Les Iraniennes ont fini de discuter avec le régime (et autres textes)

  • Alireza Eshraghi : « Les Iraniennes ont fini de discuter avec le régime »
  • Yassamine Mather : « Quelque chose doit changer »
  • Aurelie Leroy : Les femmes iraniennes sur le devant des manifestations 
  • Ben Hubbard et Farnaz Fassihi : Les Gardiens de la révolution, profondément intégrés dans la structure du pouvoir et l’économie, ont tout à perdre si le système tombe

« Les Iraniennes ont fini de discuter avec le régime »

Le 20 septembre, trois jours après que les manifestations dirigées par des femmes ont éclaté dans tout l’Iran en réponse à la mort de Mahsa (Jina en kurde) Amini, les chaînes de radio et de télévision publiques iraniennes ont commencé à diffuser une série d’émissions de discussion.

On y voyait des hommes – oui, des dizaines d’hommes – discuter du corps et des doléances des femmes. Pendant ce temps, dans la rue, selon des documents ayant fait l’objet d’une fuite et publiés par Amnesty International, les forces de l’Etat ont reçu pour instruction d’« affronter sans pitié » les manifestant·e·s, quitte à les tuer.

Deux jours plus tard, alors que plus de 80 villes organisaient des manifestations simultanées dans tout l’Iran, Fars, l’agence de presse gérée par l’appareil de sécurité des Gardiens de la révolution islamique [voir à ce propos l’article publié sur ce site le 18 octobre], assimilait les manifestations à une «dispute de couple» normale. Le titre principal de leur page d’accueil était le suivant : «Compatriote ! Parlons-en ! » («Hamvatan ! Bia ba ham harf bezanim!»). Cette invitation au dialogue national est apparue comme une farce dans un contexte où des femmes qui se font tirer dessus ou battre pour avoir retiré ou brûlé leur voile dans la rue. Des milliers de protagonistes du prétendu « dialogue national » – parmi lesquels des militant·e·s, des artistes et au moins 40 journalistes de tout le pays – sont actuellement interrogés en prison.

Pendant plus de quatre décennies, les féministes laïques et islamiques ont plaidé contre le hidjab obligatoire, souvent en faisant appel aux moyens de pression autorisés par le gouvernement islamique. Même celles qui n’étaient pas croyantes respectaient largement les codes de conduite lorsqu’elles s’adressaient au nezam (le mot persan pour désigner le « régime » utilisé par le gouvernement islamique). Il y avait, bien sûr, des exceptions comme Homa Darabi, qui s’est immolée en 1994 pour protester contre le hidjab imposé [1]. Aujourd’hui, les femmes et les jeunes écolières en masse ont fini de discuter avec le régime pour savoir si elles peuvent exercer leur liberté corporelle. Elles le font.

Les récentes manifestations marquent un changement tectonique dans la méthode et la rhétorique d’expression de la dissidence en République islamique d’Iran. En 2009, le Mouvement vert s’est battu avec le nezam, en grande partie selon ses règles et en utilisant ses terminologies. Les manifestants faisaient alors explicitement appel aux signes et messages islamiques, invoquaient et s’appropriaient la mémoire de Rouhollah Khomeini, citaient les textes juridiques ratifiés par les institutions du régime et imploraient en vain le soutien de marja’s chiites [dirigeants religieux]. Les manifestantes de  022 ne se sont pas embarrassées de tout cela. Elles ne se soucient plus de convaincre le nezam. En 2009, le port du foulard vert était un symbole de dissidence, les manifestant·e·s s’opposant aux codes du hidjab imposés par le régime. En 2022, enlever et brûler les foulards est devenu l’acte suprême de rébellion. Si le mouvement vert a joué au jiu-jitsu en convertissant les propres sources de pouvoir du régime dans le discours, le mouvement #Mahsa_Amini joue au karaté : écraser l’adversaire en brisant son discours sacré [2].

La vieille garde réformiste met en garde les manifestant·e·s contre de tels actes « perturbateurs ». Hassan Khomeini, le petit-fils de Rouhollah Khomeini qui a imposé le hidjab à coups de couteau et de matraque, a déclaré que « le dialogue est la seule façon d’avancer »  [3]. C’est toutefois l’échec de la stratégie conciliante employée sans relâche par les réformistes au cours des trois dernières décennies qui a conduit à la présente stratégie d’affrontement des manifestant·e·s dans les rues aujourd’hui.

Des délibérations sans résultats
L’élite de la République islamique, qu’elle soit réformiste ou fondamentaliste, modérée ou dure, a l’habitude d’invoquer le dialogue et le débat pendant les périodes d’action collective conflictuelle ainsi que pendant la répression qui s’ensuit. Une série de débats télévisés entre les idéologues du régime et l’opposition au printemps 1981 a été suivie d’une purge sanglante et d’une répression généralisée de tout discours dissident le même été. Tout au long des années 1980, le nezam a employé des termes comme « débat » (munazereh) et « discussion libre » (bahs-e azad) pour décrire les séances d’interrogatoire des prisonniers politiques.

Certains de ces prétendus «débats» entre les prisonniers et leurs bourreaux étaient diffusés à la radio et à la télévision. Une émission, réalisée au printemps 1984 à la demande du procureur général de Mashhad [capitale de la province du Khorassan, dans le nord-est de l’Iran], mettait en scène cinq prisonniers marxistes assis à côté du ministre des Industries lourdes de l’époque, Behzad Nabavi, et débattant avec lui. Nabavi est devenu par la suite une figure réformiste de premier plan et a été condamné à six ans de prison après les manifestations du Mouvement vert de 2009.

La manifestation étudiante de 1999 a été suivie d’une série d’événements sur le campus. Les réformistes ont introduit des forums de « Tribune libre » permettant aux étudiant·e·s désabusés d’exprimer légèrement leurs critiques. Plus tard, les principalistes (la fraction politique conservatrice d’Iran) ont mis en place des « Plateformes de libre pensée » afin de clarifier les positions du nezam de manière dite dialoguée. En 2010, au milieu des manifestations du Mouvement vert, la télévision d’Etat a invité des figures inoffensives de l’opposition – celles qui n’avaient pas été emprisonnées – à participer à une série de débats en direct.

En novembre 2019, quelques jours seulement après une répression brutale des manifestations de masse et une fermeture de l’Internet à l’échelle nationale, Hassan Rohani], alors président de l’Iran [août 2013-août 2021], a délivré un message lors de la cérémonie de clôture des tournois annuels de débats d’étudiants, soulignant « l’importance du débat public » et se plaignant de « l’absence de dialogue constructif » dans la société iranienne [4]. Le successeur de Rohani, le président Ebrahim Raïssi [en fonction depuis août 2021], a fait des remarques similaires au douzième jour des manifestations actuelles, invitant les personnes qui scandent « Femme, vie, liberté » à exprimer leurs critiques dans des lieux désignés pour le dialogue et la délibération.

Les Forums de débats étudiants ont été conçus sous l’administration de Mahmoud Ahmadinejad [août 2005-août 2013] comme un moyen de libérer une partie de la frustration refoulée dans les universités après le Mouvement vert. Ils sont gérés par une organisation baptisée « Academic Jihad », qui a été créée à l’origine pour limiter le débat public sur les campus universitaires dans le cadre de la Révolution culturelle du régime en 1980. La page d’accueil du site web du forum affiche une citation du Guide suprême, Ali Khamenei, faisant l’éloge de la libre pensée. Le site web proclame que le débat est une ancienne tradition iranienne et non une importation occidentale, citant un conte vieux de 2500 ans de l’ère achéménide qui met en scène sept nobles perses débattant de la future forme de leur gouvernement. L’un d’entre eux défend avec force les avantages de la démocratie et les inconvénients du régime personnel, un autre défend l’oligarchie. Le débat s’achève lorsque Darius, le futur roi suprême de Perse, conteste tous les arguments et conclut que l’autocratie est la meilleure forme de gouvernement! La référence positive à ce conte préislamique était peut-être un lapsus freudien pour un régime qui prétend incarner les valeurs islamiques et se vante d’avoir aboli la monarchie : ni les autoritaires, ni les fondamentalistes ne rechignent à mettre en scène un échange dialogique tant que, comme pour le roi Darius, ils n’ont pas à changer de position.

Depuis le début des Forums de débats étudiants en Iran en 2012, des variations de la résolution « il est du devoir du gouvernement de faire respecter le hidjab » ont été débattues à maintes reprises. Presque toujours, l’équipe prenant le parti opposé, c’est-à-dire argumentant contre le devoir du gouvernement de faire respecter le hidjab, a gagné – même lorsque les joueurs assignés à ce rôle étaient des étudiants basiji [paramilitaires] pro-régime. Réfuter les positions du nezam dans ces forums de débat, où l’espace d’expression n’est ni libre ni inclusif, requiert soin et finesse. Avant de participer, les étudiants doivent signer une lettre d’engagement dans laquelle ils conviennent de ne pas offenser « l’Islam, le nezam sacré de la République islamique et ses autorités ». Pourtant, même face à l’ample argumentation contre le hidjab obligatoire articulée dans ce cadre contraint, le nezam n’a fait que durcir sa position.

En 2019, le Guide suprême iranien Ali Khamenei a rencontré un certain nombre de partisans purs et durs du hidjab obligatoire, dont Mohammad Reza Zibainejad. Zibainejad – qui a un jour fait le commentaire infâme que la violence domestique, une crise importante en Iran, serait résolue si les femmes se soumettaient à l’autorité des hommes à la maison – a soulevé des préoccupations selon lesquelles la police actuelle du hidjab nuisait à la légitimité populaire du nezam. Le Guide suprême a exprimé son désaccord avec véhémence : « Ne reculez pas », aurait-il dit à quatre reprises, ajoutant qu’autrement, « le commandement de Dieu serait violé » [5].

La persuasion est-elle possible ?
Les dissidents iraniens sont depuis longtemps aux prises avec une question tactique, stratégique et existentielle. Un régime répressif dogmatique peut-il être persuadé ? Si oui, comment ? Quel type de stratégie permet de persuader sans engager un procès ? Un recours classiquement offert par les stratèges est de parler avec les mêmes codes. Comme le décrit le théoricien de la littérature Kenneth Burke : « Vous ne persuadez un homme que dans la mesure où vous pouvez parler son langage, par la parole, par le geste, la tonalité, l’ordre, l’image, l’attitude, l’idée, en identifiant vos manières avec les siennes. » [6]

Un mot clé du lexique politique iranien résume cette approche : pour persuader le nezam, il faut d’abord être identifié comme un khodi – un initié, ou un membre de la famille.

Pour observer la manière dont les figures de l’establishment mettent en scène le khodi, il suffit de regarder n’importe lequel des récents débats radiophoniques ou télévisés entre réformistes et fondamentalistes iraniens. Ces débats – qui apparaissent de plus en plus fréquemment en période d’agitation populaire – sont généralement diffusés sur les chaînes les moins populaires, comme Shabakeh 4. Vous y remarquerez plusieurs procédés rhétoriques. Voici un aide-mémoire si jamais vous êtes invité: soyez implicite dans la façon dont vous exprimez vos critiques; piochez et citez des textes et des traditions islamiques (il est utile de lâcher quelques phrases en arabe classique); faites référence aux paroles et aux actes de Rouhollah Khomeini; inspirez-vous des prémisses et des promesses de la révolution de 1979; jouez le jeu de l’altérité pour prouver où se trouve votre loyauté ultime (vous pouvez même lancer des coups de poing gratuits aux personnes exclues du nezam); insistez sur le fait que vous ne suggérez que des politiques de réforme et non une révision des principes et que vous le faites parce que vous vous souciez profondément du bien-être et de la perennité du « nezam sacré ».

La question de savoir comment débattre avec de redoutables dogmatiques n’est pas propre à l’Iran. Dans son livre intitulé How to Argue with Fundamentalists without Losing Your Mind (1997) [Wie man mit Fundamentalisten diskutiert, ohne den Verstand zu verlieren: Anleitung zum subversiven Denken], le philosophe autrichien Hubert Schleichert propose une stratégie qu’il appelle « discussion interne ». Elle consiste à faire semblant d’accepter les hypothèses, les convictions de base, des défenseurs de la foi et à participer à la réinterprétation et à la réimagination de ces convictions. En 2001, le livre de Schleichert, déjà un best-seller en Allemagne, a été traduit en persan (farsi), au plus fort de l’ère de la réforme en Iran.

A de nombreuses reprises, même l’opposition laïque et les non-croyants du nezam ont eu recours au répertoire de persuasion disponible, en engageant une « discussion interne », dans l’espoir de réduire les risques de leur discours. En 1995, Abbas Maroufi, l’éminent romancier iranien, mort en exil en septembre de cette année, a été convoqué au tribunal pour avoir publié un poème, « La République d’hiver », dans son magazine littéraire. Bien que le poème traite de symboles de la nature, le procureur a affirmé que les intentions de Maroufi étaient de «diffuser des mensonges contre le nezam ». Pour sa défense, Maroufi a expliqué au juge qu’il était un ardent « défenseur des valeurs de la Révolution islamique » et qu’il considérait comme un devoir religieux, un « wajib », de respecter le Guide suprême [7].

Depuis sa création, la République islamique s’est assuré une forme d’obéissance en obligeant les citoyens et citoyennes à acquiescer – sinon à croire – aux moyens de persuasion et aux modalités d’argumentation autorisées par le régime. Mais paradoxalement, la République impose une condition sans appel. Elle ne permet pas la défaite par ses propres outils et dans son propre jeu. Les réformistes les plus proches du régime ont, depuis des décennies, échangé d’innombrables paroles en débattant de questions fondamentales, telles que l’égalité des sexes, la souveraineté populaire, la laïcité, les droits de l’homme, la liberté de pensée et d’expression et la normalisation de la politique étrangère de l’Iran. Le commentaire de ces débats constitue une tendance majeure des études iraniennes aux Etats-Unis et en Europe. Les débats ont conduit à des métamorphoses intellectuelles occasionnelles, mais la politique institutionnelle est restée largement intacte. Pour ceux qui poussent trop fort, le fait d’être un initié, khodi, n’a pas empêché les représailles.

Abdolkarim Soroush, un membre clé du Conseil de la révolution culturelle pour la purge et l’islamisation des universités, qui s’est ensuite transformé en un « Martin Luther » des réformistes, est maintenant en exil. Hussein-Ali Montazeri – dont les collaborateurs ont procédé à des exécutions sommaires à Ispahan pendant la révolution de 1979 et qui s’est ensuite fait connaître sous le nom d’«ayatollah des droits de l’homme» pour avoir défendu la vie des prisonniers politiques – est mort en résidence surveillée. Mehdi Nasiri, le rédacteur en chef pur et dur du journal Kayhan, qui a causé du tort à de nombreux intellectuels dissidents dans les années 1990 mais qui s’est récemment repenti publiquement de ses anciens actes, s’est vu refuser en 2020 une autorisation gouvernementale pour publier son livre.

Le sort de ces réformateurs au sein du régime démontre que le recours à des moyens d’appel admissibles reste largement futile pour persuader le nezam de changer de position. Bien qu’ils aient essayé de faire preuve de prudence – pour ne pas apparaître comme une menace pour l’ordre établi – ils ont été exclus du cercle des initiés à l’abri des représailles. Malgré un ton timide, un langage implicite et une rhétorique identifiable, leurs échanges avec le nezam ont été perçues comme subversives.

Parler n’est pas toujours thérapeutique
C’est peut-être un signe de psychose professionnelle que les réformistes du nezam pensent encore pouvoir inciter les manifestant·e·s à rentrer chez eux/elles et à donner une autre chance au dialogue. Leur imagination politique est piégée dans le trou noir des « discussions internes » dont aucune lueur ne peut s’échapper.

Ni les réformistes ni le nezam ne semblent comprendre que c’est précisément l’accumulation de dialogues sans issue – testés, éprouvés et bloqués pendant une génération – qui a pris fin et a débouché sur une explosion. L’impasse dialogique actuelle – et le sentiment d’épuisement, de trépidation et de désespoir qui l’accompagne – a conduit à la construction d’une nouvelle perception pathologique qui considère l’absence de dialogue approprié comme le grand malaise national de l’Iran.

Hubert Schleichert a mis en garde contre cette limitation même de la « discussion interne ». Elle peut se poursuivre sans cesse sans aucune conclusion alors que ses subtilités toujours plus grandes poussent le grand public à l’abandonner complètement. Il a proposé que parfois, le mieux que l’on puisse faire est de ridiculiser les principistes et les personnes dogmatiques – une méthode qu’il appelle le « rire subversif » [8].

Depuis 2010, tout le monde – des politiciens de haut rang aux intellectuels publics éminents – a commenté la nécessité d’initier un dialogue national pour résoudre les conflits et ramener la santé et l’harmonie dans la société. Mais ils ne font qu’enfoncer un clou, et personne ne l’a mieux compris que les milliers d’adolescentes qui ont littéralement fait un doigt d’honneur au nezam en scandant « dégage ». S’il est une forme de culture civile et honorable, c’est bien la leur, car elles mettent un terme à la piètre conversation d’hommes timides avec des hommes têtus. Pour elles, l’échec de persuader le régime a ouvert la possibilité d’une catharsis, non pas par la discussion mais par la détermination.

[1] Homa Darabi  [1940-1994] a fait des études de médecine. Elle a été emprisonnée pour avoir manifesté contre le régime du shah. Elle continua ses études de médecine aux Etats-Unis. En 1976 elle revient en Iran et est favorable à la révolution de 1979. Elle tentera initialement de faire évoluer la position de responsables du régime, en particulier Abolhassan Bani Sadr, premier président de la République islamique (de février 1980 à juin 1981), qui ordonna une répression très dure contre les forces politiques du Kurdistant iranien. Ce fut sans résultat. Homa Darabi a été renvoyée de son poste de professeur car elle refusait, entre autres, de porter le voile islamique. Elle s’est immolée sur la place Tajrish, quartier nord de Téhéran, après avoir déchiré son tchador en criant « Mort à la tyrannie ! Vive la liberté ! Vive l’Iran ! ». Sur cette place, une jeune femme de 16 ans avait été tuée un mois auparavant par des Gardiens de la révolution car elle portait du rouge à lèvres. (Réd. A l’Encontre)
[2] Charles Kurzman, «Cultural Jiu-Jitsu and the Iranian Greens», in eds. Nader Hashemi et Danny Postel, The People Reloaded: The Green Movement and the Struggle for Iran’s Future (New York: Melville House, 2011), pp.7-17.
[3] «Sayyid Hassan Khomeini: Guftgu tanha rah birun raft az buran-ha-yi ijtima’i ast», IUSNEWS (3 octobre 2022).

[4] «Payyam ra’is-i jumhur bi musabiqat milli munazara danishjuyan», SSCR. IR News (23 décembre 2019).
[5] «Nagufte-ha-yi az bayanat rahbar mu’zam inqilab darbara hijab wa’afaf», aatinews.ir (24 juin 2019).

[6] Kenneth Burke, Une rhétorique des motifs, Berkeley, University of California Press, 1969, p.55.
[7] Asnd va Parvande-ha-yi Matbu’ati Iran, tomes 1-3, recueillis par Azra Farahani (Téhéran: ministère de la Culture, 2005), p. 180-188.
[8] Hubert Schleichertm, Bahs ba Bunyadgariyan, trad. Mohammadreza Nikfar (Téhéran: Tarh-i Nau, 2001), p. 184.

Ali Reza Eshraghi
Ali Reza Eshraghi est directeur des programmes à l’Institute for War and Peace Reporting et chercheur invité au Center for Middle East and Islamic Studies à UNC-Chapel Hill.
Article publié sur le site MERIP, le 19 octobre 2022 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/iran/iran-dossier-les-iraniennes-ont-fini-de-discuter-avec-le-regime.html

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« Quelque chose doit changer »

La première question à se poser est la suivante: pourquoi assistons-nous à des manifestations d’une telle ampleur dans tout le pays ? Ma réponse est que les interventions de l’Etat théocratique dans tous les aspects de la vie privée des gens ont conduit à une situation où l’écrasante majorité des jeunes refuse d’être gouvernée à l’ancienne [voir ci-dessous la pyramide des âges en Iran].

La plupart des dictatures contemporaines sont assez rusées, car elles suppriment leurs opposants politiques et ne permettent pas aux gens de s’organiser, de se mobiliser. Les grèves sont interdites, les rassemblements politiques sont interdits, etc., mais ces régimes n’interfèrent généralement pas dans la vie privée des gens. Sous la dictature du shah, par exemple, vous ne pouviez pas avoir de parti politique qui lui était opposé, vous ne pouviez même pas organiser ouvertement un petit groupe d’étude dans votre université, mais vous pouviez faire ce que vous vouliez dans votre vie personnelle. Vous pouviez vous habiller comme vous le souhaitiez, boire et manger ce que vous vouliez, vous divertir de la manière que vous vouliez. En fait, l’objectif de l’Etat était de détourner l’attention de la politique en vous permettant de vivre votre vie privée comme vous le souhaitiez. A cet égard, la République islamique d’Iran est très différente. Elle veut dicter aux gens ce qu’ils portent, ce qu’ils mangent, ce qu’ils boivent, comment ils se socialisent, etc. C’est ce qui a contribué à mobiliser les jeunes en particulier.

Il ne fait aucun doute que les manifestations actuelles ont créé une situation très difficile pour le régime. D’une part, il ne peut pas facilement reculer sur le hidjab, bien que certaines factions « réformistes » disent : « Abandonnons cette question, elle n’est pas si importante, elle n’est pas mentionnée dans le Coran. » Mais le Guide suprême (Ali Khamenei) et le président actuel (Ebrahim Raïssi) ne peuvent pas reculer à ce propos, bien qu’ils aient renié à peu près toutes les autres promesses de la révolution de 1979. N’oubliez pas qu’il s’agissait d’une révolution appelant à l’indépendance vis-à-vis des puissances occidentales et, bien sûr, cela ne s’est pas produit. En réalité, l’Iran est économiquement dépendant du capital mondial et de l’ordre mondial dominé par les Etats-Unis. La Chine n’est pas non plus une puissance hégémonique qui peut prendre l’Iran sous son aile. Mais n’oublions pas non plus que la révolution islamique a eu lieu à l’époque de la guerre froide. Le slogan de l’ayatollah Ruhollah Khomeini était « Ni l’Est ni l’Ouest, l’islam est la seule réponse ».

L’autre question soulevée par les forces pro-Khomeini en 1979 était l’affirmation que ce serait le gouvernement des déshérités, des pauvres. C’est devenu une blague de nos jours. Les riches deviennent de plus en plus riches et ce sont principalement ceux qui sont associés au gouvernement, ceux qui sont liés aux ayatollahs ou ceux qui ont des relations avec les ministres et les hauts fonctionnaires. L’Iran a un facteur de Gini de 42, l’un des plus élevés de la région [ici : ratio de la population pauvre en fonction du seuil de pauvreté national en pour cent de la population, selon la définition de la Banque mondiale – réd.].

L’islam est donc plus ou moins le seul aspect de la révolution de 1979 qu’ils peuvent utiliser pour revendiquer une légitimité, pour justifier leur maintien au pouvoir. Je ne pense pas que même les partisans de la République islamique accordent un quelconque crédit à sa rhétorique anti-Etats-Unis – ils savent que ce ne sont que des slogans creux. Les proches des ayatollahs et des hauts fonctionnaires sont tous occupés à solliciter des cartes vertes [carte de résident permanent aux Etats-Unis]. Il leur reste donc l’Islam et ils essaient de maintenir leur base toujours plus réduite en affirmant qu’ils «restent fidèles aux aspirations islamiques de la révolution de 1979 ». C’est pourquoi ils ne peuvent pas reculer facilement sur le hidjab.

Il est intéressant de noter que cette vague de protestation survient après deux ou trois années pendant lesquelles le gouvernement de Hassan Rohani [août 2013-août 2021] a adopté une position plus souple à l’égard du hidjab. De nombreuses femmes, bien sûr, en ont profité. Nous ne parlons pas ici des seules banlieues aisées [entre autres dans le nord de Téhéran], mais de nombreux milieux – de nombreuses femmes se sont senties autorisées à se déplacer sans foulard. J’ai récemment parlé à un certain nombre d’étudiant·e·s qui sont revenus d’Iran et ils/elles m’ont dit combien de femmes ne portent plus de foulard. Tout cela jusqu’à l’entrée en fonction d’Ebrahim Raïssi [le 3 août 2021] et à la réimposition de règles strictes sur le hidjab, au milieu d’une période de haute tension et de désespoir généralisé. Les négociations sur le nucléaire [Joint Comprehensive Plan of Action, JCPoA] ont échoué; il y a une grave crise économique, ce qui conduit inévitablement à la montée de protestations et d’affrontements avec les forces de sécurité.

La République islamique a imposé des mesures répressives à l’égard des femmes dès qu’elle a consolidé son pouvoir. Toutefois, comme pour de nombreuses autres questions, l’attitude du régime a été contradictoire. Contrairement aux talibans en Afghanistan, les dirigeants iraniens veulent apparaître sur la scène mondiale en affirmant qu’ils croient en « l’égalité des sexes ». En effet, comme certains de leurs apologistes de « gauche » de la coalition « Stop the War » [en Grande-Bretagne] avaient l’habitude de nous le dire, les femmes iraniennes ont occupé des postes importants au sein du gouvernement islamique [Rohani avait nommé deux vice-présidentes en août 2017, l’une, Laya Joneydi, pour les affaires légales, l’autre, Shahindokht Mowlaverdi, pour les droits citoyens]. Si cela est vrai, ce qu’ils ont omis de nous dire, c’est qu’il s’agissait de femmes très proches des centres de pouvoir (souvent des parentes d’ayatollahs de haut rang).

La réalité de la vie des femmes en Iran au cours des 43 dernières années a été marquée par une inégalité flagrante. Le système juridique – qu’il soit basé sur la charia ou qu’il ait été conservé de l’époque du shah – est profondément misogyne, notamment en ce qui concerne le mariage, le divorce, l’héritage et les droits du travail. Le dirigeant suprême Ali Khamenei et le président Ebrahim Raïssi tiennent à conserver le soutien des fondamentalistes au sein du régime. C’est pourquoi nous assistons à cette étrange obsession de ce que les femmes portent ou ne portent pas sur la tête.

Pendant ce temps, bien que 60% des étudiant·e·s universitaires soient des femmes, la plupart d’entre elles ne trouvent pas d’emploi correct – l’emploi féminin, selon les chiffres du gouvernement, n’est que de 13%. En fait, le taux de chômage total est très élevé, en raison de la très grave situation économique – conséquence directe des fermetures industrielles causées par les sanctions, ainsi que par les privatisations incessantes et la corruption.

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L’économie
En Iran, 80% de la population est urbanisée. Les paysans ont été contraints de migrer vers des bidonvilles, conséquence directe de la politique économique de la République islamique. Deux des produits de base du pays – également produits pour l’exportation – étaient le riz et le thé. Au cours des deux dernières décennies, des capitalistes sans scrupules, étroitement associés à des ayatollahs et des fonctionnaires de haut rang, ont inondé le marché de riz et de thé bon marché importés de l’étranger (pour en augmenter les prix par la suite). Cela a ruiné les producteurs nationaux. Les gens ont acheté des pâtes pour remplacer le riz et le pain coûteux, mais maintenant il y a une pénurie de pâtes aussi! Il est inutile de dire que l’achat et la préparation de la nourriture pour la famille restent généralement la responsabilité des femmes.

Compte tenu de l’aggravation de la situation économique (inflation de 40%, dévaluation continue du rial, et maintenant la guerre en Ukraine), de nombreux Iraniens sont contraints d’avoir deux ou trois emplois pour survivre. Dans la plupart des familles, les femmes doivent travailler, même si elles finissent par occuper des emplois moins bien rémunérés, temporaires, intérimaires – acceptant parfois des emplois mal payés et travaillant à domicile. On peut donc dire que cette main-d’œuvre féminine est soumise à des degrés d’exploitation bien plus élevés.

Ajoutez à cela la menace de la police des mœurs qui les punit si elles ne se couvrent pas correctement la tête ! Dans certains cas, comme celui de Mahsa Amini, vous êtes arrêtée pour avoir montré quelques centimètres de cheveux, ce que la police des mœurs appelle un « hidjab inconvenant ». Pas étonnant que les femmes de la classe laborieuse soient aussi en colère.

Mais en fait, les étudiants, les jeunes et les hommes plus âgés de la population laborieuse soutiennent les femmes, car eux aussi en ont assez des pénuries alimentaires, de la hausse des prix, des salaires bas et impayés, du chômage de masse, de la suppression des subventions à l’alimentation et au carburant. Bien sûr, les pertes d’emplois ont été en grande partie causées par les privatisations massives, et la suppression des subventions faisait partie des conditions acceptées par la République islamique en échange des prêts du Fonds monétaire international. L’Iran, il faut le noter, continue d’essayer de figurer en tête de liste des économies dites émergentes qui adhèrent aux diktats néolibéraux du capitalisme mondialisé. Toutes les factions du régime – les « réformistes » comme les conservateurs – ont suivi les diktats du FMI et de la Banque mondiale comme s’ils sortaient tout droit du Coran.

A côté de la pauvreté de masse, il existe une richesse incroyable amassée par une infime minorité – les fils et les filles des ayatollahs de haut rang et des figures de proue du régime. Ce groupe affiche ses niveaux extravagants de consommation de luxe sur les médias sociaux, avec des pages Instagram telles que #RichKidsofTehran comprenant des photos d’eux-mêmes portant des vêtements flashy et posant à côté de Ferrari et de piscines. Une telle ostentation arrogante a alimenté la colère de la majorité de la jeune génération du pays, qui aspire au changement. Bien sûr, il s’agit de la génération des téléphones portables, des applications et des médias sociaux, et ils sont donc plus que conscients que les jeunes du monde entier ne sont pas confrontés au genre de restrictions insensées qu’ils doivent subir pour ce qui relève de leur vie privée.

Les travailleurs
Il y a ensuite les travailleurs, comme ceux de la compagnie de bus Vahed [dans Téhéran et sa banlieue] et du complexe agro-industriel de canne à sucre Haft Tappeh [située à Ahwaz dans la province du Khuzestan]. Ces dernières années, ils ont régulièrement fait grève contre les privatisations, les pertes d’emplois et le non-paiement des salaires – sans surprise, ils se sont joints aux manifestations actuelles. Il en va de même pour les travailleurs de la firme du groupe national de sidérurgie d’Ahwaz et ceux de l’industrie pétrochimique, qui ont organisé des grèves tout au long de l’été, se plaignant de conditions de travail épouvantables, du manque de sécurité et des bas salaires. Aujourd’hui, ils crient également des slogans contre la dictature.

Le Syndicat des enseignants iraniens est un autre secteur qui prend part aux protestations, plusieurs de ses dirigeants ont été arrêtés. Les enseignant·e·s sont en conflit avec le gouvernement depuis au moins un an. Il ne s’agit pas seulement de salaires, ils en ont assez de l’intervention du gouvernement dans le programme scolaire, des bureaucrates du ministère qui leur disent ce qu’ils peuvent enseigner et ce qu’ils ne peuvent pas enseigner, comment ils doivent traiter les élèves qui ne sont pas « correctement habillés », etc. Leur syndicat semi-légal a, en particulier, soutenu les élèves qui ont retiré leur foulard. Un court-métrage diffusé sur les médias sociaux montre des jeunes filles en train de chahuter et de chasser un fonctionnaire de leur école après qu’il a essayé de leur parler des vertus du port du foulard. Les enseignant·e·s n’ont rien fait pour les arrêter.

Les avocats protestent également… notamment contre la corruption. Ils savent que pour obtenir un jugement favorable en Iran, il faut soudoyer le juge (souvent un religieux) ou un autre fonctionnaire. Ils étaient eux aussi dans la rue la semaine dernière.

De tels exemples montrent l’ampleur de ces protestations. Beaucoup de celles et ceux qui y participent sont jeunes – certains sont des lycéens – et ils n’ont pas peur. Cela signifie que l’ancienne méthode utilisée par le gouvernement pour faire face aux protestations – envoyer la police et les forces de sécurité – n’a pas été efficace jusqu’à présent. Dans de rares cas, des membres des forces de sécurité ont refusé les ordres. On m’a envoyé la vidéo très touchante d’une vieille femme qui prend la main de son fils, un soldat, et lui dit : « Ta vie n’en vaut pas la peine » et ils s’en vont tous les deux. Toutefois, je dois souligner qu’à l’heure actuelle, de tels cas sont très rares.

Mir Hossein Moussavi – leader du mouvement vert en 2009 [et premier ministre d’octobre 1981 à août 1989] – a appelé les soldats et la police à « rester avec le peuple ». Je ne sais pas exactement ce que cela signifie, mais cela implique sûrement de s’opposer au gouvernement. Il ne le dit pas explicitement, mais, bien sûr, il est toujours assigné à résidence [depuis février 2011]. Le problème, c’est qu’il aurait dû faire de tels commentaires en 2009, lorsque des foules beaucoup plus nombreuses étaient dans les rues de Téhéran et d’autres grandes villes, après les élections présidentielles contestées. Cependant, Mir Hossein Moussavi, comme les autres « réformateurs », ne peut pas se détacher du régime islamique – il en fait toujours partie intégrante.

En fait, l’un des atouts des protestations actuelles est qu’elles ne sont pas limitées par la prudence de personnes telles que Moussavi. Cependant, l’absence d’une véritable direction et d’une coordination à l’échelle nationale est une faiblesse majeure des manifestations actuelles – faiblesse aggravée par le succès des autorités à restreindre les communications Internet. Contrairement à ce que prétendent l’ayatollah Ali Khamenei et ses partisans à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iran, les manifestations sont spontanées – elles ne sont certainement pas « organisées par la CIA ou le MI5 ». Les gens « ordinaires » sont descendus dans la rue parce qu’ils sont en colère, parce qu’ils veulent du changement.

Un autre aspect positif de ces protestations, par rapport aux manifestations de 2018-19 contre la suppression des subventions [aux carburants, en particulier], est que les manifestants se distancient très clairement du régime précédent du shah. Dès que les étudiant·e·s se sont impliqués, l’un de leurs principaux slogans était « Mort au dictateur, qu’il s’agisse du guide ou du shah ! ». Le terme « guide » fait référence à Khamenei, dont le titre officiel est « Guide suprême », et plusieurs versions du même slogan sont répétées dans tout le pays, ne laissant aucun doute sur leur attitude envers le régime du shah. Les royalistes en exil ne peuvent trouver aucun réconfort dans les manifestations actuelles.

Mahsa Amini était kurde et plusieurs grèves et autres manifestations ont eu lieu dans des villes kurdes comme Sanandaj [capitale de la province iranienne du Kurdistan] et Saqqez [capitale du département du même nom dans la province iranienne du Kurdistan]. Toutefois, contrairement aux souhaits de l’Arabie saoudite et de ses experts médiatiques bien payés, ce mouvement n’est pas devenu un mouvement kurde « nationaliste ». Dès le premier jour, les protestations en Azerbaïdjan, au Baloutchistan, au Khouzistan, à Ispahan, à Téhéran et dans d’autres provinces ont été tout aussi virulentes, fréquentes et déterminées que celles du Kurdistan. Comme l’ont fait remarquer un certain nombre de commentateurs de gauche en Iran, ces manifestations sont en effet « post-nationalistes ». Et il est impossible d’y déceler des sentiments nationalistes séparatistes.

Des particularités
L’Arabie saoudite et les républicains néoconservateurs des Etats-Unis ont pour objectif à long terme de diviser l’Iran en plusieurs petits Etats. Cela résoudrait le problème de devoir traiter avec l’ennemi, « l’Iran », tel qu’il existe aujourd’hui. Le cœur du pays, composé à 50% de personnes parlant le farsi [le persan], serait amputé de ses provinces habitées par des minorités nationales. Ces provinces deviendraient : une république d’Azerbaïdjan au nord-ouest, une république kurde (probablement aussi corrompue et pro-israélienne que l’autorité kurde en Irak) et une république arabe pro-saoudienne au Khouzistan. Nous savons que cela fait partie intégrante du plan saoudien, notamment parce que la chaîne Iran International TV en persan (surnommée « MBS TV » ou simplement « Saudi TV ») a fait de son mieux pour promouvoir cette ligne et fomenter des divisions nationales. Pourtant, en Iran, les manifestations actuelles ne laissent pas entrevoir de telles divisions.

La promotion de la secte cinglée des Mojahedin e-Khalq (MEK) par Iran International TV est encore plus ridicule. Il s’agit de l’organisation iranienne qui s’est vendue à Saddam Hussein, puis, après l’invasion de l’Irak en 2003, s’est vendue aux forces d’occupation états-uniennes, pour finir dans un immeuble hermétique en Albanie, payé par les Saoudiens et soutenu par des alliés de Trump comme Rudy Giuliani. Sa « guide » est Maryam Radjavi, portant le hidjab, qui a divorcé de son mari, Mehdi Abrishamchi, et a épousé le leader du MEK de l’époque, Massoud Radjavi, en 1985 [il a disparu en 2003 après l’invasion de l’Irak). Les femmes membres du MEK portent le hidjab intégral. Nombre d’entre elles ont dû subir une « révolution idéologique », divorcer de leurs maris respectifs et épouser d’autres hommes – selon la décision des dirigeants de la secte – souvent lors de cérémonies de mariages collectifs. Pour autant que nous puissions en juger, le groupe a peu ou pas de partisans en Iran et n’a certainement pas pris part à l’organisation de manifestations.

Bien sûr, en l’absence de toute organisation cohérente, de toute stratégie, le mouvement de protestation s’affronte à de graves difficultés. Des secteurs de la gauche iranienne partagent l’illusion que, d’une manière ou d’une autre, par magie, les manifestations spontanées vont créer une force révolutionnaire et radicale qui défendra les masses laborieuses et favorisera une alternative socialiste. L’expérience nous enseigne que ce ne sera pas le cas. Certains secteurs de la gauche iranienne ont fait n’importe quoi ces dernières années – certaines ont soutenu les sanctions, d’autres les interventions militaires des Etats-Unis au Moyen-Orient – et il est difficile de s’attendre à ce qu’elles retrouvent soudainement la « tête froide ».

Le rôle des vedettes être commenté. A l’ère des médias sociaux et des influenceurs, cela ne devrait guère surprendre. Chaque jour, depuis un mois, des acteurs, des réalisateurs de films, des sportifs iraniens – dont certains travaillaient en étroite collaboration avec le régime jusqu’à récemment – ont utilisé leurs plateformes de médias sociaux pour exprimer leur solidarité avec les manifestant·e·s. Je ne dis pas que c’est négatif – il y a un élément positif – mais en même temps, cela comporte le danger de créer une diversion.

Qu’en est-il des slogans ? J’ai déjà mentionné ceux contre la dictature, et un autre très important est « Femme, vie, liberté ». J’ai déjà mentionné mes réserves à l’égard de ce slogan – inventé à l’origine par le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) en Turquie et repris par ses coreligionnaires des YPG du Kurdistan syrien. Il est dépourvu de caractère de classe et suffisamment vague pour permettre la formation d’alliances sans fondement. La liberté pour qui? Sous quel système économique ? En fait, il contribue à entretenir l’illusion que la «liberté» ou l’égalité des femmes peuvent être obtenues dans le cadre du système capitaliste. Si vous êtes dans un pays comme l’Iran, avec ses terribles conditions économiques, le terme « liberté » excuse une sorte de «front populaire», c’est-à-dire un front transversal, comprenant des féministes islamiques, des hommes d’affaires laïques et des « réformistes » du régime. Nombreux sont ceux qui, à gauche, l’ont adopté comme unique slogan, sans explication, sans tentative de donner un contenu programmatique concret à ces termes. [Les formulations de l’autrice renvoient au débat sur les dynamiques socio-politiques d’un processus de lutte contre une dictature, avec ses facettes sociales et démocratiques – réd.]

Bien sûr, cela va comme un gant au Parti Toudeh – les « communistes officiels » d’Iran – qui appelle une fois de plus à un « front uni contre la dictature ». (Je dis « une fois de plus », car c’était exactement leur cri de ralliement en février 1979, avant la chute du shah.) Nous connaissons tous les terribles conséquences d’une union avec les réactionnaires qui s’opposent aux dictateurs d’aujourd’hui – des réactionnaires qui veulent imposer leur propre style de répression. On aurait pu penser qu’après le désastre qu’a été le soutien à Khomeini en 1979 et le soutien ultérieur à la République islamique jusqu’en 1983, lorsque le Toudeh et ses alliés ont commencé à subir eux-mêmes la répression, les arrestations et les emprisonnements, ils auraient retenu la leçon. Mais ce n’est manifestement pas le cas.

Il y a ensuite les ouvriers de la pétrochimie de Vahed et de Haft Tappeh. Ils mettent en avant certains des vieux slogans de 1979 tels que Nan, kar, azadi (« Pain, travail, liberté »), ou d’autres versions de celui-ci. De toute évidence, ils sont beaucoup plus avancés.

Pendant ce temps, il y a les Etats-Unis. Le secrétaire d’Etat de Joe Biden, Antony Blinken, a déclaré la semaine dernière : « Nous ne parlons plus du JCPOA » – l’accord sur le nucléaire iranien. « Nous sommes uniquement préoccupés par les manifestations. » Toute intervention militaire des Etats-Unis ou des sanctions supplémentaires serait un désastre. Elles renforceraient le régime qui, à l’heure actuelle, dit à ses partisans en dehors de l’Iran qu’il n’y a pas de protestations majeures – que ce n’est que de la propagande diffusée par les Etats-Unis, Israël, etc. Une telle intervention extérieure garantirait des attaques plus brutales des forces de sécurité contre les manifestant·e·s et affaiblirait les protestations. Il est clair que personne en Iran ne demande une telle intervention.

Les manifestations de solidarité dans divers pays sont les bienvenus. Les femmes des pays voisins – en Turquie, en Irak et en Afghanistan, ainsi que dans les pays européens et de l’Amérique du Nord – ont manifesté leur solidarité avec les Iraniennes. Il ne fait aucun doute qu’un affaiblissement de l’islam politique en Iran aura des conséquences majeures au Moyen-Orient – bien sûr, nous sommes encore loin de la chute du régime, mais la République islamique d’Iran s’affronte aujourd’hui à un défi majeur, plus grave que jamais au cours des 44 dernières années.

Les manifestations actuelles sont moins organisées et moins massives que celles de 2009 (suscitées par ce que les fractions « réformistes » du régime ont appelé une élection présidentielle « truquée »). Cependant, elles sont plus importantes, en partie parce qu’elles bénéficient principalement du soutien de la classe laborieuse et de la classe moyenne inférieure, et que l’âge moyen des manifestant·e·s est plus jeune – ce qui implique que beaucoup de ceux et celles qui y participent ont moins peur des forces de sécurité. Plus de dix ans après 2009, et après l’échec du dernier cycle de négociations nucléaires, il n’y a aucun espoir immédiat d’amélioration économique. Comme l’ont dit de nombreux Iraniens ces dernières semaines, ils n’ont rien à perdre – Kard be ostokhan ressidhe (« Le couteau a atteint l’os »). En 2009, la direction du mouvement était assurée par deux fractions « réformistes » du régime. Au bout du compte, ils voulaient que la République islamique survive. Les protestations actuelles ne sont certainement pas aussi timides.

Quelles sont les prochaines étapes ?
Il est très difficile de prédire l’avenir de ces protestations, mais nous pouvons certainement envisager diverses alternatives. Nous pourrions voir les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite tenter de transformer les manifestations actuelles en une « révolution de couleur », en promouvant des « dirigeants » d’en haut. En l’état actuel des choses, il est peu probable que cela fonctionne, car nous avons déjà assisté à des tentatives ratées de produire de telles personnalités. Toutefois, même si un tel changement de régime se produisait, le nouvel Etat serait confronté à tant de défis sociaux, politiques et économiques qu’il reprendrait inévitablement la répression – une répression qui commencerait par s’attaquer aux couches les plus pauvres de la population.

Une autre possibilité est que le régime islamique et son chef suprême décident que leurs propres intérêts seraient mieux servis en modifiant leurs politiques actuelles. Nous voyons déjà deux « grands ayatollahs » dans la ville religieuse de Qom qui appellent au compromis. Les « réformistes » adoptent une position similaire. Le Guide suprême peut démettre le président actuel et nommer un remplaçant intérimaire – dans ces circonstances, nous ne pouvons nous attendre qu’à des remaniements très superficiels. La situation économique désastreuse ne manquera pas de susciter de nouvelles protestations.

En ce qui concerne la République islamique, le scénario le plus probable est une augmentation de la répression – par exemple, le déploiement des brigades d’élite des Gardiens de la révolution dans le but d’écraser toutes les protestations. Le 16 octobre, nous avons assisté à un incendie dans la prison d’Evin, où sont détenues de nombreuses personnes arrêtées lors des récentes manifestations. Les autorités affirment que l’incendie s’est déclaré dans la « section apolitique » de la prison, tandis qu’une autre version fait état d’une « émeute qui a conduit à un incendie ». L’opposition affirme que des bombes incendiaires ont été tirées sur les prisonniers à Evin (il y a un précédent à cela – l’incendie du cinéma Rex en 1978 avait été déclenché par des partisans de l’ayatollah Khomeini). Nous ne connaîtrons probablement pas la vérité dans un avenir proche, mais à un moment ou à un autre, nous saurons qui est responsable des huit décès officiellement recensés à Evin. En fin de compte, la responsabilité incombe au Guide suprême, car les personnes décédées étaient des prisonniers dans une prison iranienne. Tout cela démontre le genre d’attaque brutale que le régime peut organiser.

Pour la gauche, le meilleur scénario se produira si ces protestations continuent. Chaque jour, nous assistons à l’adhésion de nouveaux secteurs de travailleurs et travailleuses. Après une série de privatisations, nous ne pouvons plus compter sur une grève nationale du pétrole (comme en 1979). Mais les conditions sont en train de se mettre en place pour que puisse se construire une organisation sérieuse, avec un programme adéquat. Plus vite ce sera fait, plus se rapprochera la possibilité d’un renversement révolutionnaire du régime de la République islamique – avec des conséquences sans précédent non seulement pour l’Iran, mais aussi pour tout le Moyen-Orient.

Yassamine Mather
Article publié le 20 octobre 2022 sur le site Weeky Worker ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/iran/iran-dossier-les-iraniennes-ont-fini-de-discuter-avec-le-regime.html

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Les femmes iraniennes sur le devant des manifestations 

La mort de Mahsa Amini, suite à son arrestation par la police des mœurs, a provoqué une vague de contestations inédite. Les revendications en faveur des droits des femmes y occupent une place centrale. Un aboutissement logique, après 40 années d’un régime autoritaire et brutal qui a refusé aux femmes leurs droits les plus fondamentaux.

Depuis le meurtre de Jîna Mahsa Amini, jeune femme kurde de 22 ans, à Téhéran, par la police des mœurs, l’Iran connaît un soulèvement populaire massif dirigé contre le régime. Ce dernier s’est propagé dans toutes les villes du pays et a connu un retentissement international.

Dès les premières manifestations, des slogans scandés par la foule ont réclamé la fin du régime – la mort de la république islamique et de la dictature en place. Mais alors même que la répression sanglante du gouvernement battait son plein, un cri de ralliement s’est imposé – « Femme, Vie, Liberté ».

La révolte actuelle contre le régime iranien s’appuie sur un long héritage de luttes et de résistances pour les droits et la liberté remontant au coup d’État de 1979 et à l’instauration de la République islamique. Les séquences insurrectionnelles ont été en outre nombreuses ces dernières années, comme en 2009 avec le mouvement « vert » contre la fraude électorale, ou lors des soulèvements de 2017 et de 2019 autour d’enjeux liés aux ressorts et aux effets d’une crise économique permanente. L’épisode actuel ne naît donc pas de nulle part et s’inscrit dans des cycles de luttes [1].

Ce qui rend l’épisode actuel toutefois inédit, c’est tout d’abord, la radicalité des revendications : « le temps des réformes est terminé », l’heure est au « dégagisme », l’ordinaire étant devenu inacceptable. Mais aussi et peut-être surtout, la centralité de l’enjeu des droits des femmes.

Des offensives répétées contre les droits des femmes 
L’épisode de lutte qui se donne à voir aujourd’hui en Iran est l’aboutissement logique de quatre décennies d’un régime autoritaire et brutal qui a refusé aux femmes leurs droits les plus fondamentaux. La révolution islamique de 1979 s’est soldée par une profonde désillusion pour les Iraniennes. Les acquis obtenus – sur le plan juridique et social – durant le règne des Pahlavi ont été remis en cause, notamment le code du statut personnel [2] ou le droit d’exercer certains métiers.

La condition des femmes s’est rapidement dégradée après l’arrivée au pouvoir de l’Ayatollah Khomeyni qui entendait « purger la société » de toutes traces d’occidentalisation ou de modernisation. Il s’est appliqué à imposer une vision obscurantiste de l’islam et à institutionnaliser une société fondée sur un ordre patriarcal et une hiérarchie stricte des sexes. Les femmes ont, à partir de ce moment, été « dépossédées du droit à disposer de leur corps à travers le voilement obsessionnel de leur corps, écartées de la société active et assujetties à la tutelle d’un homme ». [3]

Les libertés des femmes ont été systématiquement restreintes ces dernières décennies, mais, paradoxalement, la révolution islamique a toutefois permis à de nombreuses femmes des couches populaires issues des villes et des campagnes d’accéder à l’éducation et progressivement à l’enseignement supérieur, ce qui a contribué, au final, à favoriser un processus d’autonomisation des femmes iraniennes. Ces lentes évolutions ont en effet eu une incidence sur l’âge du mariage, sur l’indice de fécondité, sur l’accès à un métier, etc. Chemin faisant, les femmes se sont engagées de manière plus active dans des mouvements de protestation, avec une conscience aigüe de l’injustice et de l’oppression qu’elles subissaient, décidées à ne plus se voir dicter leurs vies à coup de règles arbitraires et discriminantes.

Depuis les années 1990 – et même avant –, des combats ont été menés par des groupes et mouvements de femmes pour tenter d’améliorer leur statut juridique, pour bousculer la division sexuelle du travail et la séparation sexuée de l’espace public, contre les codes de conduite, les politiques natalistes, etc., mais sans jamais toutefois obtenir d’avancées significatives et subissant, à chaque fois, la répression d’un régime rigoriste, arc-bouté sur ses principes moraux.

L’arrivée au pouvoir d’Ebrahim Raïssi en 2021 – ultraconservateur, proche du Guide suprême Ali Khamenei et partisan de l’ordre, a durci plus encore la politique publique à l’égard des femmes en accentuant la pression sur le port du voile.

La mort de Mahasa Amini a été un déclencheur qui a mis le feu aux poudres, mais ce soulèvement massif a été précédé de nombreuses actions contestataires qui ont transformé progressivement en inacceptables, des situations qui apparaissaient jusque-là comme devenues normales et inéluctables.

Les droits des femmes, un enjeu rassembleur
Le contrôle des corps, les violences de genre et le sexisme d’État sont devenus les catalyseurs de la colère iranienne. « Les femmes », aux avant-postes de la contestation, « ont bien compris que l’imposition de ce type de contrôle de l’État sur le corps des femmes s’inscrivait dans un tournant antidémocratique plus large qui visait la réduction de nombreux droits. […] Le droit à l’autonomie corporelle des femmes a été le paratonnerre de tous les désirs de liberté » [4].

L’« inclusivité » de ce mouvement est aussi frappante, en contraste avec d’autres épisodes contestataires. Les femmes sont certes en première ligne, mais les hommes sont solidaires, à leurs côtés. Le mouvement, toutes générations confondues, traverse les classes sociales et dépasse les frontières ethniques. Au-delà des clivages socio-politiques habituels, un « nous » rassembleur s’est constitué autour d’un projet commun, en opposition à un pouvoir brutal et oppresseur.

La lutte contre la domination et le contrôle des corps des femmes, qui est au cœur du fonctionnement de l’État et d’un ordre moral établi, s’est articulée à celle d’autres minorités férocement réprimées et à celle de tout un peuple, privé de l’exercice de ses droits et de perspectives d’avenir. Baraye, la chanson contestataire des manifestant·es, dont les paroles sont une compilation de tweets publiés par des Iranien·nes ayant fait le choix de descendre dans la rue, exprime, en quelques vers et sans détour, le cœur du mécontentement de la population.

« Pour la liberté de danser dans la rue, […] pour nos mères et nos sœurs disparues, pour changer les mentalités arriérées […] pour l’humiliation de ne plus pouvoir nourrir sa famille, […] pour cette économie dictée par l’arbitraire, pour notre air saturé de pollution, pour le désir d’une vie ordinaire […] pour tous ces interdits extravagants, pour nos intellectuels derrière les barreaux, […] pour tous les antidépresseurs qu’on consomme, […] Femmes, Vie, Liberté » [5]

Le combat des femmes iraniennes contre les forces patriarcales et autocratiques est loin d’être un phénomène isolé. Il fait écho à d’autres épisodes protestataires de la région – en Irak, au Liban, au Soudan, en Turquie, etc. [6] – qui témoignent à la fois d’un épuisement des systèmes politiques et économiques en place et de l’urgence de bousculer des schémas patriarcaux injustes et inégalitaires.

« Au nom » des droits des femmes iraniennes…
L’omniprésence du pouvoir d’agir des femmes et la vitalité de leurs luttes contrastent toutefois avec l’image stéréotypée véhiculée dans certains médias et par une partie de l’opinion occidentale. Les reportages de femmes retirant ou brûlant leur hijab ont ainsi été régulièrement interprétés comme un rejet, pur et simple, de l’islam ; et mis au service de récits fantasmés sur « la » musulmane en péril, devant être sauvée, sans aucune prise en compte des revendications des protagonistes ni des contextes dans lesquelles elles s’expriment [7]. L’accaparement des idéaux féministes, sous des formes et à des fins diverses, n’est évidemment pas un phénomène nouveau. Le « au nom des droits des femmes » s’est révélé un discours légitimateur particulièrement efficace au service d’objectifs non émancipateurs.

Depuis 2001, la cause des femmes et les questions sexuelles ont été, à répétition et de façon de plus en plus décomplexée, détournées et instrumentalisées à des fins racistes [8]. Le respect des femmes et des minorités sexuelles serait devenu « le nouvel attribut des démocraties occidentales », autorisant celles-ci à dresser « une frontière entre bons et mauvais États, entre bons et mauvais nationaux » [9].

La diffusion de discours normatifs et sexistes en faveur d’un ordre moral « traditionnel » fondé sur la supériorité masculine n’est pourtant pas l’apanage du seul régime iranien, loin s’en faut. Un climat général délétère aux droits des femmes s’observe actuellement sur tous les continents. Dans plusieurs pays d’Europe notamment, les droits sexuels et reproductifs ont récemment été malmenés et aux États-Unis, la Cour suprême des États-Unis vient d’annuler l’arrêt Roe vs Wade, qui reconnaissait, depuis 1973, le droit à l’avortement au niveau fédéral, estimant que l’interruption volontaire de grossesse « n’était pas profondément enracinée dans l’histoire et les traditions de la nation » [10].

Un continuum de violences peut être dressé et des connexions établies entre des récits qui se recoupent et ont des parties communes, des solidarités féministes entre paires peuvent dès lors s’opérer au-delà des frontières, mais il est néanmoins essentiel de toujours mettre en avant la spécificité de chaque lutte des femmes, de les contextualiser en soulignant la complexité des racines historiques, économiques et politiques des oppressions subies. Trop souvent, et encore aujourd’hui à propos des luttes des femmes en Iran, des lectures culturalistes, simplistes et dépolitisantes ont cours. Le discours de « la » femme occidentale « libérée » censée guider « la » femme musulmane « opprimée » n’est plus audible, comme nous le rappelle Nadje Al-Ali [11]. Ce sont aux femmes iraniennes, et à elles seules, de montrer la voie de leur devenir.

[1] Lire à ce sujet, Jafari A., Shafiei M.J. (2020), « Iran, révoltes populaires sans lendemain et fragmentation des mouvements », Alternatives Sud, Vol.4, Cetri/Syllepse, LLN/Paris.
[2] Le droit égal au divorce et à la garde des enfants, mais aussi le droit égal au témoignage devant la justice (celui de la femme vaut la moitié de celui de l’homme), le droit de voyager à l’étranger, le droit dit de sang (en cas de meurtre, la vie d’une femme est évaluée à la moitié de celle de l’homme devant un tribunal).
[3] Rouach D. (2020), « La condition des femmes en Iran depuis 1979 », Institut du genre en géopolitique, 10 avril.
[4] Écouter à ce sujet l’intervention de Manijeh Nasrabi (2022), Iran Protests : Gender, Body Politics and Authoritarianism, 4 octobre, 
https://watson.brown.edu/events/2022/iran-protests-gender-body-politics-and-authoritarianism
[5] Shervin Hajipour, Baraye, https://www.youtube.com/watch?v=0th9_v-BbUI
[6] À ce sujet, Alternatives Sud (2020), « Soulèvements populaires », Vol.11, n°4, Cetri/syllepse, LLN/Paris.
[7] Comme ici, 
https://twitter.com/loth_maxime/status/1572653916197642241
[8] Parmi les « récits de sauvetage » qui font cas d’école, il y a les « guerres humanitaires » pour sauver les femmes en Irak, en Afghanistan, ou encore « l’affaire du Burkini » à l’été 2016.
[9] Sur ce sujet, Leroy A. (2018), « De l’usage du genre », Alternatives Sud, Vol. 25/2, Cetri/Syllepse, LLN/Paris.
[10] Leroy A. (2022), « Le combat sans fin du droit à l’avortement », 
https://www.cetri.be/Le-combat-sans-fin-du-droit-a-l
[11] « In conversation, scholars discuss the global significance of protests in Iran”, https://www.brown.edu/news/2022-10-04/iran

Aurelie Leroy

https://www.cetri.be/Les-femmes-iraniennes-sur-le

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Les Gardiens de la révolution, profondément intégrés dans la structure du pouvoir et l’économie, ont tout à perdre si le système tombe

L’ampleur des manifestations qui ont balayé l’Iran au cours du dernier mois, avec des appels à renverser la République islamique, a secoué l’Etat. Mais d’une certaine manière, les dirigeants autoritaires de la mollahcratie du pays se préparent à ce genre d’épisode depuis la révolution islamique de 1979. Celle-ci a instauré une théocratie conservatrice qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui.

Le fondateur de la révolution, l’ayatollah Ruhollah Khomeini, a ordonné la création de la force des Gardiens de la révolution islamique [les Pasdaran dans la formule abrégée] la même année [avril 1979, trois semaines après le référendum qui « valide » la formation de la République islamique] pour se défendre contre les coups d’Etat ou les défections de l’armée régulière.

Comptant aujourd’hui des centaines de milliers de membres, les Gardiens de la révolution islamique (GRI) constituent la force militaire la plus puissante de l’Iran, ainsi que des acteurs majeurs de son économie. De nombreux analystes affirment que l’Iran n’est plus une théocratie dirigée par des religieux chiites, mais un Etat militaire dirigé par les GRI.

En plus des forces de police nationales, une milice en civil – connue sous le nom de Bassidj [Niruyeh Moghavemat Basij, un corps mis en place en novembre 1979], une force de volontaires placée actuellement sous l’égide des Gardiens de la révolution – est en première ligne depuis des semaines, utilisant des tactiques brutales pour tenter d’étouffer les protestations, comme elle l’a fait lors des révoltes précédentes [1].

Mais ils ont échoué et, la semaine dernière, des éléments d’un autre genre ont commencé à se montrer dans les rues de Téhéran, la capitale, et d’autres villes – des hommes robustes portant des uniformes de camouflage couleur fauve que des témoins ont identifiés comme étant des membres d’une unité commando d’élite des Gardiens de la révolution connue sous le nom de Saberin.

En dehors du Bassidj, les Gardiens n’interviennent dans le maintien de l’ordre intérieur que lors d’épisodes de crise extrême. En fait, le régime s’est reposé sur les soldats les plus loyaux pour reprendre le contrôle des rues.

Le sort de ce mouvement de protestation – le plus grand défi lancé au régime iranien depuis 2009 [soulèvement post-électoral] – repose en grande partie sur la cohésion et la loyauté des Gardiens de la révolution et du reste des diverses forces de sécurité. Ces forces ont constitué un barrage redoutable pour prévenir la chute des dirigeants théocratiques intransigeants du pays.

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Les GRI, distincts de et parallèles à l’armée nationale, sont chargés de protéger les frontières de l’Iran, ainsi que le Guide suprême [aujourd’hui Ali Khamenei] et d’autres hauts responsables. Selon les experts, ils sont si profondément ancrés dans l’économie et la structure du pouvoir en Iran qu’ils ont tout à perdre si le système s’effondre.

Afshon Ostovar, professeur associé d’histoire du Moyen-Orient et de questions de sécurité nationale à la Naval Postgraduate School, a déclaré à propos des Gardiens de la révolution qu’« ils ne se soucient pas vraiment, en tant qu’organisation, de perdre l’adhésion du peuple ou de faire face à des troubles ici ou là. Ils se soucient de préserver le système, pas de préserver l’Iran. »

Les forces armées iraniennes sont constituées d’un mille-feuille, comprenant l’armée, les forces de sécurité chargées du maintien de l’ordre à l’intérieur du pays, les Gardiens et leur milice Bassidj en civil.

Jusqu’à présent, il n’a pratiquement pas été fait état de défections au sein des forces de sécurité. Toutefois, selon une personne au fait des discussions sur la situation de la sécurité, il semblerait que certains de ceux qui ont affronté les manifestant·e·s soient épuisés par des semaines passées dans les rues et mal à l’aise face au niveau de violence, en particulier contre des jeunes femmes. Selon cette personne, qui s’est exprimée sous couvert d’anonymat car elle n’était pas autorisée à parler publiquement, pour éviter les défections, les commandants de l’armée et de la police ont prévenu les soldats de base que si le système en place s’effondre, l’opposition les exécutera.

Mais même si certains officiers font défection, les Gardes et la force paramilitaire Bassidj continueront très probablement à se battre pour préserver le système en place.

Ce mois-ci, selon des témoins et des vidéos, le Bassidj a ouvert le feu sur des étudiants et battu des professeurs lors d’une opération de répression à l’Université de technologie Sharif, une prestigieuse institution de Téhéran. La milice a également été envoyée dans la tristement célèbre prison d’Evin, à Téhéran, samedi soir 15 octobre, lorsqu’un énorme incendie s’y est déclaré, déclenché [officiellement] lors d’affrontements dans l’une des ailes. La prison détient des centaines de dissidents et de prisonniers politiques. L’Iran a déclaré lundi 17 octobre que huit personnes avaient péri dans l’incendie.

Les Gardiens de la révolution disposent d’un arsenal redoutable qui comprend des programmes de missiles balistiques et de drones [drones qu’ils livrent à l’armée russe qui les utilise en Ukraine]. Leurs dirigeants occupent des postes politiques clés, notamment le président de l’Assemblée consultative islamique, Mohammad Baqer Ghalibaf [maire de Téhéran de septembre 2005 à août 2017, président de l’Assemblée depuis mai 2020]. Leur service de renseignement, très redouté, arrête et intimide les dissidents et les militants politiques de l’opposition. Leur bras à l’étranger, la Force Al-Qods, a recruté, formé et armé un réseau de milices supplétives, notamment au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, qui pourraient leur venir en aide.

Ils possèdent des usines, des sociétés et des filiales dans le secteur bancaire, les infrastructures, le logement, les compagnies aériennes, le tourisme et d’autres secteurs. Ces firmes aident l’Iran à contourner les sanctions grâce à un réseau de contrebande. Les GRI n’ont pas de comptes à rendre au gouvernement, même lorsque les affaires de corruption deviennent publiques. Bien que le Guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, soit le commandant en chef de toutes les forces armées du pays, les GRI fonctionnent comme une armée régulière avec leur propre structure de commandement.

« Il n’y a aucun contrôle de l’origine de leurs fonds et de ce à quoi ils les dépensent, et à ce propos on parle d’une énorme partie de l’Etat iranien », a déclaré Roham Alvandi, professeur associé d’histoire internationale à la London School of Economics. Selon Roham Alvandi, le pouvoir et la richesse des GRI dépendent de la survie du système, c’est pourquoi ils voient les protestations comme une telle menace. « Au plus haut niveau, ces gens ont beaucoup à perdre si cela dégénère avec violence ou s’exprime contre leurs intérêts. »

***

Les manifestations ont été déclenchées le mois dernier par la mort de Mahsa Amini, 22 ans, détenue par la police des mœurs. Celle-ci l’avait arrêtée pour avoir, selon cette police, mal couvert ses cheveux. Sa famille a déclaré qu’elle était morte suite à des coups portés à la tête, mais le gouvernement iranien a affirmé qu’elle avait eu une crise cardiaque soudaine pendant sa détention.

Les groupes de défense des droits de l’homme estiment qu’au moins 240 personnes ont été tuées au cours de ce mois de protestations, dont 28 enfants. Les autorités iraniennes affirment que 24 membres des forces de sécurité ont également été tués.

Les manifestations à travers l’Iran ont été menées par des femmes qui ont brûlé les foulards qu’elles sont contraintes de porter selon la loi. Elles ont scandé « Mort au dictateur » et « Femmes, vie, liberté ». Elles ont exprimé leur indignation à l’égard des dirigeants pour des décennies d’oppression, de mauvaise gestion et de corruption. Elles ont exigé plus de libertés sociales, de meilleures perspectives économiques et le renversement complet du système en place. Mais jusqu’à présent, les dirigeants n’ont pas cédé d’un pouce.

***

Le Guide suprême, qui a le dernier mot sur toutes les questions ayant trait à l’Etat, a demandé aux responsables d’ignorer les manifestations et de poursuivre les affaires courantes, tant en politique intérieure qu’extérieure. Dans un discours prononcé vendredi 14 octobre, l’ayatollah Khamenei a insisté sur le fait que la révolution islamique avait donné naissance à un Etat indéracinable. « Cette jeune pousse est aujourd’hui devenue un arbre puissant, et personne ne devrait oser penser qu’il peut le déraciner », a-t-il déclaré.

Néanmoins, le déploiement des Gardiens de la révolution pour réprimer les manifestations a été perçu comme une indication que l’arbre pourrait plier.

« La composition des forces dans les rues a visiblement changé », a écrit vendredi sur Instagram Javad Mogouei, un réalisateur de documentaires proche des Gardiens. Il a indiqué que les GRI avaient envoyé des commandos de l’unité d’élite Saberin. Javad Mogouei, dont le père et le frère sont des membres haut placés des GRI, a critiqué la violence contre des manifestant·e·s illustrée par : la police antiémeute tirant [parfois à balles réelles] sur la foule ; un membre des forces de sécurité traînant une femme par les cheveux et la frappant à la tête avec une matraque; une actrice sortant d’un interrogatoire avec un visage meurtri.

Dans de nombreux cas, les manifestant·e·s ripostent en jetant des pierres sur les forces de sécurité, en brûlant leurs voitures et en frappant les agents, selon des témoins et des vidéos publiées sur les médias sociaux.

Javad Mogouei a déclaré que le 2 octobre à Téhéran, des miliciens en civil ont tiré des balles en caoutchouc sur lui et l’ont frappé si violemment à la tête qu’il s’est évanoui, tout cela parce qu’il avait essayé d’intervenir pour protéger une jeune manifestante.

Jusqu’à présent, les manifestants ont trouvé le moyen de désarçonner les services de sécurité. Les manifestations rassemblent de petits regroupements et sont dispersées dans tout le pays. Mais elles sont généralisées dans tout le pays, ce qui rend difficile pour le gouvernement d’organiser une réponse massive et définitive. Cela a permis au mouvement de se maintenir, mais il pourrait avoir du mal à continuer s’il ne développe pas un leadership défini et des objectifs plus précis et unifiés, a déclaré Sanam Vakil, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de Chatham House [Royal Institute of International Affairs, Londres].

L’histoire récente du Moyen-Orient fournit de multiples exemples de mouvements populaires similaires étouffés par des Etats répressifs. Les soulèvements pro-démocratiques réussis en Tunisie et en Egypte ont été détournés par des présidents forts; le Yémen a sombré dans la guerre civile et la Syrie a illustré le terrible carnage qu’un régime, pour assurer sa survie, peut infliger à « son » peuple.

Les services de sécurité iraniens pourraient également recourir à une violence encore plus grande s’ils craignent que leur existence soit menacée. Mais cette perspective met mal à l’aise certains membres du système en place. « Nous disons aux responsables lors des réunions que si vous ne changez pas de cap et ne réalisez pas que la légitimité du système est en jeu, la seule façon pour la République islamique de rester au pouvoir est de tuer plusieurs centaines de personnes tous les quelques mois» , a déclaré au New York Times Gheis Ghoreishi, un analyste qui a conseillé le gouvernement. « Il devient très difficile, voire impossible, de défendre les politiques internes. » [Gheis Ghoreishi a souligné au Tehran Times du 13 octobre 2022 qu’Israël et l’Arabie saoudite visaient à affaiblir l’Iran « depuis l’intérieur » et que les médias internationaux, y compris en persan, développaient un objectif similaire à celui qu’ils avaient mis en œuvre en Syrie et en Libye ! – réd.]

Lors de la dernière grande vague de protestations à l’échelle nationale, en novembre 2019 [manifestations qui ont commencé suite à la hausse du prix des carburants avec ses répercussions en chaîne], les forces de sécurité ont tué plus de 400 personnes, selon les groupes de défense des droits. Ces derniers affirment que les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés. La plupart des victimes ont été abattues à bout portant dans la tête et le cou en moins d’une semaine, selon ces organismes de défense des droits de l’homme.

Mais cette fois, ce sont des femmes et des jeunes qui animent les protestations. Les actes de violence – parfois mortels – les visant ont suscité des appels aux forces armées pour qu’elles déposent leurs armes et cessent de tuer.

« Je ne pense pas que les forces militaires et de sécurité iraniennes, aussi brutales qu’elles puissent être, soient prêtes à être connues comme les meurtrières des filles de l’Iran », a déclaré l’historien Afshon Ostovar. « Ils doivent tuer beaucoup de femmes pour que cela se termine, et ils ne peuvent pas toutes les tuer… »

[1] La répression de type militaire est particulièrement accentuée dans le Kurdistan et le Baloutchistan. Javaid Rehman, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains en Iran, indique que «la répression passe aussi par le ciblage de certaines catégories de la société: les journalistes et les défenseurs de droits de l’homme ont été emprisonnés et torturés… Dans certains cas, il y a un volonté manifeste de tuer. » (Entretien publié dans Libération du 17 octobre 2022) Réd. A l’Encontre

Ben Hubbard et Farnaz Fassihi
Ben Hubbard est le chef du bureau d’Istanbul. Il a passé plus d’une douzaine d’années dans le monde arabe, notamment en Syrie, en Irak, au Liban, en Arabie saoudite, en Egypte et au Yémen. Il est l’auteur de MBS: The Rise to Power of Mohammed bin Salman. 
Farnaz Fassihi est une journaliste du New York Times basée à New York. Auparavant, elle a été rédactrice principale et correspondante de guerre pour le Wall Street Journal pendant 17 ans, basée au Moyen-Orient.
Article publié dans le New York Times, le 17 octobre 2022 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/iran/iran-les-gardiens-de-la-revolution-profondement-integres-dans-la-structure-du-pouvoir-et-leconomie-ont-tout-a-perdre-si-le-systeme-tombe.html


En complément possible :
La grève des travailleurs du pétrole s’étend
Elham Hoominfar : « 
Les principales perdantes de la révolution de 1979 sont les artisanes de la nouvelle révolution »
Arshin Adib-Moghaddam : « 
Les manifestations contre le hidjab sont désormais massives, mais une révolution nécessitera que l’armée change de camp »
Dorna Javan : 
Le slogan « Femme Vie Liberté » au cœur de l’insurrection en cours en Iran
Germe : « Femme, Vie, Liberté » : Iran, un mouvement qui vient de loin
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/10/17/iran-femme-vie-liberte-quelques-textes/
Comment la police des mœurs traque « l’immoralité » en Iran
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64345
En Irak, des jeunes Kurdes iraniens s’engagent contre Téhéran
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64343
En Iran, l’Internet en coupes réglées
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64344
Javaid Rehman, rapporteur spécial de l’ONU sur l’Iran : « C’est un Etat violent qui tue »
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64347
Sans voile islamique, la championne d’escalade Elnaz Rekabi défie la pesanteur du régime iranien
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64356
En Iran, un mouvement à la détermination sans faille
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64292 
En Iran, le mur de la peur est tombé
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64291 
Ramin Jahanbegloo : Les Antigones de l’Iran
https://blogs.mediapart.fr/ramin-jahanbegloo/blog/141022/les-antigones-de-l-iran?userid=47bf156e-e481-48c8-975b-18c0754b21bc
Comprendre la révolte iranienne sans céder aux récupérations de tous bords
Iran : un peuple qui se soulève
Azadeh Moaveni : 
Depuis une génération les femmes iraniennes n’ont jamais été aussi en colère. « C’est comme une guerre là-bas »
Najmeh Bozorgmehr : Comment les étudiant·e·s façonnent les manifestations contre le régime
Yassamine Mather : « Des pans de la population n’ont plus peur. Des secteurs “réformistes” reprennent la parole. Une certaine gauche en déconnexion avec le mouvement »
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/10/10/comprendre-la-revolte-iranienne-sans-ceder-aux-recuperations-de-tous-bords-et-autres-textes/
L’Iran incarcère le musicien dont l’hymne devient viral dans les manifestations
https://mondafrique.com/liran-incarcere-un-musicien-alors-que-lhymne-des-manifestations-devient-viral/ 
Iran : « Ce n’est pas un soulèvement que nous vivons mais une révolution »
https://www.revue-ballast.fr/iran-ce-nest-pas-un-soulevement-que-nous-vivons-mais-une-revolution/ 
Gh. H Saedi : « Femme ! Vie ! Liberté ! » : la révolution sociale en Iran
La révolte s’approfondit
CFDT, CGT, FSU, Solidaires, Unsa : Solidarité avec les manifestant.e.s d’Iran 
Appel à manifestation d’un collectif féministes, queers, anticapitalistes et internationalistes – Avec des groupes de gauche et démocrates
Appel à une manifestation solidaire avec les luttes d’émancipation en Iran
En solidarité avec les femmes en lutte pour l’égalité et contre la République islamique d’Iran
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/10/08/femme-vie-liberte-la-revolution-sociale-en-iran-autres-textes/
La répression sanglante des manifestations fait 82 morts dans l’est du pays
Le 30 septembre, les forces de sécurité iraniennes ont tué illégalement au moins 66 personnes, dont des enfants, et en ont blessé des centaines d’autres en réprimant violemment une manifestation survenue après la prière du vendredi à Zahedan, à l’Est de l’Iran. Elles ont fait usage de gaz lacrymogènes, et ont tiré sur la foule à balles réelles et à la grenaille.
https://www.amnesty.ch/fr/pays/moyen-orient-afrique-du-nord/iran/docs/2022/repression-sanglante-des-manifestations-fait-82-morts
Iran : les autorités ciblent les universités, les écoles se soulèvent
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64176
En Iran, une pluie d’arrestations et une intense répression pour faire taire la révolte

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64177
Iran : « La communauté universitaire et militante internationale demeure largement silencieuse »

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64192
Actrices et chanteuses françaises se coupent les cheveux en soutien aux Iraniennes
https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/actrices-et-chanteuses-francaises-se-coupent-les-cheveux-en-soutien-aux-iraniennes-20221005_3DU5442IZFEQ7FGP5VEQ4GNFRA/
Jamshid Pouranpir :
 Depuis 2 semaines, l’Iran brûle. Le brasier a surpris plus d’un
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/10/01/depuis-2-semaines-liran-brule-le-brasier-a-surpris-plus-dun/
Frieda Afary : L’Iran manifeste contre le hijab obligatoire et la violence d’État
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/09/26/liran-manifeste-contre-le-hijab-obligatoire-et-la-violence-detat/
En Iran, la tradition féministe transcende les époques et les régimes

Janet Afary professeure de religion et d’études de genre à l’Université de Californie évoque pour « L’Orient-Le Jour » les décennies de combats acharnés des Iraniennes.
https://www.lorientlejour.com/article/1313274/en-iran-la-tradition-feministe-transcende-les-epoques-et-les-regimes.html
Las mujeres desafían al régimen 

https://vientosur.info/las-mujeres-desafian-al-regimen/
Solidarité avec les femmes iraniennes – Association italienne des femmes médecins
https://women.ncr-iran.org/fr/2022/10/01/solidarite-avec-les-femmes/
Solidarité avec toutes les femmes soumises au port du voile obligatoire !
Union syndicale Solidaires : Solidarité avec les femmes d’Iran
CNDF : Solidarité avec les femmes iraniennes
Déclaration du Syndicat des Travailleurs de la compagnie d’autobus de Téhéran et sa banlieue (VAHED) 
La CGT soutient les iraniennes et iraniens 
mobilisés pour défendre leurs Libertés
Beautiful cover of « Bella Ciao » in Persian by an Iranian woman
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/09/22/solidarite-avec-toutes-les-femmes-soumises-au-port-du-voile-obligatoire/
Femmes Soudanaises solidaires des Iraniennes
https://laboursolidarity.org/fr/n/2341/femmes-soudanaises-solidaires-des-iraniennes
Déclaration d’ONU Femmes sur les droits des femmes en Iran
https://women.ncr-iran.org/fr/2022/09/28/declaration-donu-femmes/
UNE RÉVOLUTION
https://4epk2.r.a.d.sendibm1.com/mk/mr/Mh15ogRs6KOG67jKaaailQAgh1lJw0UWgOi_CZm8h75VH1gKsPlNwQ0kNtwt3fOGYf0WIw0meB-A-Tax6zvifm2EWgl69WKwqaWElcRl0o4sKpxDfEsDYfWO9RKsLSSuhx0vvw
Interview – Protestations en Iran : « Les manifestantes contestent le voile comme un symbole religieux et politique »
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64042
Iran : après la mort de Mahsa Amini, la colère s’exprime, le régime réprime
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64041
Mort de Mahsa Amini en Iran : « Les autorités iraniennes sont dans une impasse »

https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64059
Manifestations en Iran : « La colère traverse les classes sociales, c’est inédit », estime l’historien Jonathan Piron 
https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/manifestations-en-iran-la-colere-traverse-les-classes-sociales-c-est-inedit-estime-l-historien-jonathan-piron_5373382.html
« Il faut arrêter de faire du voile un symbole de l’islam »
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64029 
Interview – Protestations en Iran : « Les manifestantes contestent le voile comme un symbole religieux et politique »
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64042
Iran : après la mort de Mahsa Amini, la colère s’exprime, le régime réprime
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64041
Mort de Mahsa Amini en Iran : « Les autorités iraniennes sont dans une impasse »
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64059
Iran : au moins 76 morts lors des manifestations contre la mort de Mahsa Amini
Les Nations unies confirment que les forces de sécurité ont utilisé des balles réelles contre les manifestants
https://atalayar.com/fr/content/iran-au-moins-76-morts-lors-des-manifestations-contre-la-mort-de-mahsa-amini
Iran : « femme, vie, liberté », ces trois mots que le régime honnit
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64108
Les femmes iraniennes et l’avenir de l’Iran
https://blogs.mediapart.fr/ramin-jahanbegloo/blog/270922/les-femmes-iraniennes-et-l-avenir-de-l-iran
Chahla Chafiq: « 
La colonne vertébrale de l’idéologie islamiste, c’est le sexisme »
https://www.50-50magazine.fr/2022/09/29/chahla-chafiq-la-colonne-vertebrale-de-lideologie-islamiste-cest-le-sexisme/
« Vive les femmes » : malgré les risques, un engagement sans faille des footballeurs iraniens
https://www.france24.com/fr/sports/20220928-vive-les-femmes-malgré-les-risques-un-engagement-sans-faille-des-footballeurs-iraniens
Manifestations en Iran : « La colère traverse les classes sociales, c’est inédit », estime l’historien Jonathan Piron
https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/manifestations-en-iran-la-colere-traverse-les-classes-sociales-c-est-inedit-estime-l-historien-jonathan-piron_5373382.html 
Vu du monde arabe. “Femme, vie et liberté” : la colère des Iraniennes ne tarit pas
https://www.courrierinternational.com/article/vu-du-monde-arabe-femme-vie-et-liberte-la-colere-des-iraniennes-ne-tarit-pas
Houshang Sepehr : 
Iran. Mécontentement généralisé des classes laborieuses et des démuni·e·s
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/08/15/iran-mecontentement-generalise-des-classes-laborieuses-et-des-demuni·e·s/
Appel à un rassemblement de solidarité avec les syndicalistes et enseignant·e·s d’Iran
Lettre ouverte aux délégués à la 110e session de la Conférence internationale du Travail Genève, 27 mai – 11 juin 2022
Courriers intersyndicaux envoyés aux autorités iraniennes et françaises
Iran : les travailleurs de la mine de Sungun doivent être libérés immédiatement !
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/06/07/solidarite-avec-les-syndicalistes-et-enseignant·e·s-diran-plusieurs-textes/
Plus de 9 000 fillettes de 10 à 14 ans mariées en Iran au printemps 2021
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2021/12/20/plus-de-9-000-fillettes-de-10-a-14-ans-mariees-en-iran-au-printemps-2021/
Les enfants-mères de plus en plus nombreuses, le mariage des enfants étant encouragé en Iran
https://women.ncr-iran.org/fr/2021/12/02/le-mariage-des-enfants-etant-encourage-en-iran/
Hausse des crimes d’honneur en Iran grâce aux lois misogynes
https://women.ncr-iran.org/fr/2021/11/29/hausse-des-crimes-dhonneur-iran/
Iran : intensification de la répression et du harcèlement des militants sociaux et des ouvriers 
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2021/11/21/iran-intensification-de-la-repression-et-du-harcelement-des-militants-sociaux-et-des-ouvriers/
Soutenons les nombreuses grèves qui ont lieu en Iran !
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/10/09/soutenons-les-nombreuses-greves-qui-ont-lieu-en-iran/ 
Iran. Les grèves dans le secteur pétrolier et leur place dans les protestations sociales. Le pouvoir de la mollahcratie s’effiloche-t-il ?
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/09/07/iran-les-greves-dans-le-secteur-petrolier-et-leur-place-dans-les-protestations-sociales-le-pouvoir-de-la-mollahcratie-seffiloche-t-il/
Iran : grève historique dans le secteur pétrolier, manifestations dans le Khouzistan et à Téhéran, droit des femmes bafouées
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/07/24/iran-greve-historique-dans-le-secteur-petrolier-manifestations-dans-le-khouzistan-et-a-teheran-droit-des-femmes-bafouees/
Les travailleurs et travailleuses iraniennes de l’industrie pétrochimique se mettent en grève
Solidarité avec les salariés du secteur pétrolier en Iran
Déclaration du Conseil d’organisation des mobilisations de protestation des travailleurs contractuels du pétrole
Déclaration n°6 du Conseil d’organisation des grèves des travailleurs du secteur pétrolier (13 juillet 2021)
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/07/01/les-travailleurs-et-travailleuses-iraniennes-de-lindustrie-petrochimique-se-mettent-en-greve/
Iran : campagne internationale pour la libération d’Esmaïl Abdi 
Les mineurs d’Asseminoun ont manifesté dans les rues de la ville de Manoojan
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/05/14/iran-campagne-internationale-pour-la-liberation-desmail-abdi/
Pour la libération sans condition des prisonniers politiques et d’opinion en Iran 
Iran : Solidarité avec les victimes de la répression
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/10/08/pour-la-liberation-sans-condition-des-prisonniers-politiques-et-dopinion-en-iran-et-appel-intersyndical/
Communiqué du Comité de soutien à Fariba, en grève de la faim et de la soif
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/12/27/iran-communique-du-comite-de-soutien-a-fariba-en-greve-de-la-faim-et-de-la-soif/
Femmes iraniennes en résistance
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/12/01/femmes-iraniennes-en-resistance/
L’Iran brûle et la gauche mondiale regarde ailleurs
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/11/29/liran-brule-et-la-gauche-mondiale-regarde-ailleurs/
Iran. Le régime fait face à une nouvelle crise
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/11/28/iran-le-regime-fait-face-a-une-nouvelle-crise/
Solidarité internationale avec le peuple iranien en lutte !
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/11/24/solidarite-internationale-avec-le-peuple-iranien-en-lutte/
Les travailleurs iraniens qui réclament des salaires impayés se sont vu infliger 14 à 18 ans de prison et des coups de fouet
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/09/21/les-travailleurs-iraniens-qui-reclament-des-salaires-impayes-se-sont-vu-infliger-14-a-18-ans-de-prison-et-des-coups-de-fouet/
Chahla Chafiq : 
Le rendez-vous iranien de Simone de Beauvoir
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/05/10/une-traversee-lucide-et-efficace-de-lhistoire-recente-de-liran/
Houshang Sepehr : 
Iran. Un tournant politique radical
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2018/03/04/iran-un-tournant-politique-radical/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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