Les violences sexuelles sont un problème politique

11« S’appuyant sur une remise en cause de l’opposition entre espace public et espace privé, entre les questions publiques dont la société doit se préoccuper et les questions privées tenues au silence, les réflexions menées au sein du mouvement féministe ont mis en évidence la banalité des différentes formes de violence commises par des hommes à l’encontre des femmes – harcèlement dans la rue ou au travail, violences conjugales, violences sexuelles ».

Ces violences relèvent du contrôle social que les hommes exercent sur les femmes. Les chercheuses féministes ont analysé puis disqualifié « les différentes formes de justification sociale des violences sexistes ». Elles ont développé des savoirs « dans un contexte où les biais androcentriques de la production des savoirs scientifiques faisaient que les violences sexuelles et intrafamiliales (qui touchent majoritairement des femmes) n’étaient purement et simplement pas étudiées ni même conçues comme des violences par les chercheurs, généralement masculins, spécialistes de la délinquance et de la criminalité, pas plus qu’elles n’étaient appréhendées par les responsables politiques comme des violences devant être prévenues et sanctionnées par l’État ».

Les études ont mis à jour l’étendue et l’ampleur de ces violences. Il faut cependant souligner la complaisance des hommes des couches sociales les plus aisées « vis à vis de la violence, ainsi que la solidarité qu’ils se manifestent les un aux autres », voir, entre autres, les affaires Bernard Cantat, Roman Polanski ou Dominique Strauss-Khan (sur cette dernière affaire, voir le livre coordonné par Christine Delphy : Un troussage de domestique, Syllepse 2011, Dans cette histoire, il y a une autre personne et c’est une femme ou son texte Pourquoi la recherche d’un « accord » avec Nafissatou Diallo est un aveu de culpabilité de DSK).

Complaisance d’un coté et attribution aux classes populaires de l’exclusivité de ses violences. Très hypocritement, les uns « se donnent l’apparence de vouloir sauver les femmes des milieux populaires du sexisme des hommes qui les entourent », tout en euphémisant leurs propres violences.

Les auteures aborderont aussi le mythe de la grossesse réduite à un « heureux événement », la contrainte à l’hétérosexualité, l’invisibilité des lesbiennes, la confusion entre violence et conflit, la fausse symétrie entre la violence des uns et celle des unes, les discours masculinistes, la masquage des réalités sociales des violences par le langage sexiste, le viol comme crime dans tous les milieux sociaux, la violence comme question politique, comme problème de santé publique, les crimes fémicides au Canada, la nécessité de repenser la formation des professionnel-le-s (de police, justice, du corps médical ou du secteur social) ou de « porter un autre regard sur les questions d’insécurité qui sont aujourd’hui largement pensées, dans les représentations communes, comme le produit de pratiques délinquantes motivées par le vol ou les trafics ».

Je souligne le grand intérêt de l’entretien avec Jalna Hanmer.

Edito

Alice Debauche et Christelle Hamel : Violences des hommes contre les femmes : quelles avancées dans la production des savoirs ? (www.unil.ch/webdav/site/liege/shared/NQF/32_1/NQF_Edito_32_n_1.pdf )

Grand angle

Véronique Le Goaziou : Les viols en justice : une (in)justice de classe ?

Laura Pomicino, Patrizia Romito, Vincenta Escribà-Agüir et Janet Molzan-Turan : Est-ce que je peux choisir ? Violence contre les femmes et décisions reproductives

Brigitte Lhomond, Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles et le Groupe CSF : Agressions sexuelles contre les femmes et homosexualité, violences des hommes et contrôle social

Catherine Cavalin : Interroger les femmes et les hommes sur les violences subies en France et aux États-Unis : entre mesures statistiques et interprétations sociologiques

Carmen Gill : Le fémicide au Canada : le cas du Nouveau-Brunswick

Parcours

Alice Debauche et Christelle Hamel : La violence comme contrôle social des femmes. Entretien avec Jalna Hanmer, sociologue britannique

Actualités

Sabine Lambert : Préface à la réédition de Questions féministes 1977-1980 (Préface à la réédition de Questions Féministes, voir aussi Introduction publiée dans le N°1 de la revue : QUESTIONS FÉMINISTES : Une revue théorique féministe radicale, note de lecture Un autre horizon que celui du sexe biologique comme unique destinée ou celui de la résignation à l’oppression)

Comptes rendus

Michelle Zancarini-Fournel : Sandrine Dauphin, L’État et les droits des femmes. Des institutions au service de l’égalité ?

Joan Scott : Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée N° 128/2, 2010, Stéphanie Latte Abdallah (dir.), Féminismes islamiques

Élisabeth Marteu : Cahiers du genre N° 50, 2011. Maria Eleonora Sanna et Eleni Varikas (coord.), Genre, modernité et « colonialité » du pouvoir (voir aussi note de lecture : Reconnaître dans ces histoires passées quelque chose qui nous concerne car, demeuré impensé, irrésolu, qui hante notre présent)

Marta Roca i Escoda : Thierry Delessert et Michaël Voegtli, Homosexualités masculines en Suisse. De l’invisibilité aux mobilisations

Hélène Martin : Hélène Rouch, Les corps, ces objets encombrants. Contribution à la critique féministe des sciences

Ginevra Conti Odorisio : Valérie Cossy, Isabelle de Charrière. Écrire pour vivre autrement

Collectifs

Elisabeth Bäschlin : Association pour la protection des femmes maltraitées, Berne

Jacqueline De Puy, Sherry L. Hamby et Sylvie Monnier : Sortir ensemble et se respecter. Tout un programme

« La violence et la menace que font peser les hommes sur les femmes sont à la fois une forme de contrôle social des femmes en tant qu’individus dans la sphère publique et privée et un moyen de maintenir leur subordination dans la société ».

Une remarque annexe. Alain Bauer est cité dans un article. Consultant en « criminologie », ce personnage peu recommandable et dont la validité scientifique des travaux est régulièrement récusée par de nombreux/euses chercheur-e-s, ne devrait pas trouver sa place, même en contre-exemple, dans une revue féministe.

Lectures complémentaires possibles :

Patrizia ROMITO : Un silence de mortes, Editions Syllepse 2006, Un silence de mortesUn silence de mortes | Entre les lignes entre les mots

Collectif national pour les droits des femmes :Contre les violences faites aux femmes –Une loi cadre !, Editions Syllepse 2006,

Dr Muriel Salmona : Le livre noir des violences sexuelles

Editions Dunot 2013, La liberté ne s’épanouit que dans des espaces où les droits de toutes et tous sont garantis et sont universels

Nouvelles Questions Féministes : Violences contre les femmes

Coordination : Alice Debauche, Christelle Hamel

Vol 32, N°1 / 2013, Editions Antipodes, Lausanne 2013, 168 pages

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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