Avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse
En 2012, la campagne électorale de François Hollande avait été marquée du sceau de l’ambiguïté. La phrase d’un soir de meeting – Mon ennemi c’est la finance » – avait marqué les esprits. Elle avait fait oublier son objectif de « donner sens à la rigueur » et sa volonté de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB dès 2013, reprenant à son compte l’engagement de Nicolas Sarkozy, et annonçant ainsi la poursuite de la politique d’austérité. Son engagement à renégocier le pacte budgétaire, le traité dit Sarkozy-Merkel, rassurait. Et puis, même dubitatif, on voulait tellement malgré tout y croire un peu. Après le quinquennat qui venait de s’achever, ça ne pouvait pas être pire…
Cinq ans ont passé et il est difficile d’imaginer un bilan plus désastreux pour un président de la République se réclamant de la gauche. Certes tout n’est pas à jeter, et en particulier la loi sur le mariage pour tous restera une avancée majeure. Adoptée, malgré quelques flottements, à l’issue d’un bras de fer avec les religions – à l’exception notable de la Fédération protestante de France – et avec la frange la plus conservatrice de la population, cette loi constitue une rupture anthropologique décisive avec la conception traditionnelle de la famille dont les effets sur le long terme seront particulièrement importants. C’est toute une conception de l’être humain qui a été remise en cause.
Mais pour cette loi, combien de reniements, combien de renoncements ? Sans prétendre à l’exhaustivité, nous en dressons la liste dans cette Note. Mais, au-delà de telle ou telle mesure, ce qui frappe, c’est la reprise par un gouvernement se disant de gauche du discours idéologique de la droite, voire de l’extrême droite. Entendre le président de la République déclarer, lors d’une conférence de presse, que « l’offre crée sa propre demande » s’alignant sur la pensée libérale en matière économique et reprendre intégralement le discours patronal sur la compétitivité ne peut que laisser pantois. Que le Premier ministre en rajoute lors de l’Université du Medef en affirmant « j’aime l’entreprise » ne peut que produire un sentiment d’écœurement, alors même que les plans de licenciement se multiplient, que la précarité du travail se développe, que les conditions de travail continuent de s’aggraver… alors même les revenus distribués aux actionnaires atteignent des sommets. A tel point que la une du journal Libération (10 septembre 2013) avait accompagné une photo de François Hollande du titre « Le président des patrons ».
Mais, ce tournant libéral s’est aussi accompagné d’un tournant néoconservateur. Les attentats terroristes ont été l’occasion d’une remise en cause des libertés démocratiques avec la multiplication de mesures qui n’ont eu aucun effet en matière de sécurité, mais qui constituent autant d’attaques contre l’État de droit. Nous en dressons la liste et en décortiquons la logique. L’affaire pitoyable de la déchéance de nationalité qui a vu le gouvernement reprendre une mesure prônée par l’extrême droite et la droite extrême en a été le moment le plus symbolique. La reprise par le Premier ministre des obsessions identitaires de ces dernières montrent à quel point le mal est profond. Ainsi Manuels Valls a-t-il pu, entre autres, déclarer « nous sommes une vieille nation chrétienne » (samedi 16 janvier 2016) ou « l’essentiel, c’est la bataille culturelle identitaire » (lundi 4 avril 2016) sans jamais avoir le moindre rappel à l’ordre. Face à sa faillite sur le plan économique et social, la tentation est forte de jouer sur les peurs et d’enfourcher les vieux chevaux de la xénophobie.
Un bilan calamiteux qui laisse le peuple de gauche totalement désorienté, la gauche éclatée et le Front national à son zénith. Triste quinquennat qui s’achève dans la décomposition du paysage politique, la crise démocratique, dont l’usage du 49.3 pour faire adopter la loi « Travail » et le procès Cahuzac, ont rappelé l’actualité et la crise économique et sociale illustrée par l’épisode Alstom. C’est dire que la reconstruction d’une gauche de transformation sociale et écologique est aujourd’hui à l’ordre du jour.
Pierre Khalfa
Table des matières :
Introduction
En bref ! Les 23 renoncements, voire trahisons
1. Une politique économique pour les riches
2. Beauvau gouverne l‘État
3. Europe, le renoncement fondateur
4. L’invasion des new public managers
5. COP zéro, le nucléaire, c’est super
6. Loueurs riches réconfortés, locataires floués, Premier ministre inconstitutionnel
7. Mon ami, c’est la finance
8. Cahuzac, symptôme de la collusion entre monde des affaires et direction de l’État
9. Santé : tout contrôler pour mieux privatiser
10. Un somptueux chef de guerre, grand vendeur d’armes
11. Un quinquennat militarisé
12. Made in chômage
13. Perdre sa vie à la gagner
14. Un cabinet ministériel hors-sol et l’abandon des sans-logis
15. Le grand oubli des classes populaires
16. Femmes : engagements non tenus
17 La justice, un métier dangereux
18. Le sécuritaire, ça c’est l’avenir !
19. Les immigré·es, c’est mieux dehors
20. Cassons les services publics, c’est moderne
21. À l’école, des inégalités assumées
22. Pas de crédits pour l’enseignement supérieur et la recherche
23. Moi, président d’une République en crise
Au regard de la politique conduite par la droite au pouvoir, les équipes Hollande-Ayrault et Hollande-Valls ont
Fait pire
Fait mieux
Poursuivi la même politique
Qui gagne ?
1. Une politique économique pour les riches
Retour vers 2012
Un ralliement sans nuance à la logique austéritaire
Le pactole du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)
Une croissance médiocre
La compression de la dépense publique
2. Beauvau gouverne l’Etat
Pourquoi cette dérive ? D’abord parce que la place Beauvau gouverne l’État
3. Europe, le renoncement fondateur
Le TSCG, péché originel
Maastricht au carré !
Économiquement absurde, démocratiquement et socialement inacceptable
Le feuilleton des 3 %
L’étouffement de la Grèce
L’attitude indigne vis-à-vis des réfugié·es
L’enterrement de la taxe sur les transactions financières
Lutte contre le dumping social, les limites de la stratégie des petits pas
4. L’invasion des new public managers
Mi privé, mi public
Caporalisation des services publics
5. Cop zero, le nucleaire c’est super
Le nucléaire au détriment des énergies renouvelables
Pollution de l’air, pesticides, biodiversité, un bilan contrasté des renoncements coupables
La COP 21 restera dans les mémoires…
Tout comme l’entêtement à Notre-Dame-des-Landes et la mort de Rémi Fraisse
6. Loueurs riches réconfortés, locataires floués, premier ministre inconstitutionnel
Coup de com’
Coups de trique
Coups de fric
7. Mon ami, c’est la finance
Une loi bancaire favorable à la spéculation
Une fiscalité pour les plus riches
8. Cahuzac, symptôme de la collusion entre monde des affaires et direction de l’Etat
9. Santé : tout contrôler pour mieux privatiser
L’évolution vers la privatisation de la santé
Le « double discours » politique laisse croire à l’amélioration de la situation sanitaire alors que…
Quelle réflexion sur la politique du médicament ?
Quelques points positifs ?
Aucune avancée sur la démocratie en matière de santé
10. Un somptueux chef de guerre, grand vendeur d’armes
Des interventions, des interventions et encore des interventions
Au-delà des faits bruts
Le prix de la guerre
11. Un quinquennat militarisé
Le choix initial de la continuité
La dissuasion nucléaire comme option centrale
Une politique de camps et de confrontations
Quand la France ferme les portes de la sécurité collective
Refus du désarmement et réarmement français
Trois problématiques pour l’avenir
Qui perd ?
12. Made in chômage
Faciliter les licenciements pour créer des emplois ?
Réaliser ce que Nicolas Sarkozy n’avait pas pu accomplir
13. Perdre sa vie a la gagner
D’abord, la loi de sécurisation de l’emploi
Deux ans après, la loi Macron diversifie les attaques
Avec la loi dite « Travail », la logique de destruction d’un certain Code du travail va prendre toute son ampleur
14. Un cabinet hors-sol et l’abandon des sans-logis
Les surprofits et l’intolérable
Une impuissance programmée et satisfaite
Un cabinet si « comme il faut »
15. Le grand oubli des classes populaires
500 euros pour les pauvres et basta
Pas non plus de « coup de pouce » pour le Smic
Augmentation de la TVA, l’impôt le plus inégalitaire
Au final l’impossibilité de vivre dignement
16. Femmes : engagements non tenus
Retour à la case départ
Des demi-mesures
Retraites, des mesures en trompe l’œil
Le budget, mesure du manque de volonté politique
17. La justice, un métier dangereux
Même ceux qui n’attendaient rien ont été déçus
Des hirondelles ne font pas le printemps
On tombe toujours du côté vers lequel on penche
De l’autre côté du miroir
Du droit du travail au travail sans droit
18. Le sécuritaire, ça, c’est l’avenir
Délit de faciès : et ça continue, encore et encore
Panoplie complète
L’institutionnalisation de logiques répressives
19. Les immigre·es, c’est mieux dehors
Renoncement au droit de vote des étranger·es non communautaires
Atteinte aux dispositions de la Cour européenne des droits de l’homme
20. Cassons les services publics, c’est moderne
Le partenariat public-privé : nouvel instrument de désengagement
Concentrer, désertifier
Ne pas investir, une tactique budgétaire perverse
21. A l’école : inégalités assumées
Retour rapide sur l’héritage de la droite (2007-2012)
Un soulagement, et puis s’en va
Réforme du collège : un tournant
Réforme des rythmes scolaires : un bilan pédagogique là aussi négatif
Troisième espoir déçu : la lutte contre la ségrégation scolaire
22. Pas de crédits pour l’enseignement supérieur et la recherche
« Je mets mes pas dans les pas de la droite »
Quelles études, et pour qui ?
23. Moi, président d’une république en crise
L’état d’urgence, un prétexte à l’autoritarisme institutionnel
Une crise de confiance aggravée entre le peuple et les partis politiques
Un virage identitaire en contradiction avec les valeurs de gauche
Les auteur·es
Fondation Copernic
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Fondation Copernic : Un président ne devrait pas faire ça !
Inventaire d’un quinquennat de droite
Editions Syllepse, Paris 2017, 228 pages, 8 euros
https://www.syllepse.net/lng_FR_srub_37_iprod_681-un-president-ne-devrait-pas-faire-ca-.html