De la violence faite aux enfants

1540-1Dans sa préface, Genevieve Avenard, Défenseure des enfants, indique, entre autres, que « Ainsi, dans la continuité des recommandations de la Défenseure des enfants dès 2008, nous avons recommandé dans notre rapport d’appréciation remis au Comité des droits de l’enfant de l’ONU en février 2015, à l’occasion du cinquième examen périodique de la France, d’inscrire dans la loi la prohibition des châtiments corporels dans tous les contextes, au sein de la famille, à l’école et dans toutes les institutions accueillant des enfants. » et « Depuis lors, l’Assemblée nationale vient d’adopter, le 1er juillet dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté », un amendement complétant l’article 371.1 du Code civil relatif à l’autorité parentale, pour interdire « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours à la violence corporelle ». »

Dans son introduction, Muriel Salmona parle des violences à l’encontre des enfants, violences physiques et violences sexuelles. Elle indique que si la France a signé la Convention International des Droits de l’Enfant (CIDE) elle n’a pas à ce jour « interdit les châtiments corporels et toute forme de violences éducatives ». Celles ci sont plus que tolérées en France. Et sous couvert d’éducation ce fait « rend invisibles les atteintes qu’ils représentent à l’intégrité physique et psychique, ainsi qu’à la dignité ». Contre ce discours de déni, il convient de rappeler que cette « violence éducative ordinaire » n’est ni mineure, ni inoffensive et qu’elle n’a aucune portée éducative… L’auteure parle de forme de violence intrafamiliale, dans tous les milieux sociaux, des justifications avancées…

« En 20 questions-réponses précédées par un état des lieux en 12 points, il s’agit de donner des informations fiables et précises sur la réalité de ces violences, sur les droits des enfants, sur l’état des connaissances scientifiques sur l’impact de ces violences sur les comportements des enfants et leur santé physique et mentale, et enfin de déconstruire tout ce qui fait le lit de cette culture de la violence sous couvert d’éducation. »

Muriel Salmona aborde chaque question sous plusieurs angles de vue. Cela donne une large assise à ses analyses.

  • Première partie : Pourquoi interdire les châtiments corporels est un impératif

  • Deuxième partie : Comprendre l’impact des violences sur la santé et le comportement des enfants

  • Troisième partie : Déconstruire les idées fausses sur les châtiments corporels

Je ne souligne que certains points analysés dans cet ouvrage, à la portée de toutes et tous.

Il n’y a ni « châtiment raisonnable » ni « correction légitime », ni fessée ou claque bénigne. Les enfants ont des droits spécifiques qui complètent les droits de toutes et tous les êtres humains. La famille ne peut être considérée comme un espace privé, zone de droit « particulier » ou zone de non-droit. Univers très inégalitaire, cette construction sociale n’est ni hors du temps ni hors des rapports de domination. Les parent-e-s maltraitant-e-s ne doivent plus être protégé-s au nom « d’un sacro-saint respect de la famille » ou des liens « parents-enfants ».

Les châtiments, « droit coutumier », les corrections sont une « violation des droits de l’enfant ». L’auteure insiste, à très juste titre, sur la banalisation et la sous-estimation des souffrances des enfants, sur la non satisfaction de leurs besoins. Elle souligne, entre autres, les impacts des violences, « il n’y a pas de petites violences », la responsabilité des parents sur les choix des conduites, les homicides d’enfants, les violences sexuelles et sexistes, la violence dans le cadre familial, les symptômes traumatiques… et les stratégies de survie, leurs coûts pour les individu-e-s.

Violence, impact psycho-traumatique, mémoire émotionnelle, cycle de violences, notion d’intentionnalité, anesthésie émotionnelle, maltraitances, négligences, syndrome du bébé secoué, fessées, claques, honte, violence subie et violence agie, amnésie physiologique, amnésies dissociatives traumatiques, couteux mécanismes de survie, mémoire traumatique, dissociation traumatique, conduites à risques dissociantes, effractions psychiques, neuroplasticité du cerveau, phobies, évitement, troubles obsessionnels….

Muriel Salmona détaille cette éducation violente, ces violences au nom de l’éducation, les mécanismes sociaux et historiques de la tolérance à l’égard des violences commises sur des enfants, la conception de l’autorité parentale comme droit de possession et de domination, les représentations fausses de l’enfance, dont le fantasme de « trajectoire chronologique régulière et continue », le refus de prendre au sérieux les témoignages des enfants, la violence comme privilège dans une société inégalitaire…

L’auteure plaide pour l’interdiction des châtiments corporels et des violences éducatives (une loi interdisant les châtiments corporels), pour une meilleure prise en compte des besoins des enfants, notamment en terme d’affection, d’empathie, d’expériences et d’apprentissages, d’estime de soi, de capacité de jugement…

J’ai notamment apprécié les analyses sur l’ordre et la sécurité, la soit-disante nécessité pour le bien de l’enfant, les maquillages au nom de l’amour, le rappel « Les viols, qui sont des violences exercées dans le cadre de la sexualité, ne sont pas assimilables à une forme de sexualité, ce sont des crimes », la critique sans concession de la fessée et la claque, l’insistance sur la bienveillance ou les fonctions de protection et de modulation parentale…

« Protéger les enfants contre toute forme de violence est un impératif absolu, qui nous concerne toutes et tous. Nous devons promouvoir une éducation centrée sur l’intérêt supérieur des enfants et adaptée à leurs besoins fondamentaux. »

De l’auteure :
Le livre noir des violences sexuelles : la-liberte-ne-sepanouit-que-dans-des-espaces-ou-les-droits-de-toutes-et-tous-sont-garantis-et-sont-universels/

Des sites :
www.memoiretraumatique.org
http://stopaudeni.com/
http://stopauxviolences.blogspot.fr
https://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com
https://blogs.mediapart.fr/muriel-salmona/blog

En complément possible :
La fessée : première violence sexuelle chez les mineurs, la-fessee-premiere-violence-sexuelle-chez-les-mineurs/
Yves Bonnardel : La Domination adulte, l’oppression des mineurs, ce-nest-quen-ayant-lambition-de-realiser-nos-reves-quon-peut-pretendre-leur-donner-une-chance/

Dr Muriel Salmona : Châtiments corporels et violences éducatives
Pourquoi il faut les interdire en 20 questions-réponses
Editions Dunod, Paris 2016, 266 pages, 17,50 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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2 réflexions sur « De la violence faite aux enfants »

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