Ces femmes-là, d’Ivy Pochoda

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Le roman d’Ivy Pochoda, Ces femmes-là, restitue admirablement la courte vie de ces héroïnes invisibles, méprisées par une société qui préfère regarder ailleurs.

Los Angeles, dans le quartier délabré de West Adams. Quinze ans après l’assassinat d’une douzaine de jeunes femmes retrouvées la gorge tranchée, asphyxiées sous un sac en plastique et abandonnées au fond d’une impasse, quatre de plus sont victimes de meurtres : des « prostituées », évidemment.

On pourrait craindre un thème rabâché, voire racoleur. Erreur. Tout le roman d’Ivy Pochoda est construit autour de l’indifférence qui entoure ces crimes. Toute son énergie d’écriture s’appuie sur la volonté de restituer la courte vie de ces héroïnes invisibles, méprisées par une société qui préfère regarder ailleurs. 

A l’inverse des habituels polars, l’autrice choisit de donner à ces jeunes filles le premier rôle. Julianna, Lecia et les autres, des gamines de 15 ou 17 ans, sont saisies sur le vif dans leurs survêts en synthétique et leurs blousons à capuche zippés.

Prostituées dans la rue ou « danseuses » au Fast Rabbit, elles ont la poudre pour la défonce, et doivent, dans les «salons  privés», contenter des types avec « leurs mains dégueulasses »,« leurs besoins, leur sueur, leur haleine. Leur odeur… ». « Qui n’aurait pas le cerveau niqué à force de faire ce qu’on fait, de voir ce qu’on voit ? »

« Qui va prendre au sérieux une meuf qui taille des pipes à 20 dollars ? » demande l’une d’entre elles. Toutes savent qu’après tout, « se faire trancher la gorge de temps en temps, ça fait partie des risques du métier ».

La police préfère penser à la vengeance de «clients mécontents » plutôt qu’à un tueur en série. Mais des femmes résistent, conscientes de cette démolition : une femme flic un peu plus maline que les autres et qui, face à leurs réactions, pense « stress post traumatique »plutôt que « parano » ; une artiste qui tente de recréer la peur vécue par celles que des hommes ne voient que comme des proies. Et Ivy Pochoda montre la prostitution, ce « monde de fête et d’alcool, de nuits blanches et de rigolade » comme devenant très vite celui où « rien n’est trop méchant, rien n’est inacceptable ».

« Vous écouter signifierait que vous comptez, alors que non » fait-elle dire à un de ses personnages. Au fil des pages, et malgré une fin qui remet un peu de justice dans ce monde désolé, court une idée terrible et forte : « Le monde détruit les filles comme elles ».

Ces femmes-là, d’Ivy PochodaEditions du Globe, 2024

Claudine Legardinier

https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/culture/ces-femmes-la-divy-pochoda/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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