. Il faut avancer sur ce terrain. Plein d’éminents économistes peuvent travailler à ce chantier et nous faire progresser collectivement. Il faut pouvoir donner une formulation algébrique des premiers pas d’une transition.

L’emploi

Il est assez significatif que les mots d’ordre d’expropriation aient surgi ces dernières années à l’occasion de plans de licenciements et de fermetures, mais fort peu, si ce n’est jamais, en ce qui concerne des industries polluantes ou des activités nuisibles. Ce n’est pas fortuit. J’ai tenté depuis quinze ans de mener un débat sur ces questions en m’opposant à l’usage inconsidéré et trop systématique du mot d’ordre « interdiction des licenciements », quand ce n’était pas celui des « licenciements boursiers » ou des « licenciements dans les entreprises qui font du profit », etc.

Il existe une multitude de causes présidant à des licenciements. Beaucoup sont définitivement contestables et l’argument patronal doit être démonté et dénoncé sans autre procès. Mais, le marché exprime aussi à sa manière une rationalité. Il est même le juge de paix, in fine, des tendances inhérentes du capitalisme à la suraccumulation. Il arbitre également bien d’autres facteurs : l’apparition de nouvelles technologies (pensons aux effets objectifs du commerce en ligne ou à l’introduction à venir de l’impression 3D) ou la concurrence mondialisée pour un nombre grandissant de biens, etc. Que dire, que faire à cette occasion ? Simplement dénoncer le « patron voyou » ? Ou demander aux salariés de se mobiliser contre la mondialisation, la concurrence roumaine ou chinoise ? Nous savons que ça ne marche pas. Un ouvrier qui sait que son atelier travaille à 65% de ses capacités pourrait sans doute s’élever contre le processus de suraccumulation inhérent au capitalisme… mais on ne pourra le convaincre qu’il serait encore rationnel de travailler en laissant autant de moyens en jachère. Il est légitimement révolté par la situation, déchiré par la dislocation programmé de son collectif de travail, scandalisé par le fait qu’il paye les effets de la concurrence ou de l’imprévision du système…mais il sait qu’on ne fait pas tourner une activité à n’importe quel prix.

La réduction du temps de travail ? Oui, mais seulement dans certains cas. D’abord parce qu’on ne calibre pas le temps de travail sur les moyens de production existant, nonobstant leur productivité réelle. Ensuite parce que la progression du travail intellectuel dans les postes de travail implique collaboration et coopération, toutes choses qui limitent la progression des effectifs sur un même poste. Il faut donc savoir, dans certains cas, dissocier la suppression du poste et le sort des personnes, et faire de ce dernier point la vraie ligne défense.

Il est par ailleurs stupéfiant que les propagandistes de « l’interdiction des licenciements » n’aient jamais osé poser le problème des dizaines de milliers d’emplois supprimés dans l’ensemble des entreprises, de la plus petite à la plus grande. Si l’on doit « interdire » les licenciements alors il faut les interdire tous, quelle que soit la taille de l’entreprise et la raison. C’est alors toute la régulation des emplois commandée par la concurrence marchande qu’il faut de suite interdire, jusqu’au licenciement à la boulangerie du coin expliqué par le risque de faillite.

J’ai déjà dit ailleurs combien cette revendication « d’interdiction » manquait de généralité et passait à côté de toute possibilité d’unification des consciences. Il faut bien sûr se battre, quand cela repose sur du concret, contre toute réduction d’emplois qui n’a comme seule explication l’amélioration du taux de profit en dehors de toutes autres considérations. Mais, faut-il rappeler que le capitalisme est sans pitié et qu’il précipite en permanence nombre d’entreprises dans des difficultés sans nom, quand ce n’est pas la faillite ? Le capitalisme est un système infernal qui ne se résume pas au « comportement patronal » ni même à la cupidité. Il a sa part de rationalité, sinon il ne durerait pas ainsi. Si cette rationalité exclut le facteur social (et c’est bien le problème), elle contient cependant, à sa manière, des mécanismes d’économie de moyens et d’efficience, qui a bien manqué aux économies staliniennes par exemple. Le problème est donc parfois celui de la seule anticipation sociale d’une reconversion industrielle, technologique, ou marchande – anticipation que le capitalisme s’interdit par essence !

Dès lors, pour intégrer cette dimension – que les salariés eux-mêmes comprennent et intègrent souvent avec lucidité (ce qui explique l’échec de toutes les campagnes sur « l’interdiction ») et unifier toutes les situations de licenciement, il faut partir de l’idée que toute suppression de poste est aujourd’hui commandée par les conditions de marché et qu’en aucune manière son coût doit être assuré par les intéressés directs et la collectivité. Égalité du suivi social quelle que soit l’entreprise, obligation de résultat dans la reconversion professionnelle, financement par un fond mutualisé à la charge du secteur marchand etc. (voir « Supprimer les licenciements », Syllepse1).

Dans une propagande, dans un projet politique explicatif, nous ne pouvons pas non plus ignorer une dimension cruciale : un gouvernement de rupture supprimera des dizaines de milliers d’emplois (et en créera aussi des milliers) ! Certes, il devra le faire en prenant toutes les mesures d’accompagnement social et de mutualisation des coûts, mais il le fera dans la multitude des activités polluantes, inutiles, néfastes, mais aussi bureaucratiques. Veillons donc à ne pas placer notre discours actuel en porte-à-faux par rapport à un projet de société sur lequel nous aimerions faire campagne. Alors qu’une partie de la CGT défend le nucléaire en partie au nom de l’emploi… les défenseurs du « interdisons les licenciements », qui dénoncent par ailleurs la filière nucléaire, s’abstiennent discrètement de dire ce qu’ils feraient des emplois liés. Pudeur ?

La notion de reconversion industrielle a aussi ses limites : personne ne peut croire sincèrement que l’on va reconvertir les ateliers du Rafale en production de sèche-linges. Il y a aura donc une nouvelle rationalité économique, porteuse de suppressions massives d’emplois.

Ne régressons pas par rapport aux aspects rationnels du capitalisme ; au contraire dépassons les contradictions de celui-ci et dessinons un projet qui comporte un niveau supérieur d’efficience et d’économie de moyens, dimension impérative d’un projet écologique. Si, aujourd’hui, il faut exiger du secteur marchand qu’il paye la totalité du coût social de ses règles de concurrence, ne donnons pas l’impression que nous nous soucions de toute rationalité production/emploi comme d’une guigne. Sur ce sujet aussi, faisons travailler du monde et donnons-nous les moyens d’aller au-delà du slogan.

L’ennemi n’est pas la finance

Ne nous y trompons pas. A la suite de la crise des subprimes, les puissances publiques ont ouvert de très importants chantiers de contrôle et de régulation. Elles l’ont fait pour deux raisons : parce qu’elles sont à juste titre les garantes en dernière instance du système capitaliste et parce qu’elles ont besoin de réduire leurs dettes après avoir massivement financé les banques. Du côté de l’Union européenne, les nouvelles réglementations s’accumulent en plus de celles émanant des nouvelles règles bancaires dites-Bâle III. Ce sont des milliers de pages de régulations : interdictions, obligations, garde-fous, limitations et seuils. Interdiction de trading pour compte propre, filialisation des activités de marché, hausse du niveau de fonds propres, poids grandissant des données à remontrer aux régulateurs, etc. A cela s’ajoute le projet très concret de taxation d’une partie des opérations financières. En Grande-Bretagne la réforme Vickers passe pour être plus contraignante encore sur certains points, de même aux États-Unis sur certaines dispositions (règles Volkers). D’un côté des mesures visant à encadrer et à isoler les activités les plus risquées, de l’autre la tentative de supprimer la « garantie implicite » des États avec la négociation d’une Union bancaire qui, en principe, oblige les actionnaires et les créditeurs à couvrir au minimum 8% des pertes de la banque avant que l’on puisse faire appel à des fonds nationaux de résolution, eux-mêmes abondés par le secteur bancaire.

On estime à 1.200 le nombre de nouvelles réglementations financières depuis 2008 et certains avancent le chiffre de 17 milliards de dollars de coût pour les banques pour la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions. Enfin, les États semblent vouloir réduire l’espace laissé aux paradis fiscaux, on devine pourquoi en période de grands déficits publics.

Le libéralisme a donc ses limites ! Et la vieille revendication « de gauche » d’une taxe Tobin tombe à l’eau, pas simplement parce qu’elle est en partie reprise par les tutelles publiques mais parce qu’elle se heurte à l’hyper-complexité des échanges financiers. Les autorités politiques et bancaires elles-mêmes s’interrogent sur la capacité de leurs régulateurs à traiter des milliards de données recueillies de manière fragmentée. Ce qui est à retenir, ce n’est donc pas la passivité des gouvernements par rapport aux risques systémiques de la finance (c’est tout à fait le contraire) mais c’est le fait que rien n’y fait et n’y fera. Une partie des mesures prises donnent ipso facto naissance à des contournements « légaux » et créatifs : la banque « de l’ombre » moins régulée, le gonflement des hedge funds, la gestion de portefeuille par le trading à haute fréquence, et sans doute très vite de nouveaux paradis fiscaux et de nouvelles entourloupes, etc. Les États pèsent sur les banques, ils ne pèsent plus vraiment sur l’ensemble de la finance. Mission impossible donc des régulateurs pour cause de volume (le marché des seuls dérivés équivaut à 10 fois le PIB mondial) et de libre circulation planétaire. Le capitalisme, presque « parfait » de capitaux abondants libres de leurs mouvements, est définitivement sorti des rails. Les États auront toujours un métro de retard.

Mais, n’est-ce pas tomber dans le panneau de « l’indépendance » de la finance que de penser qu’il faille la réprimer techniquement, indépendamment de son amour immodéré pour la plus-value réelle extraite du travail ? De deux choses l’une : ou bien on croit que l’on pourrait s’attaquer directement au système financier en soi ou bien on y renonce et on prend le problème autrement. La question est sérieuse pour tout projet de rupture post-capitaliste. Le temps est fini où l’on pouvait sauter dans un train et ouvrir les bagages des premières classes pour empêcher la fuite des capitaux. La dématérialisation totale rend cet exercice impossible. Bon courage à ceux qui voudraient formuler des règles internationales de contrainte efficace de la finance, à moins de croire à la génération spontanée de la république universelle des conseils ouvriers.

Donc faire autre chose. La seule solution reste de s’attaquer à la source, c’est-à-dire aux profits et surtout à leurs usages. Nous ne pensons pas geler toute activité marchande et donc toute notion de marge et de profit. De plus, le secteur non marchand doit pouvoir lui-même calibrer son efficacité. Dans une société en transition (même si le marché est appelé à reculer) le « compte de résultat » est bel et bien monétisé. L’efficacité se mesure, l’émulation entre entreprises et secteurs doit se calculer… Le compte de résultat a encore une longue vie devant lui et donc aussi la notion de « résultat ». L’échange, qu’il soit national ou international, doit bénéficier de formes classiques de couverture et d’assurance ; une trésorerie « se place » nécessairement, etc.

C’est donc l’usage du profit dans le secteur marchand qui doit être visé, puisque nous ne pouvons prétendre pétrifier l’ensemble des mécanismes monétaires et financiers nationaux… et internationaux. Par conséquent : un secteur bancaire national et dominant, régi hors activité spéculative (ce qui ne veut pas dire sans passerelle avec le monde et sans mécanisme de couverture) ; un encadrement strict de l’usage des profits en secteur marchand (régulation, seuils drastiques de salaires des dirigeants et de distribution de dividendes, contrôle du niveau d’investissement, encadrement des rapports clients/fournisseurs, etc.).

C’est donc par le bas qu’il faut prendre le problème, et se poser la question de la régulation du cashflow du secteur marchand. L’objectif étant d’assécher la source primaire de l’industrie financière et de poser concrètement le problème de la répartition des richesses. C’est un chantier d’une rare complexité. Mais, il est nécessaire pour donner une vision qui aille au-delà du slogan. Il est aussi essentiel pour expliquer que « non, nous ne sommes pas pour la soviétisation des toutes les PME de France, de tous les Durand et Fils, des coiffeurs et des boulangers ». On peut espérer trouver une poignée de spécialistes critiques de la transition pour se mettre au travail là-dessus.

L’Europe

Le débat sur l’euro de l’été dernier a eu le grand avantage de traiter concrètement de l’Europe. Le souverainisme n’est certainement pas la réponse générique à donner aujourd’hui. Mais il faut de toute manière trancher ce débat.

Quand le capitalisme organise définitivement son système productif à l’échelle des continents et du monde, il nous lègue une donnée objective et structurelle. Le retour en arrière est sans doute impossible, il est surtout ultra dangereux. Couper les milliards de liens coopératifs et collaboratifs, briser les flux physiques… tout ça pour revenir à un appareil de production bien de chez nous serait une folie destructrice. Rappelons aussi à cette occasion que l’euro n’est pas « d’abord » un méchant instrument libéral spéculatif et anti-ouvrier ; il est l’outil voulu par les multinationales pour unifier leurs conditions monétaires, pour limiter les effets de change, pour rationaliser en Europe tous leurs prix de cession interne. Une paille ! C’est donc l’organisation endogène du système de production qui est structurée par l’euro et par les réglementations européennes. Il faudrait plus qu’une crise de la dette pour que les multinationales y renoncent. Faire de ce passé table rase est un leurre.

Du coup, nombre de revendications ne peuvent plus se formuler dans un cadre strictement national, tandis que d’autres doivent directement cibler l’ensemble européen (comme le droit du travail, la fiscalité des entreprises, etc.). La ligne faussement « patriotique » Montebourg est mortelle. Démagogique quand elle vient d’un membre du gouvernement comme lui, elle est une impasse tragique quand elle émane d’un dirigeant de la gauche de la gauche ou d’une organisation syndicale (par exemple sur le thème PSA doit rester français).

Je connais la ritournelle : « les luttes démarrent au niveau national pour ensuite… ». Sauf que nous avons changé d’époque. Bien des luttes ne démarrent pas parce qu’elles sont reconnues implicitement par les salariés comme inefficaces dans le cadre national. Il y a donc là encore urgence à définir un vrai cadre revendicatif européen – ce qui a commencé – mais qui englobe également les questions de politiques d’encadrement de l’investissement, du développement des « territoires » et non leur mise en concurrence, des flux physiques versus trace carbone, etc. La question, par exemple, de l’industrie automobile est une question européenne en soi et non pas « patriotique ». Sans doute aussi la question d’un « parti européen » ou d’un front…

La démocratie

Je n’ai pas beaucoup de lumière à ce propos. Nous sommes d’accord pour dire que l’ensemble institutionnel actuel n’a pas grand-chose à voir avec la « démocratie », a fortiori si l’on y ajoute les institutions européennes. Il ne fait pas de doute qu’il faudrait plancher sur le cadre général des institutions communautaires. Là encore c’est peu comme avec la mondialisation : on peut certes disserter sur le renouveau de la République, mais cela ne sert pas à grand-chose si on omet de travailler sur le fait qu’une grande partie du législatif passe aujourd’hui par Bruxelles et Strasbourg. Des réponses nationales sans réponse européennes n’ont guère de puissance de conviction. Et « Pour une Europe des travailleurs et des peuples » relève de l’incantation si nous ne sommes pas capables d’ajouter quelques pistes de droit social et de droit démocratiques.

Mais là-encore, qui peut le plus peut le moins. La contestation de l’ensemble aussi démarrer pas le niveau inférieur, celui des villes et des régions. La question de la délégation de pouvoir absolue une fois les élections passées doit se cristalliser dans l’exigence de l’auto-organisation, du droit des citoyens de débattre librement et de trancher. Notamment sur des questions aussi brûlantes que l’environnement, la vie des quartiers, les services publics etc. Toutes choses qui n’excluent pas la médiation nécessaire d’un échelon supérieur élu. Et je crois fermement que la pratique de la désobéissance civile quand elle représente une réaction majoritaire est une forme de lutte à promouvoir explicitement.

Nous avions un temps fait la propagande de l’expérience de Porto Alegre. Ce n’est pas parce que celle-ci s’est éteinte qu’il faut que nous renoncions à construire un premier niveau de réponse dans le même ordre d’idée. Il est certain qu’un certain nombre de militant(e)s et d’autres personnes bien intentionnées ont des idées là-dessus et pourraient avancer dans la formulation de ces questions.

Observer, analyser, rassembler les connaissances

Loin de moi la prétention d’aborder tous les sujets. J’essaye ici de décrire aussi une méthode. Orphelins de nos grandes réponses propagandistes passées, quand il s’agissait simplement de dire nos différences avec le système stalinien tout en s’abritant derrière la même filiation révolutionnaire, nous peinons à aller au-delà du slogan dénonciateur. La notion même de nouvelle grille d’analyse nous échappe en partie. Le constat sur le réellement existant du capitalisme actuel reste timide et souvent sans conséquence. Nous n’utilisons pratiquement pas le renouveau de la pensée critique universitaire. Nous ne travaillons pas assez collectivement. Sauf que le monde auquel nous nous adressons n’est pas dupe. Il peut partager avec nous une révolte ou une critique de facto, mais il sait que nous restons « petits bras » quant au dessin d’un projet. A cela les bons esprits répondent que c’est normal : les rapports de force, les défaites, l’absence d’expérience masse etc. Oui, et tout le monde sait en effet que ce ne sont pas les Bolchéviques qui ont inventé les soviets mais les ouvriers du rang. L’idée n’est évidemment pas de se transformer en séminaire d’études (j’entends déjà la critique).

Il faut pourtant travailler et travailler encore sur la société, le monde et le capitalisme concrètement existant. Nous n’avons plus de certitudes parait-il mais seulement des convictions. L’appel de Clémentine et Myriam doit être suivi d’effets à condition, et c’est le sens de cette contribution, que l’on sache remettre en question ce qui nous reste justement de certitudes erronées par rapport au réel qui nous entoure. Le passé était plus simple : nous nous réclamions d’une révolution concrète et nous nous en démarquions par touches successives quant à sa dégénérescence. Aujourd’hui il faut tout reprendre à zéro, y compris le démontage analytique précis du capitalisme. C’est plus difficile.

Évitons nous l’impasse de n’être que des courants en colère et protestataires, ou que des « partis des luttes ». Dans cette posture, nous n’irons jamais bien loin.

Claude Gabriel, février 2014

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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