Sur l’augmentation des opérations palestiniennes individuelles (+ autres textes)

Les opérations menées contre des Israéliens en ayant recours à tous types de moyens à la disposition d’individus, depuis les armes à feu jusqu’aux armes blanches, sont en augmentation. Ces opérations visent les Israéliens de l’armée, de la police ou des civils. De toute évidence, dans l’ensemble, leurs auteurs palestiniens n’ont pas de ligne rouge dans le choix de leurs cibles. L’une de ces opérations récentes a été menée par un enfant palestinien de 13 ans avec une arme à feu, blessant deux Israéliens ; un jour après un jeune armé d’un fusil a tué huit Israéliens et en a blessé d’autres. L’auteur finit généralement par être abattu par balles israéliennes, ce qui rend ces opérations semblables à des attentats suicide. Il s’agit là davantage d’une crise israélienne que d’une crise palestinienne.

Ces actes mettent en évidence les difficultés que rencontrent les formations palestiniennes paramilitaires ou qui recourent à la violence pour atteindre en profondeur l’appareil d’État et les institutions d’Israël. Elles se retrouvent avec le temps captives d’une structure militaire classique semblable à celle des armées régulières, de la même façon de mener des opérations, et donc incapables d’affronter une armée israélienne incomparablement plus puissante à tous les niveaux. Autrement dit, ces formations s’enlisent de plus en plus sur un terrain où leur ennemi les surpasse, et quand elles crient victoire, c’est juste leur survie qu’elles saluent, en fait simplement l’échec de l’armée israélienne à les détruire. Ces formations ont également besoin d’un soutien financier et logistique important et, de ce fait, sont soumises aux intérêts et aux politiques de leurs bailleurs, vulnérables aux violations des règles de sécurité, auxquels s’ajoutent les conflits entre formations et la défense d’intérêts propres parfois contradictoires avec les buts affirmés de résistance à l’occupation.

Il importe peu que la décision d’agir soit prise par une instance politique ou militaire ou relève d’une décision individuelle : ce qui est déterminant, c’est que ce type d’opération n’exige qu’un individu qui met « son âme sur sa paume » pour en causer un préjudice à l’agresseur. Les individus qui font ce choix ont grandi à la lumière de la suprématie écrasante d’Israël et de politiques discriminatoires qui tendent de plus en plus au racisme pur et simple et acculent les Palestiniens à la marginalité.

L’ironie de la situation, c’est que les organisations dont il est question ici n’ont fait que diviser le peuple palestinien et accroître les conflits en son sein, alors que les opérations individuelles, qui n’ont fait qu’augmenter en nombre à partir de 2014, l’ont unifié : car à l’origine de ces actions, il y a non pas des décisions prises par des organisations politiques, mais l’état d’esprit d’un peuple opprimé par une injustice continue et sans cesse aggravée.

Qui s’imaginerait que plus d’oppression et de répression peut venir à bout de ce genre de résistance individuelle se trompe. Cette caractérisation trouvera sans doute des opposants, mais nous l’appelons résistance parce qu’elle représente un rejet et une protestation contre la réalité imposée par la communauté internationale, et pas seulement par Israël, aux Palestiniens, au mépris des valeurs de la morale et de l’humanité, et en opposition aux lois internationales. Il est impossible à un peuple de succomber à une injustice pure et flagrante tant qu’il peut encore résister. Lorsque la politique échoue (accords d’Oslo) et que le Conseil de sécurité de l’ONU est impuissant, lorsque la résistance armée échoue et que la résistance palestinienne dégénère en affrontements entre factions pour le contrôle de sa sphère d’influence, les Palestiniens trouveront, en tant que peuple et individus, d’autres moyens. Si ces moyens ne peuvent pas libérer la terre, ils sont capables de pervertir la vie de l’occupant. Cela ne veut pas dire que nous nous félicitons de l’assassinat de civils israéliens. Au contraire, loin de les cautionner, nous continuons à miser sur la construction de liens établis autour d’objectifs communs entre les populations non armées, en Palestine comme ailleurs, et même sur l’établissement de liens de solidarité pratique avec ceux qui portent un uniforme, qui sont eux aussi les victimes des politiques agressives israéliennes et se retrouveront, quel que soit le chemin, face au mur au bout d’une impasse.

Il ne fait aucun doute que le problème originel d’Israël réside dans la simple existence des Palestiniens. Nous ne nous accommodons pas de l’Israël actuel, qui restreint et complique la circulation des Palestiniens et leurs activités, confisque leurs biens, les insulte aux points de passage, et contrôle leur vie, etc. pas plus que de l’Israël tel que le voudrait l’ONU, ou même comme avant 1967 (malgré toutes les transgressions entre 1948 et 1967). Le pont qui est censé relier l’Israël « légitime » tel qu’il est à l’ONU, et l’Israël réellement existant qui avale quotidiennement les droits des Palestiniens est fondé sur deux piliers : « la sécurité nationale israélienne » et « la lutte contre le terrorisme. » Cependant, ce pont n’est qu’une construction artificielle des grandes puissances, dont la réalisation supposerait de convaincre les Palestiniens que l’Israël actuel ne s’est pas emparé de leurs terres et ne les a pas privés de droits que la communauté internationale était censée garantir.

Il n’y a pas de solution à ce problème originel sauf à la façon états-unienne ou australienne, par l’extermination des peuples indigènes. Seule l’extermination peut supprimer le défi et la remise en question. Cependant, ce n’est pas réaliste, et même s’il était envisageable pratiquement d’exterminer les Palestiniens, se poserait le problème du reste du monde arabe. C’est le dilemme profond auquel sont confrontés les extrémistes israéliens qui pensent que « le bon arabe est l’arabe mort. »

Quiconque croit que la supériorité militaire d’Israël peut résoudre ce problème se trompe. Israël ne peut pas s’immuniser contre des personnes comme Adi Al-Tamimi, KhairyAlqam et Mohamed Aliwat, l’enfant de treize ans qui a attaqué les Israéliens avec des balles et sait qu’il sera tué. Ceci manifeste de façon éclatante que peu importe qui est au pouvoir et la capacité politique à diviser, manœuvrer et acheter les consciences, il n’est pas possible d’atteindre à la sécurité en attisant continuellement la haine et en s’en prenant en permanence au droit des gens.

Il ne suffit pas de défendre la vie des civils, et des soldats aussi, en se contentant de condamner les attentats aveugles, aussi longtemps que l’on ne s’en prend pas à ce qui est à l’origine de ces actes, à rebours de ce que répètent les responsables de la communauté internationale, parmi lesquels le président ukrainien qui proteste, à juste titre, jour et nuit, contre l’annexion par la Russie d’une partie de son pays tout en affirmant sa solidarité avec Israël qui a annexé injustement des territoires palestiniens et autres.

La leçon que l’histoire répète et que les tyrans cherchent à étouffer est que si l’on peut contraindre des individus et des organisations à capituler, personne n’est capable de faire céder un peuple entier.

Rateb Shabo
Rateb Shabo est né en 1963. Il est médecin, traducteur de l’anglais et écrivain. Il est actuellement réfugié politique en France. Il a été détenu 16 ans dans les prisons syriennes (1983-1999). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels « Le monde de l’islam à ses débuts » (en arabe, non traduit) et le récit de ses années de prison (« Achter dezeMuren »-« derrière ces murs-là » disponible en arabe et en néerlandais) et « Une histoire du Parti de l’Action Communiste en Syrie (1976-1992) », non traduit..

Publié en arabe sur alaraby.co.uk le 31 janvier 2023, adapté par Pierre Vandevoorde à partir de la traduction automatique Google, revu avec l’auteur.
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article65730

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Israël : « L’alliance du cynisme et de la cécité occidentale
ouvre les portes à l’abîme »

L’escalade de la violence est prévisible, d’autant qu’à l’approbation de la colonisation par la majorité des Israéliens s’ajoute le silence des gouvernements occidentaux devant la dérive extrémiste de Benyamin Nétanyahou, analyse l’historienne et politiste Sophie Bessis.

Ce qui devait arriver est arrivé. Au déchaînement de la répression et des exactions de l’armée israélienne dans les territoires occupés depuis l’arrivée au gouvernement de la coalition des extrêmes droites racistes, suprémacistes et ultra-religieuses a répondu, au soir du 27 janvier, la sanglante attaque d’une synagogue dans une colonie de la banlieue de Jérusalem, suivie d’autres tentatives d’agression de colons israéliens. L’engrenage était prévisible. D’un côté, les provocations délibérées de ministres israéliens pressés de montrer aux Palestiniens de quel côté se situe la force, de l’autre la montée d’un désespoir mortifère devant la dégradation des conditions de vie en Cisjordanie et l’absence de toute perspective de paix dans la justice ont conduit à l’explosion actuelle. Si rien n’est fait, elle risque de prendre des proportions que nul ne parviendra à contenir.

Or, rien ne sera fait, pour plusieurs raisons. La première est l’ancrage solide et durable de l’extrême droite dans l’opinion israélienne, quelle que soit l’ampleur des manifestations contre l’actuel gouvernement. Car l’origine de cet ancrage réside dans la politique menée depuis plus de cinquante ans par l’Etat hébreu pour soumettre une population qui refuse d’être réduite à une sous-humanité que l’on peut spolier et humilier à loisir. « Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre », a jadis écrit Marx.

L’approbation explicite ou tacite de la majorité de la société israélienne à l’égard de l’entreprise de colonisation a ouvert un boulevard à ses franges les plus extrémistes devenues au fil des décennies majoritaires. Le peuple israélien est aujourd’hui sous la coupe de ces dernières, comme il a sciemment placé sous sa coupe les millions de Palestiniens des territoires conquis en 1967. Les protestations de ses démocrates contre l’installation au pouvoir d’une sorte de théocratie militaire ne serviront à rien s’ils ne font pas le lien avec ce à quoi ils consentent depuis si longtemps de l’autre côté de la « ligne verte ».

Lâcheté et aveuglement
Une autre raison de l’explosion réside dans le silence des gouvernements occidentaux devant la dérive extrémiste de l’actuel gouvernement israélien. Pas un mot n’a été prononcé dans leurs capitales contre les morts quotidiennes, sous les balles de Tsahal, de civils palestiniens, y compris d’enfants et de vieillards. Lors du vote de la dernière résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, pourtant juridiquement non contraignante, contre la poursuite de la colonisation illégale de la Cisjordanie, la France s’est abstenue, donnant de la sorte son feu vert à cette violation caractérisée des décisions internationales. Pire, le président de la République Emmanuel Macron a reçu quelques semaines plus tard le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avec tous les honneurs, sans même évoquer ce que son gouvernement fait subir aux Palestiniens.

Du côté américain, en déplorant à juste titre la mort de fidèles israéliens lors de la tuerie du 27 janvier près d’une synagogue à Jérusalem-Est, le président Joe Biden a osé parler d’attaque « contre le monde civilisé », comme si les morts palestiniens ne faisaient pas partie de ce monde. A cette aune, et vu la fréquence des crimes de masse commis sur leur territoire, il y a longtemps que les Etats-Unis en sont sortis.

Une fois de plus, les dirigeants d’Europe et d’Amérique du Nord, pressés de dénoncer quand cela leur convient les atteintes à l’Etat de droit et prétendant défendre les valeurs dont ils se réclament usent de ce scandaleux double standard qui rend inaudible sur le reste du globe leurs déclarations. J’ai fait partie de ceux qui ont immédiatement condamné l’agression russe contre l’Ukraine et qui savent le danger que représente l’impérialisme poutinien. Mais il faut être conséquent : si l’on dénonce ici une invasion et une occupation, il convient pour le moins de ne pas fermer les yeux sur d’autres invasions et d’autres occupations. Or, non seulement l’Occident ne veut pas voir celle de la Cisjordanie, de Gaza, de Jérusalem-Est et du Golan, mais il l’encourage par son indulgence sans limites vis-à-vis de la politique israélienne.

Tout le monde, in fine, paiera les conséquences de cette lâcheté et de cet aveuglement, les Palestiniens au premier chef, qui continueront de subir les assauts destructeurs des soldats d’occupation, mais aussi les Israéliens et leur État lui-même, qui ne pourra durer ad aeternam grâce au seul ciment de la guerre, et les juifs du monde entier risquant d’être victimes de ceux qui confondent la nécessaire critique du sionisme et de ses dérives avec l’intolérable antisémitisme.

Aujourd’hui, les Palestiniens sont seuls. Les Etats arabes les ont abandonnés après avoir instrumentalisé leur lutte pour leurs besoins ou leurs intérêts. Outre leurs calculs stratégiques de court terme, les Occidentaux restent quant à eux tétanisés par leur désir de faire oublier que l’anti-judaïsme a été l’un des constituants de la culture européenne jusqu’au délire génocidaire nazi, et croient que l’impunité dont bénéficie de leur part la pire des politiques israéliennes peut les exonérer des crimes du passé. L’alliance du cynisme des uns et de la cécité des autres ouvre les portes à l’abîme. Il n’y a plus moyen de mettre fin à cette tragédie sans reconnaître, quel qu’en soit le prix, que tout le monde a fait jusqu’ici fausse route.

Sophie Bessis
Sophie Bessis est historienne et politiste. Dernier ouvrage paru : « Je vous écris d’une autre rive. Lettre à Hannah Arendt » (Elyzad 2021)
Publié initialement dans Le Monde
https://www.aurdip.org/israel-l-alliance-du-cynisme-et-de.html

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L’ONU « consternée » par la colonisation ? Exigeons des actes !

Dans une déclaration adoptée lundi dernier, le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est dit « consterné » par la poursuite de la colonisation par Israël du territoire palestinien occupé. C’est bien le moins, et on aurait pu attendre du Conseil de Sécurité une résolution contraignante, mais elle a été rendue une fois de plus impossible par le droit de véto des États-Unis. La colonisation de peuplement est un crime de guerre, qui se déroule en Palestine sous nos yeux depuis des décennies : la population palestinienne subit des déplacements forcés, le pillage et la dépossession de ses terres et de ses ressources, les attaques répétées des colons et de l’armée israélienne, et une occupation militaire impitoyable, meurtrière et sans fin pour protéger et accroitre la colonisation. C’est une composante flagrante et hideuse du régime d’apartheid infligé par l’État d’Israël à la population palestinienne dans son ensemble.

Devant l’inaction des États et de l’Union européenne, des citoyens européens sont passés aux actes par une Initiative Citoyenne européenne (ICE), en demandant à la Commission européenne d’agir dans son domaine de compétence et d’interdire le commerce avec les colonies.

Si le million de signatures requis au niveau européen n’a pas été atteint, c’est un mouvement puissant qui s’est ainsi exprimé. La coalition qui s’est constituée a réuni de très nombreux partenaires au niveau européen, et rien qu’en France une trentaine d’organisations dont les principaux syndicats, des associations de défense des droits humains et plusieurs partis politiques. En France, ce sont près de 100 000 citoyens (98 200) qui ont signé.

Alors que le nouveau gouvernement israélien a inscrit la colonisation de peuplement au premier rang de ses priorités, l’inaction n’est plus une option. L’AFPS exige en premier lieu des sanctions contre Israël et la protection du peuple palestinien. La fin de toute complicité avec la colonisation doit aussi s’imposer à toutes les parties prenantes. Les entreprises, notamment Carrefour et les entreprises impliquées dans le tramway de Jérusalem, ainsi que toutes les institutions financières, doivent mettre fin à toute activité avec des partenaires impliqués dans la colonisation.

En ce qui concerne le commerce avec les colonies, l’exigence posée par l’Initiative Citoyenne européenne vis-à-vis de la Commission européenne demeure. Celle-ci doit se doter d’un cadre législatif pour interdire tout commerce avec les colonies. Quant aux États européens dont la France, ils doivent intervenir vigoureusement auprès d’elle pour qu’elle agisse dans ce sens, comme ils l’avaient déjà fait en 2015 pour l’étiquetage des produits des colonies. Faute de réponse satisfaisante de la Commission Européenne, ils devront envisager des mesures au niveau national pour ne pas se rendre complices des crimes commis par l’État d’Israël.

Le Bureau national de l’AFPS, le 22 février 2023
https://www.france-palestine.org/L-ONU-consternee-par-la-colonisation-Exigeons-des-actes

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Une réflexion sur « Sur l’augmentation des opérations palestiniennes individuelles (+ autres textes) »

  1. Un appel aux travailleurs du monde

    24 février 2023
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    PPSWU

    À la lumière de la récente escalade de la violence du gouvernement israélien contre les civils palestiniens, les postiers de la Palestine occupée appellent à la solidarité avec le peuple palestinien.

    Nous vous exhortons à vous joindre à nous pour manifester et envoyer des messages de soutien aux travailleurs en Palestine qui font face à de graves dangers lors du transport et de la distribution du courrier entre les villes, les villages et les camps. La situation est devenue intolérable et nous avons un besoin urgent de votre soutien.

    En plus des défis auxquels sont confrontés les postiers, les travailleurs palestiniens du secteur public souffrent de restrictions salariales, d’impôts élevés et de prix qui montent en flèche. Depuis un an et demi, le gouvernement palestinien ne paie aux fonctionnaires que 80% de ce qui doit leur revenir, les laissant dans l’impossibilité de subvenir aux besoins fondamentaux de leurs familles. Cette situation a entraîné une grève des enseignants, laissant près d’un million d’élèves sans accès à l’éducation. Nous vous exhortons à être solidaires avec nous et à soutenir la lutte des travailleurs palestiniens pour la justice et la dignité.

    PPSWU – Bureau d’information & comité exécutif
    https://laboursolidarity.org/fr/n/2566/un-appel-aux-travailleurs-du-monde

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