[52] Solidarité avec la résistance des ukrainien·nes. Retrait immédiat et sans condition des troupes russes [52] 

  • CGT : Il faut revenir à une logique de paix et stopper la Russie dans son escalade à la guerre totale
  • Timothy Snyder : Les « référendums » obscènes de la Russie
    Un exercice médiatique d’humiliation, et un élément de crime de guerre
  • Nous soutenons les réfractaires de l’armée russe
  • Guerre en Ukraine. « La mobilisation des réservistes russes, un aveu d’échec pour Poutine ? »
  • Stefan Wolff et Tatyana Malyarenko : « Poutine fait appel à des troupes supplémentaires et menace de recourir à l’option nucléaire dans un discours qui fait monter les enchères mais montre la faiblesse de la Russie »
  • Les poursuites contre Memorial s’intensifient en Russie 
  • Charnier à Izioum, en Ukraine : nous demandons justice et réparation pour les victimes et leurs familles
  • André Markowicz : Izioum, et après…
  • Jean-Marc Adolphe : Ukraine : Aubervilliers, la Commune de la honte
  • Bernard Dréano : Jours gris et nuages d’acier sur l’Ukraine
  • Concert en soutien aux artistes ukrainiens

Il faut revenir à une logique de paix et stopper la Russie
dans son escalade à la guerre totale

Le 21 septembre 2022, le président russe Vladimir Poutine a ordonné une mobilisation prétendument partielle qui constitue une nouvelle étape tragique dans la guerre qu’il a lui-même décidé de déclencher, en envahissant l’Ukraine le 24 février dernier. Depuis 2014 et de façon démultipliée après février de cette année, les conséquences des visées impérialistes et guerrières russes ont provoqué :

  • plusieurs dizaines de milliers de morts civils et militaires ;  

  • plus de 14 millions de personnes ont quitté leurs foyers dont 6 ont trouvé refuge à l’extérieur des frontières de l’Ukraine, ce qui représente un chiffre supérieur aux populations déplacées après la seconde guerre mondiale ;

  • des milliards d’euros de dégâts sur les infrastructures et les zones d’habitation, avec des dizaines de villes et villages quasiment rayés de la carte ;

  • plus d’un demi-million de citoyens russes ont aussi fui leur pays et plus de 18 000 autres ont été arrêtés dont près de 1 500 dans les manifestations d’hier. Ils attendent pour la plupart d’être jugés, encourant des peines pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison pour avoir « exprimé un sentiment pacifiste » ;

  • l’instrumentalisation de cette guerre par les gouvernements occidentaux, États-Unis en tête, pour renforcer les budgets d’armements, la militarisation et l’extension de l’Otan, en lieu et place des investissements vitaux indispensables dans la transition sociale et environnementale ;

  • au Bélarus, rappelons que toute la direction du syndicat indépendant BKDP est emprisonnée, depuis le 19 avril, et encoure de très lourdes peines pour les mêmes raisons. À la fin du mois de mars dernier, lors d’un webinaire organisé par la CGT avec plus d’une vingtaine de syndicalistes ukrainiens, Alexandre Yaroshuk, le président du BKDP était intervenu, porteur d’une courageuse et émouvante déclaration pacifiste. Depuis la mi-avril, nous sommes sans nouvelle de notre camarade Alexandre qui était aussi présent aux congrès de la CGT à Toulouse et Dijon. Rappelons que le Bélarus applique toujours la peine de mort et que nos camarades se trouvent sous l’accusation de haute trahison ;

  • les libertés publiques et politiques en Russie sont aujourd’hui inexistantes après avoir été sous attaques constantes tout au long des mandats du président Poutine ;

  • quant aux droits sociaux et syndicaux, ils se retrouvent suspendus partout dans cette zone du monde, en raison de la loi martiale et du basculement vers l’économie de guerre ;

  • enfin, l’ensemble de la planète se retrouve prise en otage sur les plan économique (avec le retour d’une forte inflation et les incertitudes sur l’accès aux matières premières et à l’énergie), écologique (avec le risque nucléaire tant civil que militaire) et humanitaire (avec les difficultés d’approvisionnement notamment en denrées agricoles).

Dans un tel contexte, la CGT réitère son soutien et sa solidarité au peuple ukrainien qui résiste à l’impérialisme russe. Elle se tient aussi aux côtés des citoyens russes qui, avec courage, tentent de s’opposer et de manifester contre la guerre et qui rappellent ces paroles de Lénine : « La classe ouvrière, face à une guerre réactionnaire et impérialiste conduite par son gouvernement, ne peut souhaiter d’autre issue que la défaite de son gouvernement. »

Les troupes russes doivent quitter le territoire ukrainien et la paix doit être rétablie dans la région. La CGT rappelle « qu’une paix universelle et durable n’est envisageable que sur la base de la justice sociale » [Constitution de l’OIT, 1919]. Paix en Ukraine, libertés en Russie et au Bélarus !

Montreuil, le 22 septembre 2022

CP CGT Revenir à une logique de paix et stopper la Russie

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Les « référendums » obscènes de la Russie
Un exercice médiatique d’humiliation, et un élément de crime de guerre

L’Ukraine étant désormais à l’offensive, la Russie a annoncé il y a quelques jours à peine qu’elle ne tenterait plus d’organiser des « référendums » sur le territoire qu’elle occupe en Ukraine. Puis, coïncidant avec le discours de Poutine hier, cette politique s’est inversée, et maintenant des « référendums » sont censés être organisés – plus ou moins instantanément, en ce moment même, dans des conditions de guerre. Les gens s’efforcent de trouver un moyen de parler de cette absurdité sans utiliser le mot « référendum », qui, dans ce contexte, est une propagande manifestement trompeuse, c’est le moins que l’on puisse dire.

Il est préférable de considérer ce qui se passe comme un événement médiatique. Non seulement il n’y a aucune base légale pour parler de « référendum », mais il n’y a même pas beaucoup de base factuelle pour parler de « référendum fictif ». Un simulacre est un simulacre, mais il existe bel et bien. Ce que la Russie entreprend n’est rien d’autre qu’un exercice médiatique destiné à façonner l’opinion des gens sur l’Ukraine occupée par la Russie.

Il serait illégal d’organiser des référendums pendant un conflit armé et sous la menace de l’usage de la force. C’est une raison suffisante pour ignorer complètement cet exercice médiatique. Mais ce n’est que la surface du problème. S’ils étaient organisés, les référendums seraient en effet illégaux. Mais nous devons être prudents : même lorsque nous disons « référendum illégal », nous n’allons pas tout à fait au fond des choses. Nous pourrions nous convaincre que certains votes se sont déroulés avec quelques imperfections.

Il faut une infrastructure pour organiser une élection. Cette infrastructure n’existe pas. Même si nous verrons sans doute des photos de vieilles dames tenant des bouts de papier, il serait faux pour les journalistes de parler de « vote ». Qui plus est, même si les Russes disposaient d’une infrastructure de vote, ce qui n’est pas le cas, et même s’ils avaient l’intention de faire voter les habitant·es des territoires occupés, ce qui n’est pas le cas, ils ne pourraient pas le faire, puisqu’ils ne contrôlent en réalité la totalité d’aucune des régions où ils prétendront que le vote a lieu.

Aucun vote significatif ne pourrait avoir lieu, ou n’a lieu actuellement. La situation actuelle n’a rien à voir avec les Ukrainiens ou la façon dont ils pourraient voter. Elle a à voir avec les besoins ressentis par Poutine. La Russie est en train de perdre la guerre, et Poutine a besoin d’un nouveau mur d’illusions. Comme tous les tyrans, partout et de tout temps, il a commis une erreur fatale, et sa dernière action sera donc de s’assurer qu’elle est fatale pour son propre peuple. Poutine doit envoyer des réserves russes en Ukraine et il a besoin d’une histoire pour expliquer pourquoi il le fait, autre que le fait que sa guerre était une erreur et que la Russie est en train de perdre. L’histoire est que la guerre offensive de la Russie pour détruire l’Ukraine est en fait une guerre défensive pour défendre la mère patrie. Pour cette histoire, il a besoin de l’exercice médiatique.

Poutine sait que la plupart des Russes ne se soucient pas vraiment de l’Ukraine, sauf dans le sens où ils apprécient une guerre à la télévision. Mais la guerre va si mal que la version télévisée devient difficile à maintenir. Poutine a besoin que certains Russes se lèvent de leur canapé et se battent, et il a annoncé une « mobilisation partielle ». Pour convaincre les hommes russes de se battre, et les familles de ne pas se rebeller, il a modifié sa caractérisation de la guerre. C’était autrefois une « opération militaire spéciale » qui devait détruire l’Ukraine en trois jours. Maintenant, c’est une grande lutte pour défendre la civilisation, etc. Mais une guerre défensive doit être menée sur le territoire russe.

Par conséquent, Poutine doit présenter le territoire ukrainien que les Ukrainiens reprennent comme territoire russe ; et en conséquence, il doit faire un exercice médiatique pour prétendre que des « référendums » ont eu lieu, et que les gens dans les régions ukrainiennes veulent rejoindre la Russie. « Presto-chango-russo » : un souhait du tyran, quelques lignes de script à la télévision russe, quelques lignes de code sur les sites web des médias russes, et les territoires deviennent russes ! Cette improvisation postmoderne hésitante ne convaincra personne en dehors de la Russie, et elle pourrait même ne pas convaincre les Russes. Mais maintenant que Poutine a pris sa décision, l’exercice médiatique visant à soutenir sa pensée magique doit se poursuivre.

À un moment donné, les médias russes déclareront simplement que (quelque chose comme) 97% des habitants de la région de Donetsk veulent rejoindre la Russie, 96% à Luhansk, 86% à Zaporizhia, 80% à Kherson. Ces chiffres seront inventés, inventés de toutes pièces. Ils sont déjà dans un dossier quelque part. Il n’y aura pas plus de raison de rapporter ces chiffres dans une phrase contenant le mot « référendum » ou « vote » qu’il n’y en aurait de rapporter mon affirmation, faite ici, que 97% des habitants de Brooklyn souhaitent rejoindre le Mississippi.

Il est hors de propos de dire que de tels chiffres sont invraisemblables, car ils seront simplement inventés. Lorsque nous savons déjà que quelque chose est inventé, nous ne nous arrêtons généralement pas pour penser que nous aurions pu y croire quand même. Mais oui, les fictions fournies dans l’exercice médiatique seront peu plausibles. Et ce, délibérément. La façon dont la propagande électorale russe fonctionne est de dire un mensonge que tout le monde sait être un mensonge, puis de montrer par la force qu’il n’y a pas d’alternative à vivre comme si le mensonge était vrai. Nous aurons donc des chiffres nord-coréens, car c’est ainsi que le système fonctionne.

Cet exercice médiatique russe est donc ridicule. Mais ce n’est pas drôle. C’est obscène.

Et les morts ? Qu’en est-il des plus de 100 000 Ukrainiens que les Russes ont tués à Mariupol ? Que devons-nous penser de leurs « votes » ? Qu’en est-il des plus de trois millions de citoyen·es ukrainien·es que la Russie a déporté·es de force, dont beaucoup sont maintenant dans des camps ? Dans les régions où l’exercice médiatique sera appliqué, la Russie a détruit ville après ville. Partout où la Russie a occupé un territoire, elle laisse derrière elle des fosses communes. Lorsque j’étais en Ukraine il y a quelques semaines, j’ai visité l’une d’entre elles, ainsi que les maisons de personnes qui avaient perdu des membres de leur famille. Pendant que j’étais en Ukraine, l’armée ukrainienne a libéré une grande partie de la région de Kharkiv, et nous avons maintenant connaissance d’autres charniers, par exemple à Izyum.

C’est le monde dans lequel l’exercice médiatique est entrepris. Lorsque la Russie prétend que d’énormes majorités d’Ukrainiens veulent rejoindre la Russie, elle prétend que les Ukrainiens aiment les fosses de la mort, que les Ukrainiens aiment la torture, que les Ukrainiens aiment la déportation, que les Ukrainiens aiment voir leurs maisons détruites et leurs villes anéanties.

L’exercice médiatique russe en cours (« référendums ») est une obscénité. Lorsque les médias russes annonceront les « résultats » inventés, Moscou prétendra que les Ukrainiens souhaitent célébrer leur propre génocide en cours en rejoignant le pays qui le perpètre. Une telle tentative d’humiliation publique est méprisable. L’exercice des médias russes n’est ni plus ni moins qu’un élément des crimes de guerre russes en cours.

Timothy Snyder, 22 septembre 2022

https://snyder.substack.com/p/russias-obscene-referendums?utm_source=post-email-title&isFreemail=true&utm_medium=email
Traduit avec http://www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

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2022 - 4 - 27 - Réfractaires

rappel :
Déclaration du Mouvement des objecteurs de conscience de Russie
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/05/30/39-solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-39/
Appel au Conseil fédéral: Pour le droit d’asile des déserteurs et des réfractaires russes en Suisse ! 
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/04/19/30-solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-30/
Antimilitaristes, pacifistes, objecteurs… Nous soutenons les réfractaires à l’armée russe
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/04/05/25-solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-25/

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Guerre en Ukraine. « La mobilisation des réservistes russes, un aveu d’échec pour Poutine ? »
Entretien avec Aude Merlin* conduit par William Bourton

Vladimir Poutine a décrété une mobilisation partielle en Russie, avec le rappel de quelque 300 000 réservistes. [Cela, suite à l’annonce de référendums d’annexion à la Russie, faite le 20 septembre par les autorités soutenues ou installées par Moscou dans quatre régions d’Ukraine: Louhansk et Donetsk, Kherson (Sud) et Zaporijia (Sud-Est), où l’armée russe est présente. Ces référendums d’annexion (« rattachement » selon la formule de Poutine) à la Russie – avec leurs conséquences sur la délimitation politico-militaire de la guerre : le maître du Kremlin utilise, à ce propos, le terme « d’intégrité territoriale » – doivent se faire dans l’urgence, du 23 au 27 septembre. Réd.]

Comment interpréter cette escalade dans la campagne d’Ukraine ? Nous avons interrogé Aude Merlin, chargée de cours en science politique à l’ULB (Université Libre de Bruxelles) et spécialiste de la Russie.

L’annonce du président russe est-elle une démonstration de force ou un aveu de faiblesse ?
J’aurais tendance à dire que Vladimir Poutine est rompu aux pratiques du judo, où l’on essaye toujours de transformer une faiblesse en force… Mais en vérité, pour moi, c’est un aveu de faiblesse, même s’il ne le présentera jamais comme ça. Ce mercredi matin 21 septembre, pour la première fois depuis très longtemps, Sergueï Choïgou, le ministre de la Défense russe, a évoqué les pertes en Ukraine depuis le début du conflit; il a cité 5937 tués au combat, mais d’autres sources arrivent à un décompte beaucoup plus élevé. Par ailleurs, en général, on dit que le nombre d’hommes hors d’état de combattre du fait des blessures de guerre est trois fois le nombre de tués… On ne connaît pas les chiffres exacts, mais ce qui est sûr, c’est que l’armée russe subit des revers importants, que le plan du Kremlin et du ministère de la Défense n’est pas du tout réalisé.

Cet été, il y a eu des opérations de recrutement. Le chef de la société militaire Wagner, Evgueni Prigojine, est allé lui-même dans les prisons pour essayer de recruter des condamnés de droit commun en échange d’une remise de peine. De son côté, Ramzan Kadyrov, le chef de la République de Tchétchénie, a incité les autres régions et républiques fédérées de Russie à mettre en place des bataillons « volontaires » nationaux – au sens ethnique. Mais ces campagnes n’ont pas donné les résultats escomptés. Cette mobilisation partielle s’inscrit dans ce contexte-là.

Poutine agit-il sous la menace des militaires ou des faucons du Kremlin ?
Il est difficile de dire ce qui se passe au Kremlin, mais je pense qu’il garde la maîtrise du jeu, qu’il arrive à maintenir son statut d’arbitre au milieu des différents clans qui gravitent autour du Kremlin. J’imagine en tout cas que la décision de rappeler les réservistes a été concertée avec Sergueï Choïgou. En vérité, Vladimir Poutine est l’otage des décisions qu’il a prises en 2014, avec l’annexion de la Crimée, avec le déclenchement de la guerre dans le Donbass et avec tout ce narratif à la fois sur le monde russe et sur le prétendu « nazisme ukrainien ». Je pense qu’il veut finir sa vie politique en ayant accompli une mission. Je pense qu’il est dans une logique de « mission ». Et donc, actuellement, l’armée patine, mais on ne se laisse pas impressionner, on continue à avancer… et donc, on mobilise.

Rappel des réservistes donc, mais aussi durcissement des peines à l’égard des soldats qui faillissent… 
Les députés de la Douma ont effectivement voté à toute vitesse un texte qui a fait entrer le mot « état de guerre » et le mot « mobilisation » dans le code pénal, avec, en plus, une peine de dix années d’incarcération pour les soldats qui seraient faits « prisonniers volontaires ». Ça rappelle vraiment ce qui s’est passé lors de la Deuxième Guerre mondiale: immédiatement après leur retour sur le territoire soviétique, les soldats qui avaient été faits prisonniers par les Allemands ont été envoyés dans des camps. Il y a donc à la fois un arsenal en terme législatif et une décision politique, un cran supplémentaire dans cette dynamique de mobilisation – qui n’est cependant pas une mobilisation générale, loin de là.

Les troupes russes devraient grossir de 300 000 hommes, mais est-ce que l’armement et l’intendance suivront pour remporter la guerre? 
Je ne suis pas une spécialiste pointue des questions techniques et technologiques, mais ce qu’on peut dire, c’est que depuis le début de l’invasion, il y a de gros problèmes logistiques et d’approvisionnement, en plus des problèmes d’organisation, de chaîne de commandement, de discipline, etc. Tout cela a été relayé par différents témoignages. Par ailleurs, la montée graduelle des sanctions a mis à mal des chaînes de production, des matériaux et des composants de certains équipements militaires ne pouvant plus être fournis. Je ne pense donc pas que le nombre de combattants puisse compenser tous ces problèmes techniques, technologiques et de discipline.

A ce propos, il ne faut pas oublier qu’il y a une question importante, qui est celle de la motivation et du sens. Autant, pour les Ukrainiens, se battre a un sens – il s’agit de défendre leur pays souverain, de résister à une agression sur leur territoire venant d’un autre Etat –, autant, pour les Russes qui sont envoyés en Ukraine, il y a vraiment un sentiment d’absurdité qui commence maintenant à percoler. On le voit notamment avec les témoignages, sur les chaînes Telegram, de soldats russes qui se sont enfuis après la débâcle.
Entretien publié dans le quotidien 
Le Soir, le 21 septembre 2022, publié à 17h51
*Aude Merlin (avec Silvia Serrano) a publié Ordre et Désordre au Caucase, Ed. Université de Bruxelles, 2010 ; (Ed) Où va la RussieEd. Université de Bruxelles, 2007 ; « La société civile russe à l’épreuve de l’invasion de l’Ukraine » (avec Anne Le Huérou), in Alternatives humanitaires, juillet 2022 (p.12-29).

http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/dossier-guerre-en-ukraine-la-mobilisation-des-reservistes-russes-un-aveu-dechec-pour-poutine.html

Rappel :
Denis Paillard : 
Chronique de la répression des mouvements de protestation en Russie contre la guerre en Ukraine
Manifestations en Russie suite au lendemain de l’annonce par Poutine de la mobilisation de 300 000 réservistes
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/09/22/chronique-de-la-repression-des-mouve

Litre aussi :
Violentes arrestations et convocations au bureau militaire. Premier bilan des rassemblements contre la mobilisation
https://memorial-france.org/detentions-fermes-et-convocations-au-bureau-militaire-premier-bilan-des-rassemblements-contre-la-mobilisation-du-21-septembre/

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Poutine fait appel à des troupes supplémentaires et menace de recourir à l’option nucléaire dans un discours qui fait monter les enchères mais montre la faiblesse de la Russie »

En déclarant une mobilisation partielle et en menaçant d’utiliser « une grande quantité d’armes russes » en réponse au prétendu chantage nucléaire occidental, le président russe Vladimir Poutine a une nouvelle fois fait monter les enchères dans sa guerre contre l’Ukraine. En effet, Poutine a pratiquement été jusqu’à le dire : « Lorsque l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour défendre la Russie et notre peuple – ce n’est pas du bluff. »

Cette dernière escalade fait suite à l’annonce, le mardi 20 septembre, de référendums dans les territoires que la Russie occupe actuellement en Ukraine. Elle représente le dernier pari du président russe pour trouver un moyen de sauver la face dans une situation de plus en plus désastreuse en Ukraine.

Vladimir Poutine s’est adressé au peuple russe dans une allocution télévisée à 9 heures (le 21 septembre), heure de Moscou, insistant sur le fait que la mobilisation militaire partielle de ses 2 millions de réservistes [soit quelque 300 000 hommes] était destinée à défendre la Russie et ses territoires. Il a déclaré que l’Occident ne voulait pas de la paix en Ukraine, ajoutant que Washington, Londres et Bruxelles poussaient Kiev à «transférer des opérations militaires sur notre territoire» dans le but de «piller complètement notre pays».

Une tactique bien connue
Le projet de la Russie d’annexer des territoires dans l’est de l’Ukraine par le biais de « référendums » s’inscrit dans une tactique bien établie, mais il constitue également une nouvelle escalade dans une guerre qui n’a pas été à l’avantage de Poutine pendant la majeure partie des sept derniers mois.

En mars 2014, Poutine a annexé la Crimée à la suite d’un référendum organisé à la hâte après l’occupation de la péninsule par la Russie. Et en février 2022 – quelques jours avant d’envoyer l’armée russe en Ukraine (Voir The Guardian du 21 février 2022) – il a reconnu l’indépendance des prétendues républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, déployant des « forces de maintien de la paix » dans ces territoires occupés par la Russie et ses intermédiaires locaux depuis 2014. Poutine a utilisé ces territoires comme rampes de lancement de sa guerre illégale contre l’Ukraine à peine deux jours plus tard (le 24 février).

A la suite de cette agression, la Russie a conquis environ 20% du territoire ukrainien – principalement dans l’est. Au cours des dernières semaines, Moscou a de nouveau perdu certaines de ces zones, mais il contrôle toujours environ 90 000 km², principalement dans la région du Donbass et dans le sud-est de l’Ukraine. Les autorités installées, de facto, par le Kremlin – qui soumettent une grande partie des régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson – ont maintenant « demandé » à Moscou d’organiser des référendums sur leur adhésion à la Fédération de Russie.

Les référendums devraient avoir lieu entre le 23 et le 27 septembre, et le Parlement russe devrait ratifier rapidement toute décision d’annexion, Poutine la validant peu après. Un processus similaire s’est produit en Crimée en 2014.

Une escalade d’un autre genre
En 2014, l’Ukraine ne s’est pas beaucoup battue pour la Crimée, et son « opération antiterroriste » s’est rapidement arrêtée alors que la Russie déversait des troupes et des ressources dans le Donbass pour y soutenir ses mandataires locaux. Après huit mois de combats intenses, le résultat a été le dernier épisode des funestes accords de paix de Minsk en février 2015, qui ont créé, durant sept ans, un cessez-le-feu instable, encastré dans un processus de dialogue dysfonctionnel qui n’a pas permis de parvenir à un règlement.

Carte de la situation sur le terrain en Ukraine le 21 septembre 2022

CarteRussieUkraine21092022

Il n’y a aucune chance que Kiev et ses partenaires occidentaux acceptent un accord similaire qui ne ferait que donner à Moscou le temps de se regrouper et de planifier sa prochaine action. Les dirigeants ukrainiens et occidentaux l’ont déjà dit, y compris le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz.

Mais il est peu probable que cela arrête la Russie. Poutine a besoin d’une « excuse » non pas tant pour une escalade en Ukraine que pour la Russie elle-même. L’incorporation du territoire ukrainien à la Russie transformerait, du point de vue russe, les opérations militaires ukrainiennes visant à libérer ces zones de l’occupation russe en un acte d’agression contre la Russie.

Cela donnerait à Poutine un prétexte pour appeler à une mobilisation générale et peut-être même déclarer la loi martiale en Russie. L’approbation, par la Chambre basse du parlement russe, de peines plus sévères pour une série d’infractions commises pendant les périodes de mobilisation militaire ou de loi martiale est de mauvais augure dans ce contexte.

L’annonce des référendums et de tout ce qu’ils impliquent constitue également un défi direct pour l’Occident, car elle met au défi les décideurs politiques de l’OTAN et de l’UE de continuer à soutenir une Ukraine désormais présentée par la Russie comme l’agresseur. Cela augmenterait considérablement le risque d’un affrontement direct entre la Russie et l’Occident et ferait resurgir le spectre d’un recours à l’arme nucléaire par la Russie.

Cette question a déjà été soulevée, en juillet 2022 (voir notre article du 20 juillet 2022 sur The Conversation:https://theconversation.com/ukraine-war-why-moscow-could-go-nuclear-over-kyivs-threats-to-crimea-187188), lorsque l’Ukraine a commencé à progresser dans sa contre-offensive dans le sud, mais elle est apparue comme une autre ligne rouge insignifiante pour la Russie.

Le facteur Chine
Poutine a rencontré le président chinois Xi Jinping, le 15 septembre, en marge du sommet annuel de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Samarcande, en Ouzbékistan. Juste avant, Xi Jinping s’était également rendu au Kazakhstan et avait exprimé son soutien clair à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de ce pays. Il s’agissait là d’un signal clair envoyé à Poutine pour qu’il se tienne à l’écart de l’Asie centrale et, aussi, d’un signe préfigurant la dérobade humiliante qu’a subie Poutine qui a dû admettre que la Chine était préoccupée par l’« opération militaire spéciale » menée par la Russie en Ukraine.

L’absence d’un message similaire sur l’Ukraine, où la Chine continue d’éviter de s’exprimer clairement contre l’agression de la Russie, a pu donner l’impression à Moscou que le désir de stabilité de Pékin, exprimé par Xi à Samarcande, concernait principalement une fin rapide de la guerre, et pas nécessairement la voie à suivre.

L’idée que la Chine pousse la Russie non seulement à quitter l’Asie centrale, mais aussi à adopter une attitude plus agressive à l’égard de ses frontières occidentales, est une autre erreur de perception par le Kremlin de l’option de la Chine. C’est une interprétation très dangereuse, compte tenu de la manière dont le manuel de stratégie de la Russie s’applique aux « affaires en suspens » dans la région séparatiste pro-russe de Transnistrie en Moldavie et du fait que la Russie a également reconnu, en 2008, l’indépendance des deux régions séparatistes géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.

Dans le message qu’il a récemment adressé au dirigeant de l’Ossétie du Sud, Alan Gagloev (Greetings to Alan Gagloev : http://en.kremlin.ru/events/president/news/69380), Poutine a souligné que « l’alliance et l’intégration » étaient les principes de leur relation et que la Russie s’engageait à garantir la « sécurité nationale » de l’Ossétie du Sud.

La dernière bataille de Poutine?
La question qui se pose est la suivante: jusqu’où Poutine peut-il et veut-il aller ? Il a déjà joué la plupart de ses cartes et ne gagne toujours pas. Le chantage portant sur la livraison d’énergie contre l’Occident n’a pas brisé le front uni des membres de l’OTAN et de l’UE et de leurs alliés.

Les partisans de Poutine sont peu nombreux et leur compagnie est douteuse: des pays comme l’Iran et la Syrie, la Corée du Nord et le Myanmar. La Chine achète peut-être du pétrole et du gaz russes, mais Xi Jinping ne s’est pas encore rangé ouvertement du côté de Poutine sur la question de l’Ukraine. Et il est peu probable qu’il le fasse, surtout si une nouvelle escalade se profile à l’horizon à la suite des référendums prévus dans les territoires occupés.

Et surtout, Poutine ne gagne pas sur le terrain en Ukraine. Sa dernière tentative désespérée de faire monter les enchères en est le signal le plus clair à ce jour – mais aussi une indication de la façon dont cette situation déjà catastrophique pourrait devenir encore plus dangereuse. 

Stefan Wolff et Tatyana Malyarenko
Article publié sur le site The Conversation, le 21 septembre 2022 ; traduction par la rédaction de A l’Encontre
Stefan Wolff, professeur à l’Université de Birminghan. Il est Senior Research Fellow du Foreign Policy Centre à Londres et Co-Coordinateur du réseau OSCE des groupes de réflexion et des institutions académiques.
Tatyana Malyarenko, professeur à la National Odessa Law Academy. Tatyana Malyarenko est financée par la Fondation Alexander von Humboldt, Allemagne, et le programme Jean Monnet de l’Union européenne (UE).
http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/dossier-guerre-en-ukraine-la-mobilisation-des-reservistes-russes-un-aveu-dechec-pour-poutine.html

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Les poursuites contre Memorial s’intensifient en Russie 

« Ainsi, Memorial, qui a été créée dans le but de réaliser des actions pour le bien public, a transformé ses activités réelles en une démonstration de mépris caractérisé pour la loi et d’opposition à l’état de droit existant. Ses actions n’ont pas permis de garantir leur caractère public et ont fait obstacle au contrôle public de l’Organisation,
À cet égard, elle a grossièrement violé les droits des citoyens, notamment le droit à des informations véridiques sur ses activités. » 
Extrait de l’assignation en justice

Communiqué de Memorial

Lorsque nous avons reçu les assignations visant à liquider Memorial International en novembre 2021, ne comptant pas particulièrement sur le système judiciaire russe d’aujourd’hui, nous avons commencé à nous préparer à tous les scénarios possibles. Il nous a semblé particulièrement important de veiller à ce que le travail de commémoration des victimes de la terreur se poursuive de manière durable, notamment en nous assurant que le bâtiment de Karetny Ryad reste ouvert au public. Le conseil d’administration de Mémorial international a donc décidé de faire don du bâtiment de Karetny Ryad dont il était propriétaire à l’une des plus anciennes organisations de Memorial à Moscou, le Centre de recherche et d’éducation Memorial (Научно-исследовательскому и просветительскому центру Мемориал – НИПЦ Мемориал). 

Le Centre de recherche a été fondé en 1990 par l’historien Arseni Roginski et un groupe de chercheurs. Pendant 30ans, l’organisation s’est engagée dans la recherche scientifique : la collecte et l’analyse d’informations sur la terreur d’État soviétique, d’État, la préparation de publications scientifiques, la création de bases de données, etc. Les résultats des travaux du Centre de recherche ont été transmis à Memorial International et à d’autres organisations publiques pour une diffusion publique.

Les locaux de Karetny Ryad appartenaient à Memorial International sur la base d’un acte de vente de 2005. En vertu de la législation russe, une organisation comme Memorial a le droit de transférer ses biens à d’autres entités juridiques. En vertu de la loi sur les associations à but non lucratif, après la décision de liquidation, l’association dispose de manière indépendante des actifs restants : conformément à ses statuts, l’organisation les répartit en accord avec ce pour quoi elle a été elle-même créée. L’État ne peut réclamer ces biens que si l’ONG elle-même n’est pas en mesure de les répartir conformément à ses statuts et à son objet social. 

L’objet du Centre de recherche et d’éducation Memorial (Научно-исследовательский и просветительский центр Мемориал – НИПЦ Мемориал) est similaire à celui de Memorial international aujourd’hui en liquidation. Memorial international avait donc la possibilité de transférer le bâtiment de Karetny Ryad au Centre de recherche. C’est pourquoi, avec le soutien d’avocats de divers domaines de spécialisation, un accord a été conclu pour faire don des locaux au Centre de recherche afin qu’ils continuent à être utilisés conformément aux statuts.

Le 26 août 2022, nous avons reçu assignation du bureau du procureur demandant que nous fournissions une énorme liste de documents relatifs, cette fois, au Centre de recherche.

Le 12 septembre, Elena Zhemkova, directrice exécutive de Memorial international en liquidation, et Boris Belenkine, directeur exécutif du Centre de recherche, ont reçu des convocations au tribunal, dans le cadre d’une « requête en l’invalidité de cession, de l’application des conséquences de cette invalidité, de la saisie des biens et du recouvrement des sommes ainsi dégagées au profit de la Fédération de Russie ». 

« L’organisation a été notamment impliquée dans la réhabilitation de criminels nazis, le discrédit des autorités et la création d’une fausse image de l’URSS comme état terroriste. » Extrait de l’assignation en justice

Le 14 septembre, les comptes personnels d’Elena Zhemkova et de Boris Belenkine ont été saisis. Cette décision a été prise à la demande du bureau du procureur par le tribunal de district Tverskoy avant même que se tienne la moindre audience dans cette affaire. Nous avons également reçu des informations selon lesquelles le tribunal avait ordonné la saisie des comptes et des biens du Centre de recherche. Un entretien (audience préliminaire) aura lieu au tribunal du district aujourd’hui, vendredi 16 septembre, à 9h30 (heure de Moscou)

Évidemment, nous n’avons aucune confiance en la justice russe de 2022 : il semble donc très probable que le bâtiment du Karetny Ryad soit confisqué. Ceci rendra encore plus difficile la poursuite du travail de Memorial, mais ce travail ne peut être arrêté. Memorial continuera donc à remplir les objectifs qui sont les siens jusqu’au rétablissement de la justice en Russie et après.

La défense de Memorial sera constituée de Marina Agaltsova, Mikhaïl Birioukov, Zhargal Budaev, Tamilla Imanova.

« La violation systématique par Memorial des normes de l’ordre public a entraîné la transformation de son objectif déclaré comme d’utilité public, en une activité destructrice délibérée et constante, ce qui, par conséquent, l’a transformée en une entité juridique dont les actions ne pouvaient pas atteindre des objectifs d’utilité publique. » Extrait de l’assignation en justice

https://memorial-france.org/les-poursuites-contre-memorial-sintensifient-en-russie/

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Charnier à Izioum, en Ukraine :
nous demandons justice et réparation pour les victimes et leurs familles

Après des mois d’occupation russe, les autorités ukrainiennes ont repris le contrôle d’Izioum, dans la région de Kharkiv et ont découvert un charnier contenant plus de 440 tombes. Des centaines de corps de civils et de militaires ukrainiens enterrés dans une forêt. Cette macabre découverte confirment nos craintes les plus sombres. Le peuple ukrainien et le monde entier méritent de savoir comment sont mortes ces personnes. Nous demandons justice et réparation pour les victimes et leurs familles.

  • La découverte d’un charnier près de la ville d’Izioum, dans la région de Kharkiv, confirment nos craintes les plus sombres.

  • En mars, nous tirions la sonnette d’alarme sur le sort des civils à Izioum, en butte aux attaques incessantes des forces russes depuis le quatrième jour de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie. 

  • Il doit y avoir justice et réparation pour les victimes et leurs familles, ainsi qu’un procès équitable et l’obligation de rendre des comptes pour les auteurs présumés.

  • Nous demandons une nouvelle fois à la communauté internationale de fournir des ressources afin d’aider l’Ukraine à obtenir des preuves.

Après des mois d’occupation russe, les autorités ukrainiennes ont repris le contrôle d’Izioum, dans la région de Kharkiv, et ont annoncé qu’elles avaient découvert un site funéraire improvisé dans une forêt voisine, où elles ont recensé plus de 440 tombes récentes. Selon Oleh Kotenko, responsable ukrainien chargé des personnes disparues, ce site a été creusé à la hâte pour faire face aux nombreuses victimes, notamment celles du bombardement intensif de la ville par les forces russes en février et mars 2022. Ces informations sont corroborées par les photographies et les témoignages recueillis par des journalistes de la région. 

Des journalistes ont rapporté que plusieurs croix en bois portent les noms des personnes qui seraient enterrées dans ces tombes, tandis que la plupart ne portent que des numéros ; sur une fosse par exemple, un chiffre indique que 17 soldats ukrainiens y sont enterrés. 

« La découverte d’un charnier contenant les corps de civils et de militaires ukrainiens dans une forêt près de la ville d’Izioum, confirment nos craintes les plus sombres. En mars, nous tirions la sonnette d’alarme sur le sort des civils à Izioum, en butte aux attaques incessantes des forces russes depuis le quatrième jour de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie. » Marie Struthers, directrice du programme Europe de l’Est et Asie centrale d’Amnesty International

« Le peuple ukrainien et le monde entier méritent de savoir comment sont mortes ces personnes. Pour chaque homicide illégal ou crime de guerre, il doit y avoir justice et réparation pour les victimes et leurs familles, ainsi qu’un procès équitable et l’obligation de rendre des comptes pour les auteurs présumés » a déclaré Marie Struthers.

Il est essentiel de recueillir des preuves
À mesure que les forces russes se retirent, des éléments faisant état de crimes de guerre commis par celles-ci et par des groupes armés soutenus par la Russie apparaissent, sous forme de témoignages, de vidéos et de photos.

Le 10 septembre, des organes ukrainiens responsables de l’application des lois ont annoncé que des policiers avaient exhumé les corps de deux hommes qui auraient été torturés et tués par les forces russes dans le village de Hrakove (oblast de Kharkiv) en mars. Les 11 et 12 septembre, des frappes de l’armée russe ont endommagé des infrastructures énergétiques essentielles, provoquant d’importantes coupures d’électricité et d’eau ainsi que des perturbations dans les trains.

Au moment où l’Ukraine reprend le contrôle de territoires occupés par les forces russes, il est essentiel de recueillir des preuves de leurs crimes de guerre supposés. Ce recueil de preuves nécessite des ressources considérables, c’est pourquoi nous demandons une nouvelle fois à la communauté internationale d’appuyer ces efforts. 

« Nous appelons une nouvelle fois la communauté internationale a fournir des ressources afin d’aider l’Ukraine à obtenir des preuves et à mener les enquêtes nécessaires pour déterminer les circonstances de la mort de ces personnes et établir les responsabilités. Pour que les victimes obtiennent justice et réparations, il importe que les procès des auteurs présumés de crimes de guerre respectent les normes internationales d’équité. » Marie Struthers, directrice du programme Europe de l’Est et Asie centrale d’Amnesty International

Ceux qui commettent ou ordonnent des crimes de droit international doivent garder en tête qu’il n’existe pas de prescription et que la justice les rattrapera.

https://www.amnesty.fr/actualites/ukraine-charnier-a-izioum-le-peuple-ukrainien-et-le-monde-entier-meritent-de-savoir-comment-sont-mortes-ces-personnes

En complément possible :
Jean-Marc Adolphe : Izioum : les nazis de Poutine
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/09/19/51-solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-51/

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André Markowicz : Izioum, et après…

Poète, traducteur, éditeur (éditions Mesures), André Markowicz tient sur Facebook, depuis le 24 février, tous les deux jours, un journal presque exclusivement consacré à la guerre en Ukraine. Dès le lendemain de l’invasion russe, le 25 février, les humanités avaient repris la première de ces chroniques, « Effacer l’Ukraine, purement et simplement ». De façon assez incompréhensible, André Markowicz est aujourd’hui scandaleusement censuré par Facebook. Les employés de Monsieur Zuckerberg ont en effet purement et simplement effacé de la Toile l’une des dernières chroniques d’André Markowicz, en date du 17 septembre, avec un avertissement sur un possible blocage total de sa page Facebook. Les humanités publient aujourd’hui ce texte censuré, et se tiennent prêt à prendre le relais en cas de futures atteintes à la liberté d’expression.

Le début

Là aussi, donc, à Izioum, la terreur, les fosses communes. Je l’ai dit et redit, ce sera pareil, avec des degrés de différence, partout. Les gens commencent à parler : après six mois d’occupation, c’est comme s’ils ressortaient à la lumière. Il n’y avait aucune information de rien, à part celle des Russes (ils ne savaient absolument rien du cours de la guerre, juste rien du tout), il n’y avait pas d’électricité – et la terreur, aléatoire, constante. Les portes, dit une femme, devaient rester ouvertes. Les Russes pouvaient entrer, et prendre, tout simplement. Prendre n’importe quoi, ce qui leur plaisait – des biens de consommation, bien sûr (et là encore, on est saisi d’accablement de voir qu’au moment même de leur fuite, les soudards essayaient encore d’emporter des frigos et des télés), mais, tout autant, des femmes. Parce que les femmes aussi, visiblement, étaient des biens de consommation. D’après ce que je comprends, de ça, on n’en parle encore pas trop, mais il y a eu beaucoup, oui, beaucoup de viols. Quant aux tortures, elles étaient systématiques. J’en ai déjà parlé dans mes chroniques précédentes. Une arrestation, pour n’importe quoi, vous exposait à ça, aux coups, à l’électricité, sans autre raison que, voilà, on pouvait, et qu’on faisait.

Et cela n’était pas le fait de débordements d’une soldatesque mal contrôlée. Il faut le rappeler encore et encore, il s’agit là de l’application d’une doctrine, d’une politique expliquée, dès le début du mois de mars, par TimoféÏ Serguéïtsev, dans un texte dont il devra répondre devant le tribunal du monde (Lire ICI) comme Streicher à Nuremberg. Punir les Ukrainiens de ne pas comprendre qu’ils sont des Russes et les maintenir, pendant une génération, dans les ruines, pour qu’ils comprennent qu’il vaut mieux qu’ils comprennent, et pour laisser, en une génération, se développer une âme d’esclave dans les gens, parce qu’il ne faut surtout pas leur laisser la moindre possibilité de faire quoi que ce soit par eux-mêmes. Même la nourriture doit être donnée par leurs maîtres (sans parler de l’éducation). Et c’est exactement, très concrètement, et pleinement, ce qui se passait à Izioum. Les gens ne pouvaient vivre que de l’aide alimentaire.

Cette aide, très rare, était distribuée d’une façon incompréhensible. Disons, incompréhensible pour les gens. À telle femme, on donne quelques conserves de viande, à telle autre, non. Sans explication. Et puis, il y avait les gens qui, cette aide, l’acceptaient alors que, pour une raison ou une autre, ils pouvaient ne pas l’accepter (ils avaient un jardin, par exemple) d’autres qui l’acceptaient parce qu’ils ne pouvaient pas ne pas l’accepter (où tu trouves à manger quand tu es en appartement ?). Et d’autres encore qui parvenaient à ne pas l’accepter du tout. Et, visiblement, il y avait des trafics de toutes sortes. Et il y avait, naturellement, parmi les habitants, des gens qui étaient mieux vus que d’autres, il y a eu, à l’évidence, des gens qui ont profité de cette horreur, des gens qui ont dénoncé leurs voisins, bref, nous n’en sommes qu’au début des tragédies personnelles. Nous ne sommes qu’au début des traumatismes.

« C’est tellement plus long de reconstruire les gens. – Les gens, les reconstruire, ça prend des décennies »

Une femme expliquait que, les pires, ce n’étaient pas les Russes, mais les milices de Lougansk et de Donetsk, parce que, dans les faits, c’étaient eux qui restaient là (l’armée russe en tant que telle était moins nombreuse à Izioum que ces milices). C’est eux, disait-elle, qui avaient édicté la règle des portes ouvertes – les gens n’avaient pas le droit de fermer leur porte à clé, ils devaient laisser les barrières toujours ouvertes (et, de fait, j’avais vu ça, en mars, les Russes arrivaient quelque part et enlevaient simplement toutes les portes – ils laissaient les gens là, parfois, mais il n’y avait plus de portes). Ils passaient quand ils voulaient, ils prenaient. – Mais ces gens-là, réellement, ce sont leurs voisins. Izioum appartient à la province de Kharkov, mais celles de Lougansk et de Donetsk sont à côté. Ce sont les mêmes gens qui sont là. Et ceux qui pillaient Izioum (et tous les villages alentour, dont on ne parle pas, mais où ce devait être encore pire), en gros, ils habitent à, quoi, vingt-trente kilomètres….

Et maintenant, voilà. L’armée ukrainienne est là, elle a libéré les habitants – on commence à enquêter sur les collaborateurs (et, évidemment, ça n’ira pas sans règlements de comptes comme il y en a eu chez nous en juillet-août 44). Mais nous sommes entrés dans l’automne, il va faire de plus en plus froid, – surtout la nuit. Les premières gelées peuvent commencer dans deux semaines. Et les gens, ils vont faire quoi ? 80% du parc immobilier de la ville est détruit, totalement. Le passé de la ville (une ville très ancienne) est quasiment détruit. Que va-t-il se passer pendant l’hiver ? – Le gouvernement ukrainien avait demandé aux habitants de quitter toutes les zones occupées, quitte à se réfugier en Russie, et ce n’était pas seulement en prévision des combats – lesquels combats, on comprend bien, sont loin d’être finis). Que faire, pour les gens ? Comment pourront-ils vivre ?

Ils vivront dans les ruines, pendant des années encore. – Le temps de reconstruire… « Ici, dit un journaliste que je suis systématiquement, Denis Kazanskiy (il le dit dans sa langue maternelle, le russe – même si, bien sûr, il parle aussi ukrainien), il y avait un centre commercial, il n’y a plus rien ; ici, il y avait la gare routière. Le bâtiment est resté debout, mais tout est détruit à l’intérieur, et les murs peuvent s’effondrer n’importe quand… »

Mais c’est tellement plus long de reconstruire les gens. – Les gens, les reconstruire, ça prend des décennies. En fait, c’est impossible. Plutôt, les reconstruire, c’est arriver, après, oui, des décennies, à les faire vivre avec la mort en eux. À arriver à faire que la mort soit, d’une façon ou d’une autre, une présence moins envahissante. Parce que les morts vont revenir. Je veux dire, d’abord leurs corps, et puis leurs noms. Et leurs vies massacrées par les fascistes poutiniens. Et la douleur, et la haine, et la rancœur, et le ressentiment régneront pendant au moins encore une génération, ou plutôt deux – exactement comme chez nous, après 44. Ceux parmi vous qui ont connu des résistants savent de quoi je parle. Cette haine, inexpugnable, qui est née de la guerre. Ici, celle de Poutine. Celle où les Russes, dont les aïeux ont pris Berlin, sont devenus des nazis.
Oui, nous n’en sommes qu’au début.

André Markowicz, 17 septembre 2022.
https://www.leshumanites-media.com/post/andré-markowicz-izioum-et-après

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Ukraine : Aubervilliers, la Commune de la honte

Directrice du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers – Centre Dramatique national, Marie-José Malis préfère « s’abstenir de parler » de la guerre en Ukraine : pour elle, c’est trop compliqué à penser ! En revanche, sur la scène du même Théâtre de la Commune, elle offre une phénoménale tribune au philosophe post-maoïste Alain Badiou qui met sur un pied d’égalité Russie et Ukraine (alias « l’Occident pseudo-démocratique de Biden ») et dénonce « la propagande acharnée des deux camps » dans un contexte où « connaitre la vérité et le réel devient difficile » face au « groupe de ceux qui se sont assuré un certain pouvoir d’opinion ».

Il faut reconnaître un certain courage à Madame Marie-José Malis. Là où, depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, la plupart de ses congénères artistes et/ou directeurs.trices d’institutions culturelles français.e.s se sont surtout fait remarquer par leur silence, la metteure en scène et directrice du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers ose faire entendre sa voix. La suite est moins glorieuse.

Car si Marie-José Malis s’exprime sur la guerre en Ukraine, c’est pour dire… qu’elle n’a rien à en dire. Ou plus exactement : « Un ami lointain, un jour, m’a demandé ce que je pensais de la guerre en Ukraine et j’ai répondu que je préférais m’abstenir de parler. Je ne savais rien dire qui ait un peu de décence et je n’avais pas le courage d’aller la chercher dans un contexte où parler est rendu impossible. » Voilà les premières lignes de son éditorial, dans la brochure de saison 2022-2023 du Théâtre de la Commune.

Cela fait tout drôle de lire ces lignes à l’heure où sont exhumés les corps pour beaucoup torturés de la fosse commune d’Izioum, où des informations de plus en plus précises révèlent l’ampleur des déportations de civils ukrainiens, et notamment d’enfants. Certes, cet éditorial a été écrit en mai. Mais en mai, étaient déjà connus la tragédie de Marioupol et le massacre de Boutcha, entre autres. De quelle « décence » parle Marie-José Malis et quel serait ce contexte « où parler est rendu impossible » ? Mystère et boule de gomme. La lecture des 4 pages et 2 170 mots d’éditorial de la directrice du Théâtre de la Commune, en un texte boursouflé de suffisance, amphigourique, à peu près incompréhensible au commun des mortels, ne permet pas de cerner la nature de cet « impossible ».

Revenant, en fin de texte, sur l’Ukraine et le questionnement de cet « ami lointain », Marie-José Malis en repasse une couche : « Je répondrais que je ne sais pas si nous saurons les moyens de le penser » ! En revanche, ajoute-t-elle aussitôt : « Je sais pourquoi il y a du théâtre, c’est un petit savoir, c’est le mien, et étrangement il devient celui de tous sitôt qu’entre en scène la violence du désir des humains à se connaître, à s’expliquer, à se montrer à l’œil du monde. » Et de convoquer derechef à la rescousse « le masque de Scaramouche, le pinceau de lumière du monde, le bégaiement de Beckett, l’apocalypse de Médée, et la substance anamorphique des performeurs. » Plutôt anamorphique, en effet, mais significatif d’un milieu théâtral qui se prend pour le nombril du monde, voire plus.

En la matière, la modestie n’étouffe pas Marie-José Malis. Lisons plutôt :
« Le théâtre est une sorte de concentration du mythe dans la réalité profane des jours de nos siècles» (…) ; « Le théâtre vous dit tout de suite ce qu’il est: une intensité existentielle, une violence de sa promesse, une enquête, qui jamais ne se résoudra » (…) ; « Il me semble que c’est de ma mort que ça parle, de ce qui en moi comme artiste et vivante aura été finitude, mais une mort rendue possible parce que l’éternité est là, pas la mienne, mais celle de notre art » (…) ; « La création est prise entre cette angoisse de mort et cette levée d’un chemin où tout redevient lettre et vie. »

Et encore : « Le théâtre délie ce qui était lié et nous laisse face à de nouveaux blocs de solitudes et d’impossibles, et la grâce est de les re-collectiviser. Je crois que le théâtre aujourd’hui cherche autre chose que nos vieilles divisions ou injonctions, plus élémentaire, plus structurel, plus dynamique » (…) ; « Il me semble que je ne sais rien penser en dehors du théâtre, il me semble que c’est le seul lieu où je comprenne ce qu’il y a d’irremplaçable dans la vie, ce qu’elle nous demande. (…) Quant à moi, je ne veux plus que ça, cette joie immense à faire lever des blocs de théâtralité, et la paix de se savoir réduite à un petit champ circonscrit où faire porter son action. C’est au nom de cela que je dirige et ai toujours voulu diriger ce théâtre. Pour que cela ait lieu, pour que tous ceux qui y venaient puissent vivre cela, sans limite, et même avec le sentiment qu’ils étaient pris en charge par un esprit général, un esprit de désir et de volonté pour que du réel arrive. Le réel, tout le monde le demande, il vaut mieux en organiser la venue courageuse et pitoyable ou strictement athée, et ainsi fraternelle, sinon, d’autres s’en chargent, et maintenant, on les voit, ils sont quasiment partout. »

Pour que le « réel » de la guerre en Ukraine arrive jusqu’au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, il faudra attendre que sa directrice ait le courage de vouloir en « penser » quelque chose…

Enfin, non, c’est une dissimulation. Car le Centre dramatique national que dirige à Aubervilliers Marie-José Malis en a déjà pensé quelque chose, de la guerre en Ukraine.

Cela s’est passé le 14 mars 2022, soit une quinzaine de jours après le début de l’invasion russe. Pendant 1h30, la scène du Théâtre de la Commune est devenue la tribune d’un philosophe vieillissant (85 ans), ex-dirigeant d’un groupuscule maoïste, défenseur de la Chine de Mao et des Khmers rouges cambodgiens, qui traitait Gilles Deleuze et Félix Guattari d’« idéologues préfascistes », etc. On a reconnu, j’imagine, Alain Badiou.

Alain Badiou, à qui Marie-José Malis a confié au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, le soin de nous « orienter » à travers un « séminaire académique officiel », à raison d’une séance par mois.

Pour 2022-2023, il s’agit ni plus, ni moins, de « proposer une orientation politique, en pensée et en actes »en ces « temps de désorientation mondiale. »

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Une ambition dont Alain Badiou a donné un avant-goût, lors de la séance du 14 mars dernier. Ce jour-là, le vieux philosophe entreprend de causer des « leçons générales qu’on peut tirer de la conjoncture imposée par la guerre en Ukraine ». Et d’emblée, ça le fait ricaner : « tout le monde ne parle que de ça, et donc je voudrais en parler aussi ». Alain Badiou précise aussitôt son intention : il s’agit de faire appel aux « opérateurs de pensée, de construction du jugement, dont on a besoin pour ne pas être une victime de la propagande acharnée des deux camps. »

Le ton est ainsi donné de suite, sans fioritures : le pays agressé et le pays agresseur sont mis sur un pied d’égalité de « propagande acharnée », façonnant ainsi un contexte où « connaitre la vérité et le réel devient difficile » face au « groupe de ceux qui se sont assuré un certain pouvoir d’opinion ».

Il met ainsi en cause des « évidences empiriques de mal et de bien ». « Par exemple, ajoute-t-il, il y a un flot tonitruant de proclamations, articles, témoignages et enquêtes, qui attribue finalement ce qui pourrait relever de l’universel, c’est-à-dire le vrai, le bon et le juste, à l’Ukraine, et le mensonger, le mauvais et le criminel à la Russie, sans qu’on puisse vraiment discerner à partir de quel système de valeurs ou de quelle rationalité politique ces jugements sont prononcés. »

Badiou parle encore des « émeutes truquées de la place Maidan en 2014 » (reprenant mot pour mot la propagande de Poutine pour qui ce soulèvement populaire a été fomenté et organisé par la CIA), soutient que le « soi-disant gouvernement ukrainien » est « manipulé par les Américains et des bandes nationalistes », etc., etc. Heureusement, en grand politologue, Alain Badiou a un « mot d’ordre » pour « ramener la paix » : « ni Poutine, ni l’Occident pseudo-démocratique de Biden et consorts, schématiquement : le gouvernement ukrainien désireux d’entrer dans l’OTAN ».

Je vous épargne la suite, ça continue comme ça, du même tonneau plus ou moins jargonneux, voire pire pendant 1h30 ! Personne n’a quitté la salle. Applaudissements nourris. L’administration du théâtre a toléré que puissent être posées deux questions, pas plus, au Maître. Il y aura deux questions. L’une, incompréhensible, sur l’universalité de l’amour (à laquelle Badiou ne répondra pas, « l’amour », ça doit le dépasser). La seconde question reprend l’expression poutinienne d’un « monde multipolaire », qui serait l’opportunité pour l’avènement d’une nouvelle ère émancipatrice. Badiou répond en appelant à une « relève universalisante » qui saurait faire fi des « nihilismes identitaires » (sous-entendu, par exemple, la prétention des Ukrainiens à se proclamer ukrainiens…).

Sur l’Ukraine, Badiou n’en est pas à son coup d’essai. En 2014, interviewé par Aude Lancelin pour Contre-Courant sur Mediapart, le 20 mars 2014, peu avant le référendum de rattachement de la Crimée à la Russie, il déclare ainsi : « la Crimée est un symbole de la Russie depuis longtemps ». Sur les événements de la place Maidan, il ironisait déjà sur « la sympathie générale d’opinion et de médias qui se porte vers le « désir d’Occident » (…), « tout ce contre quoi je combats et dont je désire la fin. » Pour l’ancien admirateur de la « révolution culturelle » de Mao Tse-Toung et du régime de Pol-Pot, que des peuples puissent désirer la démocratie telle que l’Europe l’incarne (certes imparfaitement), c’est suspect.

C’est donc sur la scène d’un grand théâtre subventionné qu’Alain Badiou peut venir aujourd’hui tranquillement venir déverser son délire post-maoïste. Pour information, son « séminaire académique » sur la « désorientation¿» reprend, à la Commune d’Aubervilliers, le 17 octobre prochain (ICI).

Quant à Marie-José Malis, nommée à la directrice du Centre dramatique national en 2014, elle a l’outrecuidance de clore son éditorial de saison par un semblant d’hommage à Gabriel Garran (décédé en mai dernier), fondateur du théâtre avec Jack Ralite, en 1965. Peut-être eut-elle été mieux inspirée de reproduire, en lieu et place de son éditorial, l’un des derniers poèmes de Gabriel Garran, dont les parents furent déportés (son père est mort à Auschwitz) :

« Âge, âge, si âgé, mais né
De parents nés en Pologne.
Lointainement d’un Talmud.
Mon père a fui de 19 ans
Proche, irradié de liberté.
C’est ainsi que je suis né à Paris.
Culturelle, ma vie a été celle
D’homme de théâtre,
« Géographie française ».
Ce n’était qu’une soumission
D’une occupation à survivre.
Désespéré du racisme d’Auschwitz.
Mon père, ce corps d’homme achevé.
Il était à mourir d’un siècle brûlé
Celle d’un siècle qui fume encore.
Proche aujourd’hui, que des lois
Des lois, nullement de justice.
D’amour, ce manqueur céleste
Non pas de celle déployée
Le cœur entre tous partagé
D’une main encore tendue »

Jean-Marc Adolphe

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Jours gris et nuages d’acier sur l’Ukraine

promoChroniques ukrainiennes

Télécharger le document au format PdF : promoChroniques ukrainiennes

https://www.syllepse.net/jours-gris-et-nuages-d-acier-sur-l-ukraine-_r_21_i_944.html

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Concert en soutien aux artistes ukrainiens

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Kyiv National Academic Operetta Theatre – Kyiv Symphony Orchestra – Luigi Gaggero

Engagée depuis avril 2022 dans le soutien des musiciennes et musiciens ukrainiens ayant fui la guerre, la Philharmonie de Paris a confié à Anna Stavychenko, directrice déléguée du Kyiv Symphony Orchestra, la mission de coordonner sous la direction de la Philharmonie l’accueil d’un certain nombre de musiciennes au sein d’orchestres de toute la France. Dès le mois d’avril, cinq musiciennes ont été accueillies par l’Orchestre de Paris. Elles ont participé à des concerts dirigés par Jaap van Zweden et Esa-Pekka Salonen.

Dans la continuité de cet engagement au long cours et de son soutien à l’Ukraine, la Philharmonie de Paris accueille le 5 octobre prochain le Kyiv Symphony Orchestra. En première partie seront jouées des œuvres des compositeurs ukrainiens Maksym Berezovsky et Dmitri Bortnianski, La deuxième partie du concert mettra à l’honneur le répertoire français (Fauré, Poulenc).

Ce concert sera précédé d’un prélude dans la Rue musicale au cours duquel 5 chanteurs du Kyiv National Academic Operetta Theatre interpréteront des chansons populaires ukrainiennes.

https://philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert/26054-concert-de-soutien-lukraine

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Tous les textes précédemment publiés 
et les liens sont maintenant regroupés sur la page :
https://entreleslignesentrelesmots.blog/retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Une réflexion sur « [52] Solidarité avec la résistance des ukrainien·nes. Retrait immédiat et sans condition des troupes russes [52]  »

  1. Referendums d’annexion par la Russie: une supercherie inacceptable
    En pleine contre-offensive de l’armée ukrainienne qui, en quelques jours, a libéré plusieurs milliers de kilomètres carrés dans l’est du pays, quatre oblasts (régions) sous occupation russe (Louhansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson) ont annoncé l’organisation, du 23 au 27 septembre de pseudos référendums visant à demander à la population de ces territoires s’ils souhaitaient devenir russes.
    R&PS dénonce l’utilisation abusive des termes « autodétermination » et « référendum ».
    Il n’est pas acceptable de prétendre organiser l’expression libre et démocratique d’une population sur un territoire en situation de guerre.
    Aucune force armée, à fortiori une force d’occupation qui a conquis avec une violence inouïe un territoire au détriment d’un pays voisin et indépendant, ne peut organiser de façon crédible une telle consultation.
    Ce dévoiement du principe d’autodétermination, le détournement d’un outil démocratique comme peut l’être le référendum doit être dénoncé avec vigueur par l’ensemble de la communauté internationale.
    Il l’est dès aujourd’hui par R&PS, qui met la question de l’autodétermination des peuples et la démocratie au centre de ses revendications.
    La manœuvre politique que représenteraient ces référendums précipités, et surtout illégitimes, fait peser une fois de plus de lourdes menaces sur la paix en Europe.

    Lydie Massard et David Grosclaude, co-porte-paroles
    https://www.federation-rps.org/2022/09/23/referendums-d-annexion-par-la-russie-une-supercherie-inacceptable/

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