Questionner les constructions sociales des masculinités

couv-1medium« Nous constatons qu’en France, très peu d’hommes sont présents, à la fois comme public et comme intervenants, aux formations, conférences ou séminaires portant sur le genre, l’égalité femmes-hommes et les droits des femmes. Et les sensibilisations à l’égalité femmes-hommes qui traitent quasi exclusivement « des femmes » n’aident pas à renverser cette tendance.

Or l’approche de genre, parce qu’elle interroge les rapports sociaux entre femmes et hommes permet aussi d’analyser les « coûts de la domination masculine » pour les hommes, l’engagement de certains pour une société plus égalitaire, ainsi que la participation des femmes et des filles aux stéréotypes, aux normes et rôles de genre, aux comportements sexistes…

C’est donc dans une perspective d’émancipation à la fois des femmes et des hommes que nous souhaitons développer la question des masculinités, de la construction sociale du « masculin » et de l’implication des hommes dans les changements sociaux en faveur de l’égalité. Notre ambition est double : expliquer les enjeux de genre à partir des masculinités et mettre en valeur les initiatives prises par des hommes ou des organisations en faveur d’une redéfinition du « masculin » favorable à l’émancipation des hommes, à l’égalité femmes-hommes et aux droits humains en général.

Illustrées de dessins humoristiques et de visuels, la nouvelle brochure d’Adéquations s’adresse à toutes personnes et structures intéressées par la mise en œuvre d’une approche de genre dans le domaine de la sensibilisation, de la formation et du débat, notamment les associations, les collectivités territoriales, les institutions, les milieux éducatifs. »

Sommaire :

Partie 1 : Introduction à la question du genre et des masculinités

  • Le masculin, les masculinités dans le système de genre

  • Les masculinités: des privilèges et des coûts ?

  • L’égalité, entre avancées et résistances

Partie 2 : Enjeux, témoignages et pratiques

Partie 3 Recommandations et ressources documentaires

  • Engagements internationaux

  • Enseignements et recommandations

  • Index des définitions, personnes interviewées ou citées, pratiques

  • Bibliographie et sites web

Présentation d’Adéquations

Il est assez rare que le genre, les rapports sociaux de sexe, soient abordés par le coté des hommes et de leurs masculinités.

Les auteur-e-s de la brochure constatent « qu’en France, très peu d’hommes sont présents, à la fois comme public et comme intervenants, aux formations, conférences ou séminaires portant sur le genre, l’égalité femmes-hommes et les droits des femmes ».

On ne naît pas homme, on le devient. « Les attributs, qualités, rôles associés au « masculin » sont eux aussi construits par l’histoire, les traditions, les institutions et systèmes juridiques, l’éducation, la culture, les médias, la publicité, etc. ». L’universel est trop souvent confondu avec la particularité « homme » construite socialement comme une non-particularité.

Réduction des femmes à la fonction reproductive, subordination de leur sexualité (quand elle n’est pas niée), division sexuée du travail, développement de « la différence des sexes », construction sociale de la virilité, attributs masculins valorisés, homophobie, entre-soi masculin… Sans oublier l’organisation de la domination masculine par le droit et les institutions :

« En France, jusqu’en…

  • 1910, .les hommes pouvaient disposer légalement du salaire de leur femme

  • 1930, seuls des hommes pouvaient étudier à l’École Centrale

  • 1944, seuls les hommes avaient le droit de vote

  • 1965, les hommes pouvaient interdire à leur femme de travailler ou d’avoir un compte en banque

  • 1972, seuls des hommes pouvaient étudier à l’École polytechnique

  • 1970, au sein d’un couple marié, le père était institué chef de famille

  • 1972, la question des inégalités salariales entre femme et homme n’avait fait l’objet d’aucune loi

  • 1978, il n’y avait que des hommes à l’école de l’Air

  • 1980, il n’y avait que des hommes à l’Académie française

  • 1990, forcer sa femme à avoir une relation sexuelle n’était pas considéré comme un viol. »

Des « stéréotypes » (je ne suis pas sûr que ce soit le terme le plus approprié), des « prêts à penser », ceux qui bénéficient des « dividendes » du sytème, le double standard en matière de relation et de sexualité, les disparités de genre dans tous les domaines, les espaces non-mixtes d’homo-sociabilité, les assignations et les dévalorisations, les entraves aux projets d’égalité…

Les auteur-e-s font de multiples propositions et soulignent des pratiques de rupture partielle avec l’ordre masculiniste, comme par exemple : « Agir pour la mixité et l’égalité dans la petite enfance », les refus de parler au nom des femmes ou d’être à la tribune non mixte d’une conférence, la contraception au masculin, les hommes dans les emplois « féminins », #JamaisSansElles…

Elles et ils critiquent, entre autres, l’occupation favorisé de l’espace par les garçons, la dissimulation de la domination du groupe masculin d’ici derrière le soit-disant sexisme naturel des « autres », la construction sociale de la violence des hommes, « on mesure l’admissibilité de la violence conjugale à la difficulté de mobiliser les hommes pour la dénoncer »…

Elles et ils abordent aussi le travail « reproductif », le travail non rémunéré des femmes (60 milliards d’heures de travail en 2010, d’après l’INSEE), les conditions du développement de l’estime de soi pour les filles, les constructions des ego masculins, le travail domestique très réduit et très orienté des « pères », les sollicitations sexuelles et les tabous autour des sexualités féminines, les violences (physique, sexuelle, psychologique – le viol conjugal, le harcèlement sexuel, l’intimidation au travail, etc.), la lutte contre le système et les hommes prostitueurs, l’intégration du genre dans le langage contre la fausse neutralité au masculin, l’égalité professionnelle et salariale, « la fabrication des garçons »…

Elles et ils invitent les hommes à réfléchir sur leurs privilèges d’homme, le nécessaire « lâcher des choses », les habitudes et complaisances de l’entre-soi, la réduction des pouvoirs exercés… et le travail nécessaire de chaque homme sur les sujets abordés…

Des citations illustrant le sexisme de certains et l’engagement pro-féministe d’autres, des petits dessins synthétisant bien des « prêts à penser » ou des orientation pour l’égalité, des interventions d’hommes pro-féministes…

Des analyses plus critiques seraient nécessaires, en particulier sur les fondements matériels (dont les dimensions idéelles) de la domination sociale des hommes sur les femmes, donc de la place du travail et de la division sexuée de celui-ci, de la famille, de la reproduction ou de la sexualité…

Mais en l’état, cette brochure questionnant « les masculinités » est bienvenue. Encore faudrait-il qu’elle donne lieu à des débats avec des hommes sur leur travail contre les masculinités et leurs privilèges dans les rapports sociaux de sexe…

En complément possible :

Collectif Stop Masculinisme : Contre le masculinisme. guide d’autodéfense intellectuelle, pirouettes-rhetoriques-concepts-farfelus-inversion-des-roles-travestissement-des-realites-et-toujours-le-refus-de-legalite/

Au-delà du personnel. Pour une transformation politique du personnel. Textes réunis par Corinne Monnet et Léo Vidal, plutot-que-de-danser-une-valse-defensive-autour-des-questions-controversees/

Léo Thiers Vidal : De « L’Ennemi principal » aux principaux ennemis. Position vécue, subjectivité et conscience masculines de domination, «-toutes-les-femmes-sont-discriminees-sauf-la-mienne-»/

Rupture anarchiste et trahison pro-féministe : Écrits et échanges de Léo Thiers-Vidalbraquer-la-lampe-sur-ce-que-certains-voudraient-maintenir-dans-lombre/

John Stoltenberg : Refuser d’être un homme. Pour en finir avec la virilité, nous-sommes-toutes-et-tous-des-etres-humains/

Jules Falquet : préface au livre de Pinar SELEK, Devenir homme en rampant, jules-falquet-2013-preface-au-livre-de-pinar-selek-devenir-homme-en-rampant-paris-lharmattan/

Pierre-Guillaume Prigent : Les mécanismes de la violence masculine contre les mères séparées et leurs enfants, cest-des-yeux-quil-faut-enlever-le-sable/

Sur de récentes revendications masculinistes, voir par exemple :

Les « paternités imposées », l’invention d’un faux problème, les-paternites-imposees-linvention-dun-faux-probleme/

Contre le masculinisme et pour l’égalité entre femmes et hommes, contre-le-masculinisme-et-pour-legalite-entre-femmes-et-hommes/

Geneviève ROY : des-hommes-qui-resistent/

Zéromacho : des-hommes-sur-des-grues-et-alors/

Patric Jean : lamendement-sur-la-garde-des-enfants-donne-raison-aux-peres-perches/

.

Yveline Nicolas et Bénédicte Fiquet, Adéquations : Vers l’égalité des femmes et des hommes questionner les masculinités

http://www.adequations.org/spip.php?article2437

Adéquations 2016, 72 pages

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

2 réflexions sur « Questionner les constructions sociales des masculinités »

  1. L’approche de genre me semble reléguer les combats féministes en arrière plan. C’est ce que je ressens en lisant la chronologie des combats féministes comme la fin de certaines formes de domination masculine qui auraient découlé de nouvelles identités masculines alors qu’il s’agit du résultat de luttes féministes

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