Des abricots, du charbon et des poèmes

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Dans sa préface, La langue de la guerre, Luba Yakymtchouk parle des mots, « des gros mots comme unique moyen d’exprimer leur expérience traumatique », de la guerre et de la langue, « Je perdais le contrôle de l’écriture, car les mots changent de sens, parfois plusieurs fois par mois et si tu écris quelque chose le premier mois des combats, cela peut perdre son sens en quelques autres mois » de la guerre et des prisonniers, des caves et des tortures, d’humiliation, « La mort s’approche trop près de ma famille, avec les combattants russes et leurs armes », de se cacher et de « lieu sûr », de semblant et de contrôle de sa vie, d’histoires et de poésie, « Les histoires et la littérature sont en ce sens notre maison », d’un projet « Métro à Kybyntsi », de lectures poétiques, des cocktails Kyiv, « La guerre est une perte totale de contrôle, la perte des lieux familiers, avec leurs hommes et leurs choses. Les cocktails s’appellent Kyiv, depuis qu’ils ont visé les chars russes qui sont entrés dans mon quartier », du mot « électricité », des attaques de missiles et de drones contre « les infrastructures civiles et critiques », des mots pour désigner les missiles russes, du temps de la guerre, « Nous nous efforçons de garder le contrôle de nos vies par le biais de gestes quotidiens, d’actions de bénévolat, ainsi que qu’à travers la langue et l’écriture », du pire – c’est-à-dire de l’occupation… 

« Mon livre porte donc sur le monde dans lequel est possible un métro reliant Paris au village ukrainien de Kybyntsi, Kyiv à Namur près de Bruxelles, où est né Henri Michaux, un des figurants de ce livre. Je le dédie à la véritable maison de chacun d’entre nous, que personne, sous aucun prétexte, n’a le droit de prendre. Il témoigne aussi du fait qu’en temps de guerre on peut non seulement être triste et en colère, mais aussi aimer et rire, autrement dit : rester véritablement vivant ».

Les abricotiers, le charbon, les usines du Donbas, le brouillard coloré, des femmes et le charbon, les larmes pierres de sel, la télé regardée « à la place des rêves », la guerre et l’adversaire, l’asphalte de la ville, les chroniques des poètes, la pluie, « Cette ville est rayée de pluie / Comme l’uniforme des détenus », les liens téléphoniques et ceux du sang, les tombes creusées entre soi et les autres, les obus, « Inspiration-explosion / Inspiration-explosion », les dents cassées des fenêtres, les viols, l’école vide « trouée ou il ne reste plus rien », le service des personnes disparues, une petite annonce et un chien nommé Pingouin, l’abricotier droit au pied du terril, la féministe, la traduction et les faux amis, les doigts entortillés, « Et tes lèvres continuent à créer ce monde »…

« Si nous ne retrouvons pas notre maison
Nous en construirons une autre au-dessus des abricots
Du ciel bleu, des nuages généreux
 »

Luba Yakymtchouk : Les Abricots du Donbas
Traduit de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin
Préface inédite de l’autrice pour l’édition française
Édition bilingue
des femmes Antoinette Fouque, paris 2023, 176 pages, 18 euros
https://www.desfemmes.fr/litterature/les-abricots-du-donbass/

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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