Faire sauter le pont Alexandre III

Que ces messieurs de la police de la pensée et ceux de la police tout court se rassurent. C’est une mé-ta-phore, une al-lé-go-rie, une figure de style. Une image ni trop ni glycérine à laquelle il nous est difficile de ne pas céder. Toutefois, répétons-le, tant il est vrai que ces jours-ci certains semblent prompts à sortir leur revolver pour défendre les symboles de la domination, nous n’avons d’autre dynamite que la dynamique des idées. Et une belle idée se répand sur la planète comme une traînée de poudre : les racistes, les esclavagistes et les colonialistes célébrés sur nos murs doivent être démis de leur place et remis à leur place.

Revenons au pont dont le nom seul est la cible de notre bickford*.

Le pont Alexandre III est un magnifique ouvrage qui franchit la Seine entre le cour de la Reine et l’avenue Winston-Churchill – anciennement avenue Alexandre III jusqu’en 1966. Inaugurée en 1900 par Nicolas II, autre tsar, le pont célèbre l’amitié franco-russe – comme la crème du même nom – en la personne du tsar de toutes les Russie, Alexandre III.

Il est vrai qu’Alexandre Romanov III, tsar de 1881 à 1894, est un personnage que l’État français se doit d’honorer. En effet, il n’a, en treize années de règne, que proclamé 65 oukases contre les Juifs – dont le numerus clausus limitant leur nombre dans les établissements scolaires et dans certaines professions. Il leur a interdit de vivre à Moscou, les a fait expulser de Kiev et a instauré une zone de résidence. C’est sous son règne que l’antisémitisme d’État a vécu ses plus beaux jours et que se sont déchaînés les pogromistes. Son knout n’était d’ailleurs pas réservé au Juifs, last but not least, il a aussi fait fermer les écoles arméniennes et pris quelques mesures contre eux… Toutes ces « dispositions » ne seront abolies qu’en 1917 avec la chute de Nicolas II, le dernier des Romanov, le fils d’Alexandre, celui-là même qui avait inauguré le pont célébrant son petit père.

Alors oui, faisons sauter le pont Alexandre III ! Et hop, plus haut…

Didier Epsztajn et Patrick Silberstein

Auteurs du Guide du Paris colonial et des banlieues, Paris, Syllepse, 2019.

* William Bickford a donné son nom à une mèche qu’on appelle également parfois cordon Bickford. Elle permet la mise à feu à distance d’un explosif.

Article repris dans l’Humanité du 17 juillet 2020

https://www.humanite.fr/racistes-esclavagistes-et-colonialistes-demis-il-faut-faire-sauter-le-pont-alexandre-iii-691598


Décolonisons l’espace public !

https://www.change.org/p/chacun-e-décolonisons-l-espace-public?

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

4 réflexions sur « Faire sauter le pont Alexandre III »

  1. Les médias locaux ont rapporté que le démantèlement du monument à l’impératrice russe Catherine II a commencé à Odessa dans la matinée du 28 décembre.
    Le conseil municipal d’Odessa a confirmé que le monument serait transféré au musée des beaux-arts d’Odessa.
    Les autorités locales ont accepté de démonter le monument le 30 novembre, à la suite d’un vote en ligne des habitants d’Odessa qui ont approuvé la décision début novembre.
    Le monument à la mémoire de Catherine II et des autres fondateurs d’Odessa est un point de repère majeur de la ville.
    Il a été érigé en 1900, lorsque Odessa faisait partie de l’Empire russe et démantelé par les bolcheviks en 1920. Il a été restauré par le conseil municipal en 2007.
    Catherine II, qui a régné de 1762 à 1796, a une réputation controversée en Ukraine car elle a encouragé l’impérialisme russe et liquidé deux entités ukrainiennes autonomes – le Sich zapirizhzien et le Hetmanate.
    Les militants pro-ukrainiens préconisent son démantèlement depuis des années, tandis que les militants pro-russes s’y opposent.
    Le maire d’Odessa, Hennadiy Trukhanov, ancien législateur du Parti des régions de l’ex-président Viktor Yanukovych, avait auparavant ciblé les électeurs pro-russes.
    Il a toutefois changé de discours après que la Russie a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine le 24 février.
    La campagne de démantèlement des monuments liés à la Russie a été lancée en Ukraine après le début de l’invasion à grande échelle.
    Info: The Kiev Independant

  2. Comme un roseau, je penserais plutôt pour le pont Elsa KAGAN (i.e Elsa Triolet), cette femme morte il y a cinquante ans, poursuivie dans notre beau pays pendant la guerre de 39-45, comme juive et résistante.
    Note du lieutenant SS Heinz Röthke datant du 21 mars 1944 : « arrêtez immédiatement …la juive Elsa Kagan dite Triolet… »
    Ce serait une belle réponse de la russe amie de Maïakovski au russe Alexandre III (ni oui, Nino: « C’est encore Alexandre ! »)
    * centre de documentation juive contemporaine (cote XLVI, chemise I )

  3. Ne jamais parler de métaphore à un flic, ou à un juge, ils croient tous que c’est un terroriste.
    Si on peut pas le plastiquer, alors, je propose de le renommer, le pont TOUSSAINT LOUVERTURE.

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