Du coté du polar (juin 2022)

Arsène Lupin pas mort et Américain
Jeff Lindsay
, le créateur de ce personnage singulier, « Dexter », tueur et policier, a décidé de changer de registre. Riley Wolfe est un voleur, tueur occasionnel et spécialiste du déguisement. Une personnalité bizarre, réellement sans définition sinon celle du moment et du personnage qu’il incarne, sans mémoire et sans émotions. Un être venu d’ailleurs. Pour cette première aventure, « Riley tente l’impossible » – un commencement qui ressemble à une fin – il se donne le défi de voler le diamant le plus cher du monde et le mieux gardé par les gardiens de la Révolution et par le FBI. Il réussit au prix d’un stratagème inédit et fondamentalement répréhensible moralement. Le personnage n’en est pas conscient uniquement préoccupé du but tandis que l’auteur y est sensible.
Avec une joie saine, Lindsay décrit le petit monde de la haute société new-yorkaise, ses codes, son manque de savoir-vivre et sa manie des apparences. Le Arsène Lupin américain joue sur tous ces tableaux pour arriver à ses fins sans oublier le dark net, pour moderniser le personnage et l’intrigue.
Le plaisir est au rendez-vous même si les tours et les détours sont, quelque fois, un peu lassant, comme une musique qui aurait abusé de la succession d’accords pour remplir le vide.
Jeff Lindsay : Riley tente l’impossible, traduit par Julie Sibony, Série Noire/Gallimard

Enfermement et histoire
Peter May
, confiné comme tout le monde en cette année 2020, n’a pu poursuivre ses recherches pour écrire le livre qu’il avait en tête. Son éditeur réclamait pourtant son dû. Il s’est tourné vers Mona Lisa, la guerre et le travail de Maud Taillard de sauvetage des œuvres d’art du Louvre des mains voleuses de la hiérarchie nazie à commencer par Hitler et Göring. Prenant pour argent comptant une légende – ou une réalité ? – d’une copie de la Joconde pour préserver l’original des mains de l’occupant, il bâtit une enquête pour Enzo McLeod, son double écossais vivant en France, « La gardienne de Mona Lisa ». Une intrigue un peu machiavélique qui se devine pourtant facilement, tant l’auteur s’est laissé un peu envahir par la fatigue du confinement. Paradoxalement, son livre précédent, écrit en 2005 et publié en 2020, « Quarantaine », mettait au cœur de l’intrigue une pandémie commençant en Grande-Bretagne et posait des questions actuelles.
Il faudrait lire les deux enquêtes à la suite pour comprendre la nécessité de se replonger dans le passé, et ses histoires, de se plonger dans le sourire énigmatique de la Joconde, de son regard qui donne l’impression de vous suivre à la trace, de vous sonder pour trouver un sens nouveau à la vie.
Peter May : La gardienne de Mona Lisa et Quarantaine, traduit par Ariane Bataille, Editions du Rouergue.

Chandler en slammeur
Desmund Sasse est un curieux enquêteur, en marge et refusant toute compromission. Il tient beaucoup du détective privé créé par Raymond Chandler, Philip Marlowe. Une naïveté désabusée, plus rien et tout l’étonne. La confiance n’est jamais aveugle mais elle fait son œuvre pour s’engager dans des aventures qui sont celles d’autres mais dans lesquelles, à son corps défendant et de son plein gré, il s’engage.
Il n’aime pas les affaires trop facilement résolues. Il faut dire qu’il a comme amis le commissaire de police, un avocat défenseur des malfrats et d’autres petites choses encore qui le rattachent à sa ville de naissance qu’il aurait dû quitter depuis longtemps. Cette enquête le ramène à un temps dépassé, qu’il n’a pas oublié où il était hébergé dans un cirque et faisait le clown, un rôle plutôt attrayant et difficile. Peter Punk était son nom de scène. « 
Peter Punk au pays des merveilles » fait aussi penser à Alice projetée dans un monde bizarre, sans noms, dans lequel elle découvre le monde. Danü Danquigny nous plonge dans l’arrière fond d’une ville qui refuse de livrer ses secrets.
L’auteur est aussi un slammeur invétéré, un punk qui jouer de toutes les nuances de la ville pour apporter un zeste de mystère supplémentaire. Ex détective privé et prof, il se sert de toutes ses qualifications. Il faut lire à haute voix ses textes pour se rendre compte du rythme et de la poésie charnelle qui s’en dégage. Un goût de révolte nécessaire.
Danü Danquigny : Peter Punk au pays des merveilles, Série Noire/Gallimard.

Polar fouriériste
« Un lycée idéal ? » suit une intrigue policière à l’intérieur d’un lycée, une histoire possible qui met en scène un trio classique mais composé d’une lycéenne et de deux lycéens très différents. Se mêle à la réalité des tentatives pour améliorer la vie, la possibilité de s’approprier des connaissances sans subir le conservatisme et la violence de l’institution. Jean-Marie Malbec pense trouver dans la pensée de Fourier des possibilités pour changer les cadres de l’enseignement.
Jean-Marie Malbec : Un lycée idéal ?, Editions Douro.

Nicolas Béniès

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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